En ces temps d'austérité budgétaire et de mouvements sociaux, notre Président ami du CAC 40 a décidé qu'il fallait se rémunérer davantage, puisque c'est bien connu, les Présidents français ont bien du mal à survivre.
Par hasard, une note de la directrice de cabinet de Sarkozy, Emmanuelle Mignon, a fuité. Que dit cette note? Tout simplement qu'il faudrait augmenter l'indemnité de Sarkozy de 140%, pour la faire modestement passer de 101 000 € à 240 000 €.
Mardi, l'Assemblée a avalisé ladite augmentation sans que cela n'ait sucité grand débat.
L'argument principal de Sarko, comme le rappelle LCI la chaine des amis de Sarkozy, est que Chirac gagnait davantage, parce qu'il cumulait différentes retraites avec son salaire. Oui, mais Sarko n'a que 52 ans et touche aussi une partie des bénéfices du cabinet d'avocats auquel il est encore associé.
Il s'agirait aussi d'aligner sur les autres chefs d'Etat, mais certains paient une partie de leurs frais, contrairement au Président français (accessoirement, quand on dit aux travailleurs qu'on va "aligner", c'est plutot du nivellement par le bas que par le haut en ce qui concerne les droits sociaux). Mais, l'augmentation de Sarko le fera passer dans les mieux rémunérés des chefs d'Etat, voire LE mieux rémunéré d'Europe (Zapatero est à 7 200 € par mois, Socrates au Portugal à 5 200 €, sans parler des chefs d'Etat des pays de l'Est).
Enfin, dernier grand argument: le 1er ministre gagne 18 000 € par mois, et le Président seulement 6 000 (avant mardi). Mais nous sommes dans un système où, en principe, le 1er ministre a davantage de responsabilités, puisque c'est lui, et non le Président qui dirige le gouvernement.
Pendant que l'absence de débat faisait rage dans l'opinion publique, Sarko estimait devant les médias, lors d'un déplacement en Corse, qu'il fallait plus de transparence et "que la Cour des comptes puisse contrôler l'Elysée et le Président". La transparence, il nous l'avait déjà promise quand il s'agissait de diminuer le nombre de conseillers à l'Elysée et dans les ministères, et de clarifier leurs revenus. Et pourtant, on constate que leur nombre, bien que toujours dissimulé, semble avoir doublé depuis Chirac et ses 56 conseillers. D'ailleurs, pour les rémunérer le budget de l'Elysée passera de 32 à 100 M €, ce qui est quand même un triplement.
Il avait aussi parlé de transparence à propos des salaires des PDG, qui le fascinent tant, et pourtant on parle de dépénaliser le droit des affaires.
Tant de paradoxes, mais notre Président n'est plus à une contradiction près. La droite décomplexée d'aujourd' hui se pavane aux mariages des enfants du CAC 40, au Fouquets avec une soixantaine de proches dont de nombreux PDG le soir de la victoire, puis sur un yacht à 173 000 € la semaine. Pas de "polémique", tout cela est normal, le président a bien le droit de prendre des vacances, il a bien le droit de gagner autant que le 1er ministre...
Le problème, en fait, ce serait plutot que tout cela est indécent. Que notre Président fan du show biz et du business tout court, qui se pique de faire partie du ghotta, s'augmente alors que le pays s'enfonce dans la crise et les déficits, et que les négociations sociales sont bloquées au nom de l'austérité, cela semble indécent. C'est, semble-t'il, le concept même de cette "droite décomplexée", pour laquelle l'argent n'est résolument plus un tabou.