Quand l'OCDE se prend pour Machiavel: techniques de gouvernement
Aujourd’hui, on va
aborder un manuel digne de Machiavel : comment maintenir son pouvoir une
fois élu tout en ne faisant rien ! Ou plutôt si : en appliquant des
mesures d’austérité qui touchent le niveau de vie de la population dans des
pays déjà endettés. Pas mal, comme truc. En plus, c’est une autorité qui l’a
rédigé : l’OCDE. Simplement pathétique…
C’est le Cahier
économique n°13 du Centre de Développement de l’OCDE1],
daté de 1996. Le contexte, c’est l’imposition de plans dits « d’ajustement
structurel » par le FMI dans les pays endettés qu’il endette encore plus
avec ses prêts liés aux Plans d’Ajustement Structurels (PAS) qui consistaient
essentiellement à faire des économies en privatisant les services publics et en
libéralisant le commerce et les flux financiers entrants et sortants.
Il s’agit donc d’expliquer aux gouvernements comment faire
accepter ces politiques par les peuples.
Dans le texte : « Le premier intérêt de ces études est de nous montrer comment, en
choisissant une stratégie avisée, un gouvernement peut éviter le cycle
politico-économique évoqué et appliquer avec succès, jusqu’à son terme, un
programme de stabilisation ».
Avant de commencer, j’aimerais préciser que lesdites mesures d‘ajustement
structurel sont exactement ce que sarkoléon nous fait vivre actuellement, sous
d’autres noms. Mais en réalité il s’agit seulement de privatiser et de
libéraliser au maximum au nom de la « réduction du déficit » qu’il
creuse pourtant avec acharnement, comme le réclament les institutions
internationales telles que la Banque mondiale, la Commission européenne, l’OCDE
ou le FMI. Donc toutes les consignes contenues dans ce truc de l’OCDE valent
aussi pour nos gouvernements dits « démocratiques ». Enfin, bref.
Reprenons le « rapport ».
Où l’on explique que les gouvernements font deux types de
dépenses :
- « celles qui bénéficient directement à
certains groupes et accroissent » le soutien au gouvernement en place
- ou
bien « celles qui contribuent au
bien-être de tous à long terme, comme les investissements en infrastructures »
Or, quand il faut appliquer un PAS, le FMI rogne sur la
première catégorie de dépenses (mais en réalité, pas seulement hélas), « ce qui amoindrit le soutien au gouvernement »
qui a alors le choix entre la répression (qui a « de nombreux coûts » précise le rapport), ou la manipulation,
finalement.
« Supposons
qu’en raison du grave déficit de la balance des paiements, un gouvernement
prenne des mesures impopulaires de stabilisation; ces mesures provoquent des grèves et des manifestations ce qui le
contraint à réprimer. Mais habituellement cette répression n’est pas
durable dans des démocraties ou des autocraties (à la différence des
dictatures) ».
Un exemple de ces vilaines émeutes de la population
ignorante des bienfaits des PAS ? « En Zambie, un doublement du prix de la farine et du maïs en décembre
1984, dû à la suppression des subventions, a provoqué une vague d’émeutes et la
répression a entraîné 15 morts ; en raison de ces réactions, le gouvernement a
ensuite annulé la mesure ». Ce qu’il ne faut, évidemment, surtout pas
faire, on l’aura compris.
Et on analyse les grèves : les travailleurs des
petites boîtes ne peuvent pas en faire sans risquer leur emploi, contrairement
aux fonctionnaires qui n’hésitent pas à se mobiliser dès qu’on touche à leur
salaire. Ce qui n’est pas bien non plus.
« Au
Burkina-Faso, une réduction de 15 pour cent des salaires en 1982 a entraîné une
grève des fonctionnaires ; quand, en 1984, le gouvernement a imposé une retenue
de 25 pour cent sur leurs salaires, les enseignants ont réagi de nouveau par
une grève. Pourtant, d’autres mesures, comme la coupure des investissements
publics ou des dépenses de fonctionnement (salaires exclus), n’entraînent aucun
trouble ». Ah oui, c’est vrai ça.
Du coup, autant prendre les mesures qui entraînent le
moins de contestation pour en arriver exactement au même résultat.
On nous explique aussi avec ce calme bureaucratique que
les gouvernements à tendance autocratique, se sentant par ces manifestations,
les répriment férocement quitte à tirer sur le foule. Mais attention, nous
dit-on : « nous ne devons pas
confondre autorité et autocratie »
Dans le
chapitre intitulé « Une bonne gestion des hausses de prix », on nous
parle du Maroc, qui a augmenté de 10 à 20% les prix de produits de base comme
le sucre, la farine, l’huile, en deux vagues successives au début des années
80, et cela avec succès : 0 émeutes. « Deux éléments expliquent ce succès politique : la prudence et une bonne stratégie de communication (…) Le
gouvernement a su influencer opportunément l’opinion publique ».
On nous explique que le gouvernement marocain
a mené la réforme en plusieurs étapes, à un moment où la conjoncture n’était
pas trop mauvaise. Mais surtout, il a mené une propagande habile : « le roi a proclamé que l’on devait protéger
les pauvres contre les effets de l’ajustement et qu’une enquête allait être
menée sur leur situation pour guider l’action gouvernementale en leur faveur.
Des articles dans la presse progouvernementale ont expliqué que l’ajustement
devait se faire lentement et que l’on ne devait pas supprimer soudainement les
subventions aux produits alimentaires, comme cela avait été le cas en Tunisie,
où cette politique avait suscité des troubles graves. A l’automne 1985, lorsque
l’on augmenta les prix des produits de base, le roi prononça un discours sur le
thème « oui à l’austérité, non à la paupérisation ». Ainsi, pendant chaque
période délicate, les autorités sont intervenues, avec habileté, pour rassurer
l’opinion et manifester leur souci des pauvres ». Même si, évidemment,
ce n’était pas le cas du tout.
Le
rapport énumère ensuite les mesures à appliquer qui n’entraînent pas
automatiquement de manifestation populaire et « ne font prendre aucun risque à un gouvernement »:
- une
politique monétaire restrictive,
- des
coupures brutales de l’investissement public (même si, précise le rapport,
« la chute des investissements
publics ralentit la croissance pour les années à venir et met sur-le-champ des
milliers d’ouvriers du bâtiment au chômage, sans allocation ») ou
- une
réduction des dépenses de fonctionnement
Et
puis, on tombe dans le plus pur machiavélisme, au sens propre du terme :
l’absence totale de morale et d’humanité dans le gouvernement du pays. Ainsi,
on nous dit clairement que le gouvernement doit favoriser une certaine partie
de la population pour avoir un minimum de soutien, quitte à taper davantage sur
les autres : « Un gouvernement
peut difficilement stabiliser contre la volonté de l’opinion publique dans son
ensemble. Il doit se ménager le soutien
d’une partie de l’opinion, au besoin en pénalisant davantage certains groupes ».
De fait, « un programme qui toucherait de façon égale tous les groupes
(c’est-à-dire qui serait neutre du point de vue social) serait plus difficile à
appliquer qu’un programme discriminatoire ».
Et nous, on sait bien qui prend dans la figure avec les politiques ultralibérales :
le populo. On nous ressort l’exemple du Maroc, où on a privilégié les
agriculteurs, soutien traditionnel du régime. « De plus, le gouvernement a mené
des actions déterminées en faveur des pauvres afin d’isoler le groupe le plus
touché, les salariés du secteur moderne ».
Au cas
où on n’aurait pas bien compris le principe, il est détaillé dans le
chapitre : « Les réactions aux mesures d’ajustement structurel ».
« La plupart de ces réformes frappent certains
groupes tout en bénéficiant à d’autres, de telle sorte qu’un gouvernement peut toujours s’appuyer sur la coalition des groupes
gagnants contre les perdants ». On prend alors l’exemple de la
libéralisation des échanges, qui permet à un gouvernement d’écraser un groupe
en s’appuyant sur un autre.
Ce type
de mesure entraîne une résistance hétéroclite des hauts fonctionnaires, de la
gauche, des syndicats, des industries « protégées ». Mais, le
gouvernement est aussi soutenu par « ceux qui bénéficient de la
libéralisation » : « les
industriels exportateurs, les agriculteurs, les artisans qui peuvent
s’approvisionner plus facilement et moins cher et enfin les consommateurs ».
Un
esprit mal tourné dira que les salariés et les consommateurs, c’est les mêmes.
Mais dans la logique libérale, le consommateur est privilégié car la
libéralisation telle qu’on nous la présente est censée favoriser son pouvoir
d’achat. Sauf que comme du fait des mesures libérales, il est précaire et mal
payé, il ne peut consommer qu’en s’endettant. Mais, bref.
Comment éviter les risques
politiques ?
C’est
le titre de la seconde partie du rapport, la plus intéressante puisqu’elle
détaille ce que font actuellement nos gouvrenements.
« Ainsi, pour tout gouvernement, l’ajustement
n’est pas seulement (comme pour une organisation internationale) une opération
économique et financière délicate sur le plan technique, c’est aussi un combat
politique à livrer en position de faiblesse, où tous les coups sont permis
(l’opposition peut critiquer avec acharnement les mesures dont elle est en
réalité la responsable par la politique laxiste qu’elle a menée auparavant),
parce que le premier objectif pour certains partis politiques n’est pas le
rétablissement de l’économie, mais la conquête du pouvoir, au moment même où
celui-ci est fragilisé ». Il convient donc de se débrouiller pour
paralyser l’opposition et garder le pouvoir tout en appliquant des mesures anti
sociales.
D’abord,
il faut « briser les corporatismes ». En effet, « Plus il existe des groupes d’intérêt
puissants et bien organisés, plus la marge de manoeuvre du gouvernement est
réduite (…) Ainsi, toute politique qui affaiblirait ces
corporatismes serait souhaitable
: d’un point de vue économique, cela éliminerait des entraves à la croissance
et, politiquement, le gouvernement
gagnerait une liberté d’action qui peut lui être précieuse en période
d’ajustement ». Mais
c’est quoi, « les corporatismes » ? Simplement les syndicats ou
les fonctionnaires, ces vilains qui s’accrochent à leurs droits sociaux.
Et je
vous le donne en mille : que prône-t-on pour « briser les
corporatismes » ? « Cette
politique peut prendre diverses formes : garantie
d’un service minimum, formation d’un
personnel qualifié complémentaire (c’est-à-dire qui n’a pas le statut
de fonctionnaire, comme quand on fait rentrer des contrats privés dans La Poste
ou l’enseignement), privatisation ou division en plusieurs entreprises concurrentes,
lorsque cela est possible ».
C’est
sûr qu’avec un tel traitement, la fonction publique est laminée. Etrange comme
sarko a bien appliqué tout ça.
D’ailleurs,
on nous dit qu’il faut faire tout ça « avant la crise », parce que si
c’est fait en plein bordel les oppositions sont plus motivées.
Par
exemple, un gouvernement qui arrive et juge qu’il faut mener ces politiques
d’ajustement structurel doit agir de la manière suivante :
« Il a donc intérêt à appliquer sur le champ un programme de stabilisation,
tout en reportant la responsabilité des
difficultés sur ses adversaires. Cela
suppose une bonne stratégie de communication, cette stratégie étant une
arme importante dans le combat politique. Il
faut dès l’arrivée au pouvoir insister, voire en exagérant, sur la gravité des
déséquilibres, souligner les responsabilités des prédécesseurs et le rôle des
facteurs exogènes défavorables, au lieu de tenir un discours optimiste et
de reporter l’heure de vérité. En revanche, dès que le programme de stabilisation a été appliqué, le gouvernement
peut tenir un discours plus optimiste pour rétablir la confiance (un
facteur positif pour la reprise), tout
en s’imputant le mérite des premiers bénéfices de l’ajustement ».
Et
puis, il vaut mieux que le gouvernement crée rapidement une « coalition
d’intérêts » pour faire taire l’opposition.
« Il
faut éviter que ce mouvement s’étende à toute la population urbaine, en se
ménageant par des actions discriminatoires le soutien de divers groupes, afin
de constituer une coalition opposée.
Il est souhaitable, par exemple, de limiter les réductions de salaire aux
fonctionnaires civils et d’accorder une aide bien adaptée à des familles
pauvres ».
On
pointe même un risque de mobilisation sérieux puisqu’il débouche toujours sur
une répression importante : les étudiants : « Surtout, les enseignants du secondaire et du
supérieur, en faisant grève, libèrent une masse incontrôlable de lycéens et
d’étudiants pour les manifestations, un phénomène très dangereux, car dans ce
cas la répression peut conduire facilement au drame » (mais, surtout,
les « drames » renforcent l’opposition et délégitiment le
gouvernement, ce qui n’aide pas pour les plans d’ajustement…).
On
recommande aussi d’élever le prix des produits de base (nourriture,
électricité, médicaments, eau, essence) de manière très progressive afin
d’éviter que les pauvres n’aillent dans la rue. Et le rapport nous détaille
quelques « techniques » utilisées par-ci par-là :
« Ce
qui importe politiquement, c’est uniquement la hausse des prix, quelle qu’en
soit l’origine : subvention
supprimée, dévaluation, hausse des impôts indirects ou réduction du déficit
d’entreprises parapubliques (pour les transports, l’eau ou l’électricité).
Il faut, comme au Maroc en
1983-84, relever d’abord les prix des
produits intermédiaires, et non pas ceux des produits de base consommés par
les ménages pauvres. Si les prix des produits de base sont augmentés, il faut procéder par hausses modérées
(moins de 20 pour cent) et étalées dans le temps. Il est souhaitable de
reporter les dernières hausses à la période où les gains de l’ajustement commenceront à apparaître et où ils pourront
compenser ces hausses. Il est possible aussi d’atténuer l’impact d’une hausse
de prix par des distributions de denrées
alimentaires pour rémunérer la main-d’oeuvre embauchée sur les chantiers des
travaux publics. Enfin, il ne faut
jamais augmenter les prix à des moments difficiles pour les ménages, comme les
fins de mois ou les fêtes religieuses ».
On nage
en plein n’importe quoi, mais voilà l’orientation : se foutre complètement
de l’intérêt de la population, ainsi que des résistances, et maintenir la
libéralisation totale coûte que coûte, quitte à ruser, manipuler, biaiser. Seul
le résultat compte, l’éthique n’existe plus.
Le
rapport évoque ensuite quelques mesures à éviter si possible, comme baisser les
bourses des étudiants, car il y a des risques d’émeutes. Par contre, on ne peut
pas éviter « la réduction des
salaires et de l’emploi dans l’administration et les entreprises publiques »,
ce qui n’est pas sans « risques politiques » parce qu’il y a beaucoup
de syndiqués dans ces secteurs et l’économie peut vite se retrouver paralysée.
Fort
heureusement, « Le gouvernement a toutefois les moyens de faire appel au pragmatisme
des fonctionnaires. Il peut, par exemple, expliquer que, le FMI imposant une
baisse de 20 pour cent de la masse salariale, le seul choix possible est de
licencier ou de réduire les salaires et qu’il préfère la seconde solution dans
l’intérêt de tous. Les expériences de plusieurs gouvernements africains
montrent que ce discours peut être entendu ». On est ravis d’apprendre
que cette politique et cette propagande ont d’abord été testées dans des
dictatures africaines avant d’être utilisées ici. Sarko ou Bongo, même
combat ?
On dirait : « Les salaires nominaux peuvent être bloqués (ce qui allège rapidement la masse salariale en termes réels si le taux d’inflation atteint 7 ou 8 pour cent) [idem quand on les augmente moins que l’inflation, comme c’est le cas chez nous depuis sarkoléon]; on peut ne pas remplacer une partie des salariés qui partent en retraite [1 sur 2 chez nous, youpi]; ou bien l'on peut supprimer des primes dans certaines administrations, en suivant une politique discriminatoire pour éviter un front commun de tous les fonctionnaires. Évidemment, il est déconseillé de supprimer les primes versées aux forces de l’ordre dans une conjoncture politique difficile où l’on peut en avoir besoin ». Beau pragmatisme.
Comment endormir le populo tout en
l’enc… sans vaseline
Nos
crânes d’œuf de l’OCDE poursuivent en détaillant le cas des baisses de dépenses
de fonctionnement, c’est-à-dire les subventions aux institutions. Ici, on prend
l’exemple des subventions aux écoles et c’est simplement pathétique :
« Pour réduire le déficit budgétaire, une
réduction très importante des investissements publics ou une diminution des
dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de
fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de
service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par
exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il
serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un
refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la
qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement
obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se
fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de
telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population ». Attention, les auteurs,
parfaitement conscients du caractère ignoble et machiavéliques de ces
considérations, précisent que « L’intérêt politique de ces mesures ne
signifie pas qu’elles sont les plus rationnelles ou les plus justes »,
surtout que ça fait chuter la fameuse « croissance » qu’ils attendent
tous comme le Messie.
On
continue, avec les politiques de restriction monétaire : contenir la consommation,
dévaluer etc. « L’autre mesure de
stabilisation qui peut être recommandée est une politique monétaire
restrictive. Comme celle-ci frappe de manière uniforme tous les revenus et
qu’elle a des effets négatifs à la fois différés et indirects (les salariés
licenciés par une entreprise en faillite ne manifestent pas contre la Banque
centrale), elle comporte peu de risque politique ». On dirait bien,
hélas.
Ce
n’est pas tout : « Le
gouvernement doit aussi réduire la masse salariale et couper des subventions ».
Et là, c’est du sarko tout craché : il a promis tout et son contraire pendant sa campagne, et aujourd’hui encore rien n’est logique. Par exemple, il dit vouloir diminuer les niches fiscales mais en créé régulièrement de nouvelles, il augmente les taxes sur le populo, mais baisse les impôts des riches etc. Parce que, comme on l’explique dans le rapport, si on baisse une subvention, il faut en maintenir une autre. Si on baisse les salaires, il faut le faire pour une catégorie, et en avantager une autre.
Un esprit
clair pourrait se demander à quoi ça rime puisqu’un bénéfice est supprimé par
un coût supplémentaire. Mais, il ne faut pas perdre de vue le seul objectif de
tout cela, qui mérite quelques concessions souvent temporaires :
libéraliser autant que possible et même au-delà. En effet, les auteurs
insistent encore là-dessus un peu plus loin : « Si la poursuite des objectifs de l’ajustement doit être
maintenue à tout prix, en revanche le choix des moyens doit rester ouvert en permanence ». Ils appellent
ça « le souci du détail ».
Voilà
les consignes OCDE en la matière : « Par exemple, si l’on réduit les salaires des fonctionnaires, il faut
les baisser dans tel secteur, les bloquer en valeur nominale dans un autre, et même
les augmenter dans un secteur clé politiquement. Si l’on diminue les subventions,
il faut couper celles pour tels produits, mais maintenir en totalité celles
pour d’autres produits. Le souci du détail ne connaît pas de limite : si les ménages
pauvres consomment seulement du sucre en poudre, on peut augmenter le prix du
sucre en morceaux pourvu que l’on garde la subvention au sucre en poudre ».
Pour
résumer :
« Ainsi, un programme de stabilisation qui, pour une réduction donnée du déficit extérieur, minimise les risques politiques, est la résultante d’un nombre élevé de mesures choisies en fonction de leur coût politique (ce coût étant estimé à l’aide d’enquêtes de sondages ou de rapports des autorités locales), auxquelles il faut ajouter des campagnes dans les médias, voire des actions spectaculaires, pour obtenir le soutien de la population »
La
meilleure stratégie pour des réformes structurelles
Là, il est question des mesures qui permettent au
gouvernement de créer sa « coalition » de favorisés pour écraser les « perdants »
et qui, par conséquent, n’impliquent pas un risque politique fort.
En premier lieu, la « libéralisation des
échanges ». En étalant dans le temps les « réformes » et en
prenant quelques mesures favorables à certains secteurs, on évite une coalition
de l’opposition. Il y a aussi la privatisation du secteur public, qui amène les
salariés à « défendre leurs avantages » (d’autres parlent d’acquis
sociaux). On nous dit qu’il faut commencer ce travail de sape quand la
conjoncture est favorable, pour éviter que le mouvement de contestation ne
prenne trop d’importance, et qu’il ne faut pas réformer les secteurs
stratégiques immédiatement. Où l’on souligne au passage que les « gouvernements »
pas très démocratiques ont davantage de marge de manœuvre que les autres puisqu’ils
peuvent « dissoudre des piquets de grève » ou virer les gens sans
problème en cas de mouvement social.
Ensuite, on comprend mieux la réforme débile
démocratiquement du quinquennat, où la présidentielle se déroule en même temps
que les législatives histoire d’éviter la cohabitation et surtout la
contestation. Le rapport explique qu’il faut des mandats longs et pas de
scrutins intermédiaires pour éviter de les transformer en référendums. Dans le
texte : « Il importe donc que
les mandats durent au moins cinq ans, étant entendu que le nouveau gouvernement
utilise les premiers mois — la période où la résistance au statu quo est la plus faible — pour
prendre les mesures impopulaires. De plus, il faut veiller au regroupement des
élections, afin de ne pas transformer une série de scrutins en une suite de
référendums sur l’ajustement »
Et puis, ben on nous parle des « donateurs »,
entendez le FMI et la Banque Mondiale, mais en réalité les créanciers du pays,
qui peuvent être des banques privées ou de simples spéculateurs, désormais. Le
rapport leur recommande de rester discrets tout en assurant le « guidage »
des opérations.
En conclusion, « beaucoup de mesures
prises avant l’ajustement peuvent
être très efficaces pour diminuer les risques politiques au moment de l’épreuve
(…) En renforçant le pouvoir exécutif par
diverses dispositions (mandats longs, coalitions parlementaires stables,
référendum, etc.), on lui donne les moyens de mieux défendre sa politique d’ajustement.
Il faut enfin qu’un gouvernement ait des capacités de réaction rapide. En
effet, toutes les analyses de cas s’accordent sur cette conclusion : le
meilleur moyen de minimiser les coûts économiques, sociaux et politiques de l’ajustement,
c’est d’ajuster avant la crise
financière ».
--------------------
Quelques autres rapports
du « Centre de Développement » :
Sur la « réforme des
fonds de pension » (n°15)
Les
régimes de retraite traditionnels et solidaires sont tellement nuls et les
fonds de pension c’est tellement bien. AU passage, on vante la réforme des
retraites réalisée par Pinochet l’ultra libéral ami des Chicago Boys.
Sur la santé et l’éducation
(n°19)
Là, on
nous dit que ce n’est pas parce qu’on dépense beaucoup en santé et en éducation
que les résultats sont là. Donc, pas besoin de dépenser trop de sous, il suffit
de faire comme si on faisait quelque chose et de beaucoup communiquer. AU
passage, on nous vante les bienfaits de la privatisation de ces secteurs, au
motif que ça favorise les pauvres même s’ils doivent payer ! Un scoop !
Et surtout un non sens.
Et
puis, encore une fois, les « donateurs » privés et institutionnels
sont appelés à jouer leur rôle de pillage.
Mais
surtout, les objectifs en matière sociale doivent être en lien avec les
ressources disponibles : on n’emprunte pas pour les services publics !
Sur les marchés
financiers africains (n°25)
Quand
la spéculation est censée remplacer le financement par les banques. Autre
objectif : faire venir les investisseurs (= spéculateurs) en abaissant les
taxes et autres règlements sur la circulation des capitaux. Quelques
suggestions de magouilles comptables au passage, pour faire sortir quelques
dettes des bilans, et cette histoire d’ « intégration économique » :
un marché commun africain entièrement libéralisé, avec des institutions
communes et une monnaie commune (à terme).
Sur
la privatisation de la santé (n°33)
Comme l’aide
au développement est jugée inefficace, les spéculateurs et « investisseurs
privés » genre fondation bill et melinda Gates ou Fondation Ford c’est
super. Et vive les « partenariats » public/ privé…
Les
fonds souverains transforment les matières premières en or ! (n°38)
Quand
la spéculation sur les matières premières est censée enrichir tout le monde et
que les vilains fonds souverains des pays en développement faussent la concurrence.
[1] Censé « trouver
des solutions novatrices aux défis mondiaux du développement », il a
été crée en 1962 à Paris. Actuellement, il est dirigé par Javier
SANTISO, membre du Forum
Economique Mondial qui instaure un agenda mondial et influe sur les
gouvernements pour des super réformes mondiales, évidemment dans le cadre du « Nouvel
Ordre Mondial ». Santiso est aussi –comme c’est étrange !- membre de
l’Institut Aspen en France, un lobbie atlantiste dirigé par l’ex patron de CNN qui
sélectionne les personnalités politiques et économiques prometteuses des deux
côtés de l’Atlantique. Dedans, on trouve
Madeleine Albright, le PDG de Disney Michael Eisner, la reine Noor de Jordanie,
l’inénarrable Michel Pébereau, pilier du Bilderberg et de moult lobbies. En
France, Aspen est dirigé par le PDG de La Poste, jean Paul Bailly, mais on a
aussi dans
le staff le patron de Lafarge, Bertrand Collomb, le PDG de Total Thierry
Desmarest, le PDG de Suez Gérard Mestrallet, Michel Pébereau le pDG de BNP
Paribas (tous assidus au Bilderberg, comme c’est bizarre) le PDG de Seb, celui
des labos Merieux, et tant d’autres. C’est parce que Santiso faisait partie de
ses Young leaders que le World Economic Forum l’a sélectionné (hors de tout
processus démocratique évidemment) pour prendre la tête du Conseil de
Développement de l’OCDE.