Quand les banques font spéculer (et perdre) les communes
Quand les Etats s’endettent, c’est bien connu, ce sont les banques qui encaissent. En pleine crise subprime, alors que les taux d’intérêt grimpent, les Etats mais aussi les communes et des collectivités territoriales se retrouvent avec des ardoises bien salées. Au passage, les banques ont fait des marges, et aujourd’hui elles augmentent les taux d’intérêt…
Oui, certaines villes sont créancières de grandes banques, et en plus ont accepté de jouer avec la finance. Le Canard donnait ce matin l’exemple de la bonne ville de Tulle, dont François Hollande était maire jusqu’aux dernières élections. Endettée à hauteur de 8,55 millions d’euros chez Dexia, les taux d’intérêt variables s’étant mis à grimper, il a fallu renégocier ladite dette. Ils ont obtenu un délai de 2 ans avec un taux réduit. Magnifique.
Renégociation, donc, parce que les taux d’intérêt (variables) sont passés de 3,26% à 9,20%, et les agios sont passés de 223 000 à 630 000 euros par an. Et pourquoi un taux variable ? Parce que, écrit le Canard, « les banquiers promettaient aux élus de réduire la charge de leur dette grâce à des emprunts à taux variable, joliment appelés ‘produits structurés’ ». Il ne s’agit de rien de moins que d’actions, jouées en bourse. Bien que Citybank explique que les produits structurés, c’est « investir sans risque », en cas de crise ça coince (forcément).
Car c’est tout un processus : Jacques Godart, un avocat, dénonce le système : « Dans les années 2000 à 2004 environ, les banques ont proposé de manière très importante aux collectivités territoriales, d’emprunter dans des conditions qui pouvaient apparaître intéressantes. Les banques proposaient en effet des taux inférieurs à un index.
Dans un premier temps les banques proposaient des crédits calculés en fonction d’une fourchette de variations d’un indice. Par la suite le système s’est sophistiqué et les banques ont proposé de nouveaux produits. Il s’agissait là de proposer des prêts dont le taux était déterminé en fonction d’un écart de variations entre les taux longs et les taux courts. L’index était là encore choisi de manière classique par exemple sur l’euro. Les collectivités territoriales pouvaient faire de substantielles économies sur ces écarts de taux.
Mais dernièrement le système s’est encore plus sophistiqué et l’indexation qui était proposée par les banques était calculée sur des indices parfois étrangers à la zone euro.
Evidemment ces produits génèrent de fortes marges pour les banques dans des proportions nettement supérieures à ce que peuvent proposer les banques qui prêtent suivant des taux fixes à long terme. »
Puis il ajoute que le tribunal de commerce de Toulouse a condamné la caisse d’épargne de Midi Pyrénées dans une affaire de « prêts contractés sur la base de produits structurés » et annulé le contrat qui liait le bailleur social ‘Patrimoine SA Languedocienne’ . Pour que Les Echos titrent « les collectivités locales prises au piège des produits structurés », c’est qu’il y a bien un problème. Le journal donnait le chiffre de 10 milliards d’euros de dettes, qui auraient été « exposés » en Bourse pas lesdites collectivités.
Dans l’affaire, c’est la banque qui se faisait des marges 10 fois supérieures à une dette normale (sans spéculation hasardeuse). Le Portail de la vie citoyenne, où s’expriment les élus locaux, explique que les banques ont tellement poussé pour les « produits structurés », qu’aujourd’hui « il est devenu difficile pour les établissements hospitaliers, par exemple, d’obtenir des prêts à long terme à taux fixes ».
Il suffit de voir le nombre d’offres d’emploi des banques pour des postes de courtier pour ces produit, et on a une vague idée de l’ampleur du phénomène. En Allemagne et en Italie, on en serait au même point. En Belgique, c’est parti aussi, avec une plainte d’une société de gestion française contre la banque flamande KBC à cause de « manœuvres frauduleuses » avec des produits structurés. La banque, qui aurait du adapter régulièrement les actifs de la dette histoire d'éliminer les plus pourris, a tout laissé dormir. Du coup la valeur du « portefeuille » a chuté. C’est sur qu’avec la crise subprime, les actifs pourris se sont multipliés comme des petits pains, et il était difficile de trouver un placement pas trop foireux.