Retour sur le procès en appel de Priscilla Majani, cette maman arrêtée en Suisse en février 2022 et condamnée pour dénonciation calomnieuse ainsi que non-représentation d'enfants en première instance à Toulon. Comme on pouvait s'y attendre, l'objet de l'audience n'était pas de comprendre pourquoi cette maman avait pris la fuite avec sa fille de 5 ans, mais de la faire passer pour une mère manipulatrice dont le seul but était d'éloigner sa fille d'un père aimant.
Mise à jour du 07/01/2023 en bas de l'article
Il va sans dire que la thèse de la partie civile (Alain C.), reprise mot pour mot par la "justice" depuis dix ans dans cette affaire, ne tient selon nous pas la route: pourquoi une femme à la vie parfaitement équilibrée se serait-elle levée un beau matin, lâchant un emploi dans la fonction publique bien rémunéré, lâchant sa famille, l'ensemble de sa vie et de son confort, pour fuir dans la nature en 2011 avec sa fille de 5 ans?
Funambulisme juridique
Selon la partie civile et la "justice", c'est parce qu'elle voulait éloigner un père modèle de l'enfant, pour des motifs qui n'ont pas été clarifiés, sauf à considérer que l'éternel "conflit parental" en est un. Bref, nous étions là en appel, pour refaire le cirque habituel avec une hostilité plus feutrée qu'en première instance mais néanmoins perceptible à chaque seconde de cette audience, digne de la justice qu'on connaît dans ces dossiers.
Selon nous, les propos tenus par l'enfant de 5 ans étaient suffisamment inquiétants pour que sa maman tente de la protéger. Et comme celle-ci l'explique: "Quand j'ai vu que c'était moi qui me suis retrouvée en garde-à-vue et que je risquais un internement en psychiatrie, j'ai compris qu'on ne voulait pas écouter ma fille".
Et en effet, même le parquet a été obligé de reconnaître que l'enquête sur les viols, puisque la plainte était bien pour viol, a été des plus rapides: entamée le 17 janvier, elle se serait conclue le 26 février (de la même année!) par le placement de Priscilla Majani en garde-à-vue avec contrôle judiciaire pour elle et l'obligation de "rendre" l'enfant au géniteur, accusé par la fillette de violences sexuelles: ça se passe comme ça dans ce pays qui est si souvent appelé "Pédoland".
Le 2 mars Priscilla avait droit à un mandat d'arrêt, s'en sont suivies une condamnation en son absence, puis des procédures sans fin contre la famille de Priscilla, accusée de l'avoir aidée.
Que disait Camille, âgée de 5 ans? Que son père était maltraitant, négligent, et qu'il avait commis sur elle des agressions sexuelles, selon ce qui serait dans le dossier. Mais à ses proches elle a parlé de viols et d'autres choses. A 17 ans maintenant, Camille a porté plainte le 18 novembre en Suisse contre Alain C. pour violences physiques, psychologiques et sexuelles, espérant que la justice la croira.
L'audience a commencé à 15h 30 avec, comme d'habitude, une dizaine de policiers dans et autour de la salle pour une quinzaine de personnes venues soutenir Priscilla Majani (dont la moitié a été ejectée de la salle au cours de l'audience).
Rien de bien exceptionnel lors de ce procès en appel. Nous savions que ces débats étaient surtout pour la forme, qu'on risquait fortement d'être dans la pure perte de temps, mais il y a quand-même eu quelques moments de flottement, comme :
- Quand une avocate de la défense, Me Sophie Benayoun, a soulevé la question de la prescription pour les faits de soustraction d'enfant puis pour la dénonciation calomnieuse,
- Quand cette avocate a demandé la jonction des procédures de dénonciation calomnieuse, non représentation d'enfant et soustraction d'enfant,
- Ou encore quand elle a fait valoir que le mandat d'arrêt du 2 mars 2011 ne valait pas une mise en examen. A cette occasion, l'avocate a été obligée d'improviser un cours de droit de la procédure pénale à l'attention des magistrats et de la partie civile. Mais entre le droit et son interprétation, dans ce pays, il peut y avoir un gouffre.
- Quand elle a évoqué un document du 26 septembre 2013 : une décision d'un procureur de mener des poursuites contre Priscilla, qui n'est pas clair, pas signé, et dont on ne sait pas à qui il a été adressé. Bien-sûr, a-t-elle précisé, "je ne remets pas en cause l'authenticité de ce document". Selon le tribunal, ce document serait "un acte d'instruction" et signifie qu'une enquête allait être lancée et cela interrompt la prescription pour la dénonciation calomnieuse.
- Quand on comprend que les pièces telles que les certificats médicaux de Camille ont encore disparu du dossier.
- Quand la libération conditionnelle de Priscilla Majani a été demandée en fin d'audience (de fait elle est libérable depuis plusieurs semaines)
- Quand la fille aînée d'Alain C. est venue témoigner du comportement hallucinant de l'individu
- Quand son ex compagne est venue expliquer, de manière extrêmement nuancée, l'horreur de la vie avec Alain C, entre insultes, violences physiques et psychologiques.
- Quand l'ancienne directrice de l'école de Camille est venue expliquer que l'adolescente était parfaitement équilibrée et ne parlait d'Alain C. que de manière négative
- Quand une pédopsychiatre qui a suivi Camille a expliqué posément malgré des attaques mesquines de la partie civile que selon elle Camille manifestait un trouble post-traumatique
- Quand il a été question du classement sans suite, jamais trouvé dans le dossier, de la plainte pour viols déposée en 2011, et qui permettrait d'accuser Priscilla Majani de dénonciation calomnieuse. De plus comme elle ne l'a jamais reçu, elle n'a jamais pu contester le classement sans suite et faire appel. On comprend qu'il ne figure toujours pas dans le dossier mais qu'on va faire comme si.
- Quand l'avocat de la partie civile explique qu'il est en contact avec la curatrice de Camille en Suisse. On comprend mieux pourquoi elle interdit à Camille de parler à qui elle veut.
De la justice dans un pays où seulement 382 personnes sont condamnées pour viol sur mineur en 1 année
La présidente du tribunal a bien montré qu'elle n'était pas là pour écouter Priscilla, ne cessant de l'interrompre tout en lui enjoignant de répondre à ses questions. Une hostilité dont on a l'habitude dans ces dossiers, et il est vrai que par moments on se demandait si on était au procès de Priscilla ou à celui de la victime de cette affaire, c'est-à-dire Alain C. Parce que cet individu toujours prompt à s'exprimer dans les médias aime se faire passer pour un père aimant, soucieux du bien-être de sa fille, en contact avec ses enfants d'un précédent mariage, dans l'harmonie et la bonne humeur. On a vu ce mercredi que cette version n'a rien à voir avec celle des intéressés.
Il aurait pu lui aussi faire venir des témoins pour expliquer à quel point il est admirable.
La présidente a entrepris de lire les auditions de Camille réalisées le 6, 7 et 18 janvier 2011, dont elle considère qu'elles ne prouvent rien puisque selon son analyse Camille sourit ce qui veut dire qu'elle n'a pas subi les violences de son père. Que Camille parle des coups répétés de son géniteur, qui lui "fait tout le mal de la terre", qu'elle puisse décrire le zizi de son père et le comparer à celui d'autres hommes, qu'il a essayé de lui faire toucher son zizi, et qu'il l'a violée lors de sa dernière audition?
Selon la juge les propos de l'enfant ont évolué, "Camille dit tout et son contraire", il s'agit d'un "discours récitatif" (cf. examen psy ordonné par la justice, qui parlerait même d'un "ton inadéquat" de la fillette de 5 ans), et en plus un examen médical très light réalisé 15 jours après la dernière visite chez son père n'ayant trouvé, alors : RAS.
Il faut dire que l'expertise de la psychologue, lue dans les longueurs par la présidente du tribunal car il s'agit d'une pièce maîtresse de l'argumentaire à charge, concluait que tout ça n'était qu'une histoire de "conflit parental" et que le problème de Camille, c'était sa mère. Du pain bénit que le tribunal n'est toutefois pas obligé de prendre pour argent comptant, d'autant que le parti pris de cette expertise est évident.
Il a aussi été question de mère trop "fusionnelle", un thème qui revient systématiquement depuis quelques années, et même au coup du "syndrome d'aliénation parental", cette invention de Richard Gardner qui sert à défendre les pédos depuis des années mais n'a toujours aucune reconnaissance scientifique puisqu'il a fait lui-même ses études sans que personne ne puisse reproduire ses résultats.
Concernant l'audition de Camille par la police, la présidente a souligné que le policier devait poser des questions à Camille, et qu'elle ne parle pas spontanément, comme si une fillette de 5 ans devant un policier en uniforme, qui ne comprend rien à ce qui lui arrive, va se mettre à déballer un récit circonstancié et chronologique de ce qu'elle vit et dont elle a déjà parlé à plusieurs personnes, médecins compris.
Tout le monde -sauf peut-être les juges, - sait qu'un enfant commence toujours par parler de ce qui lui fait le moins peur. C'est seulement quand il est en confiance qu'il peut éventuellement dire le plus grave. C'est je pense la raison pour laquelle il est officiellement recommandé de ne faire qu'une seule audition filmée, et de moins de 20 mn: si dans ce laps de temps l'enfant parle, il est fort.
A un moment, on nous a diffusé un passage d'1 ou 2 minutes d'une audition de Camille, dans laquelle on voit qu'elle a envie de jouer et de passer à autre chose, et où elle ne parle pas vraiment, puis la présidente demande à Priscilla Majani, dans le box des accusés : "Est-ce que vous trouvez que c'est très spontané tout ça?". Priscilla a tenté de répondre, mais la juge l'a coupée: "Vous aussi vous avez du l'interroger"
Priscilla: C'était très difficile, j'aurais préféré ne jamais entendre ça...
La juge la coupe encore: Vous ne pensez pas que vous pouvez lui suggérer des choses? (Cette magistrate reprochera ensuite les questions "fermées" réalisées lors de l'audition de Camille.)
Priscilla: Mais c'est insupportable à entendre! On a envie de se boucher les oreilles.
Elle explique "je vivais très mal cette époque parce que je récupérais ma fille dans des états lamentables, elle avait des bleus, des marques, et personne ne m'écoutait"
La juge l'a à nouveau coupée, lui reprochant de "monopoliser la parole". C'était peut-être la première phrase complète avec subordonnée qu'a pu terminer Priscilla Majani depuis le début de l'audience. Il était temps de passer sur le terrain de la "religion", avec cette accusation larvée selon laquelle Priscilla était dans une secte et a mis sa fille dedans.
Puis on revient sur le ton "détaché" de Camille lors de l'audition, qui semble être pour la présidente une preuve qu'il ne s'est rien passé. Priscilla Majani a tenté de répondre qu'"il y a des explications à ça, il y a des enfants qui peuvent avoir un ton détaché..." mais elle a été coupée encore une fois : "ça c'est votre avis". Ce sera aussi celui de la pédopsychiatre citée à témoigner par la défense, mais tous les propos des témoins ont été balayés d'un revers de main. On va y revenir.
La présidente est passée au signalement de l'hôpital Trousseau qui selon elle ne prouve pas des viols répétés, ce qui est vrai. Mais il souligne que l'enfant est en danger et demande qu'une enquête soit menée au sujet des propos de Camille.
L'avocat d'Alain C. a ensuite repris l'argumentaire, reprochant au passage à Priscilla d'avoir parlé à Stan Maillaud dans une vidéo, là encore d'un ton détaché (décidément!), vidéo envoyée le matin même au tribunal et que la défense n'a pas pu consulter, et revient à son tour sur l'histoire de la religion parce que Camille aurait déclaré que son père était méchant parce qu'il ne croyait pas en dieu. On aurait aimé le contexte et des approfondissements sur ces propos d'une enfant de 5 ans, pour lesquels on peut facilement trouver d'autres explications qu'une dérive sectaire de sa mère.
Priscilla a tenté de répondre mais la juge l'a coupée.
Les témoignages qui cassent le mythe du père parfait
Alors qu'Alain C. se répand dans les médias (principalement dans Var Matin il est vrai mais pas seulement [1]), trémolos dans la voix, pour pleurer sur son triste sort et détruire l'image de Priscilla Majani (ce qu'on peut comprendre vu sa situation), nous avons eu l'occasion d'entendre un autre son de cloche.
En première instance, où il n'y avait aucun témoin, Alain C. déclarait qu'il avait d'excellents rapports avec ses enfants d'un premier mariage et avec son ancienne compagne, mais cette dernière et sa fille sont venues dire le contraire devant le tribunal. Il disait que Camille était "foutue", on a entendu qu'elle se sent très bien et qu'elle va bien.
Mais on a failli ne pas les entendre car les témoins n'ont pas été cités à comparaître, et l'avocat de la partie civile a tenté de faire valoir un argument juridique des procédures de divorce pour éviter qu'ils ne s'expriment.
Et en première instance, leurs témoignages écrits ont été écartés.
Me Sophie Benayoun a expliqué que comme Alain C. est partie civile, cet argument ne vaut rien et que les droits de la défense impliquent d'entendre les témoins de la défense. Là-dessus, le tribunal a pris une pause pour décider si les témoins allaient être entendus, il était 17h30.
Témoignage de la fille et l'ex épouse d'Alain C.
Vers 18h l'audience reprend avec l'audition de la fille aînée d'Alain C. âgée d'une quarantaine d'année et mère de famille. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas été aidée à s'exprimer par la présidente, qui lui a dit de faire sa déclaration et qu'après on lui poserait des questions. Impressionnée, elle a quand-même raconté son vécu: "Je suis là pour témoigner de comment mon père se comportait quand j'étais enfant, mais je ne sais pas par où commencer. J'ai été victime de maltraitances psychologiques de la part de mon père. Il y avait beaucoup d'insultes, des violences, des menaces même des menaces de mort. J'avais peur pour ma mère, j'avais peur pour mon frère..."
Elle décrit un climat pesant, des violences contre sa mère, les propos sexuels en permanence, les bouffées d'air quand il s'absentait, heureusement souvent. "Les insultes étaient souvent à caractère sexuel, il y avait un climat de peur, de sexualité. Il disait tout le temps qu'il avait eu deux putes et un pédé, qu'à 18 ans je devrai faire le tapin pour survivre... il insultait beaucoup notre mère... Il faisait des crises de rage, il pouvait nous balancer une assiette au visage... Priscilla nous a rendu un grand service en l'éloignant de nous". Elle parle aussi d'insultes, notamment antisémites, et du dénigrement contre ses enfants à elle.
Question de la présidente: Dans quelles conditions êtes-vous venue aujourd'hui?
Le témoin répond simplement: "Quand j'ai vu que ma demi sœur avait été arrêtée j'ai contacté son avocate"
Interrogée par Me Guedj-Benayoun, l'autre avocate de Priscilla Majani, elle explique qu'encore aujourd'hui quand elle entend le bruit d'une voiture diesel similaire à celle d'Alain C., de nombreux mauvais souvenirs lui reviennent. Elle raconte comment en 2008 il est revenu vers eux: "J'ai cru qu'il avait changé. Puis je me rendu compte que ce n'était pas le cas".
L'ex épouse d'Alain C. est ensuite venue à la barre, et n'a pas été aidée non plus à s'exprimer. Cette femme très calme et posée raconte quand-même que vers 1983-1984 Alain C. "est devenu très difficile. Il a commencé par m'interdire de parler aux voisins puis ça a été crescendo, avec les menaces, les insultes". Il dormait "avec un pistolet", il avait sans cesse des "gestes déplacés envers ses enfants"...
On comprend que le témoin n'a pas envie de se replonger dans ce passé, et que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts fort heureusement. La présidente saisit l'occasion pour conclure: "comment êtes vous arrivée ici? C'est Madame Majani qui vous a sollicitée?"
- Pas du tout.
Elle revient rapidement sur "le climat de violence", les "réflexions en-dessous de la ceinture" en permanence, puis l'avocat d'Alain C. lui demande pourquoi elle a fait une attestation en sa faveur en 2008 puis en 2011, ce à quoi elle répond qu'elle reconnait avoir eu une phrase maladroite. Puis l'avocate de Priscilla mentionne une déclaration faite par le témoin, selon laquelle Alain C. était un jour parti avec la fillette, et "a dit qu'il voulait tuer Camille et se suicider".
- Vous savez il m'a dit tellement d'horreurs pendant des années...
Le témoignage de Camille: "Depuis, je n'ai pas arrêté d'être heureuse"
Vient ensuite le témoignage vidéo de Camille, qui explique que sa mère l'a protégée, qui raconte les négligences de son père dont elle se souvient encore, les coups, d'avoir été laissée longtemps dans un placard, des séances où ,elle était obligée de regarder des films avec des meurtres, les menaces quand il lui disait qu'il tuerait sa mère si elle parlait.
Elle dit, à 17 ans aujourd'hui, qu'elle se rappelle parfaitement qu'à l'époque elle avait parlé de ce qui lui faisait le moins peur (ce qui est comme on le sait un comportement NORMAL des enfants dans ces circonstances). Elle se rappelle aussi des policiers "qui rigolaient" pendant une des auditions, en 2011, qu'elle a "été très soulagée" quand sa mère est partie avec elle, et ajoute : "Depuis je n'ai pas arrêté d'être heureuse".
Elle s'est même sentie obligée de préciser que la religion protestante n'est pas une secte.
Camille se souvient très bien du jour où elles sont parties, c'est encore un jour marquant dans sa vie, pas du tout associé à de la tristesse ou de la peur, bien au contraire. Elle dit: "Je savais la raison de notre départ sans que ma mère n'ait eu à me l'expliquer (...) Avec ma mère à mes côtés, je me suis sentie heureuse et en sécurité. Notre départ a été le plus beau jour de ma vie".
Puis elle revient sur les procédures auxquelles sa mère fait face depuis plus de 10 ans, et ajoute : "J'aurais voulu être crue par la justice en 2011".
Autant vous dire que ce témoignage n'a suscité aucun commentaire de la présidente, du procureur et de la partie civile: pourquoi la parole de Camille aurait-elle plus de poids aujourd'hui qu'en 2011?
Elle va cependant tenter de se faire entendre puisqu'elle a porté plainte.
Après la vidéo, la présidente du tribunal demande à la victime (Alain C.): "Selon vous pourquoi elle vous accuse de tout ça?"
- Je pense que c'est pour avoir la garde exclusive, répond-il, avant d'expliquer à quel point il est malheureux et "fatigué de tout ça".
- Est-ce que les contacts ont repris avec Camille? demande la présidente, relançant les lamentations de la partie civile.
Alain C. explique que non, qu'avant ils étaient très proches, et que la vidéo c'est parce qu'on lui a dicté les choses. Il répète qu'il est fatigué et et considère que "Camille est détruite par sa mère"...
Témoignage d'une enseignante et de la pédopsychiatre de Camille
Le 3e témoin était une directrice d'école suisse, où Camille a été scolarisée durant 3 ans jusqu'en 2020. Elle explique que Priscilla Majani était très impliquée dans l'éducation de sa fille et la vie de l'école, que Camille travaille bien et a de bons résultats, qu'elle a une personnalité équilibrée, mature, qu'elle est capable comme tout adolescent de s'opposer à sa mère, et que Priscilla aussi est "parfaitement équilibrée".
Ce témoin était aussi la personne de contact chez qui Camille devait se rendre en cas de problème, et elle a été interrogée au sujet de la plainte déposée le 18 novembre par Camille probablement pour lui faire dire que Camille avait été instrumentalisée, ce à quoi elle répondu qu'il s'agissait d'une "demande personnelle" et que "depuis l'arrestation de sa mère elle veut porter plainte".
L'avocat de la partie civile a tenté d'attaquer la directrice d'école, parce qu'elle savait que Priscilla était en fuite. Mais en Suisse, répond-elle, ce qui prime c'est la scolarité et les droits de l'enfant quelle que soit la situation de ses parents.
Le dernier témoin à s'exprimer, il était alors 18h 45, était la pédopsychiatre qui a suivi récemment Camille pendant plusieurs années, en Suisse. Elle a été assez malmenée d'entrée de jeu par l'avocat d'Alain C. et n'a pas été mise à l'aise par la présidente qui lui a lancé: "Allez-y je vous écoute, sans lire vos notes. Vous pouvez faire une déclaration spontanée", mais le témoin préfère répondre aux questions.
L'avocat d'Alain C. s'est donc lancé sur un sujet qui n'a rien à voir avec la procédure ou avec Camille, à savoir la participation de la pédopsychiatre à des événements évangéliques. Probablement encore cette histoire de secte... Interrogé par Me Guedj-Benayoun, avocate de Priscilla, cette professionnelle parvient à revenir sur l'affaire et explique qu'elle a suivi Camille pour l'accompagner dans sa vie présente et a identifié chez elle des signes de stress post traumatique. Elle précise qu'elle n'a volontairement pas investigué sur la mémoire traumatique de Camille pour ne pas la réactiver et que cela puisse être fait par la justice ou si Camille en a besoin, dans les meilleures conditions possibles.
Me Guedj Benayoun lui demande: Est-ce qu'elle semblait sous influence?
- Elle avait une intelligence supérieure à la norme et savait s'affirmer. Je n'ai jamais eu l'impression d'un discours copié-collé, d'une simulation ou d'une collusion autour des propos de Camille. Pour moi, Camille est parfaitement individuée. C'était un discours spontané compatible avec des maltraitances mais je n'ai pas enquête à ce sujet car ce n'était pas l'objectif.
La pédopsychiatre ajoute qu'elle a identifié la présence d'une amnésie post-traumatique, des cauchemars récurrents, que Camille donnait des informations "circonstancielles qui n'étaient pas amenées par la maman", et elle se rappelle que Camille "n'a jamais voulu appeler son père, son "père", elle l'appelait "machin" avec un fort sentiment de dégoût".
Interrogée par la présidente, le témoin explique que ce n'est pas parce qu'un enfant sourit lors d'une audition qu'on doit en conclure qu'il n'a rien subi, parce que "le sourire de l'enfant peut masquer un traumatisme, ça peut être une défense", et que le fait de passer du coq à l'âne serait plutôt un symptôme de trauma.
La présidente, d'un ton péremptoire : Mais vous ne savez pas ce qu'a vécu l'enfant entre ses 5 et ses 12 ans.
Conclusions
Arrivés vers la fin de l'audience, la présidente a tenté de démontrer que Priscilla a inventé les accusations de violences sexuelles et préparé sa fuite bien avant sa garde-à-vue. Priscilla Majani a expliqué qu'elle s'est sentie acculée: "j'ai porté plainte le 18 janvier 2011 et le 21 l'enquête était close. J'ai voulu trouver quelqu'un qui écoute ma fille et je suis allée avec elle à Paris à l'hôpital Trousseau", qui a d'ailleurs fait un signalement, égaré pendant des années.
A un moment, sans qu'on comprenne bien comment le sujet était arrivé sur le tapis, la présidente s'est lancée dans une invective des gens "négatifs à l'égard de la justice", surtout ceux qui oseraient dire "qu'il y a des magistrats pédophiles" (la magistrature serait donc la seule professions sans aucun pédocriminel malgré les faits divers récurrents dans ce domaine, comme ce juge de Dijon qui a proposé sa fille de 12 ans sur un forum échangiste et qui a bénéficié d'une clémence hallucinante de la part de ses confrères).
Priscilla Majani tente d'expliquer qu' "il est difficile de faire reconnaître les abus sexuels à l'égard de la justice. pour moi c'était légitime de croire et de défendre ma fille même si j'ai du quitter le pays et vivre 11 ans dans la clandestinité".
La présidente : Mais ici est-ce que vous pensez avoir à faire à la mafia?
Les arguments de Priscilla pour expliquer qu'elle n'avait pas anticipé sa fuite ne sont pas entendus et la magistrate considère que Priscilla a cherché à éloigner sa fille du père, pas à la protéger.
C'est aussi la thèse de l'avocat d'Alain C., qui dit dans sa plaidoirie que dès la séparation, Priscilla Majani a tenté d'écarter Camille de son client, et qu'elle n'a cessé de lancer des accusations contre lui. Elle serait partie sans aucune raison, ou alors "la raison est simple: elle est dans la nasse, elle allait perdre la garde et la résidence", dit-il, ce qui est aussi la version de l'accusée, finalement: c'est quand elle a compris que la procédure tournait à l'avantage du père, accusé de violences diverses par sa fille, qu'elle a pris la décision de partir.
Puis il s'en prend à son tour aux soutiens de Priscilla, se plaignant que le dossier soit entre les mains de tout le monde, ce qui n'est évidemment pas le cas, et que tout le monde cherche seulement à "nuire" à Alain C. Or, personne ne connaît Alain C. parmi les soutiens de Priscilla et Camille, et il faudrait être malade pour vouloir s'en prendre à un parfait inconnu dans le seul but de lui nuire: nous n'en sommes évidemment pas là, et sommes obligés de constater que l'avocat fait preuve ici d'une forme de paranoïa.
Il explique être en contact avec la curatrice de Camille en Suisse qui serait "folle furieuse" (ah bon?) que Camille ait été sollicitée directement pour témoigner (comprendre: sans demander l'autorisation de la curatrice), si bien qu'elle a "interdit tout contact" entre Camille et les soutiens de sa mère. Ambiance.
Enfin, l'avocat déclare que "depuis 11 ans Camille est manipulée" (on a hâte de voir le moindre élément dans ce sens) et qu'elle "est obligée d'aller dans le même sens que sa mère", qu'elle n'a pas vue depuis près de 10 mois, avant de s'en prendre à l'un des soutiens de Priscilla Majani qui a écrit sur son blog au sujet de l'affaire puis aux vidéos de Maillaud,
Le procureur: pas d'état de nécessité
Le réquisitoire du procureur a été particulièrement laborieux (facilement 45 minutes). Il a commencé par dire que "c'est un dossier hors normes qui stigmatise toutes les dérives actuelles de la société" (suivez son regard vers les soutiens de l'accusée) et qu'il n'a pas apprécié de recevoir des pièces du dossier jusqu'à la veille. Parlait-il des vidéos envoyées par la partie civile?
Puis, solennel, il poursuit: "Je crois à l'Etat de droit et à la qualité de notre justice" (et là on pense très fort qu'il est libre de ses croyances), puis rappelle que ce tribunal est bien gentil d'avoir accepté la jonction des procédures et donc des peines ainsi que de laisser tomber la procédure pour non-représentation d'enfant, puis il présente sa chronologie du dossier.
Il admet tout de même que "Certaines plaintes pénales ont été instruites peut-être trop rapidement" (on ne lui fait pas dire), et que "l'enquête présente des insuffisances" (c'est bien ce que dit Priscilla Majani).
Il parle de "tensions dans le couple" (ce bon vieux "conflit parental"), les "mains courantes dans les deux sens", des plaintes pénales et ajoute : "je suis d'accord pour dire que la plainte pour viol a été instruite trop rapidement". Selon lui on "ne peut pas tirer grand chose des auditions" car "Camille dit tout et son contraire" et "finalement il y a des choses qui lui ont été suggérées". Cela en se basant sur la vieille expertise psychologique datant de 2011 qui est l'élément-clé pour écarter les témoignages passés et actuels de Camille et considérer in fine qu'elle ment.
Pour le procureur, donc, "L'expertise psychologique est très importante" et la mention d'un "discours récitatif" de l'enfant lui rappelle "le SAP", ce "syndrome d'aliénation parentale" qui on l'a dit est un bouclier à pédos qui permet de dire que la mène à poussé l'enfant à dénoncer son père. Bref, il considère que Priscilla Majani "n'a pas accepté que le père ait des droits" et que c'est parce qu'elle "a échoué sur le plan civil et pénal" qu'elle a "soustrait l'enfant au père", en s'organisant "de longue date".
Il a qualifié Priscilla de "procédurière née" (sic.), lui reprochant ses plaintes pour violences conjugales (l'une a été retirée parce qu'elle avait réussi à quitter le domicile, une autre a été classée sans suite), pour la garde puis pour les viols sur sa fille. Selon lui son intention "était d'avoir l'autorité parentale exclusive", pas du tout de protéger sa fille. Il a aussi beaucoup insisté sur un "réseau" qui d'après lui serait nécessaire pour que la fuite de Prescilla Majani et de sa fille ait pu durer si longtemps. Mais jusqu'à présent seule la maman, âgée, de Priscilla, a été condamnée pour avoir apporté un soutien et aucun "réseau" n'a été présenté jusqu'à présent.
Le procureur précise que "cette mouvance ne m'impressionne pas" sans qu'on comprenne bien de quelle mouvance il s'agit.
Selon le parquet, les témoins venus déposer ont aussi tous menti, et "étaient bien plus proches de Priscilla Majani qu'ils ne l'ont dit, mais je n'ai pas de preuves". De fait il n'y a aucune preuve alors pourquoi de telles suppositions? Il n'y avait donc selon lui pas d'état de nécessité, juste un "mépris absolu des décisions de justice".
Il a longuement donné sa vision du dossier puis conclu contre tout évidence et surtout sans aucun élément allant dans ce sens bien au contraire, que Camille était traumatisée par la séparation d'avec Alain C. qu'elle n'a pourtant jamais réclamé en 11 ans, auprès de personne. Jamais. Et il a requis 4 ans fermes et 1 an de sursis, avec une "obligation de soins". Paf, comme ça. Comme s'il ne s'était rien passé à l'audience, comme si ces ces 7 heures de débats absolument stériles n'étaient que pour la forme.
Les avocates de Priscilla ont plaidé la relaxe, l'état de nécessité, rappelant que Priscilla n'a pas échafaudé une stratégie pour priver sa fille de son père, lançant en connaissance de cause de fausses accusations, mais qu'elle a simplement rapporté les propos de sa fille et cherché à la protéger avec les moyens dont elle disposait.
Le jugement sera rendu le 4 janvier 2023.
Impunité institutionnelle
Avant ce procès, j'ai été vérifier où nous en sommes en matière de prise en compte de la parole des mineurs victimes de viols par la "justice". Eh bien c'est édifiant: on a réussi à faire pire qu'à l'accoutumée, avec seulement 382 personnes condamnées pour viol sur mineur en 2020 -dont seulement 250 ont été en prison) contre 530 en 2019. Et pour les majeurs ce n'est pas mieux: 348 condamnations pour viol.
La même année (2020) on enregistrait 6800 auteurs potentiels de viols sur mineurs qui ont été identifiés. Dont seulement 30% ont été poursuivis (on doit donc avoir autour de 70 % de classements sans suite). Conclusion: selon la "justice," 95% des enfants qui se disent victimes de viol sont des menteurs.
On voit donc que la volonté générale est de minimiser, voire de nier l'ampleur des violences sexuelles contre les enfants et les adolescents, premiers à devoir être protégés dans une société civilisée. Et encore une fois il faut interroger les pouvoirs législatif et judiciaire: que doit faire un parent à qui son enfant parle de viols et autres éléments qui seront peut être évoqués plus tard, et qui constate que c'est sur lui que la justice s'acharne?
L'état de nécessité n'est jamais pris en compte par la justice: mais s'il ne vaut pas dans un cas pareil autant l'effacer du code pénal. L'état de nécessité consiste, " face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien", à réaliser "un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace".
2 ans et 9 mois de prison en appel
Priscilla Majani a eu une condamnation en demi teinte: relaxée pour la dénonciation mensongère et calomnieuse, elle a été condamnée à 2 ans et 9 mois fermes pour soustraction et non représentation d'enfant ainsi qu'à 30.000 € de dommages et intérêts (contre 125.000 demandés). Son avocate a annoncé un pourvoi en cassation.
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On voit bien l'ineptie de la situation: en théorie on protège les enfants, en théorie on doit tenir compte de leur parole dans les procédures, en théorie l'intérêt de l'enfant prime. Mais dans les faits on est forcés de constater que c'est bien le contraire qui se produit: que pèse la parole d'un enfant face à des insitutions qui le prennent a priori, lui et son parent protecteur, pour un menteur, et face à un adulte qui nie avec véhémence, quitte à accuser la terre entière de complot?
Comment se fait-il qu'une seule expertise datant de plus de 10 ans serve de fondement à un argumentaire affirmant que Camille va mal, est sous emprise, mentait et ment encore aujourd'hui? Cela ne peut se produire que dans un pays où les droits de l'enfant ne comptent pas.
Alors certes, la justice est indigente: mais alors qu'on arrête de faire croire aux citoyens que des enquêtes sérieuses sont menées et qu'on arrête d'imposer des décisions de justice prises sur des bases plus que fragiles.
Et puis qu'on arrête surtout de rendre la justice au nom du peuple français, qui est le dindon de la farce.
[1] Par exemple quand Camille a été retrouvée il déclarait au Parisien au sujet de sa fille : "Je voudrais lui dire qu'elle me fasse confiance, qu'elle réalise que je l'ai toujours aimée et que je l'aimerai toujours. Et que la vie, ce n'est pas de vivre terré sous un faux nom, que c'est autre chose. Je dois faire sa reconquête, et œuvrer à ce que cette adolescente devienne une femme normale, qui surmonte autant que possible tous ces traumatismes."
On l'a aussi vu sur le plateau de CNews quand Priscilla Majani a été arrêtée, expliquant qu'à l'époque il était "pratiquement en symbiose" avec sa fille, qui 'na pas du tout la même version des faits.