Crise bancaire: on n'a pas fini de rire
Cela fait un moment qu’on n’a pas reparlé d’économie, tout simplement parce que la banqueroute généralisée qui se déroule en ce moment, eh bien on l’avait prévue depuis 2007, et depuis aucun indicateur ne permet d’être optimiste. Faisons donc le point, avec un petit tour d’Europe de l’austérité et de la dette, de l’Espagne à l’Irlande, et un peu aux Etats Unis. Parce que ce scénario, on nous l’avait déjà fait l’été dernier quand la Grèce a été ruinée.
Aujourd’hui il s‘agit de prêter 100 milliards aux banques espagnoles, tandis qu’on demande aux citoyens d’économiser 102 milliards d’euros d’ici 2014, à ajouter aux précédentes mesures. En octobre, le pays devra rembourser un prêt de 28 milliards, mais le Trésor n’a que 30 milliards dans ses caisses, et les échéances suivantes poseront un sérieux problème. Début juillet, après que l’Espagne ait demandé le renflouement de ses banques début juin[1], l’Europe avait débloqué 30 milliards d’euros pour recapitaliser les banques espagnoles, et pas l’Etat contrairement à ce que certains médias TV racontent.
Concernant le plan de rigueur de 65 milliards, les économies sont attendues d’une hausse de la TVA à 21% (+3%), et par des baisses des allocations chômage ou des retraites comme le demandaient le FMI et la Commission européenne. On va aussi économiser dans l’administration (3,5 milliards espérés). Cependant, ce poste recouvre une mesure très intéressante : la baisse de 20% des subventions aux partis politiques et aux syndicats, et une diminution de 30% des émoluments d’une catégorie d’élus locaux. On n’en est pas encore à supprimer le Sénat, comme la Belgique en prend le chemin, mais on va probablement y arriver. Les primes de certains fonctionnaires seront aussi fortement réduites.
Evidemment, on obéit aussi au FMI et à la Commission européenne qui appliquent toujours les mêmes mesures improductives (on le sait depuis que le FMI a coulé plusieurs pays d’Asie et d’Amérique latine dans les années 90 et 2000 avec ses plans d’ajustements structurels) en demandant toujours « plus d’austérité». Accessoirement, le FMI, qui ne participe pas à l’aide à l’Espagne, a quand-même demandé lui aussi plus d’austérité, tout en indiquant que la récession va se poursuivre en 2013. Et encore, le Fmi est connu pour son optimisme à toute épreuve en matière de pronostics économiques.
Même si l’Europe et les banquiers ont réussi à rendre quasiment incompréhensibles les « plans de sauvetage » (qui intervient, pour combien, envers qui, que demande-t-on en échange, à qui, quel est le résultat concret de ces mesures ?), le clampin moyen comprend que :
- On demande des efforts considérables à la population,
- On renfloue les banques.
En ce qui concerne le point 2, on connaît le refrain : il faut sauver les banques sinon c’est le chaos économique –et donc social. On discutera plus tard sur cette assertion digne des pires sophistes. Surtout qu’en Espagne, ce sont les banques, surtout les Caisses d’Epargne régionales qui sont sous financées et gavées de titres pourris[2], pas l’Etat. Mais, comme
l’Etat les a renflouées (et cela n’a pas suffi puisque l’Europe continue à le faire à hauteur de 100 milliards), il se retrouve aussi surendetté. En plus, le gouvernement espagnol a été bien trop complaisant avec ses banques, et d’après certains spécialistes l’Espagne « a restructuré dans l’opacité son secteur bancaire, cachant les chiffres des créances douteuses et des besoins en recapitalisation aux marchés »
Et où en est la Grèce, à qui on a appliqué ces mesures depuis bientôt trois ans ? Dans le mur, et pour un bon moment.
On peut aussi ajouter qu’en Espagne, un pays où les régions sont autonomes, on a décentralisé les circuits de financement, et de nombreuses régions comme la Catalogne se trouvent hyper endettées. La région de Valence a ainsi demandé 20 milliards d’euros pour rembourser ses dettes, tandis que la région de Barcelone cumulerait de son côté 42 milliards de dettes.
Accessoirement, on peut être étonné de la réaction nationaliste des Allemands qui estiment devoir payer pour les autres (mais la France est en 2e position) après avoir imposé leurs règles, leur euro, leur système monétaire suicidaire au reste de l’Europe.
Bref, revenons à ce sauvetage de l’Espagne qui bat son plein (même si on parle seulement d’une aide pour l’instant[3]), alors que celui de la Grèce n’est pas terminé. Et celui de l’Espagne, 4e économie de zone euro, n’est pas près de finir car les banques sont des gouffres sans fin, et les finances publiques, plombées par les plans d’austérité, n’ont aucune chance de revenir à un niveau acceptable dans les années à venir. Et pour cause, certains estiment que ledit sauvetage devrait couter au moins 300 milliards pour être vaguement efficace. L’équation est simple : pour que l’Etat finance les banques, on demande aux citoyens « faire des sacrifices ». Le même refrain que Balladur dans les années 90…
Et comme la Grèce, l’Espagne est entrée dans le cercle vicieux des économies à la petite semaine imposées par l’Europe, le FMI et les banques : pour rétablir un vague équilibre budgétaire, le gouvernement a coupé sec dans les dépenses publiques (donc baisse des allocations, du chômage etc.) tout en augmentant les impôts qui pèsent sur la classe moyenne. Du coup, la récession est inévitable, et plus le PIB baisse, plus les comptes du pays sont dans le rouge. Et plus l’Europe, le FMI et les banques demandent que le pays se serre la ceinture…
En cette fin du mois de juillet, il est donc question que la BCE rachète la dette espagnole puisque les spéculateurs n’en veulent plus tant elle est risquée. D’ailleurs, on sait déjà que le pays ne pourra jamais tout rembourser, surtout avec des taux d’intérêt à 10 ans de 7,5%[4].
En ce qui concerne l’Espagne, on peut parier que d’ici quelques semaines ou quelques mois, il faudra un plan d’envergure pour que le pays continue à emprunter pour filer l’argent à ses banques. Du coup, l’Europe va devoir trouver un moyen de faire passer ça devant les « Marchés », pour que l’euro passe ce cap. Jusqu’au prochain. Mais, déjà, on nous parle de créer une « structure de défaisance », c’est-à-dire une « bad bank », dans laquelle les banques mettraient tous leurs actifs pourris, avec garantie du gouvernement. L’Irlande avait fait pareil avec la NAMA, tandis qu’aux Etats Unis c’est la FED qui a servi de bad bank.
De leur côté, les spéculateurs recommencent, comme ils l’ont fait avec la Grèce, à parier sur une banqueroute du pays, c’est-à-dire un non remboursement de la dette. Cela, en pariant à la baisse sur les titres de dette via les CDS (credit defaut swap, des sortes d’assurances contre un défaut de paiement de la dette du pays). Ceux-ci deviennent très prisés, et plus on en achète, moins la dette espagnole sera rentable (car trop risquée) et on s’achemine vers une défiance et un non remboursement.
Le cas de l’Italie est très similaire à celui de l’Espagne : les banques sont dans la ligne de mire à cause de leur exposition sur les dettes d’autres pays comme la Grèce ou le Portugal, par exemple. 15 banques italiennes de taille moyenne viennent ainsi d’être dégradées par Standard & Poors. Et comme « les Marchés » paniquent, ils n’achètent plus de dette italienne, ou alors réclament de forts rendements, donc des taux d’intérêt élevés. Les banques françaises, par exemple, sont occupées à revendre leurs titres de dette italienne, qui s’élevait à 120% du PIB fin 2011 (1.950 milliards d’euros).
La thérapie de choc n’est pas très originale, puisque le pays a du revendre pour 30 milliards d’actifs, pendant qu’on diminuait les dépenses publiques (60 milliards + 33 milliards + 26 milliards en juillet) et qu’on augmentait les taxes. Tout cela a « déprimé l’activité », nous dit-on, le PIB diminue[5] et les agences de notation continuent de dégrader la dette italienne, mais on continue. Les retraites ont diminué[6], on a augmenté les taxes, dont la TVA à 21% (et peut-être bientôt 22%), les impôts locaux, gelé les salaires des fonctionnaires et diminué leur nombre de 10%, on a privatisé l’énergie, les transports, l’eau, et le traitement des déchets qui étaient à charge des collectivités locales, on va baisser les crédits aux hôpitaux, supprimer des tribunaux, des services publics et des administrations. Là aussi, le gouvernement parle de « chasse au gaspillage ».
D’un autre côté, on baisse les « charges sociales » sur les entreprises pour développer encore plus d’emplois précaires et mal payés. Il est également question de faciliter les licenciements au maximum.
Pour l’Italie aussi, certains parlent déjà d’une sortie de l’euro : «Selon les projections de Bank of America/Merrill Lynch, l'Italie et l'Irlande auraient le plus intérêt à quitter la zone euro et adopter leur propre monnaie », nous dit La Tribune.
Grèce
Regardons maintenant la Grèce, dont on ne parle plus beaucoup et c’est bien dommage. Car il s‘avère que après quatre ans de crise et de renflouements, « le pays est incapable d’honorer ses engagements budgétaires et financiers, nécessitant une nouvelle restructuration de sa dette ». Tiens donc, les plans de sauvetage successifs n’auraient servi à rien, et on continue à appliquer les mêmes théories à l’Espagne ? Evidemment, on va nous dire que les vilains grecs ne se sont pas
assez saignés, mais les classes moyennes ont déjà basculé dans la précarité. Que faut-il de plus ? Un pays d’esclaves payés un bol de riz par jour ?
De fait, le PIB grec pourrait chuter de 7% cette année, alors qu’on espérait moins 5% « seulement ». Il faut donc réaliser 11,5 milliards d’économies, et accélérer le rythme des privatisations[7], taxer encore plus les électeurs (pas les armateurs, cela va de soi), en gros baisser les dépenses et augmentées les rentrées d’argent. Et comme c’était prévisible depuis le début, la Grèce ne peut pas payer sa dette, et il va falloir la réduire davantage encore. La dette grecque est ainsi passée de 160% à 120% du PIB en 2010 par un coup de baguette magique[8], et en mars 2012 on a encore laissé tomber 100 milliards. Mais, on n’y est pas encore. Et voilà que le FMI menace de se retirer du jeu, laissant l’Europe seule pour éponger la dette dite grecque, mais qui est aujourd’hui détenue en partie par l’Europe via la BCE et le FESF, mais aussi par les banques et les fonds de pension, qui voyaient dans ce produit hautement spéculatif un moyen de se faire de l’argent facilement.
Après un bon paquet de milliards versés inutilement, voilà que « la sortie de l’euro fait un peu moins peur ». Ce qui passait pour une catastrophe il y a deux ans est devenu une réalité : l’euro nuit à la Grèce, et vice versa. On pourrait dire que ça aussi, c’était prévisible depuis le début. Au passage, rappelons qu’il y a un an, nos brillants économistes croyaient encore que le déficit grec pourrait passer sous les 3% en 2014 ! Une autre blague : en 2007, l’OCDE félicitait la Grèce pour avoir « assaini les finances publiques » et réduit la dette publique… Comme quoi, les chiffres ne veulent vraiment rien dire, surtout quand ils émanent de Goldman Sachs.
Depuis, la Grèce a drastiquement baissé les diverses allocations, chômages et retraites, les dépenses de santé, d’éducation, a privatisé ses services publics, baissé les salaires, augmenté les taxes, et la situation s’aggrave. Il n’y a qu’un économiste libéral pour croire, comme le lui disent ses livres, qu’une telle recette pourrait être efficace. Ces mesures suppriment toute marge de manœuvre au pays pour pouvoir se rétablir, et la population tombe dans la misère par pans entiers. Car sans argent, pas d’investissement, et pas de réduction du chômage, des inégalités, de renforcement de l’enseignement et de la recherche. Sarko en savait quelque chose, avec son paquet fiscal improductif. A la clé, une baisse de la consommation, de la production, de l’emploi et évidemment des recettes fiscales pendant que le coût social (pauvreté, chômage) augmente.
D’ailleurs, le problème c’est qu’il n’y a pas que le coût social qui augmente, la charge de la dette augmente elle aussi, si bien que la situation du pays ne peut pas se redresser.
Aujourd’hui, donc, la Grèce peut sortir de l’euro[9] sans que les banques n’y perdent trop de plumes : l’Europe a racheté une bonne partie de leurs titres pourris, et les banques ont sorti du pays une grande partie de leur fric (3/5e nous dit la BIRD). Après s’être engraissés sur la bête, les banques et fonds spéculatifs refilent la carcasse aux contribuables européens. D’après Le Figaro du 26 juillet, «Il y a un an, une grande partie de la dette publique était encore détenue par le secteur privé. Ce n'est plus le cas, explique Fabrice Montagné, économiste à Barclays. Moins exposés, les marchés ont moins peur d'une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro.» Autrement dit : on a transféré la dette des banques (dette constituée par les titres pourris de dette grecque notamment) aux Etats.
Car, la BCE a racheté les titres de dette grecs détenus par les banques, qui ne valaient plus rien, bien au-dessus du prix qu’ils valaient. Et c’est parce qu’ils se sont tous gavés dans un premier temps, avant de parier à la baisse en faisant chuter le titre et grimper les taux d’intérêt, avant que plus personne ne veuille de ces titres de dette, que la BCE les a rachetés et
accepte même en garantie ! Et elle hésite à revendre, ses « 40 milliards » de titres de dette grecque, ce qui est bien compréhensible. Ensuite, les Etats doivent « recapitaliser » la BCE.
Etats Unis
Parlons aussi des Etats Unis, dont les médias nous vantent étrangement une sortie de crise que les gens ne voient toujours pas venir. Dans ce pays en passe de devenir sous développé, s’il ne l’est pas déjà, certaines villes n’ont plus de police faute de pouvoir la payer, ou plus d’école, plus d’hôpital, des administrations où tout le monde est à plein temps. On continue de raser des maisons pour éviter que des zones entières ne deviennent des chancres urbains, on continue d’expulser à qui mieux mieux, et la dette fédérale est au plus bas malgré que la planche à billets de la FED ait fonctionné à plein.
Les Etats-Unis vont à peu près bien, si l’on ne regarde que les principaux indicateurs habituels, comme la balance commerciale (puisque le déficit commercial se réduit, autour de 46 milliards fin 2011[10]) ou les faillites bancaires, qui sont en baisse. Le chômage ne baisse pas (8,2 % en juin), et la crise en Europe gène les exportations. Mais, on attend une augmentation de 3,4% d’ici 2016. Bon, il y a 10 ans on aurait trouvé ces chiffres très pessimistes, mais les circonstances font qu’aujourd’hui on en serait presque à sabrer le champagne.
Mais d’un autre côté, la pauvreté, en progression constante, a atteint là-bas son niveau le plus élevé depuis 1965. Le taux de pauvreté serait de 15,7% de la population, soit 11.139 $ par an pour une personne seule (9.200€). Ainsi, « l’Université de l’Indiana qui estimait que le taux de pauvreté devrait logiquement continuer à augmenter, étant donné que les anciens emplois sont remplacés par des postes moins bien payés et que les Etats coupent de plus en plus dans leurs dépenses de solidarité ». Dans ce pays, la moitié des américains les plus pauvres détenaient… 1,1% de la richesse nationale, contre 2,8% en 2001. Encore un record. A l’inverse, « 1% des Américains les
mieux lotis détenait ainsi 34,5% de la richesse du pays en 2010, contre 32,7% en 2001 ».
De fait, le PIB américain est de plus en plus soutenu par les profits des entreprises : aujourd’hui ces profits représentent 15% du PIB US, contre 10% en 2007 et 3% en 1980. Autrement dit, les salaires très bas et la baisse de la consommation sont en partie compensés, selon l’indicateur qu’est le PIB, par les profits des multinationales et autres entreprises.
En outre, les Etats US sont toujours ultra endettés, et c’est normal : les transferts de charges du fédéral vers les Etats, comme chez nous de l’Etat vers les régions et départements, n’a pas été suivi des transferts de trésorerie adéquats.
Depuis le début de la crise autour de 2,5 millions de maisons ont été saisies par les banques, avec le lot de drames personnels que cela implique. Aujourd’hui, on envoie même le SWAT, l’équivalent du RAID, pour déloger les familles.
D’ailleurs, à propos d’expulsions, on avait parlé du foreclosure gate, le scandale des saisies immobilières effectuées alors que les prêts immobiliers étaient totalement illégaux. Eh bien ces irrégularités viennent d’être réglées à l’amiable pour 25 milliards de dollars, alors que ces mêmes banques ont mis des milliers de familles à la rue (encore 69.000 en mars) uniquement par appât du gain et en dehors des règles élémentaires. Toutefois, la dette astronomique des banques à cause de ces subprime (car ce sont encore les conséquences de la crise subprime) est loin d’être apurée malgré toutes les manipulations comptables mises en application. D’aucuns parlent de 175 à 475 milliards de dollars.
De fait, les expulsions continuent avec la même vigueur ou presque dans les Etats les plus touchés. En Californie, 1 logement sur 288 est menacé de saisie. Mais le nombre de saisies immobilières avait brutalement augmenté de 21% en décembre, quand les banques doivent rendre leur bilan.
En outre, la dette US ne tient que parce que la dette est rachetée par la FED, qui sert de banque centrale aux Etats Unis. Apparemment, la FED a directement racheté 61% des titres de dette US en 2011, dont plus personne ne veut[11], ce qui permet d’éviter la banqueroute. Mais nous en Europe, on n’a pas le droit de le faire, parce que les Etats doivent emprunter sur « les Marchés », c’est-à-dire vendre leur dette au plus offrant. Pas les Etats Unis, qui demandent à la FED de fabriquer des dollars tout lui demandant aussi de racheter leur dette à des prix raisonnables, par comme la Grèce ou l’Espagne, par exemple.
Et l’endettement continue à augmenter pour diverses catégories de population, comme les propriétaires ou les étudiants[12]… Quant à la dette du pays, elle équivaut à 100% du PIB, soit plus de 15.000 milliards de dollars en décembre 2011, et probablement à 107% du PIB en 2012. Le déficit budgétaire, lui continue à augmenter, à plus de 1.300 milliards de dollars en 2011. La question de la dette et du déficit américains revient régulièrement dans l’actualité, jusqu’à ce que la crise de la dette européenne ne revienne à la Une de la presse écofi. Une dette que les investisseurs craignent de plus en plus de ne pas voir remboursée. La Chine, par exemple, qui détient environ 10% de la dette US (soit environ 1.600 milliards de titres de dette US contre 755 en décembre 2010) demande des garanties[13].
La Chine exige donc que les Etats Unis s’attaquent à « leur problème structurel de dette », nous dit le site Atlantico. On se souvient d‘ailleurs de la crise qui a eu lieu il y a un an, quand il a fallu augmenter le plafond de la dette encore une fois. Et la maîtrise des dépenses est, là-bas comme en Europe, un grand sujet de crispations.
Enfin, les banques US ne sont en relative bonne santé que parce que la FED a injecté des milliards de dollars dans le système financier US avec les différents Quantitative Easing[14]. Mais tout de même quatre d’entre elles dont Citigroup, sur 19 grandes banques, ont raté les stress tests, qui sont connus pour leur manque de dureté.
En Irlande, il est aujourd’hui question d’assouplir le « plan de sauvetage », et il est probable que la flagellation prenne bientôt fin. Car l’Irlande s’est montrée bonne élève : le Fmi nous explique ainsi que le pays a mené une « stratégie destinée à lever les éventuels obstacles structurels à une plus grande compétitivité et à la création d’emplois ». Oubliez les emplois, c’est de la rhétorique, par contre les « obstacles structurels » style taxes sur le travail, taxes sur les riches, taxes sur les entreprises, sont à bannir.
L’Irlande passe donc pour le bon élève, qui a bien suivi les mesures de rigueur. Aujourd’hui, le pays peut emprunter sur « les Marchés » à des taux relativement acceptables. Mais, pas de chance pour l’Irlande, comme le reste de la zone euro est en récession, ça bloque un peu au niveau des exportations.
Mais, quel est le bilan de l’Irlande aujourd’hui ? Emplois précaires et sous payés, émigration massive (80.000 personnes par an en moyenne), presque 15% de chômage[15], augmentation du PIB très limitée (1,1% début 2012), endettement en hause[16], secteur de la construction en berne, fermeture des commerces continue… Mais le FMI est content et c’est bien là l’essentiel. Ou il fait mine, histoire de montrer que bien appliquer ses réformes stupides amène au firmament.
Entre parenthèses, un économiste en chef du FMI qui s’occupait des plans de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande, a claqué la porte de la brillante institution. Cela, en expliquant qu’il avait « honte d’avoir été associé au FMI » pendant 20 ans, et dénonçant l’ « incompétence » dudit FMI. D’après ce que rapporte L’Express, le FMI « avait identifié les causes de la crise de la zone euro "de longue date" et n'a pourtant pas été capable de la prévenir. D'après Peter Doyle, toutes les tentatives du FMI ont été des "efforts désespérés", qui n'ont pas permis d'éviter les "souffrances" des peuples ». Mais était-ce le but, se demandent les sceptiques. Ne fallait-il pas au contraire mettre les peuples à genoux pour mieux les asservir dans des jobs au rabais, histoire d’étouffer la contestation sociale qui ne va pas manquer d’arriver.
En tout cas, l’Irlande, bien que mise en avant aujourd’hui, risque de devoir bientôt demander un nouveau plan d’aide car son déficit est trop important pour que le pays continue à emprunter comme cela.
Et la suite ?
La liste des pays à mettre à genoux pour qu’ils cèdent aux sirènes de l’ultra libéralisme économique risque de s’allonger. Alors que la Grèce a coulé, que l’Espagne ne devrait pas tarder, que demande la Commission européenne, qui a la tutelle du pays ? D’ « accélérer les réformes ». Rendez-vous dans quelques mois pour une nouvelle sortie de l’euro par le Portugal.
Les agences de notation commencent à s’attaquer à l’Allemagne, et Moody’s a décidé lundi 23 d’abaisser la perspective germanique au niveau de « surveillance négative », c’est-à-dire en gros qu’on anticipe un risque de baisse du PIB, voir de récession. D’un côté il est logique que les agences commencent à dénigrer l’Allemagne : d’une part, elle est la première à garantir les prêts de la BCE à la Grèce, au Portugal etc., mais surtout il est probable qu’étant le pays européen le plus solvable a priori, les spéculateurs auront le temps de s’amuser avec les titres de dette allemande avant que le pays ne coule lui aussi. Vous me direz que c’est là une vision bien pessimiste des choses, mais si l’on continue avec des politiques économiques aussi stupides, les indicateurs vont rester dans le rouge très longtemps.
Et pourtant, l’ex de Goldman Sachs qui dirige aujourd’hui la BCE dit que l’institution est « prête à tout » pour « sauver l’euro ». Question : à quoi sert l’euro si les européens vivent dans la misère, avec des taux de chômage à 20%, sans sécu ni retraites, ni écoles, ni hôpitaux, avec une justice et des flics sous financés et plus de services publics ? Et qu’en plus ils sont dirigés par les politiques interchangeables dont le programme se résume à céder aux exigences des lobbys financiers ? Enfin quoi qu’il en soit, la bourse est remontée suite à cette sortie fort peu démocratique, les marchés étaient, nous dit-on, « galvanisés ». Mais l’euphorie est vite retombée parce qu’en fait la BCE n’a pas changé ses taux directeurs et a dit que pour qu’elle aide l’Espagne et l’Italie (en rachetant leurs toutes de dette qui deviennent de moins en moins rentables pour les spéculateurs) il faut que ces pays continuent les mesures d’austérité, ce qui ne servira à rien de toute manière.
Pour sauver l’euro, qui est aujourd’hui à 1,23$, une seule solution : fédéraliser la dette et donc l’Europe. Comme cela, espèrent les spéculateurs, l’Europe (et ses contribuables) seront aptes pendant un certain temps à les renflouer.
Et pour fédéraliser la dette, c’est simple, on a les eurobonds ces titres de dette souveraine des Etats européens, qui seraient garantis par toute la zone euro. Les banques y sont très favorables, car cela leur permettrait de spéculer sans crainte pendant encore un, deux ou trois ans, avant que toute la zone euro ne doive emprunter sur 10 ans à 7,5%.
En parallèle de tout cela, la brillante affaire du Libor, ce taux d’intérêt pour els prêts interbancaires fixé par les banques elles-mêmes, et manipulé par les mêmes banques, montrent que la santé de nos institutions financière est toute relative, contrairement à ce que nous disent les chantres du libéralisme dans la presse économique. On ne va pas faire un chapitre là-dessus, mais rappelons qu’une série de grandes banques, de Barclays à la Deutsche Bank, en passant par JPMorgan ou la Société Générale et le Crédit Agricole sont impliquées, et ont manipulé les taux d’intérêt de toute l’économie, finalement, depuis la crise subprime. Et ce sont ces mêmes banques qui prônent l’autorégulation auprès de toutes les institutions internationales, commission européenne comprise.
D’ailleurs, le lobbying des « institutions financières » va toujours dans le même sens : moins de régulation et moins de contrôle. Cela implique de demander moins de fonds propres, ces sommes immédiatement disponible que doivent avoir les banques, ou bien d’inclure dans lesdits fonds propres des actifs pourris type subprime, comme on l’a déjà vu. Et moins les banques ont de fonds propres, plus elles sont vulnérables aux crises.
Eurofi, un groupe de pression qui vise à favoriser le « secteur financier », pose la question en ces termes : « quel rôle et quel évolution pour le système financier et sa régulation afin d’assurer un financement soutenable de l’économie européenne ? ». Traduction : si vous nous régulez trop on ne pourra plus vous financer. Les sponsors de la conférence ainsi intitulée sont Goldman Sachs, la Société Générale, Axa, bank of America Merrill Lynch, JP Morgan ou le Credit Agricole.
Une des dernières trouvailles de ce lobby, après les eurobonds repris par Hollande, ce sont les « project bonds » : l’Europe emprunte sur les marchés pour financer des infrastructures dans le transport, l'énergie et les technologies de l'information. La Commission européenne s’est d’ailleurs empressée de lancer une « phase pilote ».
L’Europe va donc provisionner 230 millions d’euros avec lesquels elle compte lever plus de 4,5 milliards d’euros sur « les Marchés ». Encore une fois, il s’agit de « mutualiser la dette », alors que les bénéfices sont de plus en plus concentrés dans les paradis fiscaux.
Une fois qu’on aura bien « mutualisé » les dettes et le financement, il n’y aura plus qu’à passer au fédéralisme politique, tout cela pour mieux « sortir de la crise »... La propagande à ce sujet a déjà bien commencé, certains illuminés nous expliquant doctement qu’ « Un ordre global de marche du monde est devenu incontournable ». Quel ton péremptoire ; quasi eschatologique. Mais, depuis Thatcher, DSK etc. et leur TINA (There Is No Alternative), on a l’habitude. L’étape suivante, quand l’Europe entière aura vu sombrer 90% de sa population dans la pauvreté, sera dire qu’il faut un fédéralisme mondial, et une « gouvernance mondiale » pour l’économie, c’est-à-dire un gouvernement économique mondial.
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On a compris qu’en Espagne, l’emprunt de 102 milliards servira à payer 100 milliards de pertes des banques. Au niveau européen, c’est la même chose : les banques européennes sont sous perfusion (plus de 1.000 milliards entre décembre 2011 et février 2012), et on demande aux Etats de garantir des prêts à taux zéro, alors que pays après pays, la situation des banques devient de plus en plus alarmante. Alors, l’Europe demande aux contribuables de se serrer la ceinture, de « faire des économies » pour que les Etats continuent à s’endetter pour les banques. On a compris que ce système est sans fin, enfin jusqu’à ce que les citoyens soient tombés dans l’esclavage et qu’on ne puisse plus rien en tirer.
[1] Officiellement, quatre banques publiques avaient besoin de liquidités de toute urgence : Bankia, Caixa Catalunya, Nova Galicia et Banco de Valencia. Le montant à donner rapidement était de 50 milliards d’euros. Et els régions avaient besoin de 35 milliards, de toute urgence également.
[2] On parle de 200 milliards d’euros de titres pourris rien que pour les Caisses d’épargne régionales.
[3] L’Espagne rechigne même sérieusement à accepter un sauvetage qui en aurait le nom, parce qu’alors la casse serait la même qu’en Grèce. De fait, un sauvetage poserait problème puisque l’Espagne elle aussi garantit les prêts à la Grèce et au Portugal, proportionnellement à son PIB, et sans elle c’est toute la zone euro qui serait sérieusement déséquilibrée.
[4] Accessoirement, l’Espagne emprunte aujourd’hui à des taux similaires que ce soit sur 5 ans ou sur 30 ans.
[5] Et l’organisation patronale Confindustria se montre pessimiste pour 2012 et 2013, « l'économie italienne devrait se contracter de 2,4% en 2012 contre une précédente estimation de -1,6%. Elle devrait également se contracter de 0,3% en 2013, au lieu de croître de 0,6% ».
[6] « La réforme des retraites annoncée prévoit une augmentation du nombre d'années de cotisation, fixé actuellement à 40 ans, un calcul des pensions fondé sur l'ensemble de la carrière et non sur les derniers salaires perçus et une accélération du relèvement prévu de l'âge de départ des femmes ».
[7] En 2010 il y avait déjà eu la privatisation des transports, de la distribution d’eau, de l’électricité, des services portuaires, des aéroports, des casinos ou de La Poste, le tout pour 1 milliard par an
[8] En fait, on a demandé aux créanciers privés de laisser tomber 70% de ce que la Grèce leur devait. Et on s’apprête à laisser encore tomber une nouvelle partie de la dette grecque.
[9] Certains disent (les types de Citigroup) que la Grèce a désormais 90% de chances de sortir de l’euro d’ici 12 à 18 mois, ce qui est probablement vrai.
[10] Des importations pour un montant de 223 milliards, des exportations pour 177 milliards, un record paraît-il.
[11] La Chine et le Japon, par exemple, n’achètent plus ces titres de dette, trop risqués.
[12] La dette des étudiants américains s’élèverait à 1.000 milliards de dollars.
[13] Ainsi, « selon une étude datant de 2005 du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, une dépréciation de 25% du dollar se traduirait par une perte de 5,7 points de PIB » à la Chine.
[14] « En 2008 et 2010, elle avait ainsi au total acquis pour 2.300 milliards d'obligations du Trésor et de titres émis par les organismes de refinancement hypothécaire parapublics », nous expliquait Le Parisien. Cela, la BCE ne peut pas le faire, tout en Europe doit être emprunté sur « les Marchés ».
[15] Pour comparaison, le chômage est officiellement à 15,4% au Portugal, et 11,2 dans la zone euro.
[16] Le déficit structurel du pays est le plus élevé de la zone euro, et il « devrait progresser de 108,2% du PIB en 2011, à 120% en 2013, selon la Commission européenne », nous expliquait Le Monde du 10/07/ 2012.