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14 juillet 2012

BREVE: l'infiltration des industriels auprès de la DG Entreprise de la Commission européenne

porsh_daiml_chrys-5475cAlter EU, une ONG qui lutte contre la corruption et le lobbying auprès des institutions européennes, a sorti récemment un rapport au sujet de l’infiltration de l’industrie à la DG entreprises, la Direction générale Entreprises et Industries de la commission européenne. De fait, les 2/3 des experts qui conseillent ladite DG seraient directement issus du monde de l’entreprise.

 

Cette DG Entreprises et Industries s’occupe de la recherche, du commerce international, des consommateurs, des politiques  des marchés de l’environnement et du marché interne, et elle participe à l’élaboration des lois. Les enjeux sont donc essentiels pour le monde de l’entreprise, qui a tout intérêt à avoir une législation favorable. C’est par exemple à la DG entreprises qu’on a concocté les normes de CO2 pour les véhicules ou la réglementation REACH, qui devait à l’origine contrôler drastiquement les substances chimiques entrant ou fabriquées en Europe, et qui à force de lobbying a perdu toute sa portée.

La DG Entreprises a mis en place pas moins de 83groupes d’experts, qui ont chacun leur spécialité. Dans ces groupes, on a 482 conseillers venus du monde de l’entreprise, et 255 issus de toutes les autres catégories (chercheurs, associations, syndicats, PME etc.). 34 groupes ne sont composés que de membres des administrations nationales. Et 32 des 49 groupes restants sont dominés par les intérêts des multinationales.

Parmi les lobbies les plus influents dans les experts de la DG Entreprises on a le Council of European Producers of Materials of Construction (CEPMC, pour l’industrie de la construction), l’European Association of Automotive Suppliers (CLEPA), l’incontournable Business Europe, qui regroupe divers lobbies patronaux européens tels que le Medef ou la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB).

 

Exemples

Le groupe d’experts « indépendants » sur la recherche en matière de sécurité (FP7 Security Advisory Group) est logiquement dominé par l’industrie. Il était composé de 20 membres en 2010, de 22 aujourd’hui, nommés pour deux ans par la Commission européenne. 9 des 22 membres viennent de l’industrie de l’armement[1], 8 des Etats et agences européennes. Il n’y a que trois chercheurs, ce qui n’empêche pas la commission de dire que le groupe doit être « équilibré » entre les chercheurs et l’industrie.

Ce groupe, mis en place en 2007, détermine qui va toucher des subventions pour la recherche appliquée au domaine de la sécurité, et pour quoi faire. C’est ce groupe, finalement, qui détermine les orientations stratégiques de la recherche, qui est appliquée dans le programme de travail repris par la Commission. Tous les ans, le groupe d’experts définit les points clés du programme de recherches sur la sécurité.

Entre 2007 et 2013, le septième programme (FP7, puisqu’on copie la planification soviétique), a débloqué 2,83 milliards d’euros  à la recherche sur l’espace et la sécurité, soit 5,6% du budget total de la recherche sur cette période. La première année de ce programme, 48% des projets de recherche qui ont été financés émanaient d’organismes qui avaient d’abord travaillé pour le secteur de la défense ou pour l’industrie de la sécurité.

Et comme par hasard, les neuf entreprises qui conseillent la Commission au sein de ce groupe ont touché une bonne part des budgets, qui sont en constante augmentation (118 millions en 2008, 240 en 2011).

 

Sous groupe sur les matières premières critiques

2012-07-15_142023Ce groupe est donc une émanation du groupe de travail sur les réserves de matières premières, qui a un rôle moins important que le sous groupe, qui aide directement à l’élaboration des lois. Sur 31 membres, 11 viennent de l’industrie[2], et 12 sont des technocrates.

Ledit sous groupe a été mis en place en 2008 après l’adoption d’une sorte de guide reprenant les orientations au sujet des matières premières critiques et de leur accès, la Raw Materials Initiative. Ce truc a été largement inspiré par des industries comme Volkswagen, Knauf ou Eurométaux, le lobbie européen des mines et métaux, et définissait donc la future politique européenne en matière de ressources naturelles vitales, qui ne sont ni liées à l’énergie ni à l’agriculture. Le but est de s’assurer un accès durable à ces ressources hautement stratégiques, qui se trouvent à l’étranger.

Les industries allemandes ont été à la pointe du lobbying pour faire passer la Raw Materials Initiative, en créant moult groupes de travail, comités etc. destinés à faire passer leurs idées auprès des technocrates.

Un député européen conservateur autrichien adepte du tourniquet (passage du privé au public, puis au privé etc.), Paul Rübig[3], se faisait alors appeler Mr. Raw Materials : il a mis en place le European Raw Materials Group en 2011, avec Karl Heinz Florens, un confrère allemand, et le lobby autrichien Public Interest Consultants[4]. Le groupe a travaillé en étroite collaboration avec un groupe similaire monté par les industriels, et les terres rares, qui sont en Chine et sont indispensables à l’industrie, étaient particulièrement visées, de même que les domaines du commerce et des affaires étrangères.

Le sous groupe a été créé dans des conditions assez similaires, afin d’établir une collaboration entre les Etats et l’industrie, ce qui, a priori, n’est pas le rôle des institutions européennes.  On nous explique que ce groupe sur les matières premières critiques devait être composé équitablement par les Etats membres, les industries d’extraction, les utilisateurs intermédiaires (type les aciéries), les fournisseurs de ces industries, les industries du recyclage, la recherche et les ONG.

Sans surprise, les politiques suggérées par ce groupe sont très favorables aux industriels. Ainsi, son premier rapport de juillet 2010 recommande des mesures purement libérales, afin de mettre la main sur un maximum de ressources naturelles. A savoir notamment :

-          Assurer un meilleur accès à la terre, de traiter équitablement l'extraction des terres et élaborer un processus rationnalisé permettant d'autres utilisations

-          Promouvoir l’exploration et veiller à ce que l’exploitation par les entreprises soit considérée comme une activité de recherche

-          Promouvoir la recherche sur le traitement des minerais, l’extraction à partir des déchets des mines, l’extraction minière au fond des dépôts, et l’exploration minière en général

-          Décourager certaines politiques qui causeraient des distorsions sur les marchés internationaux des matériaux naturels, et demander « l’adhésion aux forces du marché » (request adherence with market forces)

-          Poursuivre les initiatives de règlement des différents commerciaux au niveau de l’OMC, de manière à inclure davantage de matières premières.

-          Agir contre les restrictions aux importations

-          Protéger les investissements européens à l’étranger dans les matières premières.

Bref, ces principes nient complètement le droit des Etats à préserver leurs propres ressources : au nom du commerce libre et non faussé, Dogme de l’OMC, on demandera un accès libre à l’ensemble des matières premières. Ceci, bien sûr, l’emportera sur tout cadre diplomatique. L’Europe a beau jeu de nous vanter les mérites de la démocratie, ici l’avis des peuples importe peu, et on risque d’avoir droit à de nouvelles guerres de l’opium si les choses continuent ainsi. Le rapport dresse aussi la liste des principaux pays producteurs de différentes matières premières et définit une liste de matières premières prioritaires.

raw_mineral_concentrationCes recommandations ont été immédiatement reprises sur la page de la Commission européenne consacrée aux matières premières. Et on a donc défini 14 matières premières économiquement importantes, avec une belle carte pour dire où elles se trouvent : sud de l’Afrique, Russie, Chine, Inde, Brésil, Japon. Mais, surtout en Chine, où une dizaine de ces matières premières sont localisées (antimoine, béryllium, graphite, terres rares, tungstène etc.).

Ces principes ont ensuite été défendus au parlement européen en septembre 2011, qui a fait passer la résolution 2011/2056(INI) qui reprend les mêmes idées, avec quelques aménagements : on demande à la commission de tenir compte des normes environnementales, d’utiliser la diplomatie, et même de « veiller à un approvisionnement équitable » en matières premières. On peut toujours rêver, et de toute manière c’est la commission qui aura le dernier mot, et c’est elle aussi qui négocie les traités avec les pays tiers.  Mais, comme le souligne Alter Eu, il n’est pas question de réduire notre consommation de ces matières premières, ou d’éviter des abus dans le domaine de l’extraction.

Pour conclure, ce groupe de travail de travail sur les matières premières critiques a demandé l’accès aux subventions pour la recherche sur la transformation des minéraux. Le point positif, c’est qu’on va aussi financer de la recherche pour trouver des matériaux de substitution aux matières premières importées.

 

Le « réseau mondial de l’organisation des entreprises européennes »

L’European Business Organisations Worldwide Network (EBO) figure sur le registre des groupes d’experts auprès de la commission à titre permanent, auprès de la DG Entreprises et Industries. L’EBO « procure une expertise à la Commission lors de l’élaboration des mesures d’application » de différentes législations.

Créé en 2001, l’EBO a pour membres des lobbies européens représentant les entreprises et de chambres de commerces basés dans une vingtaine de pays. L’EBO est très régulièrement sollicité par les institutions européennes, qui lui témoignent souvent toute leur confiance.

L’EBO travaille par exemple avec l’European Parliament’s International Trade committee (INTA), un comité lié au Parlement européen qui a pondu récemment un rapport sur les liens transatlantiques qu’il faut renforcer encore plus.

L’EBO a installé un centre de documentation à Bruxelles, dans les mêmes locaux qu’un lobbie des multinationales européennes, Business Europe. Mais son but n’est pas seulement de documenter, c’est surtout d’ouvrir les marchés des

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autres pays à nos entreprises, et de s’assurer les conditions les plus favorables pour le business européen.

Evidemment, le but est toujours d’avoir le moins disant en matière de normes sociales, environnementales, commerciales etc. Et le problème de ce groupe, l’EBO, c’est que les intérêts industriels sont les seuls à y être représentés, sans aucune contrepartie. Et comme par hasard, c’est exactement le processus en cours aujourd’hui.

 

CARS 21

Il s’agit d’un groupe d’experts dans le domaine de la compétitivité des systèmes de régulation automobile, mis en place en 2005 par l’ex commissaire européen de la DG Entreprises, Gunter Verheugen, et par le président de l’European Automobile Manufacturers Association (ACEA). En 2010, la Commission l’a relancé, afin de chercher à développer la croissance du secteur automobile (Groupe de haut niveau sur la croissance et la compétitivité durable de l'automobile).

Sa tâche principale est d'assister la Commission dans la préparation de la législation et la définition la politique liée à l'industrie automobile. Il couvre un large éventail de domaines politiques tels que la réglementation des émissions de CO2, les normes générales d'émission, l'électro-mobilité, la sécurité routière, les accords commerciaux ou encore la question de l'étiquetage en matière de CO2. Le groupe CARS 21 a été ajouté sur le registre de la Commission.

Ce groupe est présidé par le vice président de la Commission Antonio Tajani, et six autres commissaires en sont aussi membres, ainsi que neuf représentants nationaux de l'Autriche, de la République tchèque, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Pologne, de l’Espagne, de la Suède et du Royaume-Uni, de trois membres d'ONG, d’un syndicaliste, de deux ONG liés à l’industrie, et de 13 membres issus directement de l’industrie. Donc, 13 des 19 membres non gouvernementaux représentent les intérêts de l'industrie. L'une des organisations hybrides, l'Union européenne du Conseil de sécurité des transports, qui se consacre à la sécurité routière, est parrainé par les constructeurs automobiles Toyota et Volvo, et par Shell International.

Un des grands problèmes abordés par ce groupe est l’ «approche intégrée» visant les émissions de CO2, qui a été poussé par l'industrie, en particulier l'ACEA (automobile manufacturers association), et adopté par la Commission. Il aborde la question de la responsabilité des émissions de CO2 par les véhicules et considère que les constructeurs automobiles ne doivent pas être els seuls à être tenus pour responsables, mais les consommateurs ou les pétrolières aussi. Du coup, ce n’est plus seulement à l’industrie automobile de chercher à réduire les émissions de CO2.

 

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Bref, il serait temps de repenser le "modèle" démocratique européen, dans lequel les lobbies des multinationales court circuitent le processus démocratique, justement. Qu'est-ce que les citoyens européens ont à gagner à imposer aux autres pays des normes toujours plus basses en matière sociale, environnementale, commerciale? Quand les travailleurs de ces pays seront payés un bol de riz par jour, que leurs Etats seront surendettés à force d'une fiscalité inéquitable, qu'il n'y aura plus d'infrastructure et plus de formation, que diront nos multinationales "européennes"? Eh bien elles exigeront que nous fassions pareil, au nom de la sacro sainte compétitivité.

Au passage, rappelons que ces mêmes multinationales sont les premières à se défiler quand il faut payer des impôts, et qu'elles sont les championnes quand il s'agit de faire baisser les salaires et de réclamer des emplois toujours plus subventionnés.

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[1] EADS, Finmeccanica, Sagem, QinetiQ, Siemens, IABG, European Organisation for Secuity (EOS), Transport

Security Solutions Ltd. (Ireland), TNO - Netherlands Organisation for Applied Scientific Research. Mais en 2007, on avait aussi parmi les membres de ce groupe Technion, alias l’Israel Institute of Technology, Siemens, Thales ou la FN Herstal (Fabrique nationale de Belgique)

[2] Volkswagen, Umicore, Euromines, Plansee, Eurométaux, Colas-Északkő Mining Ltd, Nokia, Boliden, Knauf

Gips KG, Industrial Minerals Association Europe, Bio Intelligence Service

[3] Rübig est par exemple vice président du European Energy Forum, un lobbie dans lequel les parlementaires européens discutent avec les industriels pour ensuite influer sur les décisions de la commission européenne et du parlement.

[4] Mais qu’on se rassure, on nous a expliqué que la collaboration avec ce cabinet de lobbying a été réalisée en toute transparence. Toutefois, il se dit dans les couloirs du parlement européen que Rûbig et Florenz sont proche de Public Interest Consultants.

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