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11 novembre 2007

Ambiance à Rennes2

C'était il y a quelques jours, je suis passée voir où en étaient les AG dont des amis toujours à la fac de Rennes m'ont parlé. Il parait que "c'est un peu le bordel", mais il y avait des AG depuis "quelques semaines" déjà. Nous étions mi octobre, et la fac a décidé le blocage peu après.

Le blocage venait de démarrer quand je suis revenue dans ce fameux "Hall B" de la fac de sciences sociales de Rennes 2, cette "fac de gauchistes" selon l'expression d'un recruteur parisien. Ce Hall B (photo) qui n'a pas du changer d'un pouce depuis les années soixante, centre névralgique de tous les mouvements ayant traversé cette fac depuis autant de temps.

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Rennes 2, effectivement, est une fac très réactive. Quand j'y étais c'était la réforme LMD (l'"harmonisation européenne", ou déjà les projets de libéralisation, il y a deux ans c'était le CPE, cette année c'est l'"autonomie" (donc toujours la libéralisation). Eh oui, presque tous les ans il y a matière à défendre l'enseignement supérieur, attaqué de part et d'autre depuis des années.


A chaque fois il a fallu établir un blocage, même très provisoire, pour mobiliser les étudiants et discuter en AG de la suite des évènements. Rennes 2 est une fac très facile à mobiliser d'une part parce que les étudiants ont une grande expérience de ce genre d'exercice, d'autre part parce que la mentalité de faculté est, effectivement, à gauche. Ce fait ( avoir une fac que l'on peut clairement classer "à gauche") devenant rarissime, se faire taxer de "fac de gauchistes" arrive vite. Rennes est une ville jeune et à gauche, si l'on en juge par exemple, par les 62 % de votes en faveur du PS au deuxième tour des présidentielles.
Le Figaro, reprenant l'appellation consacrée par les "services de police",  taxait déjà d'"anarcho autonomes" les étudiants anti CPE de facs telles que Rennes 2 dans un article intitulé "L'extrême gauche radicale tentée par la violence". Ouest France estime aujourd'hui, plus sobrement, qu'il s'agit simplement d' "autonomes", autrement dit d'éléments incontrôlables.

La version officielle en ce moment, c'est que les facs sont bloquées par des sortes de cellules de gauchistes liés à des partis d'extrême gauche et à des syndicats d'extrême gauche. Il serait intéressant d'avoir la définition de l' "extrême gauche", tant le terme semble désigner la pire ignominie. Si on considère que le PS est à gauche, l'extrême gauche risque d'être un peu timide...

Le mouvement contre la loi Pécresse sur l'"autonomie" des universités prend de l'ampleur, malgré des facs fermées de manière préventive et les évacuations nocturnes de facs (Nantes, Tolbiac), manu militari.
Comme par hasard, ce sont encore les facs de sciences humaines et sociales, et d'arts, qui ont lancé le mouvement de contestation du processus de libéralisation de l'enseignement supérieur qui, de fait, réduirait à néant ces mêmes facs, jugées non rentables à court terme par les investisseurs potentiels (c'est-à-dire les entreprises).

Comment fonctionne ce mouvement?


Une fois le blocage entamé, les étudiants votent en AG pour mettre sur pied différents "comités", comme le "comité logistique", le "comité de lien" ou autre. Les membres de ces comités sont élus, le plus souvent à main levée, et voient avec les différents groupes des différents comités comment vont avancer les choses. Il n'y a donc pas vraiment de plan d'attaque déterminé à l'avance. Au niveau national, il y a une coordination avec les représentants des différentes facs élus en AG, qui tentent de donner une cohérence à l'action des facs suivant le mouvement.

Cette coordination nationale s'est d'ailleurs réunie à Rennes 2 ce week end. Quand à elle, Valérie Pécresse "condamne vigoureusement" les blocages. Mais il faut préciser qu'à Rennes 2 en tous cas, le blocage n'est pas complet, puisque les Agreg', les CAPES et d'autres, comme ils ont des stages et des concours à préparer rapidement, peuvent aller à leurs cours normalement.

Il est clair que décrire précisément les mécanismes de décision à l'intérieur du mouvement peut s'avérer compliqué, essentiellement parce qu'il est poussé par des étudiants ayant des points de vue différents, et qu'il n'y a pas forcément consensus. On peut donc considérer que les revendications ont une caractère évolutif. C'est aussi ce qui fait la richesse de ces moments de grande mobilisation, quand les échanges contradictoires et les palabres durent jusqu'au petit matin, dans le coin d'un amphi reconverti en dortoir. Le mouvement avance et se structure quand même, vers des buts plus ou moins réalistes, mais après tout pourquoi pas. "On a bien voté pour la paix dans le monde et l'indépendance du Tibet, pendant le CPE", rappelle une étudiante en philo qui sortait de l'amphi. C'est vrai, ça ne mange pas de pain, l'indépendance du Tibet. Mais dans le mouvement, il y a aussi les plus radicaux, ou utopistes appelons-les comme ça, qui pensent pouvoir changer le système à partir d'une nouvelle "rentrée sociale agitée". Il faut donc parler, écouter, recadrer certains, remotiver d'autres, et vaille que vaille, on arrive à des revendications claires, et une organisation efficace puisque les facs arrivent à se coordonner entre elles.
De passage dans le Hall B un vendredi après midi de blocage, la fac semblait étrangement calme, juste les traditionnelles piles de tables et de chaises aux entrées des bâtiments, les escaliers du Hall B reconvertis en estrade pour les AG et encore des tables, des chaises, quelques matelas en vrac dans le hall.
Dans l'amphi de Martonne, une cinquantaine d'étudiants sont manifestement en train d'élire les représentants d'un des comités. Il y a discussions sur la marche à suivre les prochains jours, le mode de scrutin, la caisse de grève, sur l'affichage de ce qui a été dit en comité et en AG, et un bilan des derniers déboires avec les journalistes et avec la présidence de la fac, qui a fait évacuer une AG "pour raisons de sécurité".
Copie_de_100_4976Tout le monde semble fatigué, mais résolu à tenir la fac tout le week end, jusqu'à l'AG du lundi qui devrait décider du prolongement ou non du blocage et du mouvement.

Est-ce que les AG sont démocratiques? Il semble que les règles ne sont pas respectées, en premier lieu par les autorités de la fac et les étudiants anti blocage, qui recrutent des étudiants de la fac de sciences juste a côté pour venir voter contre le blocus aux AG de Rennes 2. "Ils s'envoient des sms, et ont même fait un site pour rameuter tout le monde les jours d'AG", me raconte un des étudiants postés devant l'amphi de Martonne, une grappe de raisin à la main. Le raisin, c'est payé par la caisse de grève pour les étudiants qui bloquent la fac et doivent rester sur les lieux. La caisse permet aussi de payer les tracts, les banderolles, ou encore le café...

Les étudiants aimeraient bien tenir la blocage jusqu'au 20 novembre (six syndicats de la fonction publique appellent à la grève pour ce jour-là), ou au pire jusqu'au 14, quand les syndicats de cheminots lanceront une grève qui devrait être très suivie.

Les médias ne sont pas les bienvenus, leurs papiers sont "biaisés". De fait, les étudiants se méfient de tout journaliste entrant dans la fac, tant les précédents articles étaient de parti pris contre les grèves étudiantes, non légitimes et mal organisées selon les médias. Les comités doivent discuter sans aucun journaliste dans les amphis, pour qu'ils ne viennent pas ensuite travestir les faits. Ce que les médias retiennent de ce mouvement, ce sont les désaccords. Désaccords entre syndicats, et entre bloqueurs et non bloqueurs. Alors qu'à Rennes 2, les non syndiqués forment la grande majorité des bloqueurs, les syndicats servant surtout à apporter une aide logistique, et une "expérience".

Dans le Hall B, ça parle de Bourdieu, de Deleuze, de la guerre en Iran qui ne va pas tarder. Discussions autour d'un café entre étudiants en philo, en histoire, en langues. Sur la société, le monde, les alternatives. On parle des manifs, comment lancer le blocage, comment mobiliser au moins quelques jours, comment parler aux médias sans risquer de voir les propos détournés. Et puis au bout d'un moment, "on élargit les revendications", me dit-on, parce que quand on a eu satisfaction sur quelque chose, on peut essayer de demander un peu plus. Et puis, pourquoi pas? Est-ce être réaliste de se contenter de ce que l'on nous donne ou pire, de ce que l'on nous prend?


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Commentaires
E
effectivement, ça fait du bien de lire un article qui, même s'il n'est probablement pas d'une neutralité absolue (on reste humain, merde!), va à contre courant des conneries que l'on entend chaque jour...Conneries, qui, celà dit en passant, nous sont présentées comme la seule, unique et inébranlable Vérité!jJe te promets de revenir souvent sur ton blog, il fait plaisir aux yeus et au cerveau! Et j'irais même jusqu'à dire que "y'a pas à dire, à Rennes ils cartonnent!"...enfin, cet article serait encore plus pertinent si on pouvait y lire des infos sur l'UNEF (et autres), avant qu'ils nous déboutent les manifestants hors des murs, sous couvert de votes à mains levées foireux!
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