Le goût du sel : Un témoignage sur l'inceste qui explique comment réagissent les enfants
Une jeune femme m'a envoyé il y a quelques mois son témoignage, un récit de son enfance dans une famille où le père est un pervers incestueux. Elle souhaite le diffuser, je vais en présenter de larges extraits qui permettront à tous de mieux comprendre la réaction des enfants, car ce récit est écrit au présent et décrit très bien ce qu'il se passe dans sa tête même lorsqu'elle était enfant.
Le texte intitulé "Le goût du sel" est un récit autobiographique, qui raconte l'enfance et l'adolescence de l'auteure, Zoé (c'est un pseudonyme). Ce qui est très intéressant dans ce récit détaillé, c'est qu'elle prend le temps d'expliquer comment elle réfléchissait, pourquoi elle avait telle ou telle réaction. Il y a dans ce texte de nombreux éléments qui peuvent faciliter l'identification des enfants victimes par un adulte, un proche, un entraîneur sportif, un enseignant, le parent d'une copine...
Je vais publier ici des extraits (en deux parties) et compléter pour que les lecteurs puissent suivre le fil (ces parties seront en italique).
Merci à Zoé d'avoir écrit et envoyé ce texte : elle veut qu'il soit utile à d'autres et je suis certaine qu'il le sera. C'est un témoignage important à mon avis.
Petite enfance
Je suis née dans une ville du Nord, à la fin du mois d'août, sous le signe de la vierge.
Une chose assez ironique étant donné que mon père s'est révélé rapidement incestueux envers ma grande sœur et moi.
En général, lorsqu'il y a de l'inceste dans une famille, il n'y a pas que des mauvais traitements sexuels, il y a aussi d'autres formes de maltraitance. Dans mon texte, je ne parlerai pas uniquement de ma vie familiale dysfonctionnelle, mais aussi de ma vie tout court.
(...) Malgré l'apparente qualité de vie, ma mère n'a jamais aimé cette ville, et au fil des années, moi non plus. Elle ne voulait pas y vivre. C'était loin de sa famille et de son travail. Surtout, la maison nécessitait beaucoup de travaux.
Mon père tenait absolument à habiter dans cette commune. Cela le rapprochait de son travail et de toute sa famille. Il lui avait promis d'en faire un château, qu'elle n'aurait plus à travailler, et que tous les week-ends, ils iraient voir sa famille. Choses qu'il ne fit jamais. Ma mère avait économisé de l'argent pour faire des travaux, mais mon père prétexta de les faire lui-même, chose qu'il ne fit jamais, car il avait dépensé l'argent pour s'acheter un 4X4 d'occasion. Ma mère était contre, mais il l'avait harcelée tous les jours en répétant sans cesse les mêmes choses.
Ce ne fut pas le seul 4X4 d'occasion qu'il acheta au fil des année. Lorsque j'étais en CM2, il en acheta un second, qu'il ne garda pas longtemps, et acheta un autre lorsque j'étais en quatrième. Celui ci il le conserva pendant des années. Nous avions donc deux 4X4 en même temps plusieurs fois.
(...) Je ne sais pas pourquoi ils se sont mariés, car je sais qu'ils ne s'aimaient pas. Jamais je ne les ai vu avoir un acte de tendresse ou d'affection entre eux. Je ne les ai jamais vu s'embrasser ou être doux l'un vers l'autre. Lorsque mon père interpellait ma mère, il ne l'appelait pas par son prénom, mais "Eh !". "Eh ! Qu'est-ce qu'on mange ce midi ?". Je sais que ma mère voulait quitter sa famille, elle n'était pas heureuse. Son père était dominant et macho. Il était autoritaire avec ses fils, et s'ils n'obéissaient pas, il les frappai. Ses filles ils ne le frappait pas, mais il leur faisait des attouchements. Je pense que ma mère voulait fuir sa famille et être libre. Elle a dû croire trouver sa liberté auprès de mon père, qui était plus âgé qu'elle de six ans, ce qui fait beaucoup.
À l'époque, il était doux et gentil. Il s'entendait bien avec le fils de sa grande sœur et il avait déjà travaillé auprès d'enfants. Ce n'est que quelque temps après le mariage, et après la naissance de ma sœur, qu'il avait commencé à être violent. Il l'était par des paroles "vulgaires", mais aussi physiquement. Ma mère ne s'attendait pas à un tel changement de comportement de sa part.
Pour beaucoup de personnes, c'était un homme doux et calme, car il avait plutôt tendance à se laisser faire. Mais chez nous, il était tout l'inverse : c'était un homme dominant, autoritaire et violent, surtout par la parole. Rapidement, il n'a plus eu besoin de s'imposer par la force, car on savait ce qu'on risquait. Ma mère avait lutté au début, mais à force, elle avait baissé les bras.
Le premier vrai souvenir que j'ai de lui ce n'est pas de l'inceste, mais qu'il m'avait frappé. J'étais petite et j'avais fait tomber des bouteilles en verre posées dans un panier, sur une chaise. Je voulais m'asseoir sur la chaise et j'avais renversé et cassé toutes les bouteilles. Il était en colère et il m'avait giflée, si violemment que ma mère avait réagit en criant. La joue en feu, je m'étais réfugiée en pleurs sur ma petite chaise en bois.
(...) De l'extérieur nous étions une famille calme et sans problèmes. Je ne suis pas née dans une famille bête ou pauvre. Mes parents avaient à l'époque un revenu moyen. Le chômage et la précarité nous ont fait sombrer, mais c'est surtout notre père qui a sabordé notre famille. Avant même que le chômage frappe notre famille, il dépensait égoïstement l'argent dans ses loisirs et pratiquait régulièrement l'inceste.
Malheureusement, comme un tiers des enfants abusés, je l'ai été par plusieurs personnes. Alex fut pire que mon père.
(...) Depuis toute petite j'ai de l'asthme. Une infirmière venait chez mes parents pour me faire des piqûres dans les fesses, pour me désensibiliser. Je l'aimais bien que, malgré le fait que que je n'aimais pas les piqûres. Elle me donnait un bonbon après si j'avais été sage. Lors de la dernière injection, elle m'offrit un plus gros bonbon. J'étais très contente. Elle me disait que j'étais un enfant sage et pas douillette.
Malgré ce traitement, la principale source de ma gêne n'a jamais cessé : mon père fumait énormément. Souvent, il y avait un nuage de fumée lorsqu'il était là. Il ne s'est jamais soucié de ma santé malgré ma gêne.
J'étais très contente d'aller enfin à la maternelle. Ça me permettait de voir des autres enfants de mon âge et c'est là que je me suis fait mes premières copines.
(...) C'est en maternelle que j'ai ressenti la première fois l'injustice, dans le sens accuser a tort. Ce n'est pas une chose bien grave ce qui s'est passé, mais enfant cela marque. Nous devions dessiner avec des stylos rangés dans un pot. La maitresse nous avait averti de faire bien attention et de ne pas les abimer.
Innocemment j'en pris un qui était déjà abimé, l'extrémité avait été mordillée. Une fille de la classe l'avait dit a la maitresse en disant que c'était moi.
Habituée petite a ne pas répondre a un adulte, je ne dis rien et et me suis laissée accuser et réprimander. Ça n'a eu aucune conséquence, mais je n'avais pas aimé d'être accusée pour une faute que je n'avais pas commise et être disputée pour cela.
Ce fut lors d'une visite chez la mère de ma mère, vers 5 ans, que j'ai dit la première fois à quelqu'un que mon père me touchait. Je ne l'ai dit que deux fois enfant, l'autre en CP, mais j'en reparlerai. Il y avait une sorte d'oncle qui était venu chez ma grand-mère. Je ne sais plus pourquoi, mais j'étais partie seule avec lui faire quelque chose et il m'avait tripotée. Je n'étais pas choquée par son action car j'étais habituée à cause de mon père. Je pensais que c'était normal.
Au retour, alors que tout le monde était dans la cuisine, il me parla seul dans le séjour en se baissant à ma hauteur. Il m'avait demandé gentiment de garder le secret. Mon père, lorsqu'il me parlait, était souvent autoritaire et désagréable avec moi. J'étais contente et touchée qu'un homme adulte me parlât gentiment. Je lui fis la promesse de ne le dire à personne. D'ailleurs, je lui avouai que j'avais l'habitude avec mon père. Par la suite, les rares fois où je l'ai revu, il ne m'a plus touchée, mais il n’en avait plus l'occasion.
J'ai appris bien plus tard, que dans sa jeunesse, il avait aussi touché sa sśur plus jeune que lui. Certaines personnes de la famille doutaient en disant que c'était faux, comme ma mère par exemple, mais moi je l'ai toujours cru. Elle n'est pas au courant de ce qu'il m'avait fait, seule ma soeur le sait. De toute façon je n'en veux pas a cette sorte d'oncle, car ça n'a pas été bien méchant comparé a ce que je vivais.
Souvent, un agresseur fait plusieurs victimes. Leur nombre dépend de sa facilité à en trouver et non pas parce qu'il s'en empêche. Il ne s'arrête que si le risque de se faire prendre est trop important ou s'il est arrêté par la justice.
Comme je l'ai dit avant, un tiers des enfants abusés le sont par plus d'un personne. Il y a aussi eu Alex plus tard qui m'a touchée.
Mon premier beau souvenir est celui d'un cadeau d'anniversaire offert par ma tante et ma grand-mère paternelle. Elles m'avaient offert le camping-car Playmobil qui me faisait rêver.
D'ailleurs à cette époque, lorsque nous fêtions notre anniversaire, notre grand mère paternelle nous montrait notre âge avec ses doigts. Je me disais que lorsqu'elle passerait à la seconde main, je serais devenu grande et si elle n'aurait plus assez de ses deux mains, que j'étais devenu vieille. J'étais très contente et heureuse d'avoir ce Playmobil. Malheureusement, je n'ai pas pu beaucoup jouer avec, moins d'une semaine. Comme il fallait faire des travaux dans notre chambre, qui n'ont jamais été finis, il avait été rangé quelque part et je n'avais plus le droit d'y jouer.
Sous domination d'un père abusif et pédocriminel
Régulièrement, le soir, nos parents se disputaient. Ma mère, qui avait une longue route pour se rendre à son travail, devait prendre des bus et un train en se levant à 5H30 du matin et rentrait fatiguée à 20H, alors que mon père, qui avait moins d'une demi-heure de route, n'allait pas nous chercher à l'école ou chez notre grand mère. Il laissait notre mère s'en charger, alors que lui rentrait à la maison tranquillement. Il ne voulait pas s'embêter avec nous.
Le soir, ma mère devait faire le repas, et ensuite la vaisselle. Alors que ma sśur et moi aimions les frites, mon père interdisait à ma mère d'en faire. Il en mangeait déjà à la cantine de son entreprise et il ne voulait plus en manger le soir.
Souvent mes parents se disputaient, sans que j’en comprenne les raisons. Ma sśur et moi avions peur, car notre père pouvait devenir violent physiquement. Il était tellement énervé que nous avions peur qu'il la tue. Mais en général, lorsque mon père devenait trop agressif, notre mère montait nous coucher. Depuis notre chambre, nous entendions leurs cris et des objets se casser, souvent de la vaisselle. Nous ne trouvions le sommeil que lorsque cela cessait.
Depuis toute petite, notre père faisait des photos de nous pour rien. Par exemple, lorsqu'on mangeait à table ou lors d'une sortie familiale en train de marcher dans la rue. Si bien que j'étais habituée à être prise en photo, et même agacée en vieillissant. La photo était sa passion.
(...) Lorsque notre mère travaillait, il aimait faire des photos de nous nues. En gros, c'était de mes 4 à 6 ans.
Il les faisait toujours les volets ou les rideaux fermés. Les séances se déroulaient souvent debout dans le séjour ou le salon, ou en étant assise sur la table, dans le canapé ou dans un fauteuil en osier qui était surnommé Emmanuelle. Le nom de se fauteuil venait d'un très vieux film porno ou une femme nue pose assise sur un fauteuil en osier.
Les séances se déroulaient souvent sous forme de jeu afin que l'on rie. Il nous demandait d'imiter des animaux, comme la grenouille ou un petit chien ou chat, pour que l'on prenne des poses par exemple. D'ailleurs, il nous a aussi filmées.
Obéissantes, nous écoutions notre père et essayions de de suivre au mieux ses instructions pendant les séances. Des fois, je ne comprenais pas exactement ce qu'il voulait. Il reconnaissait de lui-même que j'étais encore trop jeune pour bien comprendre ses demandes vicieuses. Notre père était détendu avec nous contrairement à son habitude. Il essayait de nous faire rire et de nous amuser. Il avait certainement constaté, que même si nous obéissions aux ordres qu'il nous donnait, notre attitude et notre visages trahissaient notre tristesse. Il voulait obtenir des photo avec des enfants souriants, partageant une complicité entre eux.
Je ne comprenais pas la nature des situations et des attitudes. Ce qui nous dérangeait, était le temps de pose. Tenir telle positon ou faire telle chose devient vite lassant et fatiguant si cela dure. Enfant on se lasse vite d'être immobile. Si bien qu'il faisait les séances sous forme plus ou moins ludiques. J'étais contente de voir mon père gentil avec nous, et pas désagréable comme à son habitude. Si bien que j'essayais de lui plaire et de répondre au mieux à ses demandes. J'étais contente de la bonne entente avec lui. Comme tous les enfants, je souffrais de l'absence de mon père.
Stupidement, je souriais ou riais sur les photo alors que mon père me demandait des comportements inappropriés. Du fait de mon jeune âge, je n'avais pas conscience de la nature des photos. J'étais si heureuse de voir mon père gentil avec moi, que je riais de bon cœur de ses plaisanteries. Malgré tout, selon ce qui se passait, je ne riais pas a tout. On voit sur les photo que je suis triste, malheureuse ou absente.
Les images ont cela de trompeur. Elles peuvent montrer une réalité faussée car regardée hors contexte. Ce n'est pas parce que sur une photo, ou une vidéo, le modèle est souriant, qu'il est content de poser et de faire les choses qu'on lui a demandé. Les photos n'étaient pas de simples clichés innocents ou artistiques. Comme je le disais, nous étions souvent nues, des fois dans des positons obscènes ou des moments incestueux. Nous le faisions sans avoir conscience exactement de ce qu'il se passait. Lorsque nous sommes pris en photo, nous ne voyons pas ce que l'objectif capture. Nous n'avons pas conscience du rendu final, encore plus à cet âge.
Dans ce genre de production d'images, les "modèles" ne sont pas forcement nus. Ils peuvent porter des vêtements courts, moulants ou/et sans dessous, et avoir des attitudes lascives. Par exemple, être photographiée assise en robe, sans dessous, et en contre plongée.
Sinon, régulièrement, il aimait aussi nous tirer en photo lorsqu'on se lavait. Cela me gênait, mais je n'osais rien dire. Il a arrêté en début de primaire. Lorsque j'ai revu ces images, ça m'a fait drôle. Bien que je sache que c'est moi, on dirait que c'est une autre personne sur les photo et je me suis trouvée écœurante. A l'époque, je n'avais pas conscience des images recherchées.
Il s'agissait vraiment d'une sexualisation de l'enfant que j'étais, mais avec des codes sexuels "enfantins". Lorsque j'entends des personnes affirmer que maquiller une petite fille, comme une femme, ça va donner des envies à des pédophiles, ça me semble inexacte. Ce qui les attire, c'est l'enfance, pas une "mini femme". Après certainement que certains aiment ca, mais de mon "expérience" ce n'était pas le cas.
Dans ce genre d'abus, c'est l'enfance et non la "féminité" qui attire les pédophiles/pédocriminels.
Mes premiers souvenirs d'inceste remontent à cette période. Pour être précise, j'ai l'impression que j'ai toujours été touchée depuis que je suis née, mais cela est impossible. Je me rappelle que toute petite, je voyais mon père toucher ma sœur. Par exemple, il se baissait à son niveau et lui relevait sa chemise de nuit pour toucher son pubis. Il pouvait aussi lui demander de la maintenir relevée pour pouvoir aussi toucher ses fesses. Il me faisait pareil, et tout comme elle, je lui obéissais s’il me demandait de faire quelque chose.
(...) Ce fut vers cet âge-là que j'ai commencé à trouver étrange certains des comportements de mon père.
Avant mes 5 ans, mon père a eu besoin de commencer de toucher mon pubis avec sa bouche. Bien avant il s'était mit à me lécher le ventre. C'était plus gênant qu'avec sa main. J'avais de la salive sur la zone et j'étais toute mouillée. Je ne l'ai dit que la troisième fois a ma mère, car elle était arrivée dans la pièce d'à côté alors que c'était fini. Ce fut la seule fois que je lui ai parlé de l'inceste.
Ma mère avait été en colère et agressive contre lui, et il me semble même choquée. Elle lui avait dit de ne pas faire cela et de ne jamais recommencer. À l'époque je ne voyais pas la dimension sexuelle. Le nom et l'existence de cette pratique m'étaient inconnus. Il lui avait répondu qu'il m'avait embrassé le ventre. Il avait arrêté, mais seulement quelque jours. Je ne l'ai plus redit à ma mère par la suite. Lorsque mes parents se disputaient mon père pouvait être violent avec ma mère. Je ne voulais pas qu'il soit méchant avec elle surtout que ça n'avait rien changé. Je ne voulais pas être la source de leur dispute.
Alex aussi a fait pareil, me lécher le ventre pour ensuite lécher ailleurs durant un même abus. Je ne sais pas pourquoi ils procédaient de la même façon. Avec le temps, on ne nous lèche plus le ventre mais directement la zone visée. Mon père pouvait aussi nous lécher la joue et l'oreille. Il le faisait pendant les actes incestueux, mais pas uniquement. Par exemple, nous rendions visite à de la famille et il pouvait nous lécher la joue "discrètement" sans nous toucher.
Il l'a continué cela jusqu'à la fin du collège. Le plus désagréable, c'est de se faire lécher l'oreille, car on a de la salive dedans. C'est un peu comme lorsqu'on va à la piscine et qu'on a de l'eau dans les oreilles. C'est gênant.
Ce qui me dérangeait aussi à l'époque, c'était d'être vue comme un objet. Je jouais et mon père, sans rien me demander, m'attrapait en m'allongeant sur la table pour pouvoir me faire cela. J'avais l'impression d'être un peu comme un objet. On ne nous demande rien et on ne nous explique rien. Une fois qu'il était satisfaisait, il me reposait au sol et s'en allait à ses activités. Moi, je pouvais reprendre les miennes, comme si que c'était normal. D'ailleurs, à l'époque, je le pensais.
En maternelle, ça n'allait pas plus loin que cela. Ça restait des attouchements sur l'avant ou l'arrière du corps, surtout avec les mains et parfois avec la bouche. Je n'imaginais pas, et je ne pensais d'ailleurs même pas, qu'il pouvait exister des autres façons. Pourtant, je ne le savais pas encore, mais dans quelques mois, il allait vouloir d'autres actes. Le pire, c'est que je ne me rendais même pas compte que tout cela n'était pas normal.
L'inceste m'a appris une chose. Que toute situation aussi dramatique ou violente qui nous arrive, peut toujours s'aggraver dans le temps. Prier Dieu ne change pas notre situation. Il n'y a que nous qui pouvons agir si on veut changer quelque chose.
Grandir avec les violences sexuelles
Ma sœur et moi partagions la même chambre et le soir, allongées dans notre lit, nous parlions longuement avant de dormir. Les sujets étaient divers et variés, surtout en fonction de l'âge. Mais nous ne parlions pas de nos mauvais traitements incestueux. Si on devait les évoquer, on employer le terme "embêter", sans rentrer dans plus de précision. Plus tard, en grandissant, nous utilisions le terme "emmerder" ou "faire chier".
On a toujours su pour les abus de l'une et de l'autre puisqu'il nous touchait l'une devant l'autre, ou en même temps. Si bien que j'ai vu ma sœur, et elle inversement, se faire toucher. Je ne dis pas cela pour me plaindre, mais étant plus jeune qu'elle, lorsqu'il y avait des "nouveaux " actes, ils nous les faisaient au même moment. Si bien que j'ai commencé plus tôt qu'elle certaines choses. Mais par contre, pour elle, ça a duré plus longtemps.
(...)
Vivant avec notre père, nous comprenions à ses humeurs et à ses comportements si on risquait quelque chose. Si par exemple il était super énervé et en colère, il ne nous touchait pas. Mais nous ne nous sentions pas pour autant en sécurité.
Il avait besoin de déverser sa colère sur quelqu'un, surtout sur notre mère. Donc ce n'était pas mieux.
En grandissant, je n'aimais pas rester en pyjama ou devoir porter un survêtement. Je n'en porte jamais, sauf pour le sport. Cela peut sembler ridicule, mais avec de genre de vêtement, il est très facile de glisser les mains dessous. Avec un jean, on a une ceinture et une braguette. Il faut les desserrer si on veut faire cela. C'est moins désagréable de se faire toucher sur les vêtements que sous les vêtements.
La maison était délabrée et n'avait pas de salle de bain, nous devions nous laver dans la cuisine. Mon père avait aussi la manie de tout conserver, au cas où il en aurait besoin un jour.
On avait en partie conscience que cela n'était pas normal, mais nous nous disions que c'était certainement dû à notre précarité. Nous avions honte de vivre comme ça et ne le racontions à personne. On faisait celles qui avaient des vies normales. Aucune de nos copines ne le savait, et nous avions l'avantage que personne ne pouvait imaginer tout cela.
Surtout que nous étions propres. Notre maison, bien que modeste était propre aussi. Le jardinet devant notre maison était entretenu et il n'y avait pas d'objets qui trainaient. L’extérieur ne trahissait pas l'intérieur, comme pour certaines maison dont le jardin ressemble à une décharge sauvage.
Nous n'avions pas le droit d'être nous-mêmes chez nous. On devait toujours étouffer nos émotions. Il nous était interdit de crier, sauter, pleurer... Si on exprimait trop nos émotions, on se faisait réprimander ou moquer. On ne devait pas faire de bruit ou gêner.
Nous étions dans sa main. On riait lorsqu'on en avait le droit. Sinon on devait rester calmes et tranquilles.
Nos difficultés il fallait plutôt les cacher, les oublier, mais ne pas les résoudre.
Si on avait un problème à l'extérieur, en général, la solution cherchait n'était pas que l'on obtienne justice, mais que le problème s'arrête rapidement. Pour s'en débarrasser et être tranquille. On n'était pas soutenues.
Je n'ai jamais pensé que mon père pouvait me protéger. Je ne me sentais pas protégée par ma famille. Je me suis souvent sentie seule et démunie lorsque j'avais des soucis. Je n'avais personne qui me soutenait. On ne devait pas ramener de problème a la maison. C'est aussi pour cela, que Alex a put abuser de moi impunément.
On nous avait inculqué la culture du secret pour notre vie familiale, en raison de nos conditions de vie et de notre pauvreté. Nous ne parlions jamais à personne de ce qui se passait dans la sphère intime de notre vie familiale. Notre père nous a jamais interdit de parler de l'inceste : il n'en parlait jamais. Notre mère nous a simplement demandé de ne pas raconter que nous n'avions pas de salle de bain. Mais même sans cela, nous savions que nous ne devions pas dévoiler et raconter ce qui se passait chez nous. Notre honte étant la meilleure garantie de notre silence. Ce que j'ai subi avec Alex en est aussi une illustration.
J'avais quelques copines, mais jamais trop proches. C’étaient des filles que j'avais connues en classe de primaire, venant toutes de milieu modeste. Notre mère nous disait de ne pas accepter de rentrer chez nos amies quant on se promenait ensemble. La raison de cette interdiction était fort simple. Notre mère avait honte de notre demeure délabrée, défraîchie et rempli du bordel de notre père. Alors elle nous ordonnait de refuser de rentrer chez nos copines pour que nos copines n'aient pas envie de rentrer chez nous. Cela donnait parfois lieu à des situations cocasses où je refusais de rentrer malgré les invitations de mes amies ou des parents de ceux-ci.
Cela va surprendre, mais d'une certaine façon, j'ai eu plus honte des conditions de vie que de l'inceste, car cela pouvait être vue, que les abus sexuelles restent invisible. Surtout que mes abus je le vivais en parallèle de ma vie avec mon esprit. Mais cette affirmation devrais être plus détaillés. Je devrais plutôt dire, j'ai plus honte de certaine choses de mes anciennes conditions de vie que de l'inceste, mais dans l'inceste, j'ai subi des choses plus honteuses que tout ce que j'ai put subir dans mes conditions de vie.
Si je devais établir une échelle, il y' aurait un mélange dans les conditions de vie et l'inceste, mais en haut seraient certains actes pédocriminels. J'ai toute de même plus honte de certain actes incestueux de mon père ou pédocriminels d'Alex.
À partir de la primaire, mes abus sexuels sont devenus plus violents. C'est pour cette raison que je vais moins les évoquer, et que je parle si peu d'Alex aussi. Alex est une personne qui a abusé de moi de nombreuses fois. Ma période la plus violente fut entre mes 5/6 ans et mes 12/13 ans, entre les deux, c'était principalement des attouchements et des réflexions déplacés, comme je l'ai déjà raconté.
Sous les radars
(...) A l'école primaire, les visites médicales scolaires ne sont pas réalisées avec beaucoup de sérieux. Le personnel enchaîne les enfants sans s'intéresser vraiment à eux. Ils ont un temps défini par personne et ils ne dépasseront pas cette limite. De toute façon, des maltraitances sexuelles ne se voient pas si elles sont faites avec "intelligence".
J'ai déjà parlé à une fille qui en plus était tapée. Elle savait cacher ses marques en faisant exprès de parler beaucoup. Cela faisait traîner la visite et elle n'avait pas besoin de se déshabiller. Étrangement, les enfants abusés sont complices de leur maltraitance. Nous faisons souvent tout pour les cacher.
Peut-être avons-nous peur d'être vus comme différents ou alors pour ne pas trahir sa famille. En fait, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai participé à aussi les dissimuler. En tout cas, personne n'a jamais rien vu, ou voulu voir. Pourtant, avec le recul, je pense qu'on aurait pu deviner des choses.
En primaire, il m'est arrivé quelques fois d'avoir des démangeaisons au niveau du pubis. Je me grattais au sang. Mon père me le reprochait en disant que ça faisait moche et sale. Je suis allée des fois voir le médecin et il me prescrivait une sorte de talc. D'ailleurs, lorsqu'il m'auscultait, quand j'ai un peu grandi, il m'avait dit que c'était à moi de le mettre. J'étais tellement habitué à être touché, que j'attendais qu'il le fasse.
Ma sœur aussi souffrait des fois de cela, mais moins fréquemment. Jamais personne n'a fait le lien.
Comme je le disais avant, j'ai signalé deux fois dans l'enfance que mon père me touchait. La première fois, c'était avec cet sorte d'oncle alors que j'étais en maternelle. La seconde, c'était à 6 ans en CP à une camarade de classe, qui n'était même pas l'une de mes meilleures copines. J'avais dit que mon père me touchait mon pubis sans vouloir dénoncer ce que je vivais. Mais en pensant que je racontais une chose normale qu'elle devait peut-être vivre aussi. Voyant son étonnement, j'ai pris peur et je lui ai dit que c'était faux. Je n'ai plus jamais osé reparler à qui que ce soit de cela par la suite.
Je crois que c'est à partir de là que j'ai compris que tout le monde ne vivait pas cela avec son père.
Ce furent donc les deux seules fois où j'en avais parlé à quelqu'un enfant. À l'époque, je ne connaissais pas les termes de pédocriminalité ou d'inceste.
Déjà à l'époque, les autres enfants me disaient des fois que j'étais bizarre. Car différente d'eux et souvent calme. Je riais peu comparé à eux. J'avais tendance à rester dans mon coin. J'étais moins pleine de vie qu'eux. J'étais, en général, plus dans la retenue.
A 6 ans, je faisais un cauchemar régulièrement, que je faisais déjà en maternelle. J'arrivais dans une pièce en ouvrant la porte. Je découvrais soit des jouets ou des adultes tout nus qui me regardaient. Ensuite, les jouets ou les adultes se transformaient en monstres. J'avais très peur et je me sauvais en courant. Souvent, ça me réveillait.
C'est jusqu'à mes 6 ans que j'ai fait pipi au lit. Alors que j'ai été vite propre en journée, et que j'allais bien uriner avant d'aller me coucher, je n'arrivais pas à ne pas salir mes draps de temps en temps. Il parait que c'est lié aux mauvais traitements. Que mes cauchemars, qui me faisaient vraiment peur, me faisaient uriner. Je ne sais pas si cela est vrai.
(...) Au début d'année de CE1, mon institutrice m'envoya à un entretien avec une psychomotricienne. D'ailleurs durant ma scolarité en primaire, comme on me trouvait bizarre, j'ai vu plusieurs fois en entretien des psychomotriciennes, avant que j'en fasse régulièrement. Ma mère m'y emmenait et je voyais cela comme un examen auquel je devais apporter les bonnes réponses. Être seule avec cette personne, me faisait un peu peur. J'avais une crainte de me retrouver seule face à un adulte inconnu.
Les questions qu'elle me posait portaient sur ma vie. Si j'avais des copines, ce que j'aimais dans la vie, comment je m'entendais avec ma sśur ... Et on me demandait aussi de quel pied je tapais dans un ballon.
Comme mon père nous interdisait qu'on fasse le moindre bruit, on n'avait pas le droit de jouer au ballon. Je ne savais alors quoi répondre. Me voyant sans réponse, elle posait un capuchon de stylo à terre et je devais donner un coup de pied dedans. Un geste absolument pas naturel puisque je savais que mon choix orientait la réponse.
Lors d'une visite, la psychomotricienne m'avait trouvée étrange. Elle avait questionné ma mère indirectement pour savoir si je n'avais pas vécu un traumatisme, comme avoir vu quelqu'un mourir devant moi. Pour mes parents, nous n'avons rien vécu de terrible ou de traumatisant. Notre vie familiale n'étant pas l'origine de nos problèmes.
Ils n'avaient pas tout à fait tort, car nous n'avions pas vécu un traumatisme. Nous vivions des traumatismes quotidiennement.
Dans mon souvenir, on ne m'a jamais demandé comment je m'entendais avec mon père. Je pense, mais je peux me tromper, que petite si on m'avait demandé s'il me touchait, je l'aurais avoué. D'ailleurs on ne m'a jamais questionnée sur mes conditions de vie. On devait croire que je vivais d'une façon normale, malgré mes quelques troubles.
(...) C'est en primaire que j'ai commencé à me plaindre et à me rebeller pour l'inceste, même si je le faisais un peu avant. Honnêtement, ça ne changeait rien, le résultat était identique. C'est aussi à partir de cette période que nous avions trouvé des méthodes pour nous protéger. Il y avait celle en étant assise ou nous croisions doublement les jambes. Cette position protégeait nos fesses et notre pubis, mais il pouvait défaire le croisement de nos jambes.
Sinon on pouvait aussi se coller dos au mur, ou devant une table. Mais dans ce cas seule une partie du corps était inaccessible et c'était loin d'être vraiment efficace. Pour la table, cela ne fonctionnait qu'en dessous d'un certain âge. Il faut que notre bassin ne dépassait pas de la table. Mais la technique du mur ou celle-ci était assez peu efficace. Il suffisait qu'il nous tirait dessus pour qu'on soit accessible.
À cette époque, il y a eu un basculement dans les violences sexuelles. Je ne pouvais plus être passive.
Je n'expliquerai pas plus, même si je sais que l'on va comprendre.
À cause de mon asthme, je respirais à l'époque plus par la bouche que par mon nez. Bien que j'avais fait petite de la kiné respiratoire pour améliorer ma respiration. Lorsqu'on m'obstruait ma bouche, ça me gênait rapidement pour respirer. Respirer par le nez me demandait un vrai effort. Ça devenait vite gênant et pénible à faire. Je sentais mon cœur battre plus fort et je m'étouffais. Je ne pouvais vraiment plus respirer.
Mais je ne sais pas si c'est lié à mon asthme, à mon âge ou les deux à la fois. J'explique cela, car c'est peu évoqué lorsqu'on l'on parle de ce genre d'abus chez l'enfant s'il est jeune.
Évidemment, il y a aussi toutes les autres choses dégoûtantes, mais ça, c'est évident. À l'époque, je trouvais déjà écœurant un baiser avec la langue.
C'est vers cet âgé la que j'ai commencé a être écœurée par certaines nourritures, comme par exemple les oignons en morceau dans les plats. Je trouvais leur aspect en bouche écœurant, chaud et gluant. Si j'en avais dans un repas, je les mettais en tas dans un coin de mon assiette pour éviter de les manger.
Au début, ma mère était en colère et me reprochait d'être difficile et me forçait à les manger. C'était pénible, car j'étais obligé d'en manger plusieurs à la suite. Ça m'écœurait et ça me demandait un vrai effort. Heureusement, que plus tard, elle ne m'obligeait pas.
Quand l'esprit n'a plus la place pour l'école
Chez moi, je ne bénéficiais pas de bonnes conditions familiales pour étudier. Le fait de ne pas avoir de chauffage et de lumière dans notre chambre, nous empêchait de faire nos devoirs dedans lorsqu'il faisait trop froid ou trop sombre.
Nous les faisions sur la table de la salle à manger avec le bruit de l'écran de notre père et envahies par son nuage de tabac. Si nous devions chercher un livre dans notre chambre l'hiver, nous devions y aller avec une lampe pour éclairer la pièce et le trouver parmi les autres livres rangés dans notre tiroir. C'est inconfortable de tourner les pages d'un manuel scolaire froid, on a l'impression qu'il est mouillé. Il faut attendre un peu qu'il se réchauffe si on veut le consulter.
Ne pas avoir certaines choses courantes crée des inconforts qu'on n'imagine pas. Comme je ne disposais pas de certaines choses que mes camarades avaient, j'avais moins de facilité qu'eux pour faire mes recherches et réaliser certains travaux scolaires. Je n'en parlais pas par honte.
Surtout que devoir étudier dans un climat incestueux, c'est être dans une ambiance stressante, qui gêne la concentration et nos efforts. Si par exemple en primaire, j'avais une récitation en deux parties à apprendre. Alors que j'étais en train d'apprendre la seconde partie, car la première, je la connaissais par cœur, mon père pouvait arriver pour m'imposer de l'inceste.
Lorsque c'était fini, j'étais incapable de me souvenir de la première partie et d'apprendre la seconde. Si ma mère m'interrogeait, elle pensait que je n'avais rien apprit et me reprochait mon manque de travail en me disant "Apprendre ce n'est pas avoir son cahier ouvert devant soi et regarder les mouches voler".
Ça pouvait aussi m'arriver à l'école ce "phénomène" d'oubli ou de manque de concentration. À cause de ce que j'avais subi avant ou que je pensais que j'allais subir prochainement. D'ailleurs, c'est simple de faire rater un contrôle ou d'empêcher une personne de bien se concentrer. Il suffit d'abuser d'elle avant.
Lorsque ça se produisait, j'étais triste et malheureuse. J'avais passé mon temps à apprendre, je savais bien la leçon, mais le jour de l'épreuve, je la ratais à cause de cela. Je trouvais, et je trouve toujours, cela fort injuste. Je faisais tout pour arriver à réussir, et une personne égoïstement pour satisfaire des désirs pervers, va tout nous faire échouer malgré le travail que j'avais entrepris.
J'avais l'angoisse de ce qui arrivait chez moi, mais aussi à l'extérieur à cause d'Alex.
Des fois aussi, il suffisait que mon père ou Alex m'agresse pour que mon envie d'étudier disparaisse. J'avais perdu toute volonté d'apprendre, et même si je me forçais, je n'arrivais à rien retenir. Mon esprit n'était pas encore assez "stable".
Il faut une certaine volonté et espérance dans le système pour étudier. Il faut croire que l'effort et le travail seront récompensés. Cela est évidemment faux, c'est l'origine sociale de l'individu qui détermine son avenir.
Lorsque j'ai intégré au collège ou au lycée des classes d'élevés défavorisés, je n'ai jamais rencontré des enfants de "riches". Hormis la primaire et la maternelle, il n'y a aucun brassage social dans nos écoles.
S'il existe des écoles privées, et que des personnes payent pour y placer leurs enfants, c'est qu'il y a bien une raison. On ne dépense jamais d'argent pour avoir moins bien que ce qu'on a déjà gratuitement.
(...) En CE2, j'ai fait des exercices de psychomotricité. J'aimais bien me rendre là-bas et faire des activités physiques. C'était pour moi comme aller dans une salle de jeu, car les exercices étaient ludiques. En petite fille bien éduquée et obéissante, je m'appliquais aux demandes de la psychomotricienne. Je ne comprenais pas trop la raison de ses exercices et le but d'aller là-bas, mais je faisais toujours ce qu'on me demandait. La psychomotricienne, Je l'aimais bien, elle était gentille avec moi. Elle disait beaucoup de bien de moi à ma mère, j'étais contente.
En réalité, je n'étais pas gentille avec les adultes, juste soumise. Ils pouvaient me demander n'importe quoi, je leur aurais obéi. Je ne discutais jamais les ordres qu'on me donnait, surtout ceux de mes parents, qui venaient en général de ma mère car mon père brillait pas son absence éducative.
Elle avait dit à mère que j'étais une petite fille douce et calme, mais que je ne parlais pas si on ne m'adressait pas la parole. Elle avait voulu que je continuais, mais ma mère a refusé rétorquant qu'elle devait aussi ma sœur et mon père à s'occuper et que se devenait lourd pour elle de devoir me conduire ici régulièrement.
(...) En CM2, notre instituteur nous avait expliqué que personne n'avait le droit de nous toucher. Alors que je vivais l'inceste, je ne me sentais pas concernée par ce qu'il nous disait. En fait, je n'avais pas conscience de ce que je subissais, mais surtout, je croyais que je n'avais pas le droit de refuser cela. Que c'était un droit que mon père disposait sur moi et que je ne pouvais pas aller contre, et même n'importe quel adulte, comme Alex, avait ce droit là sur moi. Je devais obéir.
En plus, dans mon esprit, certains actes étaient "moins graves". Si j'avais juste une main sur les fesses au-dessus de mes vêtements, je trouvais cela anodin, car je savais qu'il pouvait exister pire.
Nous avions aussi lu un texte ancien, se déroulant au début du vingtième siècle. Un garçon prenait seul le train et il rencontrait pendant son voyage un homme qui lui offrait des bonbons, qui étaient drogués. Il se réveilla ensuite dans le train, mais l'homme lui avait volé son porte-monnaie. C'était pour nous dire de se méfier des inconnus. Dans la classe, nous le savions tous et avions trouvé particulièrement stupide ce garçon. On nous répète souvent de nous méfier des inconnus, de refuser si on nous donne des bonbons ou de monter dans une voiture.
Les violences sexuelles au quotidien
Avec mon père, nous étions toujours sous pression chez nous. À tout moment, il pouvait venir nous tripoter ou nous faire plus. Ce qu'il aimait nous faire depuis que nous étions toutes petites, c'était de nous toucher notre pubis a même la peau ou le regarder en ouvrant ou baissant notre pantalon. Ce genre de comportement était aussi partagé par Alex. Lui aussi aimait regarder et toucher cet organe, plus que les autres. Pourtant un sexe, qu'il soit masculin ou féminin, c'est vraiment laid. Mais ils trouvaient cela "beau" vu ce qu'ils disaient dessus. Les gestes étaient souvent accompagnés de descriptions.
Je ne sais pas pourquoi ils avaient un tel attrait pour cet organe. Vouloir observer, toucher et faire certaines choses avec le pubis d'un enfant n'est pas normal. Déjà faire ce genre de chose avec un adulte, qui n'a rien demandé, n'est déjà même pas normal.
En plus, on nous touche comme si nous étions leur femme, mais qu'on ne respecte pas beaucoup vu leurs comportements. Les attouchements ne sont pas de simples "caresses légères" en règle générale. Ceux sont des actes sexuels. Comme je le disais, à partir de la primaire les actes sont devenus plus violents. C'est pour cela que je n'en parle plus et que je préfère prendre toujours des exemples les plus "soft" possibles.
C'est à cette période que j'ai découvert deux nouvelles choses horribles vis à vis de mes abus. La première, que je ne nommerais pas et n'expliquerai plus en détails, mais qui est facile à comprendre : j'ai appris qu'une personne pouvait avoir beaucoup de plaisir dans des actions qui feront très mal à une autre. Le lubrifiant ne sert pas a faire moins mal, mais juste à rendre possible l'action. La personne continue malgré notre douleur qui se voit physiquement et aussi qui s'entend à nos plaintes et à nos cris. Elle n'a aucune compassion malgré nos larmes et notre sang.
À l'époque je n'imaginais pas que l'on pouvait me faire ça. Je connaissais évidement ces pratiques, mais n'imaginais pas devoir les subir. Je croyais, naïvement, en être à l'abri.
Les auteurs de violences sexuelles, comme Alex, ne sont pas des fous contrôlés par des pulsions irrépressibles. D'ailleurs, ça n'existe pas des personnes esclaves de ses pulsions. Elles sont toujours responsable de leurs actes, c'est juste qu'a des moments opportuns, elles s'autoriseront ou non à agir.
Jamais un pédophile n'agresse un enfant devant la police, ou un parent incestueux tripoter ses enfants dans la rue ou au milieu d'une fête.
Ceux sont des gens normaux qui choisissent délibérément de détruire une personne.
Comme je le disais auparavant avec les photos avec mon père, les images sont trompeuses. Ce n'est pas parce que l'on voit parfois l'enfant abusés sourire, qu'il sont contents ou satisfaits. Il sont simplement soulagés d'avoir évité pire.
Pour moi, c'était inévitable. Je n'étais pas fière de moi, ni heureuse d'avoir fait cela. J’étais morte et dévastée. Je me sentais comme une merde. Pensant que n'importe comment je devais subir cela, j'avais une forme de soulagement que ce soit fini et que j'avais évité de subir pire que ce que je pouvais imaginer. J’étais obéissante, et surtout soumise, par la peur et la contrainte. Ma "satisfaction" était du par l'évitement du pire et d’être débarrassée de cette "corvée".
Je me disais que cela était inévitable et que si j'avais simplement le minimum, je pensais que c'était déjà pas mal. Lors des abus, je me dissociais. C'était ma façon pour y faire face. J'étais une sorte de petit robot soumis. J'obéissais, faisais ce qu'on me demandait et restait stoïque à ce qu'on me faisait. Bien que nous sommes la corporellement, notre esprit est ailleurs.
On comprend rapidement ce que veut l'autre par ses mots, ses gestes ou tout simplement ses injonctions. Je n'avais pas envie, mais je ne pouvais pas refuser. Je savais que si je n'obéissais pas, il pouvait devenir agressif et que n'importe comment je serais contrainte de le faire. Je risquais uniquement de subir des violences supplémentaires s'y je m'y opposais.
Je n'avais pas le choix et devais faire ce qu'il exigeait de moi. Lui, je pense, estimait que j'étais à lui. Il pouvait me faire et me demandait tout ce qu'il voulait. Si je m'y étais opposée, il m'aurait vue comme une enfant désobéissante méritant une "remontrance". Le pire, c'est que je le pensais aussi à l'époque et que je croyais qu'il avait le droit de me faire tout cela.
C'est pour cela que je faisais du mieux que je pouvais, pour éviter de me faire disputer si je faisais mal la chose. Je souhaitais que la fin arrive rapidement. Lorsqu'elle arrivait, j'étais contente, ou plutôt soulagée. La chose finie, il ne se souciait plus de moi. Je devais me "nettoyer" et me rhabiller.
La seconde découverte, je ne dirais pas l'âge exact, car c'est déjà malsain d'en parler, fut pour moi aussi terrible. Le plaisir sexuel.
Il existe deux types de plaisir physique que je désignerais par le corporel et le sexuel. Avant, j'avais déjà eu du plaisir corporel. Par exemple une caresse normale par ma mère. Ça fait plaisir. Mais il n'y a rien de sexuel. C'est aussi arrivé que mon père m'en procure, même si c'était plutôt rare. Mais il peut arriver parfois qu'on ressent du plaisir sexuel pendant certains actes, différents de ceux dont je parlais avant.
Alors qu'on déteste de tout notre être ce qu'on subit, le corps répond favorablement.
Cela est très dérangeant, on se sent trahi par lui.
Ce n'est pas du plaisir plaisant, mais un plaisir contraint. Ce n'est pas agréable. Surtout que l'on vit un moment de mort.
La première fois que j'ai ressenti cela, j'avais honte de moi. Je me détestais encore plus que d'habitude. Comment pouvais-je avoir une telle sensation alors que ça me dégoutait ? Déjà que je me sentais nulle lorsque je subissais tout ça, si en plus je commençais à éprouver du plaisir pour une chose qui m'écœurerait de tout mon être...
Je ressentais de la haine et de la colère envers moi. Je m'en voulais de n'avoir aucune résistance et ressentir ce genre de chose.
Au début, on essaie de résister, mais l'action prolongée nous fait "céder". La contradiction entre notre corps et notre esprit nous perturbe du plus profond de notre être.
Si même notre corps nous trahit, comment peut-on l'aimer ? Comment peut-on d'ailleurs aimer un corps qui attire toujours sur nous des actes horribles ? Être moins qu'un objet, trahi par soit même, se sentir une vraie marionnette. On se déteste et on se hait. On se jure de ne jamais plus éprouver de telles choses.
Surtout que l'on est jeune, on ne connaît pas notre corps. L'adulte si, il sait plus de choses que nous sur notre anatomie ou sur le sujet. Je ne connaissais rien à tout cela. Je ne me touchais pas, cette sensation m'était donc totalement inconnue. Même si je connaissais son existence.
J'étais décontenancée, et je ne savais pas comment gérer cela. C'était une sensation nouvelle que je découvrais et que je rejetais. Lui l'avait remarqué, bien que je ne sache pas comment, et il était content. Je pense qu'il savait ce qu'il faisait et le faisait délibérément.
Par la suite, j'ai appris à mieux gérer cela et à ne plus rien ressentir en me dissociant encore plus.
Pourtant, le corps est ainsi fait . Il réagit parfois positivement aux stimuli qu'on lui fait subir. Un adulte sait ce qu'il fait à un enfant, alors que celui-ci ne sait pas et ne comprend pas la "manœuvre".
Mais quoi qu'il en soit, je voyais la sexualité comme une activité contrainte et déplaisante, et aussi, écœurante et douloureuse. Lorsqu'on me touchait, je n'étais même pas en colère, car ça m'anéantissait.
J'avais toujours l'espoir que cela ne se produise plus. Comme si que la fuite et l'acceptation étaient la seule possibilité pour y faire face. Je ne voyais rien qui pouvait l'empêcher.
Bien que cela va paraître ridicule, ca me faisait peur. Je ne savais pas comment réagir et espérais stupidement que c'était la dernière fois. Mais ce ne fut jamais le cas.
Mes abus, j'en avais encore pour des années a devoir les subir. N'ayant connu que cela, je ne pensais même pas qu'il pouvait exister des autre façons de vivre pour moi. Mais, malgré tout, j'en avais vraiment marre de tout cela.
Perdue dans la foule
(...) À partir du collège, j'arrivais à mieux éviter mon père. J'avais élaboré des stratégies, mais malheureusement, il parvenait à me toucher plusieurs fois dans la semaine. Si j'arrivais à m'en sortir avec juste une main aux fesses au dessus de mes vêtements, c'était déjà pour moi une petite victoire.
Mais quel que soit l'acte, ce n'est jamais anodin. Pendant une agression, on n'est plus nous. On doit se couper du moment et être un bon petit robot obéissant. En aucun cas, il n'y a d'actes légers. Il existe uniquement des actes graves ou très graves. Chaque expérience nous abîme plus à chaque fois.
À cet âge je n'ai plus découvert de nouvelles pratique sexuelles. Pour être plus précise, c'est à la fin du primaire. Mon père ou Alex m'avaient déjà imposé tout avant le collège de ce qu'ils voulaient me faire. La différence notable, c'est que Alex était plus agressif ou violent dans ses actes, et le deviendra plus par la suite, comme lorsque j'étais en cinquième et qu'il me gifla sans raison.
Au collège, l'ambiance est plus sexuelle. On vient de primaire et on arrive dans une ambiance où les élèves plus âgés, en troisième, ont parfois un copain ou une copine. Surtout qu'en CM2, de nombreuses "légende" circulent avant que nous rentrions au collège. Des garçons nous avaient prévenus que si on nous demandait si on avait déjà baptisé nos baskets, il fallait dire oui, car sinon on allait cracher dessus. Chose qu'on m'a jamais demandée, ni même fait.
(...) Le collège fut un dépaysement pour moi. Alors qu'en primaire on connaît plus ou moins tous les élèves des autres classes, là, on découvre un nouvel environnement avec des centaines d'élèves différents juste par section.
(...) Une chose qui est peu abordée dans les abus dans l'enfance, c'est le fait qu'on est conditionné à obéir aveuglement devant des ordres et nous croyons que cela est normal.
Si un individu est habitué à répondre face à une injonction, il le fera comme un robot. C'est aussi pour cette raison que certaines menaces verbales peuvent nous faire plus peur que a d'autres personnes, car nous pensons que l'acte va suivre la parole, ou même que nous avons l'obligation d'obéir, à cause de notre vécu.
Par chance, vu mes âges à l'époque, peu d'adultes ne m'ont pas donné ce genre d'ordre, hormis Alex. Je pense que c'est ce qui a facilité mes abus avec lui.
J'avais vu un reportage qui se déroulait dans un pays en Asie du Sud. Des filles très pauvres, d'environ 12 ou 13 ans, abandonné par leurs parents, devaient se prostituer pour survivre. D'ailleurs, l'un d'elles avait son père qui venait lui réclamer de l'argent pour lui, tout en sachant comment elle devait le gagner. Je n'avais pas réagi plus que cela a ce documentaire et on me l'avait reproché. On me disait que j'étais "dure" et "froide". On m'avait même posé la question "imagine que ça t'arriverait ?".
Je n'avais pas besoin de faire un grand effort d'imagination. Je ne me prostituais pas, mais je savais en partie ce qu'elles vivaient. La seule chose qui m'avait choquée, et plutôt rendu triste, c'était que la plus jeune sœur de l'une d'elles, d'environ 8-9 ans, était obligée de commencer à devoir faire cette activité.
Je savais la souffrance qu'elle allait devoir endurer. J'étais malheureuse pour elle.
On voyait que la police intervenait et arrêtait des clients. Pour se dédouaner, il disait que c'était la fille qui voulait faire cela et qu'il avait acceptée pour leur faire plaisir. Même certains se revendiquaient "généreux" et "altruistes". Ils se défendaient, en prétextant qu'ils venaient en aide à ces filles, grâce a l'argent qu'ils leur donnaient en échange de cela.
Mon père avait aussi vu ce reportage. Il disait que c'était honteux, ce qu'il arrivait à ces pauvres gamines. Il ne faisait pas de la comédie, car nous étions réunis en famille. Lui-même était contre la pédophilie, alors qu'il la pratiquait régulièrement.
En sixième, je connaissais la définition de pédophilie ou l'inceste. Mais je ne me sentais pas concernée par ces mots. J'interprétais la définition différemment. Pour l'inceste je pensais que la relation était comme avec des petits amis ou dans un couple. Que les partenaires étaient amoureux de l'un et de l'autre. Comme je n'aimais pas mon père et que je me voyais plus comme une enfant, je me sentais pas concernée par ses termes.
Occasionnellement, mon père venait me rechercher le midi. Comme je n'avais pas l'habitude, je croyais la première fois qu'il s'était passé quelque chose de grave chez nous. Je ne sais pas pourquoi il faisait cela. Je pense que c'était selon son humeur.
Je faisais souvent la route a pied pour retourner manger avec Fanny et une autre copine, si bien qu'il les raccompagnait parfois aussi chez elle. Volontairement, je préférais m'asseoir à l'arrière afin de ne pas faire le trajet à côté de mon père.
Lorsqu'il les avait déposé, il m'invitait a m'asseoir a côté de lui, mais je refusais. Si il insistait, j'obéissais.
Assise a côté de lui, il avait toujours besoin de me caresser la cuisse et de toucher mon pubis au-dessus du jean.
Je le savais évidemment, d'où mes refus, et je serrais les jambes. Mais lorsqu'il caressait ma cuisse, il me l'écartait, et si je n'obéissais pas, il enfonçait ses doigts et ses ongles dans ma chair pour que je le fasse. Il pouvait me faire cela alors que nous attendions à un feu rouge alors qu'il y avait des voitures autour de nous.
Le pire, c'est lorsque j'avais sport, je portais un jogging. Le tissu est moins épais et il pouvait glisser sa main facilement dans mon pantalon. Pendant qu'il roulait, ça restait toujours au-dessus des vêtements.
Lorsqu'il me le faisait, c'était tout naturellement, sans rien me dire. Sauf si je m'opposai un peu, il me sermonnait. Les quelques mots qui sortaient de sa bouche, c'était pour me parler de mon anatomie, mais jamais de moi ou ce que j'avais fait a l'école.
Ça peut sembler ridicule, mais maintenant lorsque je monte à côté d'un homme conducteur qui a l'âge d'être mon père, ou plus, j'ai toujours la crainte, pendant une fraction de seconde, qu'il me touche.
En 5e, bien que je pensais être devenue grande, je me suis mise à avoir une passion pour les peluches, qui avait commencé en sixième. En primaire, je collectionnais les gommes fantaisies. Ma modeste collection de peluche était composée de quelques d'animaux "réalistes". Je cherchais à obtenir des animaux originaux, comme un rhinocéros ou un chameau. Je ne voulais pas avoir des animaux que tout le monde avait, comme le chat ou le chien.
Je me considérais grande alors que j'étais encore gamine et par certains aspects innocente. Je n'étais jamais sorti avec un garçon, cela ne m'intéressait pas et je n'y pensais même pas. La sexualité, c'était pareil, je ne m'y intéressais pas. Pourtant, je connaissais déjà beaucoup de choses sur le sujet et je n'étais plus vierge depuis plusieurs années. Mais cela, je n'en avais même pas conscience et je n'avais pas tort. Je n'avais jamais fait l'amour, et je n'en avais pas envie. Je ne m'imaginais même pas le faire. Ce que je vivais, et que j'avais vécu, me présentait la sexualité comme une chose, entre autres, de désagréable et de contraignant. Je n'avais connu que des abus.
Beaucoup de gens affirment que si on subi un viol, on ne perd pas sa virginité, car ce n'est pas cela la sexualité. Je ne sais pas si cela est vrai, même si j'en doute, mais si on en subit plusieurs, on la perd. Disons que cela nous impose de connaître la sexualité, surtout certains domaines.
Mais en aucun cas, l'inceste ou la pédophilie, ne sont une initiation aux activités sexuelles. On ne nous apprend rien, on nous impose tout. Évidemment, à force de subir, on comprend ce qu'il va se passer et arriver. On a une connaissance dans le sujet sans rien comprendre au but de tout cela.
Il y a des tas de choses dont il me serait impossible de dater les premières fois, surtout pour les pratiques que je définirais de passives. Je ne saurais dire, par exemple, la première fois où j'ai vu du sperme. J'étais si jeune, que je ne savais pas ce que c'était et la raison de l'apparition de cette chose. L'aspect me faisait penser à du blanc d'œuf. D'ailleurs, c'est drôle de se dire que c'est en partie cette substance qui m'a donné la vie.
En plus de cela, mon premier "vrai baiser" Alex me l'avait volé depuis longtemps, ou plutôt imposé. Ca peut sembler ridicule et anodin, mais devoir embrasser une personne qui est en train de nous abuser est très compliqué. J'avais l'impression de devoir le remercier et l'encourager à continuer.
Je ne pense pas être romantique, mais j'aurais préféré que mes premiers baisers soient nés d'un désir et d'une volonté de ma part. Ca peut paraitre léger à coté du reste, mais c'est aussi destructeur et ca me rend triste. Je détestais devoir l'embrasser, notamment lorsqu'il me touchait en même temps, surtout qu'il avait une mauvaise haleine. C'était si humiliant et rabaissant à la fois.
En plus de subir, je devais aussi lui donner une preuve d'amour et d'affection, alors qu'il ne le méritait pas. J'étais à lui, son objet. Un robot soumis et obéissant. Mon père, au moins, ne m'a jamais embrassé sur la bouche, et heureusement.
(...) Alors que nous étions dans notre chambre, notre père était venu nous voir et il avait glissé sa main dans notre culotte. Il avait demandé à ma soeur si un garçon lui avait déjà fait cela. En tout franchise, elle répondit que non. Nous pensions que nous devions toujours lui répondre à ses questions sincèrement, même si elles étaient déplacées. À moi, il ne me posa pas la question. Mais j'aurais aussi répondu en toute honnêteté.
En plus de mon père, je "voyais" Alex à l'époque. Bien que je n'ai pratiquement pas parlé de lui. Je l'ai plutôt suggéré. Alors que nous étions à deux, il avait eu besoin de me parler d'une pratique sexuelle violente, douloureuse, et écœurante en la détaillant. Gênée par cette conversation, je voulais qu'il cesse. J'avais aussi peur que cela lui donne des envies d'abus, surtout de ce genre. Je le suppliais d'arrêter, mais il continuait en insistant sur des détails intimes, malgré ma gène visible.
Souhaitant qu'il en finisse au plus vite, je répondais mécaniquement à ses questions en espérant qu'il cesse au bout d'un moment. Mais à chaque nouvelle réponse, une nouvelle question arrivait, ou une description, que je ne voulais pas entendre. J'étais très mal a l'aise et triste. Me sentant perdue et à bout, je m'étais mise à pleurer devant lui. Mais il n'arrêta pas pour autant. Il continuait comme satisfait de ma réaction.
Le fait qu'il avait réussi à me faire pleurer m'avait "étonnée". Ça faisait longtemps que je n'étais plus vexée ni touchée par ce genre de propos. Mais la peur, l'écœurement, la tristesse et la sensation d'être perdue, sans défense, seule et isolée, m'avait fait craquer.
Cette souffrance et cet abandon avaient dû sortir de moi, je n'arrivais plus à les garder en moi, et j'ai du les faire sortir en les exprimant. J'avais honte de pleurer devant lui. Je ne voulais plus lui offrir ce "spectacle".
Quelques temps plus tard, il a eu besoin de me gifler. Je voyais des garçons qui s'amusaient à sauter pour arracher les branches et les feuilles des arbres et je lui avais que c'était des gogols. Je trouvais cela stupide et pas bien, car ils faisaient "mal" aux arbres. Il avait alors arraché une feuille et m'avait fait répéter ce que je venais de dire. Naïvement, je lui répétai et il me gifla à cause de l'insulte. J'avais voulu réagir, mais il me l'avait interdit, en me disant que je n'avais pas le droit de me "rebiffer". Lorsqu'un adulte me donnait un ordre, j'obéissais. Je reçus la seconde sans protester.
Je ne m'attendais pas à recevoir ces deux gifles et je ne sais pas pourquoi il a eu besoin de le faire. J'ai évidemment compris qu'il m'avait fait répéter pour avoir une raison de m'en donner une, et la seconde, à cause de ma protestation. Ce fut la seule fois où il m'a frappée, même si dans ses autres "actions" il me manipulait avec "fermeté", lors des abus, il ne me "frappait" pas.
Il aimait des fois me saisir par le cou, parfois durant les abus, mais aussi lorsqu'il cherchait à me "convaincre" en me parlant. D'ailleurs, si je vois dans un film une scène ou un homme pendant qu'il embrasse la femme, la prend par le cou, cela peut me stresser, même si ce n'est qu'une caresse. On m'a déjà demandé pourquoi je n'ai jamais essayé de me venger à l'époque, par exemple en crachant dans son verre. L'idée ne m'a jamais traversé la tête et je ne sais pas cracher de molard. Cracher ma salive dans son verre me parait ridicule. Surtout qu'il me semblait pas en être écœuré.
Sincèrement, j'espérais qu'il comprenne que je n'aimais pas cela et qu'il arrête enfin. Me venger, simplement pour lui nuire ou lui faire mal, je n'avais pas l'envie, et même pas l'idée. Je voulais juste qu'il arrête de "m'embêter".
Fin de la première partie.