Angleterre: deux enquêtes indépendantes sur le réseau pédophile VIP noyautées dès le départ
Revenons chez nos amis anglais, qui sont en pleine lutte actuellement pour obliger le gouvernement à mettre au jour ses dossiers concernant des réseaux pédophiles VIP. A force de remuer le cocotier, Cameron a fini par annoncer l’ouverture de deux enquêtes. Bien-sûr, personne n’y croit, tant les autorités ont l’habitude d’étouffer toutes les affaires de réseaux pédophiles. Comme chez nous, d’ailleurs.
Pour planter le décor rapidement : depuis l’affaire Savile qui a éclaté en octobre 2012, le public découvre des pédophiles de tous les côtés, à la BBC, au Parlement, chez les élus locaux, dans les services secrets, etc. Même les hôpitaux sont touchés, et un nombre hallucinant d’orphelinats a abrité des dizaines et des dizaines de "prédateurs isolés". Le public a aussi découvert que tout ce petit monde était consciencieusement protégé par les autorités.
Toutefois, quelques-uns ont fini par tomber parmi les vieilles stars de la BBC ou ceux qui étaient déjà morts, mais aucun politicien.
Quant aux dossiers, ils ont la fâcheuse manie de disparaître après être tombés dans les mains des renseignements, qui ont récupéré plusieurs dossiers potentiellement compromettants pour des politiciens.
L’indignation grandit, et plus de 130 députés demandent aujourd’hui des comptes.
On a appris la semaine dernière que certains de ces dossiers explosifs, remis au patron du Home Office (ministère de l’Intérieur) à l’époque, Léon Brittan, par le député Geoffrey Dickens, ont disparu. Ils portaient sur l’existence d’un réseau pédophile au sein du Parlement, Westminster. Mais au total, il semble que pas moins de 114 dossiers concernant des réseaux ont disparu du ministère de l’Intérieur, sans explication même s’il est probable qu’ils aient été détruits.
On aussi appris ces derniers jours que le Home Office a financé à hauteur de 70.000£ le Paedophile Information Echange, un groupuscule de pédophiles qui réclamait la majorité sexuelle à 4 ans et dont les membres se filaient les bons plans et les bonnes adresses. Parmi les membres, il y avait de nombreux politiciens conservateurs. Le PIE a été créé par Peter Righton, qui était la sommité en matière de protection de l’enfance et a toujours nié l’existence des abus rituels. Il a été arrêté pour possession de pédopornographie en 1992, et quelques autres membres du PIE sont aussi tombés, tous de manière isolée. Accessoirement, on avait retrouvé chez Righton toute une correspondance avec d’autres membres du PIE, qu’il était donc facile d’identifier. Parmi eux, des politiques, des ecclésiastiques, de hauts fonctionnaires, des membres des services sociaux… Les lettres ne laissaient aucun doute quant à l’existence d’un réseau pédophile organisé.
Chose piquante : un membre du PIE employé au Home Office aurait stocké tout un tas de matériel pédophile et des documents "sensibles" du PIE, dans son bureau. Il y aurait aussi imprimé le Magpie, le magazine du PIE, mais on nous prie de croire qu’il s’agissait là, encore une fois, d’un acte isolé. Et c'était un numéro de téléphone du Home Office qui servait, un temps, de numéro de contact pour le PIE.
Bref, là-dessus un ancien du Home Office a expliqué que le but de ce financement était de faire chanter diverses personnalités.
Deux enquêtes noyautées dès le départ
Evidemment, cela fait tâche, et Cameron, qui mettait en garde contre une "chasse aux sorcières" anti pédophiles il y a un an, en plein scandale Savile, a du demander lundi l’ouverture de deux enquêtes.
L’une a pour but de passer en revue les dossiers pédophiles (sachant qu’ils ont disparu, cela risque d’être rapide), et l’enquête a été confiée à une Lady de 80 ans qui a déjà étouffé l’affaire de la mort de la princesse Diana, classée en accident. La baronne Elizabeth Butler-Sloss a aussi garanti l’anonymat à vie à deux gamins de 10 ans qui ont massacré un autre enfant de 2 ans[1].
Butler-Sloss a aussi dirigé l’enquête publique sur les abus pédophiles à Cleveland : en gros, 121 enfants ont été placés en 1987 car on soupçonnait qu’ils étaient victimes d’abus sexuels. Grâce à l’œuvre de la "justice" (qu’on a pu admirer au travail avec l’affaire Outreau, par exemple), 96 dossiers ont été écartés, et 26 autres ont été jugés pas fiables. Pourtant, des dilatations annales avaient été constatées dans au moins 18 cas.
Dans cette affaire, certains parents ont été jusqu’à payer des journalistes pour défendre leur cause.
Comme dans l’affaire Outreau, les médias se sont focalisés sur la parole des accusés, faisant croire que tout le dossier n’était basé que sur quelques expertises. Comme à Outreau, les médias ont oublié de parler des précédents en matière de pédophilie de certains accusés : pas moins de 70 enfants avaient des pédophiles parmi leurs proches.
C’est là qu’intervient Butler-Sloss, qui dirige une enquête publique afin de voir si les experts et les services sociaux avaient bien fait leur travail. Elle a conclu que oui, circulez y a rien à voir.
Et devinez quoi ? Aujourd’hui encore, l’affaire de Cleveland passe pour l’exemple type du ratage judiciaire, où on a trop accordé d’importance aux experts et à la parole des enfants[2]. "Mais heureusement pour les parents, un nouveau guide des signes physiques d’abus sexuels émis par le Royal College of Pediatrics and Child Health allait être publié. Le premier à être basé sur l’existence de vrais examens", nous dit The Independant. Car officiellement, les enfants ont nié els abus et seuls les experts maintenaient leur existence.
Pour en revenir à Butler-Sloss, son frère Michael Havers a été l’un de ceux qui ont menacé Geoffrey Dickens quand il a parlé du réseau pédophile de politiciens en plein Parlement, en 1983. Conseiller de la reine, magistrat, procureur général au pays de Galles de 1979 à 1987, c’est à ce titre qu’il a été chargé du procès du tueur en série Peter Suthcliffe qui a fini enfermé à l’hôpital psychiatrique Broadmoor, dont Savile possédait toutes les clés.
Sutcliffe a été jugé coupable, notamment, du meurtre d’une jeune femme prostituée dont a retrouvé le corps à quelques mètres de chez Jimmy Savile, qui ressemblait beaucoup au portrait robot du tueur diffusé alors. Et on sait aussi que Savile fréquentait des prostituées.
Le frère de Butler-Sloss serait également responsable de l’absence d’enquête sur l’affaire du bordel pédophile Elm Guest House à Londres au début des années 80, et il a refusé de poursuivre Peter Hayman, l’agent du MI5 pédophile exposé par Dickens, et qui fréquentait Elm Guest House.
Quand un autre pédophile, membre du Paedophile Information Exchange, Geoffrey Prime, qui était aussi un agent double à la solde de l’URSS, a été jugé, Havers a évité de parler de son appartenance au PIE [3]. On peut aussi ajouter que Sir Michael Havers "a été appelé par les avocats d’Elm Guest House pour examiner leurs plaintes contre plusieurs journaux. Les journaux n’ont plus jamais reparlé d’Elm Guest House après les premiers dix jours, enterrant l’affaire et permettant au réseau pédophile de poursuivre ses activités sans être embêté par une couverture médiatique ", pouvait-on lire dans le Daily Express du 11 novembre 1992.
Il a aussi fait condamner des innocents pour avoir posé des bombes pour l’IRA en faisant disparaitre des alibis des dossiers ou en manipulant des preuves.
Le mari de Lady Butler-Sloss, Joseph Butler-Sloss, qui également magistrat, ne rechignait apparemment pas sur les prostitué(e)s, y compris des mineurs, du Kenya.
Un cadre très restrictif
Quant à l’autre enquête demandée par Cameron, elle vise à savoir si les flics et la justice ont bien fait leur boulot, et n’auraient pas laissé de côté quelques dossiers. Les résultats tomberont après les prochaines élections, en mai 2015. Mais, ils ne devraient pas être bien dérangeants dans la mesure où le MI5 n’aura pas à ouvrir ses placards vides aux enquêteurs, et encore moins à leur donner d’explications. Les dossiers qui "affectent la sécurité nationale" ne seront pas ouverts non plus, et bien évidemment, il n’est pas question de lancer un appel aux victimes ou aux témoins dont on risquerait de recouper les témoignages.
Aujourd’hui, la patronne du Home Office est Theresa May, qui déclarait il y a quatre ans que les pédophiles devraient avoir le droit d’adopter des enfants.
Va-t-on rouvrir des affaires classées après avoir été soigneusement déminées, comme celle du Kincora Boys Home à Belfast, où le MI5 avait mis en place un réseau pédophile pour compromettre diverses personnalités politiques, à la fin des années 70 [4]?
Et puis il faut préciser que, comme toutes les enquêtes publiques jusque-là, celles-ci ne portent respectivement que sur les périodes 1979-1999 pour la première, et les années 70 et 80 pour la seconde.
Avec ça, aucun risque de trop ébranler l’establishment.
Et on pourra dire que tout cela, c’est du passé, et que de tels abus avec autant de pédophiles au pouvoir, ce ne serait plus possible aujourd’hui. Nous n’avons aucune raison de le croire, bien au contraire.
Ca rappelle l’enquête Waterhouse sur les abus dans les orphelinats du Pays de Galles. Conclusion : que des prédateurs isolés, et aucune personnalité embêtée. "Certains orphelinats étaient la cible de pédophiles puissants, des gens au pouvoir. De fait, les abus sexuels d’enfants sont un moyen de pouvoir", expliquait hier un ancien ministre de la Santé en 2003-2007. Pensez-vous qu’un seul de ces puissants pédophiles est tombé ?
Pédocriminalité - Affaire Waterhouse - BBC 02... par Guilux04
Ca fait aussi penser à la nouvelle enquête qui vient d’être lancée sur les orphelinats de Jersey. Là aussi, on a bien délimité la période couverte par l’enquête, pour laisser de côté les faits les plus récents. Et de toute manière, la plupart des victimes ne veut plus parler. Ces gens sont écœurés de voir comment on a laissé courir les coupables, comment la justice a garanti l’impunité à des réseaux pédophiles qui officiellement, et en tout cas judiciairement, n’existent toujours pas.
Il y a aussi eu une "enquête indépendante" sur le Kincora Boy’s Home, en 1982, mais elle n’a rien donné non plus. Du coup, Amnesty International demande au gouvernement de revenir sur cette affaire qui est loin d’avoir été examinée jusqu’au bout.
Comme avec nos enquêtes parlementaires, sur Dutroux en Belgique ou sur Outreau en France, le but est d’éviter soigneusement les sujets qui fâchent. Pour Outreau, on a évité d’aborder toute question de fond, pour Dutroux c’est pareil. Il s’est surtout agi d’établir une vérité officielle qui ne dérange personne, mais qui, bien-sûr, reste très loin de la vérité. Il suffit de demander aux victimes ce qu’elles en pensent.
En outre, tant que la presse sera muselée (et elle l’est bien moins en Angleterre qu’en France), on ne peut pas espérer que la vérité sortira. Plusieurs personnalités qui se sentent visées par le scandale ont déjà prévenu qu’ils poursuivraient quiconque les relie au réseau pédophile, comme c’est le cas de Peter Bottomley. Par le passé, ces menaces ont porté leurs fruits, d’autant qu’ils gagnent les procès même quand les médias ont des preuves.
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On va nous dire que cette omerta complète sur les viols d’enfants n’était destinée qu’à protéger l’establishment. Qu’il s’agit de dysfonctionnements, de cas marginaux, qu’il n’y avait pas de système. Or, c’est justement cela le problème : la pédocriminalité est devenue un véritable système. Elle est protégée par ceux qui ont intérêt à utiliser la pédophilie des élites pour les manipuler. Elle est protégée aussi par tous les pédophiles bien placés dans les structures de l’Etat qui, on s’en aperçoit jour après jour, sont extrêmement nombreux. L’enjeu pour les citoyens éveillés sera d’arriver à mettre à jour TOUTE la chaîne de responsabilités.
[1] Il s’agit du meurtre de James Bulger en 1993 à Liverpool. Libérés en 2001, les deux tueurs ont bénéficié d’une nouvelle identité. L’un des tueurs, jon Venables, a commis moult délits (dont probablement du téléchargement de pédoporno) après sa libération qui l’ont emmené à nouveau en prison, et il en était à sa cinquième identité fin 2013.
[2] Les parents ont finalement fait venir une experte US, Astrid Heger qui a créé le Center for The Vulnerable Child, qui a conclu que les enfants ne présentaient aucun signe anormal. Comme beaucoup d’experts pro pédos, elle témoigne à des dizaines de procès, dont l’un qui celui de l’affaire des abus rituels commis à la maternelle McMartin. Mais là, elle avait conclu que 80% des 400 enfants concernés avaient bien subi des abus, et c’est seulement ensuite que l’affaire a été étouffée.
[3] Il a même menacé les journaux qui en parlaient.
[4] Là, le MI5 a poussé des militants pro anglais à se taper des mineurs dans un foyer. De nombreux politiciens ainsi qu’au moins deux membres du MI6 y sont passés et y ont été filmés. Seuls deux ou trois protagonistes ont été envoyé en prison, pour quelques actes minimes. Ce réseau a été actif des années 60 à 1980. L’établissement hébergeait des jeunes garçons difficiles ou en danger.