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12 novembre 2007

La vertigineuse augmentation de la délinquance

On nous dit que la délinquance augmente, que l'insécurité règne dans les rues du pays, et donc qu'il faut réprimer davantage. Qu'en est-il réellement? Cette délinquance augmente t-elle ou bien est-ce que ce sont les chiffres qui augmentent? Et qu'appelle t-on "délinquance"? Et puis n'avait-elle pas baissé de 7% l'année dernière, grâce à Sarko?


            Les chiffres

"Selon l’Observatoire national de la délinquance (OND), près de 2 millions de personnes de 18 à 60 ans ont subi des2007_08_01T160859Z_01_NOOTR_RTRIDSP_2_OFRTP_FRANCE_SARKOZY_POLICE_20070801 violences physiques ou sexuelles au cours des années 2005-2006 !", reprennent en choeur certains médias depuis quelques jours. L'Observatoire National de la Délinquance a été créé par Sarko en 2003, quand le ministre de l'Intérieur était pris dans ses folies sécuritaires.
Son indépendance est plus que douteuse d'une part parce qu'il est financé par le ministère de l'Intérieur, justement, d'autre part parce qu'il est présidé par Alain Bauer, qui dirige également une société privée de conseil en sécurité (AB Associates, société qui se charge entre autres d' "analyse de la délinquance", d' "audit de sûreté urbaine", de "diagnostic local de sécurité", d' "assistance à la gestion de crise"). Alain Bauer a aussi été nommé par MAM à la "commission nationale de la vidéosurveillance". Le conflit d'intérêt ne semble pas gêner tous ces gens.

Depuis 1972 l'Etat se préoccupe de ces fameux chiffres, maintenant on a même un bulletin mensuel publié par le ministère de l'Intérieur, ainsi que les chiffres des faits constatés par les "services de police".  Le rapport de OND a été réalisé avec l'INSEE à partir d'un échantillon de 17 500 personnes, dont seulement les deux tiers ont bien voulu répondre. Il s'agit donc d'un simple sondage, manipulable à souhait comme tous les sondages.
On peut consulter une synthèse du rapport de l'OND, dont la couverture annonce déjà la couleur. On nous donne des chiffres en gros titres, comme les presque 5 millions de vols ou tentatives de vol, dont seulement 36% ont fait l'objet de plaintes, ou encore le 2 millions de personnes victimes de violences physiques ou sexuelles, ecrit en gros dès la première page, mais seulement 28 % ont porté plainte.

Finalement, le chiffre le plus choquant, c'est bien celui-là. Pourquoi les gens ne vont ils par porter plainte? Peut-être parce qu'ils savent que les "services de police" ne prendront pas la plainte si l'affaire risque d'être difficile à régler... Il faut faire du chiffre, n'est-ce pas? Quitte à harceler les immigrés clandestins ou les jeunes des cités, au moins là les affaires sont résolues.

En dehors de cela, les chiffres officiels de la délinquance (OND + INSEE) sont critiqués par diffférents chercheurs, comme Laurent Mucchielli ou Christian Mouhanna qui a remarqué que pour certains délits les enquêtes résolues sont plus nombreuses que les faits constatés, et n'hésite pas à parler de "tricheries aussi bien dans les chiffres des policiers que dans ceux des gendarmes".

Plantu3_181x220Car le gros problème vient de cette course aux chiffres. On peut même parler, à l'instar de Christian Mouhana, de course à la productivité. A cet égard, l'interview (désolée c'est en plusieurs parties) d'un ancien policier qui dénonce "la politique du chiffre et la manipulation de l'opinion concernant la délinquance" et la "culture du résultat", est édifiante.

Il nous explique que pour faire ce chiffre, les "forces de police" s'attaquent en priorité aux petits délits, qui ne demandent pas d'investissement ni trop de travail, et parle des "délits rentables, c'est-à-dire les touts petits délits", car le suspect est pris sur le fait et mis en garde à vue, l'affaire étant donc élucidée. Les consommateurs de cannabis, les immigrés, les prostituées rentrent dans ce cadre. Cet ancien policier "scandalisé"  accuse les policiers de "n'être là que pour chasser".

Il ajoute encore que si on "est victime d'une infraction très grave", on n'est pas sûrs du tout que les investigations seront efficaces, puisque les équipes destinées à cela ont été réduites. "Par contre" ajoute t-il, "on a plus de chances de se faire interpeller, pour une broutille. Ca c'est une certitude".

Partie 1
Partie 2

Partie 3
Partie 4
Partie 5

De la même manière, un bon nombre de plaintes passent dans les mains courantes, alors qu'en principe il n'y a que les faits qui ne peuvent être suivis d'un procès qui vont dans les mains courantes (sauf dans le cas d'un premier acte de violence conjuguale). C'est-à-dire que la police n'est pas tenue de mener une quelconque enquête. Le phénomène est connu puisque le Sénat lui-même explique dans un rapport que "Le classement sans suite commencerait dans les services de police et de gendarmerie. Le premier tri résulte de certaines formes de dissuasion du style : "on a plusieurs dizaines de cas comme le vôtre depuis ce matin" ; "Vous connaissez la justice, porter plainte ne vous servirait à rien".

Le Nouvel Obs , reprenant une enquête des Inspections générales de l'Administration (IGA), de la Police nationale (IGPN) et de l'Inspection de la Gendarmerie nationale (IGN), parle de 500 000 délits qui passeraient à la trappe de cette manière chaque année. Soit "un quart des vols et un tiers des violences physiques qui leur sont signalés". Ou encore un bon quart des violences conjuguales, puisqu'on a calculé avec les chiffres disponibles qu'il fallait, si l'on est victime de violence conjuguale, déposer en moyenne six mains courantes avant que la police ou la gendarmerie ne daigne rédiger une plainte (d'après la délégation aux droits des femmes du Sénat). Ca peut paraître étrange, puisque le mari violent n'est pas difficile à mettre en garde à vue... Mais il y a toute la procédure avant la condamantion, qui fait que l'élucidation est retardée, et que ce ne'st pas "rentable" de traiter une telle affaire. De plus, les tribunaux sont d'une incroyable clémence avec ce type de délinquants, ce qui ne va pas dans le sens de la politique du chiffre de Sarkoléon.

Enfin, selon Sarko la délinquance baisse, mais selon l'INSEE elle augmente. Simplement parce que Sarko mélange l'ensemble des crimes et délits: les vols de portable et de voiture ont beaucoup baissé, ce qui fait baisser "la délinquance" en général d'environ 7%. Mais si l'on regarde les agressions physiques ( + 6,6 % cette année), viols et autres, ça augmente, surtout si l'on prend en compte les "fausses mains courantes". Donc la plupart des crimes et délits sont en augmentation, même si la forte baisse des vols de portable et de voiture (dus à la technologie de ces objets plus qu'à l'efficacité des services de police) engendre une baisse globale.

            De quelle délinquance parle t-on?

Laurent Mucchielli est un sociologue qui s'est beaucoup penché sur le phénomène de la délinquance. Dans l'un de ses articles intitulé "Misère du débat sur l'insécurité ", il revient sur la fabrication du concept d'insécurité par nos dirigeants:

" Tous ces acteurs qui ont entonné en cœur le refrain de l’insécurité se sont justifiés en prenant à témoin le " sentiment d’insécurité" croissant des Français. Or, s’il correspond bien à des peurs personnelles directes pour une petite partie d’entre eux, ce sentiment renvoie chez la plupart à tout autre chose qu’au risque d’être victime, soi ou ses proches, d’un acte de délinquance. Il renvoie à une préoccupation collective, qui s’articule chez certains à des rigidités mentales (xénophobie, punitivité), mais qui se nourrit aussi d’inquiétudes plus générales et plus partagées sur l’évolution du monde moderne. En faisant de la délinquance des jeunes le catalyseur de toutes ces peurs, et en la présentant elle-même comme un phénomène incompréhensible et un danger se répandant comme une tâche d’huile (une « déferlante » pour rappeler un mot du Président de la République), l’on a surtout fabriqué un bouc-émissaire et un exutoire."

Muchielli note par ailleurs que ce que l'on appelle délinquance dans le discours ambiant, est finalement un concept90014fbf2037589e384d7ae3a459b48d restreint puisqu'on ne parle pas des fraudes fiscales et autres délits financiers lorsqu'on évoque "la délinquance". Toute l'attention est focalisée sur des faits que l'on peut généralement reprocher à une catégorie très particulière de la population, ce qui rappelle un peu la chasse aux sorcières, à l' "ennemi intérieur", et finalement la mise en place d'un bouc émissaire sur lequel la vindicte populaire pourrait se porter au lieu d'amener les gens à se poser des questions sur le système économique actuel par exemple. Ainsi, la cause de l'insécurité, ce sont "les jeunes des quartiers populaires" comme dit Mucchielli, ou "la racaille", selon les termes de Notre Très Cher Président.

Plus loin, Mucchielli explique qu' "Il importe de bien comprendre que cette mobilisation croissante des pouvoirs publics dans la lutte contre la petite délinquance et les « violences urbaines » (catégorie fourre-tout qui est d’origine policière mais qui s’est imposée dans le débat public) est une des causes directes de l’augmentation des faits constatés par la police. Ce n’est pas un hasard si les statistiques policières indiquent une très nette augmentation à partir de 1993-94. Les délinquants n’ont pas subitement changé d’attitude pour d’obscures raisons astrales ! Par contre, ce changement correspond à l’arrivée d’un nouveau gouvernement et d’un nouveau ministre de l’Intérieur (Charles Pasqua) qui ont annoncé le durcissement de cette lutte. On comprend ici comment l’augmentation du chiffre traduit l’intensification de l’activité de la police et non nécessairement celle de la délinquance.

Et la machine est bien rôdée, car plus les chiffres augmentent, plus les gens ont peur de l'insécurité, et donc plus on met de policiers partout. Donc les chiffres augmentent, et ainsi de suite. Reste, effectivement, à savoir de quelle criminalité on parle.

Tout cela n'est que du replatrage, puisque la délinquance se développe surtout dans un terreau social et économique favorable, c'est-à-dire la misère. Si l'Etat ne se préoccupe que d'agir sur les symptomes, et pas sur les causes, il y a fort à parier que la société française deviendra une société policière avec une délinquance endémique. Sarko a commencé par enlever dès 2002 la police de proximité, qui selon lui est là pour "interpeller" pas "pour jouer au basket" avec les jeunes. Il a ensuite coupé les crédits à de nombreuses associations de terrain lors de son passage à l'Economie, seules les assos admises par le Pouvoir ayant pu conserver leurs subventions. La Fondation Copernic, qui regroupe des chercheurs en sciences sociales, insiste aussi sur le fait que la politique menée depuis quelques années a préparé le terrain pour une augmentation de la petite délinquance.

Je reprends encore une fois un passage de Mucchielli:

"Derrière l’évolution de la délinquance juvénile se cachent des évolutions économiques, sociales, morales et politiques profondes. On ne changera donc pas fondamentalement la donne par des réformes touchant simplement au fonctionnement de la police et de la justice. Si l'on veut vraiment préparer à nos enfants une société moins violente, il faut agir sur les causes profondes de la délinquance qui sont le processus de « ghéttoïsation » dans tous ses aspects (aussi bien matériel que symbolique, touchant au niveau de vie, à la composition démographique, au fonctionnement des institutions, etc.), le vide politique des quartiers populaires (il faudrait de véritables États généraux dans ces quartiers afin que les habitants expriment toutes leurs revendications et que des réponses collectives se reconstruisent en amont du travail des institutions), l’absence d’encadrement de la jeunesse et de valorisation de ses ressources culturelles, les inégalités et les exclusions scolaires, la dévalorisation symbolique et monétaire du travail manuel, le chômage des jeunes peu ou pas diplômés, la disparition des grandes espérances collectives et la perte de confiance dans ceux qui nous gouvernent…"

            Quels remèdes?

Pour Sarko, le problème de la délinquance vient certes des délinquants, mais aussi du manque de bonne volonté des magistrats: comme il l'a dit en 2006, il se doit de dénoncer "lorsqu'il y a des défaillances et lorsqu'il y a des choix idéologiques (sic.) qui entraînent des conséquences sur une politique de sécurité".

Pour remédier à cela, Sarko a donc été très actif du point de vue législatif lorsqu'il était à l'Intérieur, via les lois Perben I et II, les lois Sarkozy I (augmentant la répression contre les immigrés) et II (loi sur la sécurité intérieure), la loi sur la sécurité quotidienne etc. et d'innombrables directives parfois à la limite de la violation des droits de l'homme.

anti_sarkozy2_445x353Le top a été atteint avec la loi sur la prévention de la délinquance qui, loin de rétablir la police de proximité et les crédits aux associations, revenait sur l'ordonnance de protection des mineurs de 1945 et instaurait un processus de répression et de repérage des futurs délinquants, comme si l'on naissait délinquant.

Je connais des infirmières qui ont bossé chez les prématurés et ont du faire des relevés sur l'attitude plus ou moins agitée des gamins, afin d'établir des statistiques sur les futurs délinquants. Parait-il que ceux qui remuaient le plus étaient censés, selon les instructions, avoir un terrain favorable à la délinquance, de la même manière que, pour Sarko, on est déterminé génétiquement à être suicidaire.

A quand le gène de l'homosexualité ?

On nous prépare donc, étape par étape, une société ultra sécuritaire, puisque différentes professions (éducateurs, maires, magistrats, psychiatres...) sont désormais censées collaborer pour repérer les délinquants le plus tôt possible. Depuis quelque temps, le fichage ADN se généralise (presque tous les crimes et délits sont sucseptibles d'entrainer un fichage génétique, même si' lon n'est que suspect), la vidéosurveillance passe pour la panacée, la loi sur la récidive met en prison les récidivistes pour tous les délits et infractions, même minimes (vol de bonbons par exemple). Mais la délinquance continue d'augmenter, même - surtout? - après 5 ans de tout répressif.

Que ferait un bon Président dans ce cas là? Il remettrait probablement en cause ses grands principes du tout répressif et chercherait à mener une action féconde, agissant sur les causes même du problème... Mais que fait Sarko?

Il met la pression sur les policiers et les magistrats pour que chacun fasse son "chiffre". Tant de suspects déférés = tant de coupables en prison, le calcul est simple. Sinon, c'est du "laxisme" ou de l' "idéologie"...



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