Deux femmes ayant dénoncé le système d'exploitation sexuelle tuées dans des circonstances étranges
Le 16 mars, plusieurs médias ont évoqué le décès soudain d’une jeune femme, Imane Fadil, une italienne qui était l’un des principaux témoins à charge contre Berlusconi dans l’affaire du Rubygate.
Quelques semaines plus tôt en Argentine, une ex playmate devenue présentatrice télé a été retrouvée morte dans des circonstances peu claires, alors qu'elle commençait à porter plainte contre des types du show biz, et avait dénoncé un an plus tôt l'existence d'un réseau pédocriminel international.
Empoisonnement aux produits radioactifs d’un témoin-clé dans l’affaire du Rubygate
La jeune femme de 34 ans avait dénoncé les partouzes de Berlusconi, est décédée le 1er mars après plus d’un mois d’hospitalisation suite à un violent malaise alors qu’elle se trouvait chez un ami le 29 janvier. Les causes n’ont été élucidées que cinq jours après sa mort, quand les analyses toxicologiques ont montré un empoisonnement par des produits radioactifs, du cobalt et deux autres substances qui ne se trouvent pas en l‘état dans le commerce et ne peuvent être mélangés qu’en laboratoire. Et aucune pathologie n’explique sa mort.
Les produits radioactifs sont décidément des substances à la mode, que l’on a tendance à attribuer automatiquement aux Russes. Comme s’ils voulaient signer les empoisonnements réalisés sur des sols étrangers [1], ce qui semble tout à fait improbable en réalité.
Imane Fadil, d’origine marocaine, avait été l’une des protagonistes du "Rubygate" [2] en 2012, ce scandale sur les soirées "bunga bunga" dans la villa de Berlusconi à Arcore. Mi janvier 2019 (deux semaines avant son hospitalisation), la justice avait refusé à Imane Fadil de se constituer partie civile dans un des volets de l’affaire du Rubygate portant sur de la subornation de témoin à qui il a versé d’importantes sommes d’argent.
Par ailleurs, elle terminait l’écriture d’un livre intitulé "J’ai rencontré le diable", qu’elle comptait publier. Mais étrangement, les éditeurs ne semblaient pas se bousculer.
L’article de 20 Minutes sur ce décès se termine comme suite : "Dans sa dernière interview faite au Fatto, en avril 2018, elle se déclare convaincue qu'"une secte satanique composée uniquement de femmes" se réunissait à Arcore", rappelle le quotidien". Ah tiens.
A l’hôpital, Imane Fadil a dit craindre d’avoir été empoisonnée.
Berlu, lui, déclare qu’il n’a jamais rencontré Imane Fadil.
A la morgue, un écriteau mentionne que le corps ne doit en aucun cas être approché, pas même par les proches de la jeune femme. Alors qu’a priori, il n’a subi aucune dégradation, d’autant que l’autopsie n’est prévue qu’entre le 20 et le 21 mars. Quant au dossier médical, il a été également récupéré par la justice.
Au sujet de son livre sur l’affaire Berlusconi, cette jeune femme venue à Milan pour devenir mannequin, et qui est passée par les partouzes de Berlusconi, a dit au sujet des soirées à la villa d’Arcore : "Là-bas c’est le Mal, je l’ai vu, c’est lucifer". Et apparemment, Imane Fadil était décidée à tout dire quitte à passer pour une dingue.
En avril 2018, elle avait dit au journal Il Fatto qu’elle était convaincue qu’une sorte de secte satanique presque entièrement composée de "dizaines et de dizaines" femmes était active à la villa de Berlusconi. Elle disait que dans les sous-sols près d’une piscine souterraine elle avait vu une sorte de vestiaire où vingt à trente longues tuniques probablement portées lors de "messes noires" selon elle, étaient entreposées.
Imane Fadil évoquait aussi des sortes de rites orgiaques, et disait qu’il y avait "beaucoup plus" dans cette histoire que des partouzes. "Ce monsieur [Berlusconi] fait partie d’une secte qui invoque le diable", avait-elle affirmé.
Surtout, quand le journaliste lui a fait remarquer que ses propos seraient certainement critiqués, elle a répondu sans hésiter qu’elle s’en fichait, qu’elle n'’avait jamais raconté cela jusqu’à ce moment parce qu’elle n‘avait pas les preuves, ajoutant "alors que je les ai maintenant, sans équivoque".
Le journaliste lui a alors demandé de les montrer, et elle lui a répondu: "pas encore, je le ferai plus tard. Mais il ne manque pas grand-chose, je dois juste finir ce livre. Et alors tout le monde saura".
Le livre d'Imane Fadil est, selon l'avocat de la jeune femme, entre les mains de la justice qui a très vité précisé qu'elle n’avait rien trouvé de bien choquant là-dedans. Même si, paradoxalement, les propos d'Imane Fadil dans ce même bouquin sont qualifiés d’ "extravagants" par la même justice.
Si les propos d’Imane Fadil concernant les aspects sectaires de l’affaire ne sont pas pris au sérieux, le reste de ses déclarations a en revanche permis de dessiner les contours de l’affaire des soirées "bunga bunga". Dont Berlusconi s'est toujours dit "très fier", et cela jusque devant les tribunaux.
En gros, de jeunes nanas étaient invitées à ces soirées et plus elles étaient gentilles avec les vieux types, plus elles avaient de chance d’avoir un job ici ou là (par exemple chez Mediaset, la boite de production télé de Berlusconi, ou même en politique).
Le 21 mars, après l’autopsie du corps d’Imane Fadil (qui se serait terminée quelques jours auparavant), les experts ont affirmé qu’en fait il n’y avait aucune trace de produit radioactif sur ses organes internes.
Le 22 mars, on apprenait dans Libération que une ex-députée d’un parti de Berlusconi, une certaine Souad Sbai, également présidente de l’association Femmes marocaines en Italie "avait donné, le 17 mars, une interview à la Repubblica dans laquelle elle appelle à «suivre la piste marocaine pour la mort d’Imane Fadil» car «ils savent utiliser le poison». Selon elle, le mannequin aurait «beaucoup fréquenté» l’ambassade du Maroc à Rome «comme d’autres très belles femmes», si bien qu’elle met en cause dans cette mort «la haute diplomatie marocaine. Ce à quoi l’ambassade du Royaume du Maroc a immédiatement répliqué par une plainte pour diffamation". Est-ce une tentative maladroite de contre-feu ?
En Argentine, décès d’un mannequin qui a dénoncé un réseau pédophile
Fin février, on apprenait qu’une certaine Natacha Jaitt, 41 ans, une people présentatrice de télé et ex modèle de Play Boy, avait été retrouvée morte dans des circonstances qui interrogent sa famille, au cours d’une soirée de travail avec quelques personnes, afin de préparer un événement. Elle avait été retrouvée nue et inconsciente, dans la nuit, alors que seulement cinq autres personnes étaient autour d’elle. Certaines autres avaient pris soin de quitter les lieux avant l’arrivée de la police, notamment une jeune prostituée de 19 ans.
Il y a des témoins qui mentent, comme Gonzalo Rigoni, propriétaire des lieux où a eu lieu le décès, qui a dit ne pas connaître Natacha Jaitt jusqu’au jour où plusieurs enregistrements de conversations entre eux ont été diffusés.
Un autre témoin censé ne pas la connaître, le propriétaire des lieux où s’est déroulée la soirée Gonzalo Rigoni, a déclaré que Natacha Jaitt "était complètement droguée", et "visiblement sous les effets de la cocaïne", qu’elle aurait pris en quantité selon certains témoins.
Cependant, selon ses proches elle ne prenait plus de drogue depuis un moment en raison notamment d’un traitement médical. C’est en tout cas après avoir passé un long moment avec Rigoni que Natacha Jaitt a été retrouvée morte.
Un autre témoin présent, l’organisateur d’évènementiel Raúl Jesús Velaztiqui Duarte avec lequel elle s’était rendue sur place, a même été mis en prison pour avoir menti au sujet de la nuit de la mort de Natacha Jaitt. Il est ressorti tout en restant officiellement suspect, et depuis il se plaint d’avoir été trainé dans la boue, et même "traité de pédophile".
L’autopsie dit qu’elle avait été victime d’une hémorragie interne aux trompes utérines et d’une insuffisance respiratoire, mais n’aurait pas permis de dire s’il y a eu intoxication. La famille, qui est convaincue que Natacha Jaitt a été empoisonnée au cours de cette soirée, a donc sollicité auprès du procureur l’exhumation du corps afin de procéder à des analyses.
Les proches de Natacha signalent que depuis sa mort, des mots de passe de ses appareils (téléphone, tablette…) ont été changés, et que des mouvements ont été observés .
Peu avant son décès, Natacha Jaitt avait porté plainte contre des types pour viols[3]. Le 21 février, elle avait déclaré à la sortie d’une audience : "S’ils restent en liberté, je les tue".
En mars 2018, elle avait dénoncé des abus sexuels contre les mineurs entraînés par un club de football, l’Independiante. Elle a expliqué qu’elle avait déjà dénoncé les abus dans un autre club en 1990, sur des enfants pauvres qui étaient en pension soi-disant pour apprendre le foot, et qui étaient la cible de plusieurs pédophiles qui dirigeaient le club ou entrainaient les enfants.
Depuis 2012, plusieurs clubs de foot argentins sont dans la ligne de mire de la justice pour des violences sexuelles contre les enfants, le tout dans la plus parfaite impunité durant des années.
Elle avait aussi évoqué un réseau, parlant à l’occasion d’une émission télé de journalistes, de politiciens, de religieuses, d’acteurs, d’entrepreneurs, de people de téléréalité, de producteurs et présentateurs de télévision qui participaient.
Elle avait cité plusieurs personnes, comme le député Gustavo Vera[4], les journalistes Jorge Lanata, Carlos Pagni et Juan Cruz Sanz (qui apparaît nu et prenant de la cocaïne sur une vidé), ou encore le communicant Leonardo Cohen Arazi, qui a fait un tour en prison en préventive pour abus sexuels sur des mineurs prostitués dans le cadre du réseau du club de l’Independiente, et qui déclare aujourd’hui avoir "beaucoup de choses à dire et beaucoup de vérités à éclairer".
Selon Jaitt, Cohen Arazi n’était pas du tout "communicant" ni dans les "relations publiques", et a démarré comme portier dans une boîte, commençant à rabattre des gamins qui cherchaient du boulot. Elle a expliqué durant ce "dîner" assez incroyable que Cohen Arazi était un peu l’un des proxénètes en chef, et qu'il payait des gamins de 200 à 1000 pesos (5 à 22 euros) suivant les "prestations". Et Jaitt a ajouté qu'au passage il transmet aussi le HIV à ses victimes.
Après ces déclarations, Natacha Jaitt a écrit plusieurs fois sur les réseaux sociaux qu’elle se sentait menacée.
Derrière cette bande de pédophiles centrée sur un club de foot, il y avait selon elle de la prostitution de mineurs. Cohen Arazi, par exemple utilisait notamment des émissions de téléréalité afin de recruter de la chair fraiche, qui passait à l’antenne sans avoir à passer le casting contre des services sexuels. Le réseau impliquait des people de la « farandula », la Jet Set locale, jeunes et moins jeunes. Par ailleurs, diverses personnalités du milieu savent ce qu’il se passe et ne disent rien, a aussi déclaré Jaitt.
Dans cette même émission, Jaitt a dit qu’elle avait été payée par un type probablement lié à une agence de renseignement d’espionner des personnalités puissantes en Argentine.
Parmi les types qu’elle a cités comme cibles de cet espionnage au cours de ce grand moment de télévision, le député Vera est assez intéressant. Il passe pour un type de gauche, tout en fréquentant la "farandula" et en étant notoirement ami avec Bergoglio, alias le pape François. Jaitt a dit qu’elle a espionné Vera pendant environ un an, ce qui lui aurait permis de comprendre qu’il tirait les ficelles d’un vaste réseau pédophile, et qu’il était lui-même pédophile.
Au sujet de Vera, ami d’une invitée de l’émission, Jaitt a lancé : "Savez-vous qu’il est un pédophile ? Qu’il est un trafiquant ? Savez-vous qu’il récupère des bordels qui ont été fermés et qu’il les garde illégalement pour lui ?", et dit qu’elle avait en main des enregistrements de prostituées qui évoquaient tout cela.
Gustavo Vera est accessoirement il directeur de la Fondation La Alameda, qui lutte contre la traite des êtres humains, l’esclavage, l’exploitation des enfants, la prostitution et le narcotrafic [5]. C’est par ce biais qu’il parvient à récupérer l’exploitation clandestine de bordels. C’est aussi par biais qu’il a rencontré Bergoglio à l’époque où il était "prêtre des rues" [6]. L’invitée amie de Vera a rétorqué à Jaitt que Vera "dénonce" justement l’exploitation sexuelle, ce à quoi Jaitt lui a répondu qu’ "il dénonce cela pour pouvoir le faire lui-même". Un cas assez fréquent…
Natacha Jaitt a précisé qu’elle avait transmis toutes les infos et tous les éléments de preuve concernant Vera à la justice et au sénat. Des victimes de ce réseau auraient également témoigné auprès des enquêteurs.
Un mois avant sa mort elle avait d’ailleurs été entendue comme témoin dans l’enquête sur l’affaire du club pédophile.
[1] Le ex espion russe Litvinenko aurait été empoisonné au polonium, un produit radioactif que seuls les Russes continueraient à fabriquer, ce qui est faux comme l’ont démontré diverses enquêtes.
[2] L’affaire du Rubygate, qui concerne les partouzes organisées par Berlusconi en présence de fille parfois mineures qui étaient rémunérées, a été divisée en de nombreux volets. Près d’une vingtaine de procès liés à cette affaire ont déjà eu lieu.
[3] Deux types dénommés Pablo Yotich, un producteur qu’elle considérait comme un ami, et Maxi Giusto.
[4] Politicien et « activiste social », Gustavo Vera a porté plainte contre Jaitt pour ces accusations, mais on n‘a eu aucune nouvelle de cette plainte depuis.
[5] L’ONG a été créé en 2001 en tant qu’association de quartier. Elle a donné naissance à un syndicat des ouvriers du textile, puis s’est occupée aussi de narcotrafic et de mafia.
[6] Au passage, Natacha Jaitt a dit lors de cette émission que Bergoglio avait protégé un prêtre pédophile, qu’il avait envoyé ouvrir un orphelinat pour enfants des rues. En 2009 ce curé, Julio Cesar Grassi, a pris 15 ans de prison pour des viols sur deux victimes. Bergoglio l’a aussi aidé à diffamer les victimes et à mener une campagne de propagande dans les médias.