Lancé lors du forum économique mondial de Davos  (le sommet où ça cause économie entre puissants) de 1999 par Kofi Annan, le Global Compact ou Pacte Mondial est censé donner un peu d'éthique aux multinationales qui sont depuis quelque temps devenues des "acteurs sociaux" comme les autres pour l'ONU notamment... Sur le site de l'ONU, une page est consacrée au "Pacte Mondial". De quoi s'agit-il? Tout simplement d'un ensemble de normes -minimales cela va de soi- mises au point par les multinationales pour calmer les ardeurs humanitaires et sociales de la main d'oeuvre mondiale.

Alors, il y a les "grands principes". Fort peu contraignants, ceux-ci relèvent des droits de l'homme, deBirmanie_Enfants_Travail_1 l'environnement, du droit du travail... Par exemple, en ce qui concerne les droits de l'homme, le principe numéro un est le suivant: " Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de l'Homme dans leur sphère d'influence". On notera que les entreprises ne sont qu' "invitées" et certainement pas obligées à respecter les droits de l'homme, il n'y a aucune sanction particulière de prévue dans le cas contraire. Il s'agit donc, comme d'habitude en ce qui concerne les droits de l'homme, d'un voeu pieux . Le deuxième (et dernier) principe est de " veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l'Homme", ce qui est la moindre des choses. Mais toujours pas de sanctions prévues.

Est-il besoin de préciser que ces "grands principes" sont déjà contenus dans différents textes, comme la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de l'ONU qui date de 1948, par exemple? Certes, ces droits sont toujours relégués au rang de "principes" et s'adressent d'abord aux Etats, mais le Global Compact est une imposture, ou plutôt un simple "coup de pub". Mais voyons de quoi il s'agit.

Toujours dans la plus parfaite langue de bois, voici tels quels les autres "grands principes":

Les entreprises sont tellement contentes que même le très néo libéral "institut de l'entreprise", ce lobbie créé par une trentaine de grosses entreprises françaises destiné à refiler des rapports et autres "études" pour influer sur la politique gouvernementale, applaudit des deux mains et a crée son "forum" sur ledit Pacte Mondial. L'institut de l'entreprise est actuellement présidé par le chef de BNP Paribas, Michel Pébereau, qui est également membre du Siècle et du Haut Conseil de l'Education, qui est chargé de faire des "propositions à la demande du ministre chargé de l'éducation nationale sur les questions relatives à la pédagogie, aux programmes, aux modes d'évaluation des connaissances des élèves, à l'organisation et aux résultats du système éducatif et à la formation des enseignants". Je fais cette parenthèse pour souligner l'implication du monde de l'entreprise en ce qui concerne l'éducation, ce qui n'est évidemment pas anodin.

Droit du travail

3. Les entreprises sont invitées à respecter la liberté d'association et à reconnaître le droit de négociation collective ;

4. L'élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire ;

5. L'abolition effective du travail des enfants ; et

6. L'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.

Environnement

7. Les entreprises sont invitées à appliquer l'approche de précaution face aux problèmes touchant l'environnement ;

8. A entreprendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d'environnement ; et

9. A favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement.

Lutte contre la corruption

10. Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds et les pots-de-vin.

gc_logo_new_samLe "pacte mondial", bien que promu en grande pompe par l'ONU, a été préparé au sommet de Davos en 1999, où "les représentants des 1000 plus grosses entreprises du monde" étaient réunis, et il a été mis au point en juillet 2000 par une cinquantaine de représentants d'entreprise et des membres de diverses associations.

Le but, du propre aveu des technocrates dans la tête desquels a germé l'idée, est de "contribuer au développement durable" (car il faut bien un prétexte, une bonne cause pour faire la pub des multinationales, n'est-ce pas), mais aussi et surtout "promouvoir une mondialisation profitable à tous, sur la base de l'économie de marché". Voilà qui ne laisse aucun doute sur les intentions, et qui explique pourquoi les "grands principes" sont si mesquins. Accessoirement, pour ces dogmatiques du libéralisme, la mondialisation est -forcément- profitable à tous.

Le "secteur privé" va donc s'occuper de développement. Ils appellent ça "positiver la mondialisation".

Plus de 2.500 entreprises ont déjà rejoint le système du pacte mondial et peuvent donc apposer le label "ONU" sur leurs publicités, parmi lesquelles Nestlé, Nike, la Chambre de Commerce et d'Industrie des Philippines, L'Oréal, Nokia, Lafarge, Lagardère, EDF, Rhodia, Bayer (qui fait des médicaments, des engrais et pesticides, et autres produits chimiques) Aventis, Novatis, British petroleum, Shell, DuPont, Monsanto (sans rire), Microsoft, Suez, Total (qui fait travailler des esclaves en Birmaie et y a toujours soutenu la junte militaire, et dont le patron a été inculpé pour corruption au Niger, au Cameroun et en Iran), BASF (chimie). Est-il utile de préciser que toutes ces entreprises (loin de là) ne respectent pas les droits de l'homme, le droit du travail et / ou l'environnement?

Il faut quand même préciser, à l'instar d'Amnesty International, que les entreprises ayant ratifié -toujours en grande pompe, avec trompettes et discours- le Global Compact ne l'appliquent pas forcément, et quand bien même, ce n'est pas grave puisqu'il n'y a pas de sanctions. Ni de contrôles, d'ailleurs. Amnesty écrit en outre que "de nombreuses entreprises, membres du GC [global compact ndlr]de l’ONU, ont participé ces dernières années à des violations des droits humains. Elles ne peuvent cependant par être poursuivies car le texte de l’ONU ne prévoit ni sanctions ni peines pour ces cas". Comme ça les choses sont claires.

L'ONG la Déclaration de Berne, qui pose de fermes critiques envers le système de Davos, enfonce le clou et parle de "blanchiment d'image" et estime qu'il serait temps d'imposer des règles éthiques contraignantes aux multinationales. En effet, puisqu'il n'y a pas ni contrôle ni sanctions, ça ne mange pas de pain de signer ledit Pacte mondial. Et en plus, ça ralentit le processus qui risquerait d'amener à de vraies contraintes pour les multis qui bien sûr n'ont pas d'argent à perdre pour des préoccupations éthiques.

Toutefois, la mise en place d'un tel "Pacte" répond à une demande des multinationales, qui commencent à se heurter àpetrole des critiques sur leur manière de faire de l'argent. Le travail des enfants n'a pas la côte, de nos jours. Il faut donc s'absoudre aux yeux du public (des consommateurs), et l'ONU est la tribune idéale pour cela. L'ONU lave plus blanc que blanc, et il suffit d'adhérer en forme au Pacte mondial pour avoir le label "entreprise respectueuse des droits humains et de l'environnement". Le CETIM (centre Europe - Tiers Monde) rappelle quant à lui que l'ONU avait supprimé en 1993 certains de ses organes censés mener des enquêtes, un contrôle social, sur les comportements des entreprises transnationales.

Afin d'illustrer l'imposture du Global Compact et le rôle que joue l'ONU dans la légitimation et la propagation d'un libéralisme sans aucune règle éthique, le CETIM cite l'exemple suivant:

"En octobre 2002, l’UNESCO et la société Suez (qui a fusionné avec la Lyonnaise des Eaux) ont signé un accord de coopération afin d’améliorer l’accès à l’eau potable pour tout le monde. La mission du géant transnational revient plutôt à privatiser la distribution de l’eau en obtenant des concessions d’exploitation des ressources hydriques dans le monde entier. Selon certaines sources, cette transnationale aurait utilisé la corruption de fonctionnaires publics pour arriver à ces fins, mais cela reste difficile à prouver. Contre quelques centaines de milliers d’euros, elle a acquis le droit d’intervenir dans le programme hydrologique international de l’UNESCO. Ce programme comporte des études scientifiques et éducatives pour améliorer la gestion des ressources hydriques dans tous les pays du monde."

Dans le même ordre d'idées, on a Mac Donald's, qui s'associe avec l'UNICEF pour faire la "Journée Mondiale des Enfants". Même le comité français de l'UNICEF n'a pas voulu se joindre aux festivités tant l'alliance est contre nature.

Les multis ont donc parfaitement compris comment utiliser la vague éthique dans leur intérêt. A quand des formations ou de l'offre éducative gratuite pour bien former la main d'oeuvre?