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11 octobre 2015

BREVE: Quand la finance s'amuse avec les médias

12074966_1498764640442055_3358549587420377143_nAujourd'hui on va faire un peu d'économie, mais dans la lignée de mon dernier article sur la liberté d'expression. Car aujourd'hui, les grosses fortunes s'amusent avec les médias, et le rachat récent du groupe L'Express montre la limite du libéralisme débridé. Des centaines de postes ont déjà été détruits, la ligne éditoriale reste floue, et le groupe se retrouve avec une très lourde dette à rembourser.

 

Aujourd'hui, presque toute la presse commerciale est détenue par de grands groupes, eux-même propriété de nos oligarques locaux [1]. Récemment, la 3e fortune de france, un résidant Suisse, a mis la main sur le groupe L'Express-L'Expansion.

30% des effectifs de L'Express devraient passer à la trappe, si les 125 suppressions de postes annoncés lundi dernier deviennent effectives.

Le groupe est en perte, et je ne vais pas pleurer sur son sort, d'autant que L'Express s'est amusé à me citer parmi les sites complotistes, ce que j'ai peu apprécié.

Le cas de L'Express, déjà largement subventionné (plus de 6 millions d'aides en 2014) est dans les choux, comme de nombreux titres de presse papier d'information.

Du coup, le groupe L'Express devient une proie facile pour les prédateurs de la bourse, et en l'occurrence c'est un certain Patrick Drahi qui a sauté sur l'occasion.

Drahi est un sacré personnage, encensé par la presse économique pour son culot dans ses affaires, la manière dont il fait grossir son propre groupe à vitesse grand V.

En février 2015, Patrick Drahi a donc racheté au groupe Belge Roularta les titres qu'il détenait dans la presse française, à savoir une vingtaine de titres parmi lesquels L'Express, L'Expansion, L'Etudiant et Point de Vue, qui étaient en déficit.

Parfaitement en accord avec le principe de pluralité de la presse, Drahi veut constituer un très gros groupe de médias, appelé Altice, qui serait présent à la fois dans le réseau numérique et dans les médias.

Drahi a racheté le groupe L'Express pour 50 millions d'euros, alors qu'en 2006 Roularta avait du débourser 220 millions lors du rachat à Dassault.

 

L'endettement magique

Screenshot - 10_10_2015 , 21_33_49Suppression des six postes de documentaristes, de 24 postes de journalistes à L'Express, 22 à la direction financière, de 4 à L'Expansion, et d'autres encore, en plus de 115 journalistes déjà partis suite à la clause de cession, qui permet de partir dans de bonnes conditions lors du rachat du journal.

Drahi parle de monter un "projet économiquement viable". De son côté, la Société des journalistes de l'hebdomadaire a demandé "que Patrick Drahi retire son plan social et garantisse enfin les moyens nécessaires à l’avenir de L’Express et de l’ensemble des titres du groupe".

Drahi,  franco israélien et 3 e français le plus riche, va en effet demander à tout le monde de faire mieux, avec moins d'effectifs et moins de moyens, ce qui relève de l'impossible. Il faudra donc faire autre chose.

AUjourd'hui un journal n'est plus simplement un journal: à de rares exceptions près, il fait partie d'un "groupe médias", qui lui-même fait souvent partie d'un plus gros groupe, industriel ou financier.

Le journal n'est plus qu'un morceau de ces grosses entités et il doit les servir. Le lecteur se compte en tant que cible publicitaire, mais aussi en tant qu'électeur récipiendaire de la propagande, celle qui va dans l'intérêt de ces gros groupes.

En 2005 Drahi a racheté Numéricable, puis Noos, puis en 2014 il met la main sur SFR, pour 13 milliards, dont 10 prêtés par les banques, ainsi que sur des parts du quotidien Libération[2]. Officiellement il s'agissait de créer un "champion européen", mais en réalité il s'agit surtout de faire gonfler les actions de son groupe. Il compte racheter d'ici 2019 l'intégralité du groupe Next Radio TV (RMC, NRJ, Nostalgie, BFM...), où il est pour l'instant allié avec le patron, Alain Weil.

Mais, l'autorité de la concurrence ne voit aucun problème à cette nouvelle vague de concentration, au motif que deux ou trois autres groupes médias (tous liés à des groupes industriels ou financiers) feraient office de concurrence.

5104257_web-tableau-chasse-drahiAux USA, où il est présent depuis les années 2000 au moins et où ses "investissements" (ses rachats) ont été financés par Carlyle, Lehman Brothers ou Morgan Stanley

Drahi a repris Portugal Télécoms pour 7 milliards, il vient aussi de racheter le groupe Cablevision, valorisé en bourse à près de 16 milliards d'euros, ce qui a entraîné immédiatement une chute de 10% de l'action Altice, car les "investisseurs" qui détiennent des actions Altice avaient peur de ces milliards d'endettement supplémentaires[3]. Il a même tenté de racheter Bouygues Télécoms pour 10 milliards, une idée qui avait emballé les marchés.

Le système de rachat par emprunt est de plus en plus utilisé. On se paie sur la bête pour rembourser les banques, avec un intérêt en prime évidemment, et en plus il faut dégager toujours plus de cash pour satisfaire les actionnaires.

"Lorsqu'il achète une entreprise, Patrick Drahi fait à chaque fois venir une équipe de six à sept personnes pendant plusieurs semaines. Elles scrutent toutes les dépenses... et elles coupent aussi souvent drastiquement dedans", lisait-on récemment sur le site d'Europe 1.


VIDEO. Drahi par les siens

 

La casse sociale

Il est donc question de faire des économies maximales et de réduire les coûts à l'extrême. C'est cela qui inquiète les salariés du groupe L'Express, et qui devrait aussi inquiéter les lecteurs. Car le drame de ce système est économique, mais il concerne aussi la liberté d'expression.

"Les sociétés de rédacteurs de L’Express, L’Expansion, L’Etudiant, Mieux vivre votre argent, Point de vue et Studio Ciné Live ont adopté, jeudi 8 octobre, le principe d’une motion de défiance contre leurs actionnaires, dont Patrick Drahi, et le directeur des rédactions et directeur général délégué, Christophe Barbier, par 112 voix contre 64, et 7 blancs ou nuls", expliquait Le Monde le 9 octobre.

12039642_1498773057107880_2949204655857313835_nLa nouvelle direction a donc annoncé ce qu'il en était au niveau des "économies". Par contre, toujours aucune annonce sur le plan éditorial. Quels sont les changements qui doivent être opérés au niveau des contenus, de la manière de travailler, du traitement de l'info? Malgré les demandes de la rédaction, toujours aucune réponse de Drahi et d'Altice.

La seule réponse obtenue par les journalistes de L'Express a été succincte: "La ligne éditoriale de l’hebdomadaire y est réaffirmée comme dans un vulgaire nuage de mots-clés : libéralisme économique, fédéralisme européen, progressisme sociétal."

De toute manière, il y a déjà un remaniement des postes clés du journal L'Express depuis le rachat. Comme l'a fait Bolloré à Canal Plus, Drahi place ses hommes.

Quand Drahi a racheté SFR, il a fallu quelques mois seulement avant que les conséquences du nouveau management commencent à être visible. En effet, d'un coup les fournisseurs n'ont plus été payés, et on a exigé qu'ils baissent leurs tarifs de manière conséquente, de 20 à 40% apparemment, parfois 80% (pour la maintenance). Au total, SFR aurait aligné 400 millions d'euros d'impayés en janvier 2015.

Quant aux emplois, qui ne représentent que 8% des dépenses de SFR, Drahi a promis de les conserver durant trois ans, jusqu'en 2017. SI toutefois la "situation économique" ne change pas trop...

 

Screenshot - 10_10_2015 , 20_02_31Dérive de l'utlra libéralisme

Un journaliste de Politis a ironisé sur ce Christophe Barbier, qui "dispense au monde en général, et aux Françai(se)s en particulier, d’incessantes leçons d’économie" (dans l'orthodoxie ultra libérale bien-sûr) a accumulé en 8 ans de gestion pas moins de 86 millions d'euros de pertes. On peut en effet s'interroger sur la crédibilité de ce chantre du libéralisme.

Le groupe de Drahi est contrôlé par diverses holdings détentrices des dettes de chaque groupe, qui se trouvent dans divers paradis fiscaux, notamment le Luxembourg, Guernesey, les Caraïbes, les Pays-Bas où il a récemment fait déménager Numéricable SFR... Avec ce système, si des bénéfices arrivent, il est possible de ne payer quasiment aucun impôt au lieu des 33% d'impôts sur les bénéfices réalisés en france.

En l'espace de quelques mois, Drahi a été pris par une frénésie de rachats, largement via des emprunts, qu'il faut commencer à rembourser souvent deux ou trois ans après le rachat. Sauf qu'à force, le géant pourrait avoir des pieds d'argile et ne plus pouvoir dégager assez de cash pour rembourser les banques et engraisser les actionnaires.

Du coup, les spéculateurs commencent à s'inquiéter, et l'agence de notation Moodys a même réduit cette semaine la note de confiance dans le groupe Numéricable SFR, la valeur étant estimée "très spéculative".

Screenshot - 10_10_2015 , 19_53_34Moodys semblait aussi s'inquiéter de "la complexité croissante de l'organisation du groupe Altice qui a été assemblé dans un court laps de temps en grande partie à travers la dette pour financer ses acquisitions".

En effet, pourquoi reprocherait-on à la Grèce de vivre sur l'endettement alors qu'on le permet à un groupe médiatico financier qui pèse des milliards?

En l'occurrence, on parle tout de même d'une dette de 45 milliards d'euros que Drahi doit rembourser, en tirant au plus vite un maximum de bénéfices des boîtes qu'il a "rachetées". C'est ce que certains appellent "l'effet de levier", et c'est très à la mode. Un truc magique comme quoi avec très peu d'argent et un gros endettement on peut faire rapidement de gros bénéfices.

On est face à une dérive absolue du capitalisme: en principe, quand on rachète une boite, c'est pour investir dedans, pour qu'elle se développe et parce qu'on croit en son avenir. Avec la méthode LBO[4], celle de l'endettement, on rachète une boite pour financer une stratégie de boostage des actions et un endettement important (on parlerait de taux autour de 5%, voir 5 à 10% pour le rachat de Cablevision)...

Mais tout cela ne semble pas inquiéter Goldman Sachs, qui a pondu une étude fin septembre, destinée à rassurer les spéculateurs au sujet de la santé du groupe Altice et du caractère soutenable de son endettement: "Goldman Sachs, graphiques et chiffres à l’appui, démontre que Patrick Drahi a fait la preuve qu’il savait rentabiliser très rapidement ses acquisitions grâce à une science éprouvée du « cost cutting ». Elle encourage d’ailleurs Altice a augmenter la cadence: « Nous pensons qu’une réduction plus rapide des ratios d’endettement (« rapid de-levereging »)  contribuerait à améliorer la confiance des investisseurs et à réduire le risque financier », expliquait un journaliste de Challenges.

12072787_1498244130494106_3498699145496752490_nLe problème, c'est surtout qu'à force de réduire les coûts, les entreprises rachetées deviennent des coquilles vides: toutes les compétences sont externalisées les unes après les autres, les effectifs sont réduits au strict minimum et payés le moins possible, l'investissement est réduit à néant... Comment renforcer l'entreprise dans de telles conditions?

En outre, avec les rachats par LBO, le but n'est pas de conserver l'entreprise pendant des lustres. Une fois qu'on aura boosté la valeur de l'action, et cela par cette politique de réduction des coûts qui la rend plus alléchante, on la revend. Et ainsi de suite. On est vraiment dans le court terme, dans la spéculation la plus nocive et la plus basique. Certes, pour l'instant Drahi semble conserver les entreprises qu'il rachète, mais cela reste rare avec le système des LBO.

Même le Medef dénonçait en 2008 le fait que 300 entreprises françaises étaient rachetées chaque année via des LBO. De fait, la méga crise financière devenue crise économique pointait déjà son nez, et les années précédentes avaient connu des rachats soutenus par un endettement très excessif. Comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui, mais on y reviendra. En 2014, France Inter disait que " près de 5 000 entreprises et plus de 2,5 millions de salariés menacés luttent contre ces opérations spéculatives".

En tout cas, en cas de réduction des liquidités, comme c'est le cas lors d'une crise financière, les LBO s'avèrent particulièrement risqués. On l'a vu notamment avec le groupe Pages Jaunes, qui était en très bonne santé jusqu'à ce que des fonds spéculatifs s'emparent de la poule aux œufs d'or.

Hollande avait d'ailleurs promis de revenir sur le système des LBO, mais on attend toujours. A vrai dire, son ennemi n'étant plus la finance sans visage, il a d'autres priorités.

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Ce qui est incroyable avec le libéralisme ultra, c'est qu'il arrive même à spéculer sur de la dette. A court terme, cela peut rapporter, et en ce moment le peu de croissance réalisée dans le monde est engloutie dans des opérations spéculatives toujours plus risquées, dans un scénario très proche de ce qu'on a connu en 2006-2008. L'exemple du groupe L'Express montre à quel point ce système est dangereux, à court terme comme à long terme, pour les entreprises rachetées.



[1] Par exemple, Bernard Arnault a racheté Les Echos et Le Parisien, Dassault a Le Figaro, Niel, Bergé et Pigasse ont Le Monde et Le Nouvel Obs, Bolloré a Canal et Direct 8, Bouygues a TF1 et LCI... Bref, la pluralité n'est que de façade car tous ces partons partagent exactement les mêmes idées, et comme l'a expliqué Dassault en rachetant Le Figaro, acheter un journal, ça sert "à faire passer des idées saines".

[2] Apparemment, Drahi aurait investi 10 millions dans la dernière recapitalisation de Libération, déjà renfloué en 2005 par le banquier Edouard de Rothschild.

[3] Le titre a déjà fait une chut spectaculaire en aout, passant de 120€ à 26 en une journée.

[4] Leverage Buy Out: achat par effet de levier.

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M
" Pendant le Brexit, les actes nuisibles de la Commission européenne continuent : le Glyphosate de nouveau autorisé "<br /> <br /> ( http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pendant-le-brexit-les-actes-182446 )<br /> <br /> <br /> <br /> Ce Monsanto doit avoir sa conscience qui pèse le poids d'un éléphant adulte<br /> <br /> le glyphosate qui nous empoisonne tous : http://citizenpost.fr/2016/06/brexit-affaires-de-monsanto/
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S
Nous sommes à l'heure actuelle, EN SURSIS <br /> <br /> C'est terrible c'est innommable j'ai une haine contre les commanditaires démesurée, comment pourrait-il en être autrement ?????<br /> <br /> http://www.express.co.uk/news/world/555434/Islamic-State-ISIS-Smuggler-THOUSANDS-Extremists-into-Europe-Refugees
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S
@ chimical : t'étais pas aussi sur le forum " non élucidé " ????? avant qu'il ne plie boutique
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C
E SUIS VERITE <br /> <br /> <br /> <br /> Facebook : https://www.facebook.com/pages/Compre... <br /> <br /> <br /> <br /> Tweeter : https://twitter.com/ChimicalSpray <br /> <br /> <br /> <br /> Google plus : https://plus.google.com/u/0/+Chimical...
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S
Lady Diana vu par son fils : http://www.lepoint.fr/monde/prince-william-apres-la-mort-de-diana-maman-est-devenu-un-simple-mot-18-10-2015-1974645_24.php#xtor=CS3-190<br /> <br /> <br /> <br /> RIP<br /> <br /> Les responsables tjrs en totale impunité ???
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