Papa m'a fait bobo: une fillette de 4 ans confiée à la garde exclusive de son père
Aujourd’hui, on va parler d'une affaire qui, bien qu’étonnante pour un néophyte en matière de violences sexuelles contre les enfants, est tristement classique pour ceux qui tentent de venir en aide à ces jeunes victimes. "Marie" est une fillette âgée de 6 ans aujourd’hui, qui ne peut plus voir sa mère depuis des mois. Elle a en effet été confiée à la garde de son père, juste après l’avoir accusé d’abus sexuels.
Dès que Marie a été dans le ventre de sa mère, son père a commencé à changer de comportement. On connaît bien ce schéma dans nos dossiers, c’est comme si certains pères avaient un déclic pervers qui se déclenchait. Ils deviennent agressifs, colériques, s’éloignent de la mère, la rabaissent, voir rejettent l’enfant.
La vie familiale est donc difficile, jusqu’à ce que le père décide de partir pendant 15 jours, seul avec l’enfant de 2 ans à l’époque.
Quand la maman revoit sa fille, celle-ci se montre perturbée, et elle remarque des inflammations au niveau du sexe, constatées par un certificat médical.
Après un classement sans suite, l’enfant confié à celui qu’il a dénoncé
Suite à cet épisode, la mère décide de partir avec l’enfant, et le père demande la résidence exclusive, qu’il n’obtient pas en raison du très jeune âge de l’enfant.
Puis, alors que la petite fille a à peine 3 ans, le père l’embarque à nouveau, cette fois pendant deux mois, alors qu’il l’avait pour le week-end. Au retour, l’enfant parle notamment de "bobo aux fesses" et décrit des actes de pénétration.
La mère porte plainte, et un an plus tard elle est classée sans suite pour "infraction insuffisamment caractérisée" alors qu’un examen gynécologique a relevé une hypotonie du sphincter "compatible avec des faits de pénétration digitale", même si ce n’est pas spécifique.
Il faut savoir que ce symptôme apparaît chez les enfants qui subissent des viols anaux, il s’agit d’une réaction au phénomène de pénétration. Comme l‘examen a lieu 10 jours après le retour de l’enfant, aucune autre trace n’est visible.
Entre temps, un Juge aux Affaires Familiales (JAF), qui a réclamé une enquête sociale à un individu déjà repéré dans le secteur pour enfoncer les mères qui tentent de dénoncer des abus, considère que toute l’affaire (pas encore classée à ce moment) se résume à un "extrême conflit entre les parties". La petite reste cependant confiée à sa mère le temps de l’enquête.
Un Juge des Enfants (JDE) reprend ce couplet avec l’argumentaire de l’enquête sociale, totalement à charge contre la mère. Alors que la plainte n’est toujours pas classée, ce juge écrit que "il ne peut être exclu que la dénonciation des faits d’agression sexuelle soit une manipulation permettant à madame d’obtenir la résidence de l’enfant". On se demande sur quoi se fondent ces spéculations, mais elles permettent de renforcer le délire de "conflit parental" initié évidemment par la mère, et de demander un suivi de la petite chez celle-ci.
Début 2017, la plainte est donc classée. Le JAF qui avait commencé à parler de "conflit parental" confie immédiatement Marie à son père, avec un droit de visite et d’hébergement pour la mère un week-end sur deux et la moitié des vacances.
Confrontée à l’urgence, une mère "hors la loi"
Comme de nombreuses mamans (parfois des pères) confrontées à cette situation, celle de Marie a refusé de laisser sa fille de 4 ans à ce père qui, d’après ce que la petite avait dit à de nombreuses reprises, commettait régulièrement sur elle des abus sexuels. Cette maman avait d’ailleurs reçu des conseils de plusieurs intervenants allant dans ce sens.
Elle est retrouvée trois semaines plus tard, placée en garde-à-vue, et la petite Marie est envoyée chez son père directement .
Suite à cela, les droits d’hébergement de la mère sont supprimés, punissant l’enfant par la même occasion. Pour avoir parlé ? C’est en tout cas comme cela que la fillette va le comprendre.
Le JDE confie donc la petite au père, la mère n’a plus que des visites médiatisées. Deux fois par mois. On attendrait d’elle qu’elle se remette "en question" et cesse de "déformer la réalité". Il va sans dire que lesdites visites médiatisées ont mis des lustres à se mettre en place, de manière erratique, et que le père fait ce qu’il peut pour couper les liens entre l’enfant et sa mère.
Les enquêtes sociales et expertises sont à l’avenant : la mère a tous les torts. On décèle même chez elle "une dimension perverse" etc., le tout pour revenir sur cette histoire de "conflit parental" tellement pratique pour expliquer les plaintes et les accusations graves des enfants (même si en réalité cela n’explique rien du tout).
Fin 2017, le père réclame l’autorité parentale exclusive, puis il déménage pour s’éloigner encore de la mère, qui ne voit sa fille que très occasionnellement et toujours très brièvement durant toute l’année.
On voit mal ce qui pourrait justifier aux yeux du père de couper tout lien, même légal, entre cette fillette et sa mère. Même des pédophiles conservent l’autorité parentale !
Ce genre de comportement est très grave, d’autant qu’outre ses accusations, la petite n'a, rappelons-le, que 5 ans à ce moment.
La maman décide donc de se constituer partie civile.
Deux signalements en suspens
La situation est déjà particulièrement inquiétante à ce moment, fin 2017, quand Marie est emmenée chez un médecin spécialiste à qui elle parle de ce qu’il se passe à la maison, c’est-à-dire des comportements qui relèvement au minimum de la corruption de mineur. Le suivi a été stoppé par le père suite à ces signalements.
Ces révélations, intervenues début 2018, ont lieu alors que l’enfant ne voit presque plus sa mère, et quand elle la voit c’est en présence d’éducateurs. On ne peut donc pas l’accuser d’avoir "projeté" sur sa fille, de l’avoir "manipulée", ou même pervertie.
Cela n’a pas empêché le JAF de fixer une nouvelle fois la résidence de l’enfant chez son père afin, est-il dit, de préserver sa "stabilité", et la mère, à qui on reproche encore de ne pas se "remettre en question", obtient des droits de visite deux fois par mois dans un point rencontre.
Nous en sommes là dans ce dossier.
La mère a fait appel du jugement du JDE, la prochaine audience est donc fixée au 13 décembre à 15 h à la cour d’appel de Nîmes, chambre spéciale civile des mineurs. Ces audiences ne sont pas publiques, mais la maman a besoin de soutiens, et ceux qui sont dans le secteur seront les bienvenus.
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Dans un contexte où le nombre de condamnations pour viols sur mineurs a baissé de 40 % en dix ans, depuis le désastre de l’affaire d’Outreau et l’omerta imposée aux enfants par des experts ineptes, il devient évident que les classements sans suite ne reflètent pas la réalité des abus sexuels sur les mineurs dans ce pays.
Pour 10 viols de mineurs, il y a moins d’une plainte. 70 % des plaintes qui passent la porte des commissariats et gendarmeries, ou sont reçues par les procureurs, sont classées sans suite. 15 autres pour cents finissent en non-lieux, c’est—à-dire qu’on la jette à la poubelle avant d’aller devant les juges. Dans le reste, une partie des plaintes est envoyée au tribunal correctionnel, puis il y a les acquittés, les sursis, les peines aménageables. Au final, les pédophiles condamnés qui font de la prison sont minoritaires.
Voilà dans quel pays nous vivons sur le plan des chiffres, si on regarde la situation avec un grand angle. Si on zoome, ça donne des situations comme celle de la petite Marie, ou encore cette autre affaire assez semblable, dont j’ai parlé ici il y a peu de temps.
Il s’agit dans ces deux affaires d’enfants violées, des petites filles qui ont commencé à subir les assauts de leurs pères avant de mettre le pied à la maternelle. Des enfants qui ont parlé, qui n’ont été entendues que par une mère, par des professionnels, mais pas par la justice, et que l’on confie aux bons soins de ceux qu’elles ont dénoncés. Dont elles ont demandé à être protégées.
Imaginons deux minutes les conséquences de ces décisions ahurissantes, dès à présent mais aussi dans 2 ans, dans 10 ou 20 ou 30 ans.
Il est temps que cela cesse, il est temps de faire comprendre à cette justice rendue en notre nom qu’elle déraille, et que nous soutenons ces enfants, ainsi que les parents protecteurs. Rendez-vous donc le 13 décembre à 14 h 30 devant la cour d’appel de Nimes.