Le "mini Traité", aboutissement d'une Europe résolument libérale
Maintenant je vais essayer d'être un peu dans l'actualité, on va donc voir de plus près ce qui jadis fut qualifié de "constitution" européenne, pour aujourd'hui se voir appeler le "mini Traité" par Notre Très Cher Président.
Comme lire Garcia Marquez dans le texte c'est toujours mieux, lire le TCE (Traité établissant une Constitution pour l'Europe) dans le texte, ça doit être mieux aussi. Chacun le sait, le TCE fait plus de 800 pages, dont la moitié d'Annexes. On va donc commencer par la fin, par ce qui est l'ultime étape après lecture de 400 pages d'articles relativement insupportables et même incompréhensibles pour certains, et absolument tous indigestes. La fin, ce sont donc les fameuses "Annexes", qui en principe servent à indiquer aux juges comment doivent être interprétés les articles du texte. Et justement, ces "explications" servent bien souvent à annuler ou diminuer fortement la portée des articles les moins "libéraux" au sens économique du terme, particulièrement la Charte des droits fondamentaux (la partie II, qui fait... 27 pages.)
LES ANNEXES
On reviendra sur le texte de la partie II, qui est soumis de toute manière "au respect des compétences et des tâches de l'Union", c'est-à-dire l'objectif de compétitivité et les compétences en matière de commerce et d'économie des institutions européennes. Cela revient, dans le cas où le "mini traité" passerait, à simplement conditionner les droits fondamentaux à des objectifs purement économiques sans aucune considération sociale.
Le Traité instituant une Constitution pour l'Europe :
- Prémisses
Le TCE est-il réellement un projet du nouveau millénaire? Depuis la fin de la 2è guerre mondiale, plusieurs projets de "constitution" européenne, allant toujours dans le sens d'une politique globale, se sont succédé.
Dès 1948, l'année où on crée l'OECE et l'UEP à la demande des Etats Unis pour discipliner l'Europe économiquement, François de Menton sort son "Projet de Constitution fédérale des États-Unis d’Europe ", qui préconise une fédération suivant les principes de l'ONU. Déjà, l'article 2 prévoit que "Les pouvoirs de la Fédération se substituent à ceux des États membres dans la mesure où les dispositions de la présente Constitution le prescrivent." la fédération aurait eu comme "attributions":
- La sécurité : on prévoit qu' "une armée de métier sera organisée, formée et équipée par la Fédération et sous sa seule responsabilité." (la Communauté Européene de Défense tombe à l'eau cinq ans plus tard).
- Les relations extérieures : "La Fédération a le droit d’entretenir des relations politiques avec l’étranger et de conclure des accords internationaux en vue de la poursuite des buts définis dans cette Constitution"
- L'économie européenne : " La Fédération a le droit de prendre toutes les mesures nécessaires en matière commerciale, économique, monétaire, financière, en vue de l’unification de l’économie européenne."
- La législation commune : "La Fédération a le droit de procéder à une unification de la législation des États membres. " (déjà...)
- La nationalité européenne: "Les citoyens de chaque État membre de la Fédération jouissent des mêmes droits et privilèges dans les territoires des autres États membres que les citoyens de ces États membres. Il en est de même dans les territoires extra-métropolitains ou assimilés, ainsi que dans les colonies." et surtout : " La Fédération a le droit d’établir une nationalité commune à tous les ressortissants des États membres. "
Ses organes auraient été : un Parlement, un Conseil Exécutif (= la Commission aujourd'hui) et une Cour européenne de justice composée de juges élus à vie, mais cela se faisait souvent à l'époque théoriquement pour préserver leur indépendance.
La CECA est lancée en 1951, et initie l'intégration économique des Etats membres ainsi que les grands principes de libre concurrence. L'année suivante, l'Europe tente de lancer la CED (Communauté Européenne de Défense), quié choue en partie à cause de -ou grâce à- de Gaulle.
En 1953 vient le "Projet de traité portant statut de la Communauté européenne". Dans le préambule on retrouve les références habituelles à la paix mondiale, qui sont utilisées systématiquement avant d'évoquer les bienfaits de l'Europe. Très vite (art.1 du Titre I) , le ton est donné: " Il est institué par le présent Traité une Communauté européenne de caractère supranational.", qui, de plus, est "indissoluble" quand bien même les citoyens le voudraient.
L'article 2 est éloquent lui aussi: la Communauté européenne a donc pour buts
- "De coopérer, avec les autres nations libres, à garantir la sécurité des Etats membres contre toute agression;
- D’assurer, dans les questions susceptibles d’engager l’existence, la sécurité ou la prospérité de la Communauté, la coordination de la politique extérieure des Etats membres;
- De promouvoir, en harmonie avec l’économie générale des Etats membres, l’expansion économique, le développement de l’emploi et le relèvement du niveau de vie dans ces derniers,(bla bla bla) notamment en établissant progressivement un marché commun tout en évitant, par des dispositions d’un caractère transitoire ou par d’autres mesures, de provoquer des troubles fondamentaux et persistants dans l’économie des Etats membres; ( ah bon parce que ca pourrait nuire aux Etats membres de suivre les politiques économiques pronées par la Communauté européenne? La notion de marché commun est déjà bien là, et l'objectif de la Croissance continue, c'est-à-dire l'"expansion économique" sans fin également )
- De participer à l’action poursuivie par les Etats membres, en liaison avec les autres Etats parties à ces traités, en vue d’atteindre les objectifs généraux fixés par le Statut du Conseil de l’Europe, la Convention européenne de coopération économique et le Traité de l’Atlantique Nord." de plus, l'Europe se plaçait déjà sous la coupe de l'OTAN.
Dans ces domaines, la Communauté européenne avait un droit d'initiative des lois (Titre III, Chap 1, art 55). La Communauté avait la personnalité juridique, et pouvait donc signer des traités internationaux ou avec des Etats ( Titre III, Chap 3, art 67.) et "Les Etats membres ne peuvent conclure de traités ou accords internationaux contraires aux engagements pris par la Communauté ou adhérer à de tels traités ou accords."(art.72) . Elle pouvait aussi poursuivre les Etats. Ses institutions étaient:
le Parlement;
le Conseil exécutif européen;
le Conseil des Ministres nationaux;
la Cour de Justice, ci-après dénommée „la Cour“;
le Conseil économique et social.
Elle aurait eu un budget propre, grâce à des impôts qu'elle aurait elle-même fait prélever (Titre III, Chap 4,art. 77, 78...), mais aussi grâce à des emprunts contractés on ne sait où...
Passons au chapitre 5 intitulé "Des Attributions Economiques de la Communauté". Le premier article (art. 82) explique que " La Communauté a pour mission de réaliser progressivement, entre les Etats membres, un marché commun fondé sur la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, en appliquant les principes formulés dans les articles 2, 3 et 4 du traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier."Je rappelle que nous sommes en 1953, et que depuis 5 ans seulement on construit l'Europe en mentionnant à chaque fois ce "Marché commun" des "marchandises, des biens et des capitaux". Pour une fois, les "personnes" sont évoquées, mais morales ou physiques? La priorité est clairement l'échange de marchandises sans freins c'est-à-dire sans droits de douane et sans restrictions par rapport à la nationalités des détenteurs de capitaux qui veulent "investir" dans un Etat membre.
La Communauté est aussi "chargée de promouvoir la coordination de la politique monétaire, financière et de crédit des Etats membres. " Si l'on considère que les Banques Centrales des Etats ont déjà de nombreuses prérogatives comme l'émission de la monnaie, et que ces banques sont privées et appartiennent à des actionnaires, le fait de retirer encore aux pays membres des moyens de réguler leur économie va dans le sens d'un gouvernement économique supranational. L'idée en elle-même pourrait être bonne si il n'y avait pas uniquement une idéologie libérale derrière la mise en place d'un tel pouvoir supplantant les Etats.
Ce texte ne parle pas de droits fondamentaux, ni de droit social, ni de conditions de vie. La seule mention est de maintenir un haut niveau de vie, mais cela est considéré comme découlant naturellement des politiques mises en place, des politiques libérales, donc.
Ensuite, ce sont les traités de Rome en 1957, le Marché commun, l'OECE en 1960. Tous ces traités et les institutions qui en découlent n'ont qu'un seul souci : créer cette zone de libre échange où la concurrence est libre et non faussée. Tout en s'élargissant, on ne se préoccupe pas de donner une réelle cohérence politique cet ensemble économique européen. On n'évoque pas le droit social, on ne s'occupe que très peu des droits fondamentaux qui de toute manière sont soumis au principe de concurrence libre et non faussée et donc de libéralisation des services.
En 1984 la Parlement européen y va lui aussi de son " Projet de traité instituant l'Union européenne ", appelé également projet Spinelli, du nom du député qui l'a porté. Le Parlement européen l'a approuvé à une très large majorité le 14 février 1984, par 237 voix pour, 31 contre et 43 abstentions. Dans ce texte, émanant des représentants du peuple (du moins dans la théorie), on pense à démocratiser l'Europe, préserver les droits fondamentaux (c'est dit dès le début et pas au détour d'un article sur la concurrence). les buts restent libéraux malgré tout:
" - assurer un développement humain et harmonieux de la société reposant notamment sur la recherche du plein emploi, l'élimination progressive des déséquilibres qui existent entre ses régions, la protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité, le progrès scientifique et culturel de ses peuples, (là on est d'accord, même si d'autres choses comme un haut niveau de vie, ou au moins décent, la droit à la santé et à l'éducation etc)
- d'assurer le développement économique de ses peuples dans le cadre d'un marché intérieur libre et dans le contexte de la stabilité monétaire, de l'équilibre des relations économiques extérieures et d'une croissance économique constante, sans discrimination entre ressortissants ou entreprises des différents États membres, en renforçant la capacité des États, de leurs citoyens et de leurs entreprises à adapter solidairement leurs structures et leurs activités aux mutations économiques, (on revient directement avec ces principes libéraux qui entrent en parfaite contradiction avec les voeux pieux du paragraphe précédent.)
- de promouvoir dans les relations internationales la sécurité, la paix, la coopération, la détente, le désarmement et la libre circulation des personnes et des idées ainsi que l'amélioration des relations commerciales et monétaires internationales,
- de contribuer au développement harmonieux et juste de tous les peuples du monde pour leur permettre de sortir du sous-développement et de la faim et d'exercer pleinement leurs droits politiques, économiques et sociaux.(encore une fois le rôle moralisateur de l'Europe, l'expansion de notre vision des choses)
Dans ces domaines, on cherche à passer de la "coopération" à "une action commune". Cette action sera manifestement chapeautée par la Commission, qui:
- "définit, dans le programme qu'elle soumet à l'approbation du Parlement, les orientations de l'action de l'Union,
- prend les initiatives appropriées pour leur mise en œuvre,
- dispose de l'initiative des lois et participe à la procédure législative,
- arrête les règlements d'application des lois et prend les décisions d'exécution nécessaires,
- présente le projet de budget,
- exécute le budget,
- représente l'Union dans les relations extérieures dans les cas prévus par le présent traité,
- veille à l'application du présent traité et des lois de l'Union,
- exerce les autres compétences qui lui sont attribuées par le présent traité."
Pour les compétences:
"La Commission a l'initiative des lois. Elle peut retirer à tout moment les projets de loi présentés par elle jusqu'à ce que, soit le Parlement, soit le Conseil de l'Union les aient expressément adoptés en première lecture." (art. 37.1)
" La Commission arrête les règlements et décisions nécessaires à l'application de la loi en se conformant aux modalités prévues par celle-ci. Les règlements sont publiés au Journal officiel de l'Union et les décisions sont notifiées aux destinataires. Le Parlement et le Conseil de l'Union en sont immédiatement informés." (art. 40) Tous ces actes sont supérieurs aux textes nationaux, y compris les Constitutions nationales, dans la hiérarchie des normes : " Le droit de l'Union est directement applicable dans les États membres. Il prévaut sur les droits nationaux. " (art. 42). En cas de contradiction entre une directive de la Commission et un principe fondamental garanti par la constitution française, c'est donc le droit créé par la directive qu'on applique.
art 50.3 : " La loi fixe les conditions dans lesquelles la Commission veille à la conformité des mesures prises par les États membres aux objectifs qu'elle a définis. "
"1. L'Union est dotée des organes suivants :
- la Cour des comptes,
- le Comité économique et social,
- la Banque européenne d'investissement,
- le Fonds monétaire européen."
Passons à la partie sur la Politique économique, et au chapitre intitulé "Marché intérieur et libre circulation". Qu'y dit-on?
"47. 1. L'Union a compétence exclusive pour achever, garantir et développer la libre circulation des personnes, des services, des biens et des capitaux sur son territoire; elle a également compétence exclusive en matière de commerce entre États membres." C'est donc l'Union qui oriente et définit la politique commerciale des Etats membres, comme ça personne ne peut revenir sur le principe de "libre échange" et "concurrence libre et non faussée". Les investissements étrangers sont aussi du ressort de l'Union, un Etat ne peut donc s'opposer à la concurrence étrangère même pour des monopoles d'Etat, qui de toutee manière n'ont pas lieu d'être (art 48 : "nécessité d'interdire toute discrimination entre les entreprises privées et publiques")
"47.3 l'Union doit réaliser :
- dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du présent traité, la libre circulation des personnes et des biens, impliquant notamment la suppression des contrôles sur les personnes aux frontières intérieures;
- dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du présent traité, la libre circulation des services y compris des services bancaires et des assurances de toute nature;
- dans un délai de dix ans à compter de l'entrée en vigueur du présent traité, la libre circulation des capitaux."
Mais ensuite il s'agit d'harmoniser les politiques fiscales des Etats membres, ce qui ne plaît pas du tout aux entreprises, qui profitente des disparités pour jouer avec le dumping fiscal de certains Etats:
" art. 49. L'Union prend des mesures visant au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux entreprises, et en particulier aux sociétés, dès lors que ces dispositions ont une incidence directe sur une action commune de l'Union. La loi établit un statut d'entreprise européenne." Ce statut est inquiétant, car il laisse présager qu'un Etat sera dans l'incapacité de prélever des impots sur le capital ou les bénéfices d'une telle entreprise, dont les comptes seront de fait internationalisés. On envisage aussi de transformer l'écu en monnaie unique.
Chapitre "Politique sociale et politique de la santé ":
art. 56. "L'Union intervient (entre autres) dans le domaine de la politique sociale et de la politique de la santé, notamment pour ce qui concerne :
- l'emploi et en particulier l'établissement de conditions générales comparables pour le maintien et la création d'emplois, ( c-à-d la flexibilité)
- le droit du travail et les conditions de travail, (contrat unique, fin e la sécu et des retraites, révision du droit de grève)
- la formation et le perfectionnement professionnels, (c'est intéressant quand on sait comment l'Europe voit l'éducatione demain, cf. rapports ERT notamment)
- la sécurité et l'assistance sociales, (vouées à disparaitre au vu de la concurrence libre et non faussée et du principe de compétitivité qui est le principe de base de l'Europe aujourd'hui)
- le droit syndical et les négociations collectives entre les employeurs et les travailleurs, notamment en vue de la conclusion de conventions collectives à l'échelle de l'Union, (on les attend toujours, ces conventions...)
- la coordination de l'assistance réciproque en cas d'épidémies et de catastrophes."
- La déclaration de Laeken
Le projet de "Constitution européenne", selon la version officielle, viendrait donc de la "Convention Européenne sur l'avenir de l'Europe", dont le président à l'époque était Valéry Giscard d'Estaing - ou Giscard pour les intimes, présent au Bilderberg 2003, et dont les vice présidents étaient Giuliano Amato (ancien premier ministre italien) et Jean luc Dehaene (ancien premier ministre belge, présent au Bilderberg 2004).
La convention européenne a été créée en 2001, au sommet de Laeken à Bruelles, pour envisager l'"avenir" de l'Europe - d'où son nom- c'est-à-dire repenser la répartition des compétences entre les Etats et l'Europe, et créer quelque chose qui ressemble à une constitution européenne. Voici quelques extraits de la "Déclaration de Laeken":
- "Cinquante ans après sa naissance, l'Union aborde cependant un carrefour, un moment charnière de son existence. L'unification de l'Europe est imminente. "
- Dans le chapitre intitulé "Le nouveau rôle de l'Europe dans un environnement mondialisé", on peut lire que " Après la chute du mur de Berlin, on a cru un moment pouvoir vivre longtemps dans un ordre mondial stable, sans conflits. Les droits de l'homme en constitueraient le fondement. Mais quelques années plus tard, cette certitude a disparu. Le 11 septembre nous a brutalement ouvert les yeux. " là je ne voudrais pas paraître mauvaise langue, mais la rhétorique de l'"ordre mondial stable", est tendancieuse. Qui dit ordre mondial dit forcément pouvoir mondial, ou "gouvernement mondial", comme l'aut dit ce cher David Rockefeller. Ensuite, le 11 septembre est aujourd'hui tellement controversé que cette phrase évoque simplement une tentative de manipulation.
- toujours dans le même chapitre : "Quel est le rôle de l'Europe dans ce monde transformé? Maintenant qu'elle est enfin unie, l'Europe ne doit-elle pas jouer un rôle de premier plan dans un nouvel ordre planétaire, celui d'une puissance qui est à même de jouer un rôle stabilisateur au plan mondial et d'être un repère pour un grand nombre de pays et de peuples? " Il est propbable que certains européens n'aspirent pas à cette forme de colonialisme un peu moderne qu'est l'aide aux pays sous développés (qui sont sous développés en grande partie à cause de nous l'occident et de nos règles commerciales). De plus, on revient avec ce "nouvel ordre planétaire" qui m'inquiète quelque peu. Au nom de quoi? De qui? Avec quelle légitimité? pourquoi imposerions-nous notre vision de la paix, notre vision de la "démocratie", notre vision du bonheur des peuples et du progrès? C'est exactement avec ce type d'excuses qu'on a défendu le colonialisme, et même avant cela l'esclavage.
- "Maintenant que la guerre froide est terminée et que nous vivons aujourd'hui dans un monde à la fois mondialisé et éclaté, le moment est venu pour l'Europe de prendre ses responsabilités dans la gouvernance de la globalisation. Le rôle qu'elle doit jouer est celui d'une puissance qui part résolument en guerre contre toute violence, toute terreur, tout fanatisme, mais qui ne ferme pas les yeux sur les injustices criantes qui existent dans le monde." Encore une fois, la mondialisation est un simple constat, duquel il faut prendre son parti. Encore une fois nous nous donnons un rôle moralisateur par rapport au reste du monde. Ou serait-ce seulement de la propagande, celle qu'on sert à l'électeur quand on veut lui vendre l'Europe de la paix, tout en sachant pertinnement que l'Europe n'a qu'un but économique, toujours orienté vers le libéralisme?
- Nous arrivons au chapitre "les défis et les réformes dans une Union renouvelée". Allez soyons fair play, je mets donc une ou deux expressions de la pseudo bonne volonté du sommet de Laeken, mais vous allez voir, ca se gâte tout de suite: "L'Union doit devenir plus démocratique, plus transparente et plus efficace. (jusque là nous sommes tous d'accord) Et elle doit relever trois défis fondamentaux (diantre mais lesquels, l'ampleur desdits défis nous fait frémir. Heureusement que les technocrates veillent sur nous.): Comment rapprocher les citoyens, et en premier lieu les jeunes, du projet européen et des institutions européennes ( on notre que la question eut pu être posée dans le sens inverse, par exemple "comment rapprocher le projet européen et les institutions des citoyens, et en particulier des jeunes?" ... mais au fait pourquoi les jeunes? Ils ne votent pas, en principe ce n'est pas eux qu'il faut "rapprocher' mais les électeurs, si déçus du bilan européen. Un doute nous assaille alors... viserait-on les jeunes parce que c'est une population cible dans les moments de grande propagande? ) Comment structurer la vie politique et l'espace politique européen dans une Europe élargie? Comment faire de l'Union un facteur de stabilisation et un repère dans le monde nouveau, multipolaire?" (encore une fois on veut donner à l'Europe des Lumières qu'elle n'a pas si l'on en juge par les résultats sociaux de ses politiques et des politiques économiques internationales qu'elle défend)
- Passons au chapitre " Une meilleure répartition et définition des compétences dans l'Union européenne", où l'on réfléchit à la question de la clarté du rôle de l'Europe pour les citoyens. En conclusion, "Se pose enfin la question de savoir comment garantir que la nouvelle répartition des compétences ne conduira pas à un élargissement furtif des compétences de l'Union ou qu'elle n'empiétera pas sur les domaines qui relèvent de la compétence exclusive des États membres et, le cas échéant, des régions. (certes, mais en vertus des traités, l'Europe a déjà de nombreuses compétences que les Etats lui ont remises, notemment ce qu'on appelle le "1er pilier", les compétences pour lesquelles la Commission européenne a seule le droit d'initiative des lois et le pouvoi de faire des règlements et directives) Comment veiller en même temps à ce que la dynamique européenne ne s'affaiblisse pas? En effet, il faut qu'à l'avenir aussi l'Union soit en mesure de réagir à de nouveaux défis et développements et de sonder de nouveaux domaines d'action."(donc à terme, quoi qu'il en soit, les prérogatives de l'Union seront renforcées)
- Au chapitre : " Davantage de démocratie, de transparence et d'efficacité dans l'Union européenne " on évoque la question de la légitimité des institutions européennes... "La première question à se poser est de savoir comment nous pouvons augmenter la légitimité démocratique et la transparence des institutions actuelles, et elle vaut pour les trois institutions. (là, encore une fois, nous sommes tous d'accord, cette question est très pertinente)
Comment peut-on renforcer l'autorité et l'efficacité de la Commission européenne? (oups, c'est donc bien cela l'objecif: augmenter l' "autorité" non pas de l'Europe mais de la Commission. A charge pour "l'Europe" d'avoir une légitimité, peut-être...) Comment doit être désigné le président de la Commission: par le Conseil européen, par le Parlement européen ou par l'élection directe par les citoyens? Faut-il renforcer le rôle du Parlement européen? Faut-il ou non élargir le droit de codécision? Faut-il revoir le mode d'élection des membres du Parlement européen? " ( alors on se demande s'il faut renforcer le rôle du Parlement, le seul organe européen élu directement par l'ensemble des européens... puis vient une avalanche de questions candides du même style )
- plus loin dans le même chapitre, on se demande comment "améliorer l'efficacité du processus décisionnel et le fonctionnement des institutions dans une Union de quelque trente États membres." Voilà qui est intéressant, parce que a priori nous ne sommes toujours pas 30 dans l'Europe, alors est- ce que c'est décidé avant même que les citoyens européens ne se soient pronomcés sur la question, ou bien est- ce que c'est un lapsus ? De plus, cela semble montrer que l'on se soucie d'abord d'élargissement, ensuite seulement on se pose la question de savoir comment faire fonctionner un tel ensemble.
- Passons au chapitre sur la fameuse "constitution" sobrement intitulé "La voie vers une Constitution pour les citoyens européens". On se demande au passage " si la charte des droits fondamentaux doit être intégrée dans le traité de base et [il faut] se poser la question de l'adhésion de la Communauté européenne à la convention européenne des droits de l'homme." Juste après, on en vient au but:
- " Se pose enfin la question de savoir si cette simplification et ce réaménagement ne devraient pas conduire à terme à l'adoption d'un texte constitutionnel. Quels devraient être les éléments essentiels d'une telle Constitution? Les valeurs auxquelles l'Union est attachée, les droits fondamentaux et les devoirs des citoyens, les relations des États membres dans l'Union? "
- Enfin, on "convoque" la Convention pour l'avenir de l'Europe. On définit son statut, sa composition, sa mission et le mode de travail : "Le Président préparera le début des travaux de la Convention en tirant les enseignements du débat public. (lequel?) Le Présidium aura un rôle d'impulsion et fournira une première base de travail pour la Convention.
Le présidium pourra consulter les services de la Commission et les experts de son choix sur toute question technique qu'il jugerait utile d'approfondir. Il pourra créer des groupes de travail ad hoc." Quand on sait, via de nombreux exemples comme REACH ou la réforme de l'enseignement, comment et de qui sont composés lesdits "groupes de travail", c'est-à-dire avec de nombreux lobbyistes des entreprises et surtout des groupements sectoriels, on peut être méfiants à l'idée que la "constitution" soit élaborée de cette manière. Cela laisse quelques doutes sur les préoccupations quant à l'intérêt général.
LE TCE : PREAMBULE ET PARTIE I
Après de nombreux discours larmoyants sur l'Europe et la paix dans le monde, on en vient au fait: une "constitution" pour l'Europe, qui donnerait des principes suprêmes non seulement à l'Europe, mais à tous les Etats membres. Cela coule de source, me direz-vous. Certes, mais il n'est pas inutile de rappeler que la moindre directive européenne a plus de force (en droit on dit "est supérieure") aux textes nationaux, y compris les constitutions. Donc, une Constitution européenne serait le sommet de la hiérarchie des normes, c'est-à-dire du droit.
Le préambule du TCE est censé exposer les grands principes contenus dans le texte. Que peut-on y lire?
Après la liste des signataires, on apprend que ceux-ci s'inspirent "des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe". Soit. Ce n'est pas faux non plus. Mais la mention de la religion dès la première ligne du TCE peut ne pas être anodine. Les signataires sont en outre "persuadés que les peuples d'Europe, tout en restant fiers de leur de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun". Donc si les chefs d'Etat et de gouvernement en sont persuadés, ça doit être vrai.
Les mêmes sont "résolus à poursuivre l'oeuvre accomplie dans le cadre des traités instituant les Communautés européennes et du traité sur l'Union européenne, en assurant la continuité de l'acquis communautaire". Le TCE s'inscrit donc bien dans la continuité des étapes précédents de la construction européenne qui, nous l'avons vu, ont une orientation libérale et visent à instituer des organes supranationaux avec des compétences toujours plus larges.
La partie I
Titre 1: définition des objectifs de l'Union.
Article I-1:Établissement de l'Union
"1.
Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe de bâtir leur avenir
commun, la présente Constitution
établit l'Union européenne, à laquelle les États membres attribuent des
compétences pour
atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des États
membres visant à atteindre
ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui
attribuent."
Toujours aucun doute sur la volonté des "citoyens" de vivre sous les mêmes lois et de la même manière que leurs voisins. On apprend que l'Union a pour but d'atteindre les objectifs de l'Union, et qu'elle "coordonne" les politiques des Etats membres en vue d'atteindre ces mêmes objectifs.
Ensuite on a droit aux "valeurs" de l'Europe, donc la dignité humaine, la tolérance, la justice, l'Etat de droit etc.
Article I-3 : les objectifs de l'Union
2.
L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice
sans frontières intérieures,
et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.
3.
L'Union oeuvre pour le
développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée
et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement
compétitive, qui
On note la suite logique entre l'"espace de liberté" et le "marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée". Pourtant il n'y a pas de lien logique, juste un syllogisme. De la même manière, le "développement durable de l'Europe" est consdéré comme "fondé (...) sur une économie de marché autement compétitive", ce qui est complètement contradictoire. de plus cette économie "hautement compétitive" ne fait plus que tendre au plein emploi et au progrès social, alors que dans les textes précédents c'étaient des objectifs. Ce qui est impératif c'est la croisance et la stabilité des prix, comme si cela était possible d'avoir une croissance continue et des prix stables ad vitam eternam.
4.
Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses
valeurs et ses intérêts. Elle
contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à
la solidarité et au respect mutuel entre les
peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté ..." etc.
On se demande juste ce que vient faire le "commerce libre et équitable" dans cette liste de voeux pieux. Et encore une fois on associe un "commerce libre" au fait qu'il soit "équitable", ce qui 'nest absolument pas avéré, au contraire.
Article I-4: Libertés fondamentales et non-discrimination
1.
La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des
capitaux, ainsi que la liberté
d'établissement, sont garanties par l'Union et à l'intérieur de celle-ci,
conformément à la Constitution.
2. Dans le champ d'application de la Constitution, et sans préjudice de ses dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite.
On notera donc que les les marchandises ont les mêmes droits fondamentaux que les personnes (dont il conviendrait de préciser si l'on parle de personnes physiques ou morales), à savoir la libre circulation. La liberté d'établissement semble superbe pour les personnes physiques, c'est-à-dire les gens, mais semble concerner en premier lieu les entreprises (personnes morales). De plus, si on se rappelle de la fameuse directive Bolkestein (du nom du Bildelberger qui l'a pondue) sur la liberté d'établissement partout en Europe, y compris pour les services, l'absence de discrimination en ce qui concerne la nationalité prend un sens bien moins humaniste qu'à la première lecture de cet article.
Article I- 5 : Relations entre l'Union et les Etats membres:
Il est stipulé que : "Les États
membres facilitent à l'Union l'accomplissement de sa mission et
s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation
des buts figurant dans la Constitution."
Cela
signifie qu'un Etat ne peut prendre de mesure législative (loi,
traité) ou réglementaire (directive, règlement, circulaire...) qui soit
contraire aux principes et aux objectifs de l'Europe. Ces objectifs, nous l'avons vu, sont d'établir une zone de libre échange où la concurrence est libre et non faussée, sans discrimination de nationalité etc. Dans l'absolu, donc un Etat, souhaitant conserver la main sur les services de santé ou la sécurité sociale, ne peut alors pas le faire, puisque cela entre en contradiction avec les principes libéraux prônés dans les traités européens.
Article I- 6 : Le droit de l'Union
"La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union,
dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment
le droit des États membres."
Cet article confirme que même une directive européenne prime sur les constitutions, et donc les lois des Etats membres.
Il y a même un article sur les "symboles de l'Union", pour le folklore. Ode à la joie est donc notre hymne, notre devise est "unie dans l'adversité" (on se demande combien de pros de la com' ont été payés pour nous trouver ça), et la "journée de l'Europe" c'est le 9 mai. On en apprend, des choses, en lisant les traités européens.
Titre II de la Partie I, c'est à dire " Les droits fondamentaux et la citoyenneté de l'Union"
Article I-9: Droits fondamentaux.
Je vous le remets tel quel, car il est symptômatique de la langue de bois contenue dans l'intégralité du TCE
"1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes
énoncés dans la Charte des droits fondamentaux qui constitue la partie
II. (Jusque là tout va bien)
2. L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne
modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies
dans la Constitution.
Nous y voilà: les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont donc conditionnées à la bonne application des objectifs de l'Union. Puisque les "compétences de l'Union" sont les outils dont elle dispose pour réaliser lesdits objectifs. Concrètement, cela signifie que nos droits fondamentaux (santé, éducation, droit à la vie et autres) passent après les objectifs de l'Union, objectifs que nous allons voir en détail dans la Partie III mais qui sont essentiellement d'ordre économique.
3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils
sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des
traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie
du droit de l'Union en tant que principes généraux.
En droit, les principes généraux sont en principes en haut de la hiérarchie des normes, entre les lois et la Constitution. Cependant, leur caractère relativement flou et peu injonctif les rend finalement peu appliqués, car en droit le texte le plus précis l'emporte sur le moins précis. or, toutes les directives européennes et autres traités sont plus précis que les "principes généraux" du droit.
L'article I-10 porte sur "la citoyenneté de l'Union" et les droits et devoirs qui en découlent. Mais à la fin, tout de même, il est précisé que "Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par la
Constitution et par les mesures adoptées en application de celle-ci." On ne saurait être plus clair.
Titre III de la Partie 1: Les compétences de l'Union.
On nous explique qu'il y a les compétences réservées uniquement à l'Union ( = l'Europe, = la Commission), et des compétences partagées avec les Etats. Vous allez voir, c'est palpitant.
Compétences exclusives de l'Union (art I- 13):
a) l'union douanière;
b) l'établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur;
c) la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l'euro;
d) la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche;
e) la politique commerciale commune.
2. L'Union dispose également d'une compétence exclusive pour la conclusion d'un accord international lorsque cette conclusion est prévue dans un acte législatif de l'Union, ou est nécessaire pour lui permettre d'exercer sa compétence interne, ou dans la mesure où elle est susceptible d'affecter des règles communes ou d'en altérer la portée.
Hormis les "ressources biologiques", les compétences exclusives sont d'ordre commercial. L'Europe est seule à décider dans ces domaines, les Etats ne peuvent aller à contre courant. Mais il n'y a rien de nouveau, tous ces principes et ces compétences sont en germe depuis le début de la construction européenne.
Après il y a les compétences partagées avec les Etats (art. I- 14), comme "le marché intérieur", la "politique sociale" (mais quand bien même un Etat voudrait lancer une vraie politique sociale, il faudrait qu'il cède aux directives et autres textes européens poussant vers la libéralisation totale et l'ouverture des marchés)"l'environnement", "les transports" etc.
Ensuite on en arrive à "La coordination des politiques économiques et de l'emploi" (art. I -15). Extraits:
1. Les États membres coordonnent leurs politiques économiques au sein de l'Union.
2. L'Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l'emploi des États membres, notamment en définissant les lignes directrices de ces politiques.
3. L'Union peut prendre des initiatives pour assurer la coordination des politiques sociales des États membres.
La seule mention des "politiques sociales" est à la fin, quand il s'agit de donner à l'Union une compétence de plus, qui n'est pas sur la liste des compétences exclusives. Pour le reste, la coordinationd es politiques économiques, on l'a vu, c'est d'assurer un libéralisme sans entraves dans le Marché commun.
Article I-16: "La politique étrangère et de sécurité commune" (PESC)
1. La compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune.
2. Les États membres appuient activement et sans réserve la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle et respectent l'action de l'Union dans ce domaine. Ils s'abstiennent de toute action contraire aux intérêts de l'Union ou susceptible de nuire à son efficacité.
Cinquante ans plus tard, on arrive -enfin! diraient certains- à cette histoire de politique étrangère commune, et peut-être même, si tout va bien, d'armée commune. Dans la théorie, cela peut être bien sympathique, mais dans les faits on aurait probablement envoyé toute l'Europe faire la guerre en Irak, pour les raisons bidons que l'on sait. mais nous y reviendrons plus tard.
Titre IV de la partie I: Les institutions et organes de l'Union
On a donc un Parlement, un Conseil des ministres, un Conseil européen, une Commission, une Cour de Justice de l'Union Européenne, et l'Union doit atteindre ses objectifs.
Le Parlement:
1. Le Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, les
fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de
contrôle politique et consultatives conformément aux conditions prévues
par la Constitution. Il élit le président de la Commission. (parmi ceux que les Etats proposent)
3. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans.
Le conseil européen "donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales.", est composé des chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres, qui peuvent se faire assister par un ministre selon l'ordre du jour.
Suivent le conseil, la définition de la majorité qualifiée au conseil, puis la Commission :
1. La Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l'application de la Constitution ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de celle-ci. Elle surveille l'application du droit de l'Union sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d'exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par la Constitution. À l'exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par la Constitution, elle assure la représentation extérieure de l'Union. Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l'Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels.
2. Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque la Constitution le prévoit.
4. Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance.
La Commission est donc un peu l'exécutif de l'Europe, et veille à ce que tout se passe comme c'est écrit dans les textes. Elle peut passer des traités avec d'autres institutions supranationales ou des Etats. Et ses membres sont choisis parce qu'ils ont suivi et promu la construction européenne telle qu'elle est faite depuis 50 ans. Mais surtout, a Commission a l'initiative des lois, et si elle ne lance pas l'impulsion, aucun texte ne peut sortir du Conseil ou du Parlement.
7. La Commission exerce ses responsabilités en pleine indépendance. Sans préjudice de l'article I-28, paragraphe 2, les membres de la Commission ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucun gouvernement, institution, organe ou organisme. Ils s'abstiennent de tout acte incompatible avec leurs fonctions ou l'exécution de leurs tâches.
Cet article est intéressant, car dit que la Commission est indépendante des Etats, mais aussi qu'elle ne doit pas se faire corrompre ou influencer par un "gouvernement, institution, organe ou organisme", mais on notera que les entreprises privées ne sont pas dans la liste. Les lobbies aurait-ils donc le droitd 'influencer la Commission? Certes, on peut considérer que céder au lobbying est un "acte incompatible avec leurs fonctions ou
l'exécution de leurs tâches", mais quand on entend les lobbies et la Commission évoquer leur travail en étroite collaboration, on peut aussi penser que pour certains, le lobbying est tout à fait acceptable.
8. La Commission, en tant que collège, est responsable devant le Parlement européen. Le Parlement européen peut adopter une motion de censure de la Commission conformément à l'article III-340. Si une telle motion est adoptée, les membres de la Commission doivent démissionner collectivement de leurs fonctions et le ministre des Affaires étrangères de l'Union doit démissionner des fonctions qu'il exerce au sein de la Commission.
Cet article existait déjà, et a permis au Parlement de virer la Commission Samper pour corruption, justement. Ensuite on nous explique que le président de la Commission européenne "définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission", qu'il nomme les vice présidents de la Commission ainsi que l'hypothétique ministre des Affaires étrangères de l'Union. Puis un article sur le ministre en question, et la Cour de Justice.
Vient le tour de la Banque Centrale Européenne, qui conduit avec les Banques Centrales des Etats membres, la politique monétaire de l'Union, en vue de maintenir la stabilité des prix (avec tout ce que cela implique de politiques d'austérité budgétaire et de freins au pouvoir d'achat). La BCE est la seule à décider ou non d'émettre de la monnaie. A ce stade on ne nous précise pas comment est composée la BCE, ni par qui. Ca, c'est pour les courageaux qui arrivent à la fin.
Enfin, la Cour des Comptes, chargée de contrôler les comptes de l'Union, et les "organes consultatifs", comme les Comité Economique et Social (CES) ou le Comité des Régions.
Titre V: L'exercice des compétences de l'Union
On y définit les différents instruments juridiques et législatifs de l'Union. Où l'on apprend que " Les lois et lois-cadres européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission, conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément à la procédure législative ordinaire" et que "Le Conseil adopte des recommandations. Il statue sur proposition de la Commission dans tous les cas où la Constitution prévoit qu'il adopte des actes sur proposition de la Commission."
En ce qui concerne la PESC, on a quelques impératifs, comme celui d'avoir toujours plus de convergence dans les politiques étrangères des Etats membres. Pour la politique de défense, c'est pareil, il faut converger.
Mais dans cet article I-41 réside une perle. Il est dit, noir sur blanc, au paragraphe 3, que "Les États membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires."On compte nous mettre en place une Agence européenne de Défense, pour étudier la question et "participer à la définition d'une politique européenne des capacités et de l'armement". Les Etats les plus militarisés auront la haute main sur la politique de "défense".
Puis au paragraphe 7: "Les engagements et la coopération dans ce domaine (la politique de sécurité) demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre." Toutefois, même les Etats non membres de l'OTAN doivent se conformer aux engagements des autres pays européens envers l'OTAN.
Enfin vient la "clause de solidarité", qui porte sur la réponse à une attaque terroriste ou une catastrophe naturelle. Si u Etat est visé, tous vont réagir, y compris militairement. Soit...
Titre VI : La vie démocratique de l'Union
Là ce sont plein de grands principes très flous. La notion de "démocratie participative" est redéfinie, et se résume à la simple information des citoyens, et encore pas sur les travaux préparatoires. Ah, si, les citoyens peuvent aussi donner leur opinion, via un "dialogue ouvert" avec les institutions, et peuvent "inviter" la Commission "à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution.", s'ils sont un million au moins à signer la même pétition. Ca, c'est de la démocratie!
On évoque ensuite les partenaires sociaux, le médiateur européen, la transparence dans l'Union, la protection des données à caractère personnel, et puis le "statut des Eglises et organisations non confessionnelles", c'est à dire les associations loi 1901. (art I-52)
2. L'Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles.
3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l'Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations.
Toute la subtilité réside dans la définition d'une "organisation philosophique et non confessionnelle". Il faut savoir que c'est sous ce statut que les témoins de Jéovah et les Scientologues, pour ne citer que ceux-là, tentent d'envahir la société civile, si possible en raffalant quelques subsides au passage. De plus, l'Union se targue de dialoguer avec les Eglises, ce qui va à l'encontre du principe de la laïcité. Mais c'est vrai qu'en Europe, seule la France a inscrit la laïcité dans sa constitution.
Titre VII: Les Finances de l'Union
On nous explique que l'Union doit faire tous les ans un budget avec les dépenses et les rentrées, qu'elle a ses propres ressources (pas encore établies).
Titre VIII: L'Union et son environnement proche
Titre IX: L'appartenance à l'Union
LE TCE : LA PARTIE II _DROITS FONDAMENTAUX
Commencons avec le préambule, qui commence comme ça: "Les peuples d'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes."On revient avec cette idée d'union sans cesse plus étroite, de collaboration toujours plus étroite, comme si au final il ne devait plus y avoir qu'une seule entité.
La présente Charte réaffirme, dans le respect des compétences et des tâches de l'Union, ainsi que du principe de subsidiarité, les droits qui résultent notamment des traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes aux États membres, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, des Chartes sociales adoptées par l'Union et par le Conseil de l'Europe, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour européenne des droits de l'Homme. Dans ce contexte, la Charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des États membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte et mises à jour sous la responsabilité du praesidium de la Convention européenne. Là, il s'agit des 400 pages d' "Annexes".
Titre I: Dignité
On nous parle de dignité humaine, de droit à la vie (toute personne a droit à la vie, personne ne peut être condamné à mort ou exécuté), de droit à l'intégrité (pas de clonage, pas d'eugénisme...), d'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, et d'interdiction de l'esclavage, du travail forcé, et de la traite d'être humains.
Titre II: Libertés
On nous dit que "Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté", "au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications", que les données à caractère personnel sont protégées et que le citoyen y a un droit d'accès, qu'on peu se marier selon les lois nationales.
Sur la religion (art II-70), c'est plus tandancieux:
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
Ceux qui ont l'esprit mal tourné pourraient demander la définition de la "conviction". Est-ce que croire qu'on est un extra terrestre (cf. Raéliens) ou qu'on va se transmuter vers Sirius sont des "convictions"?
De plus, la religion, selon le concept laïc, se fait en privé ou dans des lieux réservés.
L'article suivant (art II-71) concernant la liberté d'expression et d'information est moins restrictif que d'autres textes sur le même sujet. On proscrit l'ingérence des pouvoirs publics, pas celle du privé. Quant au paragraphe 2 indiquant que "La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés", il suffit de savoir à qui appartiennent les médias aujourd'hui et d'observer le processus de concentration qui découle directement du libéralisme prôné par la même "Constitution", pour savoir qu'il s'agit encore d''un voeu pieu.
Ensuite on nous octroie le droit de réunion, on apprend que les arts et la recherche sont libres, puis on passe au droit à l'éducation (art II- 74)
1. Toute personne a droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue. J'ai mis en gras le mot "continue" parce qu'à priori il peut sembler anodin, mais en fait pas du tout. Une des fixations de l'Europe -poussée par différents lobbies comme l'European Round Table, qui regroupe 47 multinationales européennes- est d'instaurer la "formation tout au long de la vie", et de démanteler complètement l'école que l'on connait aujourd'hui, régie par l'Etat et avec des professeurs en chair et en os devant les gamins.
2. Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement l'enseignement obligatoire. Tant qu'il existe...
3.
La liberté de créer des établissements d'enseignement dans le respect
des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d'assurer
l'éducation et l'enseignement de leurs enfants conformément à leurs
convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés
selon les lois nationales qui en régissent l'exercice. Alors déjà le fait de créer librement des "établissements d'enseignement" ressemble fortement à une libéralisation de l'enseignement, c'est-à-dire comme c'est dit dans les rapports de la Commission européenne copiés sur ceux de l'ERT, à l' entrée de "prestataires de services privés" dans le système scolaire.
Sur le droit au travail (art II- 75)
1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée.
2.
Tout citoyen de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de
travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État
membre. C'est subtil de placer la libéralisation des services dans le droit de travailler. le droit de chercher un emploi est magnifique aussi. Mais c'est vrai que l'Europe a -aussi- pour but le plein emploi.
Puis on nous garantit la liberté d'entreprise, le droit de propriété (assez restrictif), le droit d'asile, de ne pas être victime d'"expulsions collectives" ni extradé dans un pays dangereux où on risque la torture ou la peine de mort (cela vaut aussi pour les non européens, en principe c'est déjà dans les textes mais apparamment Sarkozy s'en moque).
Titre III: Egalité
Nous sommes égaux en droit, la discrimination est interdite (surtout celle basée sur la nationalité...), "L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique".
Puis l'article II- 85 sur le droit des personnes âgées. Quel est-il, ce droit?
"L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle." Ah parce que avant elles n'avaient pas ce droit? Par contre avec la privatisation du système des retraites, une grande partie des personnes âgées vivra sous le seuil de pauvreté à moins de cumuler des jobs mal payés, comme aux Etats Unis aujourd'hui, le pays aux 5% de Croissance où 5% des ménages vont perdre leur logement.
Enfin, on apprend que les handicapés ont " le droit [de] bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté".Au passage, ceci est un droit, pas une contrainte pour les Etats.
Titre IV: Solidarité
On a droit à l'information dans les entreprises, droit de négociation et d'action collective "y compris la grève". Nous sommes protégés contre le licenciement abusif (qui reste entièrement à définir, car liquider une usine rentable uniquement pour engraisser les actionnaires de 15% par an, pourrait être considéré comme abusif).
On a aussi droit à des "conditions de travail justes et équitables" (art II- 91), respectant notre santé, notre sécurité et notre dignité... Paragraphe 2: "Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du
travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi
qu'à une période annuelle de congés payés." Combien de jours de congé minimum?
L'article II-94 porte sur "La sécurité sociale et l'aide sociale"
1. L'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de
sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans
des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la
dépendance ou la vieillesse, ainsi qu'en cas de perte d'emploi, selon
les règles établies par le droit de l'Union et les législations et
pratiques nationales. C'est-à-dire en tenant du compte du fait que le système de la sécurité sociale est libéralisé, et que si on n'a pas d'argent, on n'a plus de sécurité sociale.
3. Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales. Encore une fois, cette mention de conformité au droit de l'UE et au droit national revient simplement à conditionner l'accès à la sécu à une sécurité sociale qui s'inscrit dans l'objectif de la "concurrence libre et non faussée". Parce que un Etat peut privatiser davantage que le TCE le prescrit, mais pas moins.
L'article II- 96 porte sur l'"accès aux services d'intérêt économique général", et laisse quelque peu perplexe. Il faut savoir que cet article évoque ce qu'en France on appelait encore jusqu'à il y a peu les "services publics". Que nous dit cet article à propos de la base de nos sociétés modernes, héritières de l'Etat providence?
"L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union."
Encore, donc, un article qui ne sert strictement à rien. Pourquoi? Parce que si l'on se réfère aux législations nationales, en France par exemple, on pourrait revendiquer le droit à la santé tel quel, c'est-à-dire faire référence à la Constitution pour dire "je n'ai pas accès à des soins, je porte plainte contre l'Etat". Or, les législations nationales doivent se plier aux textes européens, qui ont libéralisé tous les "services". Par conséquent, un "service" devient forcément payant, et inaccessible aux plus pauvres. Le "conformément à la constitution" signifie que cet article n'a de portée que dans la mesure où la "concurrence libre et non faussée" est de mise. Autrement, c'est tout simplement contraire aux principes de la Constitution (le TCE).
Ensuite, il paraît que l'on doit protéger l'environnement. Certes, mais dans la mesure où la "compétitivité" est l'objectif phare de l'Europe, il est difficile de concilier une rentabilité maximale avec la protection de l'environnement. Les consommateurs sont aussi "protégés". Par qui, comment, contre quoi? Mystère.
Titre V : Citoyenneté
On nous explique qui peut voter pour quelles élections, qu'on a "droit à une bonne administration".
L'article II- 102 parle du droit d'accès aux documents des institutions, ce qui n'est pas appliqué puisque les docuuments de travail de la Commission sont inaccessibles, même aux journalistes.
L'article II-104 revient sur le "droit de pétition". Cet article est tout à fait cynique, je le remets donc en entier:
Tout citoyen de l'Union ainsi que toute personne physique ou morale
résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a le droit
de pétition devant le Parlement européen. Ce qui n'est pas mentionné là mais qui l'a été une centaine de pages avant, c'est qu'il faut au moins un million de signataires pour que la pétition arrive à la Commission, qui ne fait qu'examiner ladite pétition, et n'est absolument obligée d'en tenir compte.
Titre VI: Justice
Titre VII: Dispositions générales régissant l'interprétation et l'application de la Charte. (c'est à dire la Partie II sur les droits fondamentaux)
art. II-111 sur le champ d'application:
1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux
institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du
principe de subsidiarité (c'est-à-dire qu'on laisse les compétences au niveau des Etats s'ils sont mieux placés pour gérér, à l'Europe si elle est mieux placée), ainsi qu'aux États membres uniquement
lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils
respectent les droits, observent les principes et en promeuvent
l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le
respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont
conférées dans les autres parties de la Constitution.
Encore une fois, les limites de la Charte sont les compétences et les objectifs de l'Union. Un esprit un peu gauchiste pourrait penser que l'inverse serait plus pertinent, par exemple que la "concurrence libre et non faussée" soit établie dans les limites des principes de la Charte, ce qui reviendrait à la mettre au placard. Mais non, en Europe ce sont les droits fondamentaux qui sont condictionnés à la "concurreence libre et non faussée".
Le II- 112 explique la "portée et l'interprétation des droits et des principes"
1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus
par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le
contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du
principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées
que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des
objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de
protection des droits et libertés d'autrui.
Rebelote, les objectifs de l'Union étant par définition (nous le savons tous!) établis dans l'intérêt général, y compris le principe de libre concurrence, les droits fondamentaux ne sauraient empiéter sur cet intérêt général.
5. Les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en œuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l'Union, et par des actes des États membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union, dans l'exercice de leurs compétences respectives. Leur invocation devant le juge n'est admise que pour l'interprétation et le contrôle de la légalité de tels actes.
7. Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des États membres.
Partie III: Les politiques et le fonctionnement de l'Union
Cette partie III est très dense, je ne m'arrêterai donc qu'aux articles les plus éloquents, même si presque tous pourraient être des sujets de dissertation rhétorique sur la langue de bois dans l'Union.
Le Titre I sur les dispositions d'application générale ressasse encore une fois les voeux pieux du genre "l'Union cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle" (art III- 118), ou mon préféré, presque poétique, l'article III- 121 qui porte sur les poissons:
"Lorsqu'ils formulent et mettent en œuvre la politique de l'Union dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres, notamment en matière de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux."
Caché à la fin du titre I, un article sur les services d'intérêt économique général (= services publics), qui a priori n'a rien à faire là. Le charabia commence, normal, on arrive aux sujets sérieux, qui doivent être le plus opaque possible si l'on veut que le texte passe. Il s'agit de l'article III 122 :
"Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur (certes, mais laquelle ?) ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l'Union et les États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes (encore une fois, lesquels ?) et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions (c'est-à-dire le cadre de la libéralisation desdits services), sans préjudice de la compétence qu'ont les États membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services."
Au final, que retire t-on de cet article III- 122? On va parler français deux minutes. On parle ici des services publics, renommés "sercvices d'intérêt économique général", ce qui n'est évidemment pas anodin: c'est seulement l'intérêt économique des services qui est général, pas le service. Revenons à notre article III-122: Les services publics sont-ils garantis? Oui ? Non? Peut-être?
Déjà, les services publics ont une valeur. Certes, mais laquelle? Mystère. On apprend également que les services publics jouent dans la cohésion sociale et territoriale d'un pays. Certes.
L'Union et les Etats membres sont donc chargés de........de quoi au juste? De veiller à ce que lesdits services "fonctionnent sur la base de principes"... euh mais lesquels? Eh bien nous n'en saurons pas plus, à part qu'ils sont -ou seront- fixés par "la loi européenne". L'Union et les Etats membres doivent aussi veiller à ce que les services publics fonctionnent dans des conditions économiques et financières leur permettant d'accomplir leur mission. Oui, mais un service public fonctionne toujours même s'il est déficitaire, c'est le principe d'un service public. Serait-ce un ultimatum au "trou de la sécu"?
Donc que retire t'on de cet article? Pas grande chose, semble t'il.
Ensuite on revient sur la non discrimination et la citoyenneté de l'Union, puis le Titre III de la Partie III explique les "politiques et actions internes".
Pour rire deux secondes, je vous montre avec quelle clarté se présente la hiérarchie des titres à ce moment de la lecture du TCE:
Partie III - Les politiques et le fonctionnement de l'Union
Voyons donc l'article III-130:
1. L'Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur, conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution.
2. Le marché intérieur comporte
un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation,
des personnes, des services, des marchandises et des capitaux est
assurée conformément à la Constitution. Ca, ça veut simplement dire qu'on ne peux absolument pas taxer les mouvements de capitaux, ni les marchandises, mais bon c'est le principe de l'union douanière.
Ensuite quelques articles imposent la liberté de circulation des travailleurs dans l'Europe, surtout les "jeunes travailleurs". On en vient donc à la "liberté d'établissement" à partir du très compréhensible article III- 137 que voici:
Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre sur le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.
Les ressortissants d'un État membre ont le droit, sur le territoire d'un autre État membre, d'accéder aux activités non salariées et de les exercer (c'est-à-dire essentiellement créer des entreprises), ainsi que de constituer et de gérer des entreprises, et notamment des sociétés au sens de l'article III-142, deuxième alinéa, dans les conditions prévues par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve de la section 4 relative aux capitaux et aux paiements.
Article III-138 sur le même thème:
2. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission exercent les fonctions qui leur sont dévolues par le paragraphe 1, notamment:
a) en
traitant, en général, par priorité des activités où la liberté
d'établissement constitue une contribution particulièrement utile au
développement de la production et des échanges;(tout peut rentrer dans cette définition, y compris l'ensemble des services publics)
e) en rendant possibles l'acquisition et l'exploitation de propriétés foncières situées sur le territoire d'un État membre par un ressortissant d'un autre État membre, dans la mesure où il n'est pas porté atteinte aux principes visés à l'article III-227, paragraphe 2;
f) en appliquant la suppression progressive des restrictions à la liberté d'établissement, dans chaque branche d'activité considérée, d'une part, aux conditions de création, sur le territoire d'un État membre, d'agences, de succursales ou de filiales et, d'autre part, aux conditions d'entrée du personnel du principal établissement dans les organes de gestion ou de surveillance de celles-ci;
h) en s'assurant que les conditions d'établissement ne sont pas faussées par des aides accordées par les États membres. Là, on est simplement en train de nous dire que les services publics subventionnés par l'Etat faussent les "conditions d'établissement".
L'article III-143 impose aux Etats de ne faire aucune restrictions aux prises de participations de ressortissants d'autres Etats membres au capital de sociétés nationales.
Nous voilà à la "sous section 3" sur " la liberté de prestation de services". L'article III- 144 est on en peut plus clair:
Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.
La loi ou loi-cadre européenne peut étendre le bénéfice de la présente sous-section aux prestataires de services ressortissants d'un État tiers et établis à l'intérieur de l'Union.
En fait, c'est la même chose que la directive Bolkestein sur les services. C'est-à-dire qu'une entreprise de plomberie ou même un hôpital polonais peut implanter des succursales partout en Europe. Comme on ne parle pas de la mise à niveau des droits social et du travail, on suppose qu'il n'en est pas question. On appelle cela du "dumping fiscal", permettant à une entreprise d'appliquer le droit social et du travail du pays où elle a son siège dans le pays où elle va s'implanter.
L'article suivant nous explique ce qu'on entend par "services":
Les services comprennent notamment:
a) des activités à caractère industriel;
b) des activités à caractère commercial;
c) des activités artisanales;
d) les activités des professions libérales.
C'est-à-dire à peu près tous les secteurs d'activité. L'article III- 146 nous dit qu'on doit libéraliser les banques et assurances en harmonie avec les mouvements de capitaux.
L'article III- 148 m'a fait bondir. Il stipule que
Les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne adoptée en application de l'article III-147, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent.
La Commission adresse aux États membres intéressés des recommandations à cet effet.