On vient de prendre un plan d’austérité dans la figure, et un autre nous pend au nez parce que le premier ne suffit pas à la Commission européenne, mais pour quoi au juste ? Les choses se passent comme si tout était réglé d’avance : déficit = austérité. Et pour certains, austérité = croissance. Un syllogisme basique qui part de présupposés. D’une part, on l’a vu, le déficit de la France est du essentiellement à une gestion désastreuse des finances, d’autre part, on l’a vu aussi, l’argent qu’on économise sur le dos des populations correspond à la somme qu’on est en train de refiler aux banques et au système financier. Cherchez l’erreur. Enfin, l’austérité telle qu’elle est conçue actuellement ne peut nous mener qu’à la faillite.
Le système est vérolé, et bien que depuis 2007 un nabot à talonnettes affirme qu’il veut « moraliser le capitalisme », le constat est là : les banques détiennent toujours pour des milliards de produits dérivés pourris, depuis les subprime et encore plus depuis la crise de la Grèce.
On ne sait pas combien d’actifs pourris –autant dire du passif- elles ont pu planquer dans les paradis fiscaux. On a vu comment les banques rapatrient quelques milliards d’actifs pourris de temps en temps, comme la Société Générale, qui en profite pour payer moins d’impôts. Aujourd’hui, on va parler plus sérieusement de ce qui est en train de se passer réellement, sur le plan national, mais aussi à l’international.
Le chien dans un jeu de quilles
D’abord, il faut comprendre que les Etats Unis sont en plein déclin, que le dollar ne vaut plus rien et que leur économie est vouée à l’échec à court et à moyen terme. Pour résumer, aujourd’hui les Etats Unis doivent emprunter 6 $ pour produire un seul dollar de PIB, de richesse[1]. Les cessations de paiement commencent, comme un comté d’Alabama qui a déclaré qu’il ne paiera pas 3,1 milliards de dollars aux banques[2]. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans ce qu’on pourrait appeler une guerre économique, puisque le but pour les Etats Unis est de couler l’Europe avant que tout le monde ne se rende compte qu’ils seront bientôt dans l’état de l’ex URSS. C’est pour cela qu’on ne nous dit pas que des écoles ferment, de même que des services de pompiers, des hôpitaux, qu’on vire des flics, des profs, et tout un tas de fonctionnaires qui faisaient marcher ce qui restait de services publics. Les Etats-Unis ne sont plus une puissance, à part du point de vue militaire.
Ce qui nous amène à évoquer le rôle de plus en plus déterminant joué par la Chine. Lors d’un récent sommet international, la Chine a lâché en coulisses que le soutien à l’euro posait question. Et Zhang Haibing, la directrice adjointe du centre d'économie mondiale de l'Université des Etudes Internationales de Shanghai qui conseille aussi le gouvernement, de poursuive, fort justement : « Nous sommes déjà pris au piège par le dollar américain, et [la question se pose de savoir] si nous devrions sauter dans un autre piège, celui de l'euro ».
Depuis un peu plus d’un an, en fait depuis que tout le monde a compris que la Grèce n’allait pas tout rembourser[3], la Chine se demande si elle va continuer à acheter des euros, qui ont la fâcheuse tendance de se déprécier. Mais il n’y a jamais eu de déclaration officielle, juste une pression certaine. Et quelques réunions qui ont lieu de plus en plus fréquemment semble-t-il. Mais, officiellement la politique chinoise en matière de change ne changera pas.
Au total, la Chine posséderait pour l’équivalent de 3.200 milliards de dollars en réserve de change, c’est-à-dire de monnaies étrangères, dont plus 1.152 milliards de dollars de bons du Trésor américain. Qui ne valent en réalité plus rien. Enfin, bref. Sera-t-elle remboursée, voilà la question que posent clairement les chinois. D’autant que la population se demande pourquoi autant de milliards vont en Occident, et qu’électoralement c’est mieux de ne pas en rajouter avec les nombreuses tensions sociales qui traversent le pays et ne font qu’augmenter en nombre et en intensité.
Alors, certes, la Chine préfère que l’Europe continue à acheter ce qu’elle produit[4], mais autant en profiter pour obtenir ce qu’elle veut. Et on a vu avec les transferts de technologie, par exemple, que la Chine est bonne négociatrice.
La Chine fait maintenant savoir que la « gouvernance » internationale n’est pas à son goût. On peut ainsi lire dans Euractiv : « Il est beaucoup plus difficile de convaincre la population chinoise d'aider l'Europe alors que l'Occident pointe du doigt le refus de la Chine de réévaluer le renminbi, toujours selon cette source ».
Quand on sait que les investissements chinois en Europe ont triplé de 2009 à 2010 et que des négociations démarrent concernant traité Europe - Chine en matière d’investissement. Au moment où la Chine comme à racheter l’Europe par morceaux[5], et où certains aimeraient limiter la casse. Accessoirement, l’Europe trouve que les investissements en Chine sont trop complexes, pendant que la Chine, elle, n’a que peu de freins, qui devraient disparaître quand elle deviendra une vraie « économie de marché »[6], ce à quoi elle tient absolument. Ainsi, « Depuis que la crise des dettes souveraines a éclaté, nous avons toujours attaché beaucoup d'importance au fait de fournir de l'aide à la mesure de nos moyens", a par ailleurs déclaré M. Shen. "Mais l'aide à l'Europe et la reconnaissance du statut d'économie de marché sont deux questions de nature différente. Les Chinois ne mettent jamais de préalable quand ils aident autrui. Nous espérons seulement qu'en traitant les autres avec sincérité, nous obtiendrons leur respect », a précisé le porte-parole du ministère du commerce chinois, dans un style très chinois, justement, au quotidien Le Monde.
La Chine veut donc jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration des règles financières et économiques mondiales, tout en investissant où elle veut en Europe, et en vendant autant qu’elle veut avec le moins de normes possibles.
Pour conclure avec la rubrique ‘international’, on doit aussi évoquer l’absence de contraintes réglementaires en matière de finances, et le manque d’entrain dans les négociations de Bâle III. Selon leur critères, toutes les banques ou presque passaient les stress test. Pourtant, qui est capable de dire aujourd’hui où en est leur vrai bilan ?
A côté de cela, les vœux pieux restent des vœux pieux. Si on prend un G20 de l’année dernière, en septembre, on nous promettait de réguler, on se félicitait d’avoir « renforcé » le système financier mondial (comprendre : renfloué avec l’argent qu’on nous pompe en ce moment).
Je passe brièvement sur ce chapitre dont on a parlé récemment. L’essentiel à retenir est que l’Europe, et ses crânes d’œuf non élus, est en train de prendre les rênes des économies nationales[7]. Dès qu’un pays dépassera 3% de déficit ou 60% de dette publique, la Commission européenne pourra mettre en branle le mammouth congelé dans son idéologie libérale qu’est la technocratie européenne, pour ordonner des privatisations, des réductions de dépenses sociales, bref : des mesures d’austérité diverses et variées.
On peut aussi rappeler que le Traité européen que sarkoléon nous a refourgué bien qu’on ait voté contre, a justement gravé dans le marbre les principes qui font qu’on ne peut pas se relever. On doit oublier la notion même de « croissance économique », ou alors dans les livres d’histoire. Parce qu’on est en train de brader le patrimoine, l’éducation, la formation, le système de santé et de redistribution des richesses, parce que les réunions type Bilderberg, Trilatérale, Davos, Council on Foreign Relations etc. sont les vrais lieux de décision et qu’aucune élection n’y changera rien. Parce que, surtout, la finance est une pompe à richesses, un véritable gouffre à productivité.
Pour illustrer cette dernière idée, deux chiffres : le PIB mondial tourne autour de 62.000 milliards de dollars, quand les produits dérivés sont censés (puisqu’on les estime encore à leur valeur d’avant la crise subprime) représenter 600.000 milliards de dollars[8]. Comment les Etats peuvent-ils combler le trou de ces dérivés qui sont en réalité de la dette pure ?
En dehors de cela, il faut dire que c’est surtout l’Europe des banques qui piétine dans le guano. Pourquoi la France risque-t-elle de perdre son AAA[9] (que les Etats Unis ont déjà perdu[10]) ? Parce que nos banques, celles qui ont réussi les stress tests, celles qui ont bien assez de fonds propres et qui se régulent toutes seules, c’est bien connu, ont encore abusé avec les titres de dette grecque et leurs dérivés. Comme avec les subprime, les banquiers et spéculateurs ont cru qu’ils pourraient s’engraisser indéfiniment à partir d’une dette pure…
L’Europe n’a pas régulé, et ce n’est pas avec Mario Draghi, un ancien de Goldman Sachs à la tête de la BCE[11], que les choses risquent de s’arranger. Elle ne peut rien faire pour nous sortir de l’impasse, tant elle reste collée à ses dogmes aberrants. En Europe, comme dans les années 30, on revient à ce qu’on avait appelé « la valse des gouvernements », l’instabilité politique. Papandreou a sauté, après Berlusconi et d’autres, et ce n’est probablement pas le dernier. Pourquoi ? Parce que ce sont « les Marchés » qui décident, pas les élus et encore moins le peuple.
On a vu que les banques US et Européennes se sont retrouvées le bec dans l’eau avec la crise des subprime. Le schéma était assez simple : une banque faisait des hypothèques à des gens non solvables, avec des taux d’intérêt variables. La banque les a divisés en paquets et refourgés sur les marchés, mélangés à d’autres types de dette moins pourries. Certaines banques ont aussi acheté des contrats d’assurance contre un défaut de paiement des gens, et se les sont aussi revendus. Tout allait bien tant que les taux d’intérêt de la Réserve Fédérale US frisaient le zéro. Mais, quand Greenspan a commencé à les relever en 2006, les gens n’ont plus pu payer leurs emprunts, les banques se sont retrouvées en manque de liquidités, et les assureurs n’avaient pas de quoi payer les contrats.
On a alors injecté des milliards dans le système financier, et tout le monde s’est rabattu sur les matières premières dont les céréales, ce qui a causé les crises alimentaires dans les pays du sud, puis sur le pétrole, ce qui a fait grimper le prix du baril à 150$, et enfin sur la dette grecque, puis italienne, espagnole etc.
Le France est aujourd’hui en mauvaise position à cause des banques, qui sont extrêmement exposées aux dettes souveraines de la Grèce, de l’Italie ect.
En juin 2011, la France détenait officiellement pour près de 400 milliards de dollars de dette italienne (contre 162 milliards de dollars pour l’Allemagne), pour 57 milliards sur la dette grecque, 140 milliards sur la dette espagnole (182 pour l’Allemagne), 281 sur la dette de l’Angleterre (contre 651 milliards pour les banques US, 466 pour l’Allemagne, 417 pour l’Espagne), et 200 milliards en Belgique.
Au total, les banques françaises avaient donc officiellement à cette date de juin 2011 pour 44,7 milliards de dollars engagés sur la dette italienne, quand les banques allemandes en détenaient pour 48 milliards. En septembre, on apprenait que BNP Paribas détenait pour près de 21 milliards d’euros (28,5 milliards de dollars) de dette italienne. D’une manière générale, ce sont les banques françaises qui sont les plus exposées à la dette des pays en risque de défaut de paiement, dits les PIGS (pour Italie, Grèce, Portugal et Espagne), à hauteur de 90 milliards d’euro en ce qui concerne la dette publique de ces quatre pays (contre 70 milliards pour l’Allemagne), mais si on prend en compte la dette privée de ces pays, les banques allemandes sont les plus exposées, à hauteur de plus de 570 milliards d’euros, contre environ 440 milliards pour les banques françaises.
Quant à la Grèce, nos banques détiendraient pour 44 milliards de titres de dette, avec en tête le Credit Agricole, qui est en train de refourguer ses titres pour se délester, et veut passer de 8,7 milliards à 6,75 milliards.
On parlait de Goldman Sachs. Cette banque a inventé un produit dérivé de CDO, ces assurances contre un défaut de paiement. Maintenant, on peut prendre une assurance sur un contrat d’assurance contre un défaut de paiement, et évidemment on n’est pas obligé du tout de posséder un CDO pour prendre ce nouveau dérivé (appelés synthetic CDO). Cela revient à parier sur un défaut de paiement des CDO déjà vendus par les banques. Et encore une fois, Goldman est à la manœuvre, comme quand elle a vendu des titres subprime à ses clients tout en achetant des CDO contre un défaut de paiement desdits credits subprime. Et le grand avantage c’est qu’on peut en vendre autant qu’on veut, sans limite…
On sait que l’histoire se répète, mais là on nous a collé un disque rayé.
Tant que ce problème de la spéculation sur de la dette n’est pas réglé[12], on ne peut pas s’en sortir. Ou alors on se déclare en cessation de paiement. Depuis le début de la crise, on ne plus les G20 et autres sommets inutiles, et pour cause : les banques n’en font qu’à leur tête.
Dans la collection des trucs tordus inventés par les banques pour gagner même quand elles perdent, il y a les « gains contre intuitifs » : en gros cela permet à une banque de parier sur la baisse de sa valeur (en fait, de la valeur de sa dette), et de se faire du bénéfice. Ou comment transformer de la dette en valeur[13]. Ainsi, les bénéfices augmentent en même temps que les pertes. Génial, non ?
Ce système se porte tellement bien que le NYSE a créé cet été une plateforme dédiée à ces échanges d’obligations corporate (des titres émis par des entreprises pour augmenter leurs liquidités, c’est-à-dire emprunter sur les marchés). Depuis la crise, le rendement de ce type d’action a doublé, et ce n’est pas bon signe du tout. On est passé d’un rendement de 6,5% entre 1997 et 2007 (contre 5,3% pour les obligations souveraines, émises par les Etats quand ils empruntent sur les marchés), à 15,7% en mars 2009 (contre 7,3% pour les obligations d’Etat).
On en est à un tel point que le G20, pour la deuxième fois en un an, a publié une liste de 29 banques qui doivent se recapitaliser d’urgence, et les cinq grandes banques françaises en font partie (BNP Paribas, Credit Agricole, Société Générale, Dexia, BPCE), mais en fait toutes les grandes banques dites d’investissement sont sur la liste, comme Deutsche Bank, HSBC, Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Bank of America, UBS, Credit Suisse…
C’est à se demander comment les banques parviennent encore à faire des bénéfices, si l’on en croit leurs résultats trimestriels. Des bénéfices certes en baisse (moins 71% pour BNP Paribas, par exemple, avec quand-même plus de 540 millions d’euros, moins 30,6% pour la Société Générale, avec 622 millions d’euros). La baisse est due en partie au fait qu’on a estimé les titres et dérivés de dette grecque à leur prix actuel et non plus au prix d’achat[14], mais les obligations corporate l’ont largement contrebalancée.
Car il semble qu’il y ait une grosse entourloupe avec ces obligations corporate : les banques n’ont pas l’argent pour racheter les obligations qu’elles ont émises, même si elles ne valent plus 100 mais 60 ou 40 euros. Pourtant, elles les affichent quand-même dans leur bilan ! Ainsi, la Société générale a affiché + 822 millions d’euros au troisième trimestre. Au sujet de BNP Paribas, on a pu lire dans Le Monde : « Concrètement, depuis début août, les marchés se sont dégradés et la valeur de la dette de BNP Paribas a baissé, ce qui lui permet d'enregistrer un gain comptable de 786 millions d'euros ». Et accessoirement, les indices censés les évaluer sont eux-mêmes hasardeux.
Bref, comme on l’a souvent dit ici, les comptabilités des banques ne sont pas un élément fiable pour juger de leur solidité.
Mais pourquoi s’inquiéteraient-elles ? On est déjà en train de penser à un renflouement massif de ces gouffres à fric que sont devenues celles qu’on ose encore appeler des « banques », puisque le « fonds européen de stabilité financière » qui rachète les titres de dette pourris des « banques » sur les marchés, pourrait bien être augmenté à hauteur de 2.500 milliards d’euros, contre 440 milliards aujourd’hui Le FESF emprunterait donc cette somme sur « les Marchés », avec une garantie des Etats, qui ne sont pas assez endettés cela va de soi.
Et pour être bien certains de nous endetter, le FESF émet lui aussi des obligations depuis janvier 2011, c’est-à-dire qu’il emprunte sur les marchés au nom de « l’Europe ». Mais cela ne suffit pas, et certains demandent carrément qu’on créé des « obligations européennes » ou euro bonds.
L’idée des fans du Bilderberg qui ont propagé l’idée, Juncker et Tremonti, est de créer une agence européenne de la dette, un super FESF en gros, qui puisse emprunter à hauteur de 40% du PIB de chaque Etat, les emprunts étant garantis par les Etats, c’est-à-dire les contribuables. Les Etats endettés pourraient ainsi échanger leur dette contre ces obligations, potentiellement moins chères sur le marché. Ainsi, on pourrait maintenir artificiellement la valeur de ces dettes, et sauver la mise aux banques qui se sont amusé à spéculer dessus.
Le 13 novembre, une rumeur de plus, encore une fois venue de la presse anglophone, a affirmé que le FESF rachetait ses propres actions sur « les Marchés », ce que le fonds s’est empressé de démentir évidemment. Si le FESF n’arrive déjà plus à refourguer pour 440 milliards de titres liés à de la dette, on peut se demander comment il fera avec 1.000 milliards ou plus.
Jacques Delors, à qui l’European Round Table of Industrialists soufflait à l’oreille lors de ses deux mandats en tant que président de la commission européenne, préconise même que le successeur du FESF, qui s’appellera le MES ou MESF pour mécanisme européen de stabilité financière[15], monte jusqu’à 3.000 milliards d’euros d’obligations, garanties par les Etats.
D’autres ultra libéraux du think tank Bruegel veulent aussi que le FESF puisse racheter des titres de dette souveraines sur le marché secondaire[16], comme le fait aujourd’hui la BCE, mais en utilisant de l’argent crée par la BCE (qui, pour l’instant, n’a pas le droit de faire fonctionner la planche à billets, sauf à respecter d’obscurs critères. Mais, son rôle est au contraire de limiter l’inflation). D’ailleurs, Georges Soros, de l’institut du même nom, explique doctement lui aussi que la BCE devrait fournir des liquidités au FESF qui, lui, doit supporter des « risques de solvabilité »…
Autrement dit : on va transformer en monnaie cette dette des banques avec les dettes souveraines. Question à dix mille : à qui va-t-on présenter la facture ?
Remarquez, on ne fera qu’imiter la FEC, qui a injecté des centaines de milliards de dollars dans le rachat de titres pourris des banques et compagnie depuis le début de la crise subprime. Au final, le problème des banques va devenir celui des européens, et pour un bon moment.
Pourquoi l’austérité version ultra libérale va nous enfoncer
Bref, on avait déjà plus ou moins dit tout ça. On a aussi parlé récemment du dernier plan d’austérité de sarkoléon, qui lui non plus ne mènera à rien car il ne permet pas de rétablir une quelconque productivité, et donc la sainte Croissance.
Ce dernier plan ne visait qu’à réduire des dépenses destinées aux plus défavorisés (comme d’habitude, la plupart des mesures touchant les riches ont été aménagées après l’annonce dudit plan, comme la taxe sur les résidences secondaires) tout en prélevant de nouvelles taxes qui pèseront proportionnellement beaucoup plus sur les plus pauvres. Pour ce qui est des investissements productifs, on repassera. Et je ne suis pas seule à le dire, même le très libéral Cercle Les Echos le dit !
Le nouveau plan est du même tonneau.
Du coup, la question est de savoir comment on va faire augmenter le PIB dans ces conditions[17] ?
Les exemples de pays surendettés qui ont pu se rétablir sans cessation de paiement ne sont pas nombreux, voir inexistants. En Europe, le chômage est structurellement autour de 10% de la population active, en réalité au dessus de 15%. Comment une telle politique d’austérité permettrait d’y remédier ?
On le sait, pourtant : pour sortir de la crise de la désindustrialisation il faut miser sur une éducation de qualité, sur des formations de pointe, sur des infrastructures de haut niveau. On en est loin et le résultat, dans deux ans, sera qu’on se trouvera encore plus endettés, avec au moins autant de chômage, et des pauvres encore plus nombreux et pauvres.
Mais au lieu de se poser des questions, c’est à qui sera le plus austère. A qui réduira le plus le pouvoir d’achat des masses, à qui détruira le plus ce qui nous reste de services publics, à qui créera le plus de taxes, tout en évitant d’affliger les plus riches évidemment. Certains chercheurs, dans les années 80, ont déjà qualifié cette politique de « peu réaliste » tant elle est « empirique », c’est-à-dire fondée sur des théories et pas sur des observations de terrain. Il y a trente ans, donc, on soulignait déjà qu’une politique de déficit à visée productive était plus intelligente à faire que l’austérité basique.
D’ailleurs, les agences de notation, pourtant peu visionnaires, ne s’y sont pas trompées : à peine l’Italie avait-elle annoncé son plan d’austérité que Standard & Poor’s abaissait sa note. Logique : les mesures d’austérité éloignaient d’autant l’Italie d’une éventuelle reprise économique. De son côté, le Portugal, qui a lui aussi lancé des plans d’austérité drastiques, a annoncé s’attendre à une récession[18] causée par lesdits plans d’austérité. Du coup, les agences vont encore baisser sa note…
D’ailleurs, Moody’s a fait sa petite carte des pays suivant qu’ils soient en récession ou en croissance, et comme par hasard on observe que toute l’Europe de l’Ouest (sauf Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suisse et pays scandinaves) est carrément en « récession », mais pas les Etats Unis qui ont seulement un « risque » jugé du même niveau que celui de l’Allemagne. Alors s’il s’agit de garder un AAA qui ne va de toutes manières pas durer, à quoi riment ces plans d’austérité ? On constate depuis 30 ans qu’on nous impose ces politiques libérales qu’elles nous mènent dans le mur, pourquoi continuer avec des principes stériles ? Car oui, l’austérité coûte des points de PIB, pour parler comme eux.
Un esprit à peu près logique pourrait se demander à quoi riment ces politiques, et il aurait raison.
On a peur de comprendre le fin mot de l’histoire. Parce que si le but était de nous appauvrir, on ne s’y prendrait pas autrement. Nous sommes en train d’appliquer la recette la plus efficace pour cela, puisqu’on demande aux Etats, aux populations, de prendre en charge la quasi-totalité de la dette des banques mondiales, tout en réduisant à néant les moyens par lesquels ces mêmes Etats pourraient recréer de l’emploi et permettre à leurs habitants de vivre correctement.
Ajoutons que si nous passons en récession, le coût de notre dette risque fort de devenir insupportable et nous pourrions ne pas parvenir à rembourser.
Ce qui va se passer est très simple : à part pour les produits de luxe, la consommation va chuter, donc l’activité aussi. On commence à le voir depuis quelques mois, avec une activité économique au plus bas depuis 2009, si bien qu’une période de récession semble imminente (on a déjà eu 0% au deuxième trimestre). Après tout, on a déjà connu ça en 2008 et 2009…
Avec la logique qui est suivie actuellement, on est dans un cercle vicieux : menace de baisse de la note, mesures d’austérité, baisse de la croissance voir récession, baisse de la note, austérité etc. qu’on nous menace ou que la note baisse vraiment, de toute manière « les Marchés » s’excitent et parviendront toujours à inventer un nouveau produit spéculatif. Leur inventivité en la matière est sans limite.
[1] Cf. l’économiste Myret Zaki dans «La Fin du Dollar ».
[2] Le comté de Jefferson, 650.000 habitants, a voté une loi destinée à bloquer les poursuites de ses créanciers, à qui il doit 6,1 milliards de dollars. "Après plus de trois ans d'efforts assidus pour retrouver la stabilité financière, le comté a épuisé toutes les possibilités, et de nouveaux retards dans la résolution de la crise de ses finances obèreront encore davantage les perspectives de son rétablissement et de son développement économique futur", a souligné le conseil du comté. Le comté d’orange avait fait de même, pour 2,2 milliards de dollars en 1994 lors de la crise des credits mutuels qui prêtaient aux collectivités locales. Depuis un mois, Jefferson est la deuxième collectivité locale à se déclarer en cessation de paiement, après une ville de Pennsylvanie.
[3] Avec une dette extérieure de 533 milliards d’euros et un PIB autour de 350 milliards, c’est en effet difficile.
[4] Les Etats Unis étant en aussi mauvaise passe que nous, la Chine voit son excédent commercial (une expression qu’on a oubliée depuis longtemps en Europe…) diminuer ces derniers mois, car les importations augmentent plus vite que les exportations.
[5] La Chine a suffisamment de liquidités pour prendre des parts dans beaucoup d’entreprises européennes, et on a du mal à chiffrer l’ampleur de ces investissments.
[6] En ayant ce statut, la Chine paierait moins de taxes quand elle exporte chez nous. Il signifie que la fixation des prix est « libre », basée seulement sur l’offre et la demande, sans intervention du gouvernement. La Chine, entrée à l’OMC en 2001, demande ledit statut depuis 2003, et devrait l’obtenir avant 2016, puisqu’elle en a fait récemment la demande lors d’un forum économique mondial.
[7] Ca s’appelle le « mécanisme européen de stabilité », qui va remplacer le FESF qui injecte des milliards dans le système spéculatif, la « pacte de stabilité et de croissance » qui vise à « coordonner les politiques économiques » des Etats Européens, etc. Autant d’instrument votés en vitesse depuis le début de la crise.
[8] Mais la somme est certainement bien plus élevée, surtout si on se retrouve à nouveau face à une crise de liquidités. On aura alors des banques et fonds spéculatifs coincés avec des dettes impossibles à échanger. On sait déjà qui devra payer la note.
[9] D’ailleurs, Standard&Poors aurait bugué jeudi 10 novembre 2011 en annonçant que la note de la dette française venait d’être abaissée. Le communiqué a été aussitôt retiré, et s’est avéré être erroné. Evidemment, « les Marchés » se sont excités et les taux d’intérêt français ont pris un quart de point, à 3,46%. Une enquête est en cours, mais on avait déjà eu le même coup avec la note grecque il y a un an environ.
[10] En aout 2011, en effet, les USA ont vu la note de Standard&Poors passer de AAA à AA+.
[11] Draghi s’est retrouvé au cœur de la collaboration avec la Grèce au moment où celle-ci maquillait ses comptes et faisait passer des déficits pour du liquide avec l’aide de schémas complexes inventés par Goldman Sachs. Il est membre de divers clubs et autres groupuscules ultra libéraux et atlantistes.
[12] On doit quand-même noter l’action louable de l’Europe qui a suspendu puis interdit -après d’âpres négociations- la spéculation à la baisse sur la dette grecques, via les assurances censées prémunir contre un défaut de paiement. En fait pour acheter ces CDS, il faut aussi posséder des titres de dette.
[13] Une banque émet des obligations portant sur dette, mettons à 100 euros. Puis, les spéculateurs se méfient de la solvabilité de la banque et les obligations ne valent plus que 30 euros. La banque les rachète, pour un bénéfice de 70 euros. En 2010, c’est JP Morgan qui a tenu le haut du podium en matière démission d’obligations dites « corporate » (115 milliards de dollars), et en Europe c’est BNP Paribas (47,7 milliards de dollars en 2010, contre 75,4 milliards en 2009), qui a devancé le Credit Agricole.
[14] La décote a été fixée à 60% sur les titres d’Etat grecs. Pour la Société Générale, ca a coûté 333 millions d’euros avant impôts et 239 millions d’euros après impôts… C’est d’ailleurs un des éléments qui fait que la France est un paradis fiscal : une entreprise peut ne pas payer d’impôts, voire même se faire payer par l’Etat, si elle enregistre les pertes de ses filiales en France.
[15] Le MES devrait entrer en fonction en 2013, et pourra en principe acheter des obligations souveraines, c’est-à-dire des titres représentant la dette des Etats.
[16] Le marché secondaire est un peu le marché d’occasion des actions et obligations. Quand la BCE rachète sur le marché secondaire comme elle le fait depuis janvier 2011, elle rachète en fait ces titres aux banques et autres spéculateurs qui eux cherchent à s’en débarrasser. Evidemment, la décote est ridicule.
[17] On notera d’ailleurs que même après l’annonce du plan d’austérité n°2, l’Europe a continué à dire que la Croissance de la France ne dépasserait pas 0,6%, et que son déficit allait rester à 5,25% du PIB au moins en 2012.
[18] Le Portugal a annoncé mi octobre que son PIB allait probablement se réduire de 2,8% (après des estimations à -2, puis -2,3%).