Du bruit pour empêcher de penser
Comment penser au milieu du bruit ? Comment analyser les choses, construire une réflexion, prendre du recul et s'organiser, quand le bruit est partout ? La parole inutile a envahi l'espace public et privé. Même l'information, même le savoir ont été transformés en divertissement, et le débat public est réduit au strict minimum.
Cela, alors que les citoyens aspirent, seuls et de plus en plus collectivement, à un changement radical des pratiques, pour le meilleur ou pour le pire.
Observatrice comme beaucoup de la société, dans le temps et dans l'espace, je vois émerger une lame de fond en termes de paradigme politique : les peuples aspirent à une bascule dans le mode de gestion politique et économique. En 2021, on nous disait que quasiment deux français sur trois estimaient que "la démocratie est en danger" : comme à la veille de la Révolution, le malaise est palpable.
Retarder le point de bascule
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Le système "représentatif" n'a plus de légitimité aux yeux de la plupart "des français". Une bonne partie croit pouvoir "revenir" à une France mythique et autoritaire [1], pendant que les centristes, fidèles à eux-mêmes, restent hostiles à la démocratie (ils le montrent encore brillamment avec le refus d'admettre le résultat des élections imposées à la va-vite par leur chef), et que la gauche commence vaguement à se réveiller d'un sommeil de plomb depuis les années 60. La défiance n'a jamais été aussi forte, on peut même dire que beaucoup d'entre nous sont franchement dégoûtés par le cirque politique.
Les gens veulent un changement, et rêvent d'avoir voix au chapitre "démocratique" -une vieille chimère populaire. Et en effet : comment un système peut-il fonctionner quand la confiance a été totalement brisée entre les dirigeants et ceux qui subissent leurs décisions ?
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Cette lame de fond n'est plus un signal faible : les Gilets Jaunes par exemple, portaient la marque des jacqueries, ces révoltes paysannes qui effrayaient tant la noblesse, et le signal était déjà évident. Je ne vais pas énumérer ces signes, qui s'expriment de plus en plus radicalement, de la division entre "le peuple" qui n'est pas citoyen car il ne décide de rien, et la caste dirigeante qui détourne les leviers politiques dans l'intérêt d'une minorité de capitalistes ultra, des anti démocrates radicalisés à qui le système actuel convient parfaitement. Cela a toujours été le cas, mais ce qui a changé c'est que la caste ne s'embarrasse plus d'un quelconque vernis "démocratique". En effet, moins les richesses sont redistribuées, plus les mécanismes d'oppression sont visibles et ressentis.
Les tenants du pouvoir connaissent la situation (leur manie des sondages montre leur inquiétude), ils savent que cette lame de fond ne s'arrêtera pas d'elle-même, qu'au contraire elle a toutes les chances de se structurer et d'engendrer une dynamique de changement radical du système politique. Ils savent que d'une part, c'est là le cycle normal de l'Histoire, et que depuis le vol démocratique de 1789, la "République" des bourgeois et des marchands est sans cesse remise en cause par la population.
Ils savent aussi, d'autre part, que la République n'a rien à voir avec la "démocratie" -dont il n'a en pratique jamais été question- et que s'ils laissent prendre la dynamique démocratique, des concessions inenvisageables sont à prévoir. Comme le Référendum d'Initiative Populaire. Ou un conseil constitutionnel tiré au sort parmi les citoyens. Ou la création d'organes de contrôle des institutions. Ou pire encore : une assemblée constituante.
En face, les citoyens subissent des chocs successifs, dont la cadence a tendance à s'accélérer. Ces chocs, comme le covid par exemple, ont entraîné pour certains une prise de conscience que nos dirigeants agissent contre l'intérêt de la population, pour d'autres une énorme désillusion, enfin pour une majorité, je le crains, un déni de la réalité et une forme d'apathie.
Les deux premières catégories sont déjà dans cette dynamique de changement, la troisième risque d'y glisser si elle commence à entendre trop de propos subversifs. L'heure est donc grave pour ceux qui veulent, qui ont besoin du statu quo.
Aujourd'hui, le débat n'est plus macron ni la 5e République. Ce n'est pas l'Europe : nous sommes nombreux à savoir que leur système fondé sur le capitalisme est mort. Il n'est pas viable. Hélas, nombreux sont aussi ceux qui n'ont pas la capacité à imaginer d'alternative, et qui veulent à tout prix maintenir le statu quo. Nous devons nous déconditionner, sortir nos esprits du carcan conceptuel dans lequel on les enferme depuis la naissance. Je cite encore une fois Raimbault : "Les inventions d'inconnu réclament des formes nouvelles", sortons de ce cadre que nous n'avons pas choisi, reformulons les enjeux, les besoins, les perspectives et surtout d'abord, les méthodes.
Nous devons aller au-delà du constat, ne pas voir que l'effondrement en cours : il est crucial de construire aussi les bases d'une société désirée. Pour cela il faut du temps et une agora, des espaces d'échanges entre citoyens. Quels sont les leviers de la démocratie ?
- Un espace de débat public et un débat public riche, avec des lieux au niveau local dédiés à la construction des projets politiques, législatifs, économiques, sociaux. Où est le débat public sur les enjeux principaux concernant notre vie, aujourd'hui ?
- L'instruction de la population qui doit connaître son histoire, son système politique et économique. Cela implique aussi la liberté d'expression. On constate que ces leviers sont ravagés par une vision marchande qui a transformé le savoir en compétences. L'instruction est réduite au strict minimum pour la destination prévue des élèves : les enfants d'ouvriers à l'usine, les enfants de cadres pour encadrer et les enfants d'ultra privilégiés pour diriger. Par ailleurs, les médias subventionnés et les médias de milliardaires qui ont pignon sur rue ne font rien pour rendre les spectateurs plus intelligents, pour ouvrir des horizons. Au contraire, entre la propagande de bas étage et l'appel aux plus bas instincts, on nage dans la niaiserie la plus affligeante.
- La responsabilité des représentants.
- La séparation des pouvoirs, censée éviter un coup d'Etat comme celui du micron actuellement. Avec des contrôles réciproques.
- Le droit à l'insurrection, même d'une partie de la population. Présent dans la constitution de 1793 jamais appliquée car les capitalistes ont repris la main avec le Directoire en 1795, et jamais réapparu.
- Les organes citoyens de contrôle des institutions : jamais envisagé par les bourgeois qui ont rédigé nos constitutions successives depuis 1795.
- L'Etat de droit, c'est-à-dire que l'Etat respecte ses propres lois. Beaucoup de ceux qui ont eu affaire avec la "justice" savent que ce n'est pas le cas.
- L'autodétermination. Un leurre depuis que l'Europe et Washington décident pour nous au service des actionnaires de multinationales et de la finance [2].
Aucune des cases de la "démocratie" n'est cochée dans notre pays. Et même si les gens ne l'analysent pas comme cela, ils y sont confrontés au quotidien et voient chaque jour qu'ils s'appauvrissent alors que les proches du pouvoir, les plus riches, sont littéralement goinfrés de ce "pognon" si rare quand il s'agit de l'intérêt général.
Les fondateurs de la "démocratie", que ce soit en Angleterre, aux Etats-Unis ou en France, n'ont jamais été des démocrates et n'envisageaient même pas que le peuple décide de la gestion des affaires. Il est consternant d'observer aujourd'hui les tergiversations sur notre "démocratie" alors que la démocratie n'est pas constitutionnelle.
J'ai posé quelques éléments de réflexion à ce sujet dans le podcast ci-dessous. Et je recommande aussi la conférence de la journaliste Corinne Lalo et du constitutionnaliste Etienne Chouard :
Les Gilets Jaunes avaient bien avancé sur ces questions - et bien d'autres- avant d'être infiltrés et nassés dans les villes. Il y a d'autres groupes dont les travaux sont intéressants, comme le Mouvement constituant populaire qui organise des ateliers.
Occuper le temps de cerveau
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Que reste-t-il pour maintenir un semblant de vie "démocratique"? De pauvres "débats" à la télé entre individus parfaitement orthodoxes, les autres ayant été éliminés du champ médiatique ? Des noms d'oiseaux envoyés entre politiciens dans une scénographie qui n'est pas sans rappeler un théâtre de Guignol ? Du bruit : ces artifices ont fait long feu, tant les gens qui réfléchissent et qui s'engagent se détournent des médias de masse pour se rabattre sur les médias dits "alternatifs".
Il est donc essentiel pour la caste d'investir également ces plateformes de médias alternatifs sur lesquelles les gens, surtout les plus jeunes, passent de plus en plus de temps, et de proposer une offre conforme sur le même modèle que dans le mainstream : l'infotainment, ce mélange d'information et de divertissement, complété par du divertissement pur et dur. Combien d'heures de vidéos inutiles occupent de la bande passante et du stockage - y compris dans les cerveaux ?
La consommation de vidéos augmente de manière exponentielle [3], pendant que l'habitude de la lecture se perd. Or, on en dit beaucoup plus par écrit qu'en vidéo, on pose plus clairement les concepts, on peut dérouler un raisonnement détaillé. Et on réfléchit bien plus en lisant qu'en regardant une vidéo même si elle est très intéressante. On voit fleurir les chaines "alternatives" qui in fine servent le même gloubiboulga intellectuel, qui comme Hanouna passent d'un sujet aussi grave que les réseaux pédocriminels à du commentaire politique inepte, qui jamais n'intègrent ce dont ils parlent. Tout n'est pas mauvais ou inutile, mais généralement le référencement de ces contenus et leur popularité sont inversement proportionnels à leur intérêt.
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Beaucoup de chaines et de "lanceurs d'alerte" sont apparus depuis le covid, reconstituant un paysage de la "résistance" duquel, depuis, rien n'est sorti de concret. Des gens peuvent pontifier sur n'importe quel sujet pendant des heures, faisant à l'occasion des révélations qui n'en sont pas, emmenant les adeptes dans un délire New Age, cherchant l'audience avant la pertinence. Ce petit monde qui occupe du temps de cerveau et passe pour une source d'information ne fait que tourner en rond, sans même digérer ce qu'il raconte.
Combien de ces gens, qui à l'instar de ces politiques tant honnis nous disent quoi penser, incitent à l'action et agissent eux-mêmes au-delà du baratin ? Comme toujours, si on nous dit quoi penser, si on nous dit ce qui est noir et ce qui est blanc, on n'évoque surtout pas les solutions concrètes, qui existent.
Il y a comme une saturation de l'espace alternatif par ce genre de divertissement qui ne demande que du temps de cerveau (selon l'expression du PDG de TF1 en 2004). Que reste-t-il de tout ce bruit finalement ? Apparemment pas grand chose. Ces canaux, additionnés, consommés sans modération, fonctionnent comme des pièges pour la réflexion, renforçant les présupposés et freinant le passage à l'action.
Ces vidéos semblent pourtant consommées en masse, comme un produit facile à digérer. A quoi sert tout ce bruit ? La question, à mon avis, doit être posée.
Là où nous aurions pu penser, voire commencer à construire collectivement, on écoute un spécialiste de tout nous donner son opinion, nous vendre son produit contre du temps de cerveau, et on passe à une autre vidéo. Et si le sujet est sensationnel, tant mieux à condition que ce ne soit pas engageant, qu'on n'ait pas à sortir de sa zone de confort. Tout le monde ne fonctionne pas comme cela heureusement, et j'en vois de plus en plus prendre du recul par rapport à ce brouhaha de plus en plus inepte. Le temps de cerveau est précieux, la parole aussi.
Cette nouvelle vague d'influenceurs "alternatifs" semble opérer un grand mouvement de tourner en rond où les uns viennent se congratuler sur les chaines des autres et vice-versa. Comme à la télé, où l'éditeur BHL est invité en tant qu'auteur des bouquins les plus stupides et des documentaires les plus caricaturaux, dans les émissions des gens qu'il édite ou diffuse. Depuis le covid, un petit monde de la "dissidence" s'est recréé sous nos yeux, se donnant mutuellement des gages de crédibilité et des tampons de lanceurs d'alerte.
Et on doit aussi constater que le courant réactionnaire, comme celui qui est soutenu en mainstream par des individus tels que Bolloré, domine ce paysage - même si tout le nuancier idéologique de la droite est présent. Et cela génère le même genre de formatage que subissent ceux qui consomment les médias classiques. Qui sera visible lors du prochain chaos organisé ? Qui visera juste dans ses alertes, dès les premiers jours ? Quelles actions pertinentes seront menées ?
Ce bruit rassure, car il permet à l'"éveillé" néophyte de croire qu'il s'informe correctement. Mais il n'en est rien, car la parole réellement subversive doit être surveillée, encadrée ou étouffée. Et puis, les informations ne sont jamais reliées. Un jour on parle d'une chose, le jour suivant on parle d'autre chose sans jamais se poser pour tirer les conclusions.
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Quant à l'action, l'incitation à s'organiser pour sortir de l'ornière, l'appui à cette organisation, la mobilisation pour en fini avec le système actuel : il n'en sera question qu'à la marge, sans suite, ou même jamais la plupart du temps. En cela, ils renforcent l'inaction, la passivité des gens, si prompts à attendre qu'on les guide, qu'on les rassure, qu'on ne leur demande surtout pas de se prendre en main.
La plupart des discussions politiques sont inutiles : on s'y préoccupe de l'accessoire et si rarement de l'essentiel. Au lieu de mener de vrais débats sur des sujets structurants et des enjeux collectifs, on noie le cerveau disponible dans des faux débats sur des sujets périphériques, qui ne traitent jamais des causes mais des conséquences, des débats qui le plus souvent restent au stade de l'émission d'opinions. Le flot d'informations est anxiogène et paralyse : toutes ne sont pas inutiles, loin de là, mais on ne peut pas écouter tout le monde parler de tout, tout le temps.
Ce flot ininterrompu qui accapare le temps de cerveau contribue aussi à forger les préjugés du public en accaparant ce temps de cerveau, que ce soit par les canaux mainstream ou par les canaux alternatifs. Les deux fonctionnent ensemble.
Il serait bon qu'on s'interroge : qui parle ? Qu'a-t-il fait avant ? Avec qui s'associe-t-il ? Qui le finance ?
Tout cela retarde la prise de conscience et le passage à l'action, qui nécessitent aussi du temps de cerveau.
Cela gêne, freine le déploiement de l'intelligence collective dont nous avons tant besoin.
L'intelligence collective, ou l'enjeu de l'auto organisation
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Nous en arrivons à la question cruciale de l'intelligence collective, qui n'est pas seulement l'inverse de la stupidité collective dans laquelle nous pataugeons. L'intelligence collective, qu'on voit souvent apparaître dans les interstices de la société quand les hiérarchies disparaissent, c'est ce qui permet d'aller plus loin, de faire plus de choses en groupe que l'addition de ce que peut faire chaque individu. J'observe que tout est fait pour empêcher que cette intelligence collective se mette en place - car c'est un exercice tout de même délicat qu'on ne maîtrise qu'au fil du temps.
J'ai pu souvent observer la mise en œuvre de l'intelligence collective, et j'ai identifié plusieurs conditions pour qu'elle soit efficiente. Parce que les groupes sont intrinsèquement fragiles : de nombreux biais peuvent s'installer, comme par exemple laisser ceux qui parlent le plus fort imposer leur point de vue, ne pas écouter les femmes ou les avis minoritaires, juger les avis émis par les uns et les autres, laisser dominer les présupposés et les croyances, débattre des conséquences de manière polarisée et pas des causes de manière itérative, c'est-à-dire en enrichissant les idées au fil de la réflexion... Les effets de groupe sont nombreux et peuvent même conduire au totalitarisme, d'où l'intérêt de s'intéresser à ces leviers.
Que faut-il pour que l'intelligence collective puisse être mise en place et porter ses fruits ?
- L'effacement et si possible l'absence de hiérarchie même s'il faut des facilitateurs, type délégués qui agissent comme des porteurs de parole mais n'ont pas de pouvoir de décision en propre,
- Une base de connaissances communes sur les sujets utiles, notamment en matière de pratique de délibération [4].
- Désigner des délégués capables de mettre leur ego de côté sur la durée (au moins 50% de femmes car les études confirment que les groupes avec plus de femmes prennent de meilleures décisions, l'ouverture d'esprit et la sensibilité sociale étant des gages d'efficacité pour l'intérêt du groupe),
- Des objectifs communs clairs et partagés,
- La coopération comme mode de faire,
- Du temps et un espace pour discuter et s'organiser, des interactions maintenues et les plus fréquentes possible.
- La capacité à s'adapter rapidement au contexte.
C'est comme une société : on sait par moult études sociologiques et même historiques, que pour qu'une société fonctionne correctement, il faut que les individus soient autonomes, c'est-à-dire qu'ils puissent faire leurs choix sans contrainte. Il faut aussi qu'ils soient en capacité, seuls et collectivement, de modifier leur environnement, leurs conditions de vie, et d'agir aussi sur les enjeux collectifs. Enfin, il faut des relations humaines de qualité. Tout cela permet d'échanger de manière constructive et d'avoir une société saine, dans laquelle les gens n'ont pas envie d'écraser le voisin mais pensent à l'avenir.
C'est certainement un hasard si le délire covidiste, et le totalitarisme en général, semble avoir particulièrement entravé les relations sociales, au moment où de nombreux pays, dont le macronistan, étaient au bord de l'insurrection.
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Bien que déployée à l'échelle du collectif, l'intelligence collective demande une certaine culture de l'organisation, une implication personnelle et la capacité à créer les conditions favorables pour qu'elle puisse exister. Le meilleur système d'exploitation au monde, Linux, n'a pas été inventé par des multinationales financées par la DARPA mais par des développeurs partout dans le monde - et c'est un logiciel libre.
Prenons un cas concret. Des citoyens réunis au niveau local pour parler, par exemple, de l'avenir de leur village, ou bien d'une future constitution. On peut identifier plusieurs étapes qui permettent de produire des idées concrètes en s'appuyant sur l'intelligence collective :
- Créer des groupes les plus variés et représentatifs possibles de la population, quitte à organiser des sous-groupes. On fera venir des gens de tous les âges, des associations, des élus, des actifs dans différents domaines, des étrangers s'il y en a sur le territoire, des personnes handicapées, de toutes les catégories sociales en proportion.
- Cadrer la démarche : ce qu'on en attend, comment elle va se dérouler, comment seront utilisées les contributions, quelle sera la suite ?
- Alimenter la réflexion en réunissant les connaissances utiles et en les partageant. On fera un état des lieux de la situation, une sorte de diagnostic de la situation actuelle, des forces et faiblesses (du territoire, de la constitution...).
- Organiser la réflexion collective, avec du travail d'abord sous forme d'ateliers, d'abord sur l'état des lieux de la situation actuelle, puis sur des projections si la situation perdure sans rien changer, et si on agit pour changer les choses. Cela permet de s'interroger : vers quoi veut-on aller ou pas ? Quels sont les objectifs qu'on souhaite se fixer ?
- Enfin, on partage collectivement le fruit de ces réflexions pour établir des propositions de constitution, un plan d'action pour le territoire, en fonction des objectifs qu'on a définis? Il faut ensuite un suivi des actions menées, de ce qu'il va se passer par la suite, maintenir l'espace et la dynamique qui permettent de se réunir et d'ajuster les choses, de répondre à de nouveaux besoins, de nouvelles questions.
Ces méthodes employées au quotidien partout en France semblent inenvisageables en matière politique, c'est comme s'il était impensable que les citoyens participent activement à la chose publique, qu'elle soit locale ou nationale.
Cette approche n'a rien de nouveau mais est absolument disruptive par rapport aux pratiques de ces 2000 dernières années en occident, et même de ces 70 dernières années -depuis que les femmes ont le droit de s'exprimer dans les urnes. Car nous vivons dans un système d'oppression, qui créé en chaîne des oppressions, et qui est le fruit de la dynamique économique : le capitalisme, qui permet l'accumulation.
Il est important que nous identifions l'origine de cette oppression si nous voulons en sortir, si nous ne voulons pas nous diviser et nous éteindre dans des luttes de clocher mais agir de manière coordonnée contre la SOURCE de l'oppression. Encore une fois, il s'agit de s'en prendre aux causes et non aux conséquences.
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Je termine là cette réflexion personnelle, en espérant qu'elle en alimentera d'autres comme d'autres ont alimenté la mienne, dans ce mouvement à mon avis irrépressible vers un changement radical des pratiques.
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Eloignons-nous du bruit pour porter de l'attention à l'essentiel. Nous avons aujourd'hui les moyens de faire autrement, de faire autre chose. C'est à mon avis pour cette raison que les voix les plus subversives sont étouffées dans un bruit savamment entretenu par les plateformes, qui captent de plus en plus ce précieux temps de cerveau.
C'est une guerre de l'information : l'OTAN l'a annoncé et elle ne fait que commencer, nous devons donc nous armer. Il s'agit d'être sélectifs, efficaces, d'éviter la stagnation intellectuelle et les innombrables "pièges à pensée", pour nous donner les moyens d'agir sur notre avenir collectif.
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[1] Un sondage de l'Ifop en 2018 avait des résultats assez paradoxaux, disant par exemple que " 85% des personnes interrogées déclarent que les citoyens et électeurs n’ont pas assez de pouvoirs en France", mais que "près de 41% des répondants se déclarent favorables à l’établissement d’un pouvoir autoritaire capable d’agir même si cela signifie moins de contrôle démocratique. A noter que 11% seulement y sont « tout à fait d’accord », dont 17% des sympathisants du Rassemblement National. Moins radicale, l’option d’un gouvernement d’experts a la faveur de 59% des Français, dont 62% des sympathisants de La République En Marche et 76% des sympathisants de Les Républicains". Dictature ou technocratie, leur cœur balance.
[2] Les causes de la défiance des citoyens sont aussi nombreuses que connues : rejet des abus de pouvoir, de l'esprit de clocher, incapacité à agir des politiciens pour améliorer la situation, le fait que les politiciens sont perçus comme des profiteurs qui défendent les privilégiés avant l'intérêt général, l'absence de respect du vote et des engagements...
[3] En 2023, Youtube était le 2e site le plus visité au monde après Google, et va probablement devenir n°1. Ajouté à Tik Tok et ses vidéos courtes et d'autres plateformes, la consommation de vidéos est exponentielle.
[4] Dans l'article "L'exercice de la citoyenneté. Délibération, participation et éducation démocratiques" paru dans la revue Participations n°5 de 2013, le politologue Audric Vitiello expliquait que "Pour qu’il puisse y avoir délibération, il faut donc que le citoyen démocratique soit disposé à délibérer et à réviser ses opinions, ce qui signifie qu’il doit posséder un certain nombre de compétences, mais aussi cultiver certaines valeurs et attitudes constitutives de sa personnalité, telles que le respect de l’opinion d’autrui, la propension à argumenter sa position, ou encore la prise en compte de l’intérêt général au-delà de ses intérêts particuliers".