Le mythe du "déficit" de la Sécurité sociale
Source : Agoravox, Albert Ricchi
A en croire le gouvernement, les journalistes des grands médias, les instituts de sondage et les experts de tous bords, le «déficit» de la Sécurité sociale menacerait notre système de protection sociale, créé en 1945 pour donner «la garantie à chacun, qu’en toutes circonstances, il pourra assurer sa subsistance et celle de personnes à sa charge».
Selon le dernier rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), diffusé le 24 septembre dernier, le déficit du régime général s’élèverait à 11,7 milliards d’euros à la fin de cette année, contre 8,7 milliards en 2006 et 11,6 en 2005. En 2008, il devrait de nouveau s’aggraver à 12,7 milliards d’euros, hors mesures nouvelles inscrites dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008.
La commission des comptes de la Sécurité sociale a bâti ses prévisions sur une croissance de 2 à 2,5% en 2008 comme en 2007 et table sur une accélération de la progression de la masse salariale de 4,8% en 2008 comme en 2007. Ces chiffres ne donnent pas une vision d’ensemble de la protection sociale car ils concernent le seul régime général et intègrent une reprise de dette d’un montant de 5,7 milliards par la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale).
En réalité, il y a surtout un manque de financement que les gouvernements successifs, depuis de très nombreuses années, ont laissé perdurer au gré des aléas de la conjoncture économique. Ce «trou» est dû notamment aux nombreuses exonérations de charges sociales, attribuées à tous les employeurs, sans aucune distinction depuis 1993, et non compensées par l’Etat.
Et il y avait sans doute des décisions plus courageuses à prendre que la création de nouvelles franchises médicales, à la charge exclusive des assurés sociaux, au 1er janvier prochain...
Outre
le ticket modérateur, on connaissait déjà le forfait d’1 € sur les
actes médicaux, le forfait de 18 € sur les actes dont le tarif est égal
ou supérieur à 91 €, le forfait hospitalier de 16 € par jour (inventé
dès 1983...), voilà maintenant le
forfait de 50 centimes d’euro par boîte de médicament, le forfait de 50
centimes pour chaque acte paramédical sans oublier le forfait de 2 €
pour chaque recours à un transport sanitaire qui s’appliqueront le 1er janvier prochain.
Pourtant,
d’autres solutions existaient pour rétablir une situation financière
saine, dont les principales sont évoquées ci-après, mais le
gouvernement préfère marteler que le système actuel donne lieu à des
« fraudes », que les assurés sociaux, comme les médecins, dépensent sans
compter, qu’il y a une « surconsommation de médicaments », un trop grand
« nomadisme médical », un nombre trop important « d’examens médicaux
injustifiés » ou « d’arrêts de travail abusifs », sans parler « des Français
qui vont de plus en plus souvent à l’hôpital pour de petits traitements
ou de simples bobos. On donne sa carte Vitale, on ne sait pas combien
ça coûte », du chômeur qui « ose » venir réclamer ses prestations
familiales à la CAF, de celui qui roule en BMW grâce aux allocations
familiales de cette même CAF, etc. Autant de balivernes qui masquent
les véritables scandales dont on parle peu...
Comble
de l’escroquerie intellectuelle, Nicolas Sarkozy, qui parlait
volontiers de « rupture » avant l’élection présidentielle, en est réduit
aujourd’hui à faire appel à la compassion des Français à l’égard des
patients atteints du cancer et de la maladie d’Alzheimer. Car on ne
voit pas comment, en mettant en place un lourd dispositif de franchises
à compter du 1er janvier 2008, on peut dégager des sommes
nécessaires sur ces pathologies à partir d’une assurance maladie qui
est déjà très déficitaire .
Les assurés sociaux devront ainsi payer sans rechigner alors que dans le même temps l’Etat a accumulé, à l’égard de la Sécurité sociale une dette impressionnante.
Régler le problème de la dette de l’Etat
Dans une note de janvier 2007, l'Acoss indiquait que la dette de l’Etat, vis-à-vis du seul régime général, aurait atteint 5,9 milliards d’euros à la fin 2006.
Avec
les autres régimes, notamment le régime agricole, la dette représente
plus de 7 milliards d’euros, liée aux exonérations de cotisations que
l’Etat s’était engagé à prendre à sa charge : contrats d’apprentissage
et de professionalisation, exonérations dans les DOM, prestations
sociales versées pour le compte de l’Etat sans que les budgets votés
ensuite suffisent à couvrir la dépense (AME, API, etc.).
Cette
dette n’apparaît ni dans le déficit budgétaire (les sommes n’étant pas
effectivement versées par l’Etat), ni dans le déficit de la Sécurité
sociale (qui, elle, intègre ces créances dans ses comptes). Les coûts
de trésorerie associés à la dette ont de plus représenté 160 millions
d’euros en 2006 !
Auditionné
le 10 juillet dernier par la commission des Finances de l’Assemblée
nationale, le ministre du Budget et des Comptes publics a précisé son
intention « d’engager l’apurement de la dette de l’Etat dès cette année ».
Ce
n’est pas la première fois qu’un gouvernement promet « d’engager
l’apurement de la dette » à l’égard de la Sécurité sociale. Cette
nouvelle promesse risque de se heurter aux dures réalités financières
car, à cause du versement des pensions de retraite en fin d’année,
l’Acoss sera virtuellement en défaut de paiement, son plafond d’avances
de trésorerie, fixé par la loi à 28 milliards d’euros, devant être
dépassé !
Mieux gérer les exonérations de charges accordées aux employeurs
Les
exonérations de charges sont accordées indistinctement aux entreprises,
celles dont la santé est florissante comme celles qui ont des
difficultés sérieuses. De plus, ces baisses de charges n’ont jamais
suscité les créations d’emplois annoncées !
Autre aberration, les exonérations de charges, notamment celles résultant de la loi Fillon, sont
attribuées de façon dégressive et s’annulent au niveau de 1,6 Smic, ce
qui favorise la multiplication des bas salaires, les employeurs étant
incités indirectement à maintenir le plus de salariés possibles en
dessous de 1,6 fois le Smic horaire, soit 13,50 € bruts depuis le 1er juillet 2007.
La
situation financière des entreprises étant hétérogène, l’on devrait par
conséquent favoriser exclusivement les entreprises fortement créatrices
d’emplois et ne délocalisant pas.
Le
rapport de la CCSS indique que les dispositifs d’exonération de
charges en faveur de l’emploi devraient atteindre le total
impressionnant de 31,75 milliards d’euros en 2008 (+ 13 %), après 28
milliards cette année et 24 milliards en 2006. Cette nouvelle poussée
est liée aux allègements sur les heures supplémentaires, qui
représenteront un peu plus de 4 milliards l’an prochain. Les
allègements généraux (entre 1 et 1,6 Smic) devraient quant à eux voir
leur progression ralentir (+ 4,3 % tout de même), à 21,5 milliards
d’euros, de même que les exonérations en faveur de l’emploi à domicile
(+ 7 %), à 2,1 milliards. Sur l’ensemble de ces exonérations, 2,5
milliards d’euros ne seraient pas encore compensés à la Sécurité
sociale en 2008.
Fiscaliser les cotisations salariales, au moins en partie
Le
rétablissement d’une trésorerie saine passe aussi par un changement du
mode de financement de la Sécurité sociale, qui devrait être accompagné
de la création d’un régime universel et de la disparition de la
multitude de régimes particuliers existants, pour toutes les
branches maladie, allocations familiales et vieillesse.
Il
convient d’en finir avec ce qu’il est convenu d’appeler tantôt des
cotisations (maladie, vieillesse, allocations familiales, accidents du
travail, fonds national d’aide au logement, etc.), tantôt des
contributions comme la CSG (contribution sociale généralisée) ou la
CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) qui sont
tantôt déductibles de l’impôt sur le revenu, tantôt non déductibles !
En
2006, sur les 322,8 milliards d’euros encaissées par les Urssaf, 71 % de
ces encaissements provenaient des cotisations et contributions sur les
salaires et autres revenus d’activité professionnelle, sans parler des
cotisations et contributions sur les revenus de remplacement tels que
retraites ou allocations chômage !
Un
financement plus équitable consisterait dans le versement d’une
contribution financière par tous les assujettis sans exception,
calculée avec un même pourcentage sur l’ensemble des revenus fiscaux au
lieu et place des cotisations et contributions sur les seuls salaires,
elle serait à la fois plus juste (une même assiette fiscale pour tous,
quel que soit son régime actuel de Sécurité sociale) et
plus important (un point de cotisation sur l’ensemble des revenus
déclarés au fisc rapportant beaucoup plus qu’un point de cotisation sur
les seuls salaires).
Les salariés seraient les premiers gagnants car les salaires, non amputés des cotisations sociales, seraient supérieurs aux salaires nets actuels.
En
son temps, Michel Rocard avait courageusement créé la CSG avec une
assiette de cotisations un peu plus large que les salaires, mettant à
contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques (revenus
salariaux, revenus de remplacement, revenus financiers). Mais celle-ci
repose encore principalement sur les salaires et ne taxe donc pas les
foyers fiscaux selon leur faculté contributive, comme pourrait le faire
une contribution universelle basée sur la même assiette que celle de
l’impôt progressif sur les revenus.
Face à la perspective d’un changement radical du mode de financement, les partis de gouvernement font preuve soit d’une hostilité viscérale (c’est le cas de l’UMP), soit d’une extraordinaire timidité (c’est le cas du PS). Il en va de même des organisations syndicales, très conservatrices dans ce domaine, qui en sont restées au bon vieux principe de l’assiette salariale d’après-guerre et aux sacro-saintes cotisations ouvrières et patronales...
Elargir l’assiette des cotisations patronales
Le
problème de l’injustice de l’assiette salariale se pose également pour
les cotisations des entreprises, dites cotisations patronales. C’est
ainsi que les
sociétés à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale
mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à
celles ayant une faible masse salariale mais une haute valeur ajoutée.
Le
remplacement des cotisations patronales par une contribution sur la
valeur ajoutée serait la mesure la plus appropriée et équivaudrait à la
création d’une « CSG entreprise ». Cette proposition fut explorée à
plusieurs reprises au travers de divers rapports commandés, par le
passé, aussi bien par Alain Juppé que par Lionel Jospin, anciens Premiers ministres.
Un
tel changement d’assiette des cotisations patronales serait une
véritable révolution. Il reviendrait pour la première fois à inclure
les profits d’exploitation des entreprises dans l’assiette de
financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant
« ajusté à la baisse » leur masse salariale, à l’occasion de
restructurations ou délocalisations.
La « CSG
entreprise » aurait également des effets bénéfiques sur l’emploi des
PME, souvent étranglées par les contraintes imposées par les « donneurs
d’ordre ».
Plusieurs
syndicats professionnels sont pour cette raison favorables à cette
nouvelle assiette qui serait de surcroît beaucoup plus stable que
l’assiette salaire. Il n’est pas anodin que la Confédération générale
des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union patronale
artisanale (UPA) y soient particulièrement favorables à la différence
du MEDEF.
La CSG entreprise serait aussi facile à mettre en place. Elle existe en effet déjà en germe dans l’actuelle contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur la valeur ajoutée, mais dont le taux est très faible. Pour réaliser le basculement total des cotisations patronales vers cette CSG entreprise, il suffirait de supprimer les cotisations patronales et leur substituer une C3S dont le taux serait à peu près multiplié par 40 par rapport à son taux actuel.
Assujettir les rémunérations indirectes telles que l’intéressement, la participation et les stock-options
Le
rapport annuel de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale estime
que les exonérations de cotisations sociales sur les stock-options ont
fait perdre 3 milliards d’euros de recettes en 2005. Pourtant pour le
premier président de la Cour, Philippe Séguin, les 8,5 milliards de
stock-options distribués en 2005 sont bien « un revenu lié au travail,
donc normalement taxable ». Le président observe également que les gains
réalisés par les bénéficiaires sont souvent importants et concentrés
sur un nombre restreint d’individus. Les 100 premiers bénéficiaires
devraient toucher chacun une plus-value de plus de 500 000 euros, et
les 50 premiers de plus de 10 millions d’euros
Le
rapport souligne que les mécanismes d’intéressement tels que les
stock-options, ainsi que les indemnités de départ à la retraite ou de
licenciement, exonérés de charges sociales, représentent une perte
comprise entre 6 et 8,3 milliards d’euros en 2005 ; une somme qui
aurait pu réduire de moitié le déficit qui s’élevait la même année à
11,6 milliards d’euros.
La Cour des comptes propose donc au gouvernement de plafonner, voire de supprimer ces exonérations de cotisations .
Nicolas
Sarkozy a bien évoqué ce problème récemment devant sa majorité
parlementaire mais son gouvernement fera-t-il ce que n’a pas voulu faire sa
majorité UMP à l’Assemblée nationale, depuis plusieurs années, lors de
chaque discussion annuelle sur la loi de financement de la Sécurité
sociale ?
Développer le contrôle des entreprises par les Urssaf
L’action des Urssaf est centrée essentiellement sur le contrôle d’assiette, contrôle
sur place d’une entreprise dont la situation est vue dans son ensemble
et qui donne lieu à des redressements, essentiellement la réintégration
dans l’assiette des cotisations d’avantages en nature, de salaires non
déclarés, de salariés et salaires non déclarés sans intention de fraude.
En 2006, environ 110 000 entreprises, soit 5,15 % du total, ont fait l’objet d’un contrôle d’assiette et l’Acoss a relevé une hausse importante du montant des redressements réalisés qui a atteint 893,5 millions d’ euros contre 824,9 millions en 2005.
Si
toutes les entreprises concernées, dépendant des Urssaf (secteur
privé), étaient contrôlées chaque année (environ 2 150 000), le montant
des redressements s’élèverait à près de 7 milliards d’euros par an !
Malheureusement
la faiblesse du corps des inspecteurs d’Urssaf, 1705 inspecteurs du
recouvrement pour toute la France, soit 1 inspecteur pour 1250
entreprises, fait que certaines entreprises ne sont jamais contrôlées
ou trop peu.
Au
classique contrôle d’assiette s’ajoute la lutte contre le travail
illégal et clandestin. Mais malheureusement, dans ce domaine aussi, les
déclarations d’intention tiennent souvent lieu de politique menée. Les
Urssaf affectent en fait moins de 10% des effectifs du corps de
contrôle à la lutte contre le travail clandestin, c’est-à-dire moins de
170 inspecteurs pour toute la France !
Dans
son bulletin « Trait d’Unions » de mai-juin 2007, Pierre Ricordeau,
nouveau directeur de l’Acoss, nommé en conseil des ministres du 25
juillet 2007, indiquait également que la branche du recouvrement pour
le seul régime général a encaissé 322,8 milliards d’euros en 2006 ! Chaque
année, une partie de ces restes à recouvrer sont effacées
régulièrement des ardoises et finissent (dans le jargon des Urssaf) en
« admission en non-valeur », c’est-à-dire qu’elles sont considérées comme
définitivement impossibles à recouvrer et disparaissent en fumée... Supprimer la subvention de l’Assurance maladie aux entreprises Chaque
heure, un salarié meurt pour des raisons directement liées au travail.
Selon François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, ce sont en
moyenne 9 000 personnes qui meurent chaque année en France d’accidents
du travail ou de maladies professionnelles. Dans
le secteur privé, selon les chiffres de la Caisse nationale d’assurance
maladie (CNAM), on a enregistré 699 217 accidents de travail avec
arrêts en 2005 dont 474 mortels. 48 104 maladies professionnelles
ont été reconnues par la CNAM en 2004, soit 25 maladies
professionnelles pour 10 000 salariés et une augmentation de 7,73 % par
rapport à 2003. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent 76 % de l’ensemble de ces maladies, et ont augmenté de 6 %. Les affections provoquées par le bruit ont augmenté très fortement (+ 43,71 %) et le nombre total de cancers reconnus d’origine professionnelle est passé de 1 661 à 1 889 cas. Mais
en réalité, ces chiffres et en particulier ceux des cancers
professionnels seraient beaucoup plus élevés et avoisineraient les 7
500 par an selon Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CGT, car
c’est un véritable parcours du combattant qui a été mis en place pour
dissuader les victimes de s’engager dans la reconnaissance du caractère
professionnel de la maladie. La Direction générale du travail observe que les sommes consacrées à l’indemnisation des maladies professionnelles
sont également en augmentation constante, passant de 1 121 millions
d’euros en 2002 à 1 246 millions en 2003 et 1 481 millions en 2004. Si
l’Assurance maladie est en difficulté financière, c’est aussi parce
qu’elle ne réclame pas le remboursement des pathologies en rapport avec
le travail : cancers professionnels, allergies, stress, troubles
musculo-squelettiques et même suicides, etc. Cela constitue en fait une formidable subvention de l’Assurance maladie vis-à-vis des entreprises... Modifier le principe d’attribution des prestations sociales, dont 50 % sont versées sans condition de ressources Depuis
1978, les prestations familiales ont été étendues à l’ensemble de la
population (29,5 millions de familles sont couvertes aujourd’hui par au
moins une des prestations de la CAF) mais de nombreuses allocations
sont attribuées sans aucune condition de ressources. Ces prestations
représentent, en masse financière, la moitié environ du total des
prestations servies par les CAF. Les
allocations familiales, par exemple, sont attribuées systématiquement à
toutes les familles ayant au moins deux enfants, celles vivant
modestement comme celles vivant confortablement (cadres supérieurs,
professions libérales, PDG, etc.). Cette
situation anormale, qui consiste à aider de manière identique les
familles pauvres comme les familles les plus riches, est très
choquante. Dans la France du 21e siècle, les chômeurs,
rmistes, salariés modestes n’ayant qu’un enfant à charge ne perçoivent
pas d’allocations familiales car elles ne sont attribuées qu’à partir du
second enfant mais le milliardaire en euros, ayant deux enfants à
charge les perçoit ! Aucune
réforme sérieuse n’a jamais été entreprise par les pouvoirs publics
pour remédier à cette situation qui date de l’après-guerre. Seul Lionel
Jospin avait tenté maladroitement de fixer un plafond de ressources
au-delà duquel les familles aisées n’y avaient pas droit, ce qui
déclencha immédiatement, à cause des effets de seuil, une certaine
réprobation des familles, plutôt aisées, il est vrai... Toute
réforme crédible devrait prévoir en fait soit le versement des
allocations familiales à toutes les familles dès le premier enfant, en
les déclarant ensuite dans l’impôt sur le revenu (telle fut à un moment
la proposition d’Alain Juppé, Premier ministre), soit l’attribution à tous
mais en fonction d’un barème dont les montants seraient dégressifs au
fur et à mesure que les revenus augmentent. Ces modifications devraient être étendues à toutes les prestations sans exception de façon à mettre en adéquation un budget social avec une certaine justice sociale. Les
moyens ne manquent donc pas pour que le financement de la Sécurité
sociale soit établi de façon pérenne pour toutes les branches maladie,
accidents de travail, allocations familiales et vieillesse. L’affaiblissement
de la protection sociale découle avant tout d’un choix politique fait
depuis la fin des trente glorieuses par tous les gouvernements
successifs de droite comme de gauche, qui n’ont jamais voulu réformer
vraiment le système, préférant utiliser les bonnes et vieilles recettes
de la « maîtrise médicalisée » des soins (anciennement maîtrise
comptable...) ou de la baisse du montant des pensions servies (réformes
Balladur en 1993 et réforme Fillon en 2003, absence de réforme de la
part de Lionel Jospin...). Aujourd’hui,
la méthode utilisée par Nicolas Sarkozy pour tenter de résorber ce
« déficit » n’est finalement pas surprenante car c’est la même que celle
employée pour compenser les baisses d’impôts consenties aux plus
fortunés : augmenter encore la fiscalité indirecte en la déguisant,
pour la circonstance, en franchises médicales. Cette
solution particulièrement injuste confirme, si besoin était, que la
majorité gouvernementale UMP - Nouveau Centre est toujours prédisposée
à remettre en cause les principes de solidarité de la Sécurité sociale comme ceux de l’impôt progressif républicain. Cela
ressemble étrangement à la politique de George Bush qui s’est fait le
champion lui aussi des baisses d’impôts pour les plus riches et qui a
programmé la disparition de ce qu’il reste du peu de droits aux
Etats-Unis pour se soigner ou bénéficier d’une retraite décente...
Mais
fin février 2007, le taux des restes à recouvrer des entreprises du
secteur privé s’établissait à 0,70 %, soit 2,25 milliards d’euros de
manque à gagner pour la Sécurité sociale.