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1 juin 2019

Réseaux pédocriminels en Irlande : 30 ans d'omerta par les autorités

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Les médias nationaux irlandais évoquaient le 19 avril l’ouverture d’une enquête judiciaire sur l’existence d’un réseau pédophile actif dans les années 80 dans le comté de Fermanagh, en Irlande du nord. Plusieurs victimes se sont fait connaître ces dernières semaines, et toutes évoquent l'existence d'un réseau pédophile dans la région, centré autour d'un chauffeur de bus. 

Du côté de l'affaire du réseau du Kincora, les liens avec les barbouzes anglais qui terrorisaient les républicains Irlandais deviennent évidents, le tout avec la protection du MI6.

 

L'affaire a été étouffée, comme le montrent les derniers éléments de l'enquête menée par des journalistes locaux. La police vient par exemple d'admettre (ce que l'on savait déjà puisque des victimes ont tenté de dénoncer les faits) qu'elle était au courant des accusations d'agressions sexuelles et viols sur mineurs qui pesaient contre le chauffeur de bus.

Le principal accusé par ces victimes est un ancien chauffeur de bus, David Sullivan, qui a été retrouvé assassiné en 1998 lors d’une vague d’accusations contre divers pédophiles. Ce crime est resté impuni.

Si des victimes se sont mises à parler dans ce pays où l’omerta est très prégnante, c’est parce qu’un média local, l’Impartial Reporter, s’est mis à enquêter sur les abus sexuels commis depuis des dizaines d’années dans le pays.

 

L’affaire Sullivan

2019-04-20 23_24_37-Unsolved murder of bus driver puts spotlight on suspected paedophile ring in the

David Sullivan avait agressé des mineurs, notamment ceux qu’il transportait dans son bus, jusqu’à son meurtre en 1998. Une de ses victimes aujourd’hui âgée de 45 ans a expliqué récemment à la police que Sullivan l’avait agressé une douzaine de fois quand il avait 12-13 ans. Il l’a aussi vu agresser d’autres garçons. Apparemment, Sullivan se baladait dans son bus un peu partout dans le secteur, à la recherche de victimes qu’il embarquait sans se soucier de rien.

D’après les médias, en première ligne l’Impartial Reporter, Sullivan avait le profil parfait du prédateur isolé, n’ayant pas vraiment de vie, il n’avait que sa vieille mère, disait-on, et passait ses journées seul. Et puis alors que des accusations contre lui commençaient à parvenir jusqu’aux forces de police, Sullivan a disparu un jour d’août 1998. Très vite, les enquêteurs ont considéré que Sullivan avait été liquidé.

Son corps a été retrouvé le 3 février 2000 dans la campagne à la frontière avec l’Irlande, et le ou les meurtriers courent toujours. Il a été tué le crâne fracassé, puis décapité.  En décembre 2002, deux types âgés de 23 et 24 ans ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Sullivan, pour avoir dissimulé des informations mais pas pour le meurtre.

En 2009, un autre type a été suspecté du meurtre de Sullivan, et qui a été placé un temps en détention, affirme que les officiers avaient dit que "Sullivan était à la tête d’un puissant réseau pédophile qui avait fait plus de 400 victimes", selon le Belfast Telegraph. Ce témoin, Leo Hoad, précise : "la police m’a dit qu’il était le pire pédophile d’Irlande du Nord". Et selon lui, si Sullivan n’a jamais été inquiété, c’est parce qu’il savait des choses en raison de son activité de fournisseur de chair fraîche aux pédophiles du coin, du moins ceux qui pouvaient se le payer.

2019-05-23 20_31_12-I didn't kill Fermanagh child rape gang leader says convicted rapist - BelfastTe

Hoads, lui-même pédophile, dit qu’il en outre qu’il connaît les noms de plusieurs agresseurs pédophiles, notamment un ex enseignant d’une école locale ou un riche businessman. Hoads dit qu’il n’a été relâché que parce que le jour de la disparition de Sullivan, il était à l’enterrement de son grand-père.

Avant de devenir chauffeur de bus chez Ulsterbus, Sullivan a été chef scout, et il trainait avec ses amis dans les bars et salles de billard du secteur. Il avait aussi été membre de la Royal Air Force, l’armée de l’air. Des enfants et des ados venaient chez lui sans que cela ne pose problème à personne.

Mais, il y a toujours eu des "rumeurs" comme quoi Sullivan n’était pas si isolé que cela, et qu’il fréquentait même le gratin local, notamment quelques businessmans. Les rumeurs parlaient aussi d’un lien avec un réseau pédophile local, basé dans la plus grande ville du comté, Enniskillen, environ 13.000 habitants. Et puis il y a aussi eu des plaintes, à plusieurs reprises, toutes classées sans suite.

Ce réseau était donc très actif dans les années 80, une période à laquelle la ville a été le lieu de nombreux affrontements entre Irlandais et anglais.

Une des victimes parle d’autres adultes qui ont participé aux faits, d’autres garçons lorsque lui-même était violé par Sullivan. En mai, une douzaine de témoins avaient contacté l’Impartial Reporter. Presque tous avaient déjà signalé les faits aux autorités, en vain.

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Parmi ces témoins, une femme qui a expliqué avoir été victime d’un réseau pédophile organisé dans trois villages à moins de 10 km d’Enniskillen. Elle compte une quinzaine d’agresseurs. C’est son assistante maternelle, la femme qui la gardait, qui l’a mise dans ce réseau, a-t-elle dit. Elle a parlé d’autres enfants que cette femme avait "vendus" à des types, des gens qui travaillaient, des "entrepreneurs, des gens très connus dans la région", selon un article de presse, qui venaient dans la maison où les enfants étaient gardés. Les abus auraient ainsi duré de ses 4 ans à ses 8 ans.

Un autre témoin, qui dit aussi avoir été victime de Sullivan, estime que dans la région, ce réseau aurait pu faire une centaine de victimes.

Une autre femme a déclaré qu’à la même époque, et pendant plusieurs années, son frère a été régulièrement drogué et violé par Sullivan. Elle ajoute que la famille avait tenté de déposer plainte, mais qu’on leur avait dit de ne pas entamer de procédure.

D’après les journalistes qui enquêtent sur cette histoire, les mêmes noms de protagonistes, les mêmes lieux apparaissent dans les différents témoignages, alors que ces personnes ne se connaissent pas.

Si une enquête judiciaire a été ouverte à la suite des articles dans la presse, les victimes n’ont aucune confiance dans la suite de la procédure.

 

L’affaire du Kincora Boys Home : où en est-on ?

2019-05-28 20_33_21-Former Kincora boys' home resident suing police and government over sexual abuse

On a déjà parlé plusieurs fois du Kincora Boys Home à Belfast, dirigé par William McGrath, un pédophile pro anglais qui avait carrément organisé un réseau pédophile dans ce foyer pour adolescents, et qui travaillait pour les services anglais. Le Kincora avait ouvert dans les années 70 et fermé en 1981 quand plusieurs membres de l’équipe dont McGrath ont été condamnés pour des actes pédophiles sur 11 victimes.

Plusieurs personnalités s’y rendaient, et l’endroit était placé sous l’étroite surveillance des renseignements anglais, le MI5. Une trentaine de victimes ont été identifiées, mais il y en a probablement quelques dizaines de plus.

Un des lanceurs d’alerte au sujet de l’affaire du Kincora est justement un ancien des renseignements, mais de l’armée. Colin Wallace, qui travaillait à l’Information Policy Unit de l’armée anglaise en Irlande du Nord au début des années 70, avait tenté d’exposer ce réseau il y a déjà 40 ans, sans succès. Evidemment, cela ne lui a pas réussi sur le plan de sa carrière dans l’armée.

Il veut aujourd’hui expliquer comment ses efforts ont été ruinés par le MI5. Il demande à ce que l’affaire du Kincora soit incluse dans l’enquête gouvernementale sur les abus sexuels, qui a été lancée en Irlande mais pas en Irlande du Nord, toujours rattachée à l’Angleterre.

Selon Wallace, le MI5 utilisait le Kincora pour compromettre puis manipuler diverses personnalités, essentiellement de la politique et des renseignements. De fait, la liste des visiteurs est digne d’un gala mondain : Lord Montbatten, l’oncle du prince Philip, Maurice Oldfield, patron du MI5 et ensuite du MI6 (les renseignements extérieurs)[1], et son bras droit Peter Hayman, l’un des membres fondateurs du Paedophile Information Exchange, Leon Brittan qui a été ministre de l’Intérieur sous Thatcher et a étouffé de nombreux dossiers de réseaux pédophiles, surtout quand ils impliquaient des VIP, ou encore l’agent double Anthony Blunt…

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Cependant, l’affaire du Kincora a été examinée récemment à l’occasion d’une enquête sur divers cas d’abus, mais plusieurs témoins clé ont refusé de témoigner, parmi lesquels Colin Wallace et son collègue Brian Gemmell, ou encore l’ex membre du parti unioniste (pro anglais) et éditorialiste Roy Garland, qui pourtant avait dénoncé les faits dans les années 80.

William McGrath, le pédophile en chef qui dirigeait le Kincora, était au cœur du mouvement paramilitaire unioniste. Il en connaissait tous les pontes, et avait aussi fondé son propre groupuscule, appelé Tara, vers 1966. Et il est arrivé en 1971 comme directeur du Kincora.

Par ailleurs, McGrath était très proche de Sir Knox Cunningham, avocat d’Irlande du Nord, unioniste militant et collaborateur du premier ministre Harold Macmilan. Il était très proche également de leaders unionistes comme le "révérend" Ian Paisley qui a été 1er ministre d’Irlande du Nord [2] ou James Molyneux, cité récemment comme un des pédophiles actifs dans le réseau pédophile de Westminster à Londres qui était membre du Monday Club, un groupe très à droite du parti conservateur, et proche du lobby pédophile le Paedophile Information Exchange.

 

Les coups fourrés des services anglais

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Plus récemment, des éléments sont ressortis, mettant en exergue le rôle d’une taupe des services anglais dans le mouvement irlandais, qui a assassiné en 1989 un avocat réputé de Belfast à l’époque, Pat Finucane, de 14 balles à bout portant.

En 2004, un dénommé Ken Barrett de l’Ulster Defence Association (UDA), un groupe paramilitaire pro anglais, qui était un informateur de la police anglaise, a avoué le meurtre. L’enquête a été étouffée durant des années, mais il est apparu que les services de sécurité anglais étaient impliqués dans l’assassinat.

Celui qui aurait donné l’ordre de passer à l’acte serait celui qui était le porte-parole et un des dirigeants de l’UDA, Tommy ‘Tucker’ Lyttle. Un vrai terroriste[3], qui a d’ailleurs été arrêté en 1990 et condamné à 7 ans de prison pour avoir organisé des meurtres ciblés de Républicains irlandais[4].

Lyttle était aussi un informateur des renseignements anglais sous le nom de code "Rodney Stewart" depuis des années au moment du meurtre [5], et des témoins expliquent que Finucane faisait partie des cibles sur lesquelles il avait monté un dossier. En fait, ce seraient les renseignements anglais qui auraient "demandé" à des unionistes alors emprisonnés d’éliminer Finucane.

Pourquoi ? Officiellement, parce qu’il aurait trop bien défendu des membres de l’IRA, accusée de terrorisme.

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Il se trouve que l’une des victimes du Kincora Boys Home, Richard Kerr, qui a été résident du home de 1975 à 1977 [6], se souvient avoir croisé Lyttle, à deux occasions. La première quand il avait 15 ans, un jour où il avait été amené à un hôtel pour un client inconnu par les types du foyer, et dans l’entrée de l’hôtel les types sont revenus avec celui qu’ils ont alors présenté comme "Tommy", qui est remonté en voiture avec eux ensuite pour le ramener au Kincora. Il s’agissait donc de Lyttle.

Cette première rencontre a valu à Ricard Kerr quelques intimidations par la suite. D’autant plus facilement que, le monde étant petit, William McGrath, le patron du Kincora, était très proche des leaders de l’UDA [7].

La seconde fois, c’était encore une fois où on l’amenait vers un client dans un hôtel, mais ce jour-là il était accompagné par des gros bras, soit proches, soit membres de l’UDA. A un moment de la soirée ils se sont retrouvés dans un bar, où Lyttle était présent. Puis, Kerr a été envoyé dans la chambre d’un type, avant que Lyttle et ses gros bras le ramènent au Kincora.

Par la suite Kerr a croisé plusieurs fois les gros bras de l’UDA, notamment à une soirée Loyaliste à Belfast. Il a aussi été violé plusieurs fois par un ami de McGrath, John McKeague, un leader politique unioniste, fondateur en 1972 d’un commando particulièrement meurtrier, le Red Hand Commando. Il a aussi été le garde du corps de Ian Paisley et selon certains, était fan de délires occultistes. Les viols se déroulaient au Girton Lodge hotel, juste à côté du Kincora, où Lyttle, McKeague et leurs amis terroristes pro anglais se retrouvaient régulièrement.

 

Les connexions londoniennes du Kincora

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Kerr a aussi été envoyé en Angleterre, toujours pour servir d’objet sexuel aux politiciens pédophiles et à leurs amis. Là, il a par exemple été violé à Manchester par Cyril Smith, ce député contre lequel 144 plaintes pour viols sur mineurs ont été déposées, en vain, et qui était protégé par le MI5. Kerr semble même avoir fait le tour d’un certain nombre de hauts lieux de pédocriminalité : il explique avoir été violé au Dolphin Square, et à Elm Guest House [8], à Londres. Parmi ceux qui l’ont violé, Kerr cite Cyril Smith, Peter Hayman, membre du MI6 et bras droit de Maurice Oldfield.

Cet hôtel était aussi cité par Colin Wallace comme un lieu de rendez-vous des unionistes où des activités pédophiles avaient lieu, comme à l’hôtel Park Avenue ou l’Europa Hotel, où Richard Kerr a été prostitué avant d’y travailler grâce à un job proposé par le réseau.

Par ailleurs, Wallace a expliqué que selon les informations qu’il avait obtenues dans les années 70, plusieurs garçons passés par le Kincora s’étaient retrouvés embarqués dans les activités paramilitaires de l’UDA.

Une autre taupe des renseignements de l’armée anglaise à l’UDA, un dénommé Baker, a déclaré en 1988 au maire de Londres Ken Livingstone que les dirigeants de l’UDA savaient pour le réseau pédophile du Kincora, que des politiciens d’Irlande du Nord étaient impliqués, et que les renseignements anglais avaient organisé ce système.

Le MI5 était lui aussi parfaitement au courant de ce qu’il se passait au Kincora, mais Colin Wallace et Brian Gemmell n’ont jamais pu pousser leurs enquêtes à ce sujet pour la simple raison que le MI5 faisait pression sur les pédophiles VIP qui en profitaient.

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Richard Kerr a mis longtemps à parler, parce qu’après avoir pu quitter le réseau, il a été régulièrement menacé. Puis dans les années 80 quand l’affaire du Kincora a émergé, et que McGrath et deux autres types ont été plus ou moins condamnés, le réseau a changé de stratégie et a assuré son aisance matérielle, par exemple en lui fournissant un grand appartement à Oxford Street alors qu’il avait des revenus limités. Même si, de temps en temps, des flics en civil ou en uniforme, ou des agents des services de renseignement, venaient le voir pour lui rappeler qu’il fallait se taire.

A l’époque déjà, Ian Paisley lui avait bien expliqué qu’il ne fallait rien dire au sujet des "anglais" qui venaient au Kincora.  

Une autre victime du Kincora, Clint Massey, a déclaré qu’au Kincora, il y avait "des tas gens de Londres".

Le frère de Richard Kerr, Alan, a suivi le même parcours : violé dans les foyers de Belfast par des amis de McGrath, il a été envoyé à Londres au milieu des années 80, où il a été violé à nouveau dans le même circuit que son frère.



[1] Oldfield est aussi cité dans le réseau de Westminster.

[2] Dès 1973, Paisely était parfaitement au courant de ce qu’il se passait au Kincora, car il en avait été informé par Valerie Shaw, secrétaire de la mission locale. Il n’a rien fait.

[3] Lyttle et ses amis avaient organisé, outre divers attentats, des enlèvements, tortures et meurtres de Catholiques irlandais, parfois de simples civils. Toujours impunément. Cette femme a aussi averti les leaders du parti unioniste, en vain, et la hiérarchie de l’Eglise, qui l’a prévenue que Paisley la détruirait si elle continuait à parler de cela.

[4] D’ailleurs les anglais ont commencé à flipper quand est apparue sur la liste des cibles de l’IRA à éliminer une de leurs meilleures taupes, un dénommé Freddie Scappaticci qui a eu des contacts dès la fin des années 70 avec les renseignements anglais tout en étant une figure montante du mouvement Républicain armé. Dans les années 80 il touchait 80.000£ par an pour balancer ses copains et les pousser à faire n’importe quoi. Scappaticci avait un rôle essentiel dans la sélection des recrues et l’évaluation de la fiabilité des troupes. Il a été balancé en 2004 seulement.

[5] Lyttle a expliqué des années plus tard qu’il n’était pas seulement un informateur, puisqu’il a assuré pour le compte des renseignement s militaires un transfert d’armes à destination de l’Afrique du sud, à l’époque sous le régime de l’Apartheid.

[6] Kerr est entré au Kincora à 14 ans, il était alors le plus jeune résident. Quelques mois plus tard il était emmené dans les hôtels, prostitué auprès de divers types en relation avec le staff de pédophiles unionistes du Kincora.

[7] Notamment de David Payne, à qui il avait demandé de tuer un leader politique, Roy Garland, qui avait dénoncé les abus sexuels commis par McGrath sur des mineurs en 1973.

[8] Elm Guest House était une guest house transformée en bordel pédophile pour des VIP, beaucoup de membres du parti conservateur ou du parti libéral comme Cyril Smith, mais aussi des membres des renseignements comme Peter Hayman et des stars du show biz comme Jimmy Savile.

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