L'OTAN veut redéfinir la propagande pour mieux intoxiquer les populations civiles européennes
Un point sur les dernières évolutions en matière de guerre psychologique du côté de l’OTAN, puisque STRATCOM, le département propagande de l’OTAN basé en Estonie, vient de publier dans sa revue Defense and strategic communications une série d’articles qui enfoncent enfin la porte déjà grande ouverte depuis le covid et la guerre en Ukraine : l’intoxication des populations civiles européennes par la propagande de l'OTAN.
Nous avons déjà vu que pour l’OTAN un des axes principaux de la guerre est la guerre cognitive, mais jusqu’à présent la définition du concept ne ciblait que les populations de pays avec lesquels l’OTAN est en conflit, principalement les Russes et les Chinois, et restait extrêmement vague concernant l’emploi de ces pratiques sur les populations civiles européennes.
Les choses se précisent, avec un article dans le n°11 de la revue Defense and Strategic Communications de l’OTAN[1], expliquant, en gros, qu’il faut se décomplexer avec la propagande à destination des populations civiles, et d’ailleurs que les critiques à son encontre sont "déplacées".
Depuis l'affaire du covid, l'OMS puis l'OTAN ont publié plusieurs rapports autour de ce qu'ils appellent là-haut les "fake news" et l'OTAN se targue de mener des opérations de propagande contre la population civile européenne pour qu'elle adhère à son agenda. Un retour aux grandes années du stay-behind, mais cette fois de manière affichée.
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Le sujet de la propagande est devenu crucial en Europe, à l’OMS, à l’ONU, à l’OTAN. En 2019 le Parlement européen pondait un rapport[2], justifié par l’accusation jamais prouvée d’ingérence russe dans les élections en Europe, préconisant de censurer de différentes manières les contenus d’influence étrangers pour ne pas "diviser" l’Europe.
L’OTAN prépare le terrain pour la propagande de masse contre les populations européennes
Dans ce n°11 de l’automne 2022, on avait une compilation d’articles sur la notion "otanesque" de la désinformation, sujet qui a entraîné une grande agitation –et de nombreux rapports- de l’OTAN et de l’OMS depuis 3 ans.
Depuis 2020 en effet, la "désinformation", qui n’est jamais vraiment définie car les définitions relèvent plus du procès d’intention que deu contenu des messages, fait l’objet d’une nouvelle "science" inventée par l’OMS, appelée l’ "infodémiologie" [3], première brique d’une construction dont je pense qu’elle est destinée à normaliser la surveillance de masse, la propagande assumée par les Etats et la censure de toute information qui ne correspond pas aux objectifs militaires et stratégiques de l’OTAN. Près d’une vingtaine de rapports d’études ont été produits par STRATCOM sur ce sujet en 2 ans.
Les étapes suivantes seront certainement destinées à justifier la destruction ou a minima la mise au ban des esprits critiques.
Pour l’instant, nous en sommes à la deuxième brique, qui consiste à expliquer le plus calmement du monde que la propagande contre les populations civiles est parfaitement légitime et que toute critique, en revanche, est illégitime. Et cela passe par la redéfinition des termes, ce qui est l'objet de l'article dont on va parler aujourd'hui.
Attention toutefois l’OTAN parle rarement de "propagande" et préfère le terme de communication stratégique.
Dans cette revue, on a donc des articles intitulés :
- La guerre en Ukraine, l’Italie et les défis de communication stratégique de l’OTAN où on nous explique qu’il y a quand-même trop de contestation du bienfondé de cette guerre en Italie.
- Endiguer le flux narratif : les fondements juridiques et psychologiques de l'interdiction par l'Union européenne des médias parrainés par l'État russe, où on justifie cette décision illégale de von der Leyen de supprimer les médias russes du paysage européen. Comme si nous étions trop stupides pour évaluer les informations qui nous parviennent, et comme si la propagande de l’OTAN était trop fragile.
- Mesurer l'efficacité de l'activisme des célébrités : Défenseur d'une célébrité contre partisan d'une célébrité, sur quel type de stars il faut utiliser pour véhiculer la propagande.
- Guider le bouche-à-oreille à travers les médias sociaux organiques pour une communication stratégique efficace : une revue de la littérature, sur l’intérêt d’utiliser les réseaux sociaux pour diffuser la propagande via des leaders d’opinion "neutres" et ainsi mieux "guider les communications de bouche-à-oreille" entre les gens (car en effet in fine les gens font davantage confiance à leur entourage qu’à la propagande médiatique, surtout quand ils identifient la communication comme étant un message commercial ou politique). On comprend aussi que beaucoup d’études sont menées actuellement sur comment influencer l’opinion publique par le canal des réseaux sociaux.
- Désinformation et communications savantes, au sujet de l’impact de la "désinformation" sur les publications scientifiques. Evidemment les auteurs, qui se basent sur l’épisode covid en dénonçant une "désinformation d’extrême-droite", ne font eux-mêmes que se baser sur de la désinformation, celle-ci bénéficiant du tampon "officiel donc vrai". Tous les fondements de l’argumentaire OMS s’étant écroulés depuis belle lurette, on se demande comment un tel article a pu être publié à l’automne 2022 et être considéré comme pertinent.
- Démocratie, pouvoir et défaillance de l'imagination
- La Russie contre le monde (lol) : était-ce inévitable ?
- Home before Dark : l'approche de la Chine face à la guerre russe en Ukraine
Bien qu’ils soient tous inquiétants, celui sur lequel on va s’arrêter s’intitule "Persuasion et non propagande : Surmonter les controverses sur l'influence intérieure dans les communications militaires stratégiques de l'OTAN". Tout un programme. L’auteure Elizabeth Fry, employée de l’OTAN, est spécialiste de la "communication stratégique". Elle veut poser le cadre pour revoir la définition de la propagande par l'OTAN dans l'objectif de la normaliser et de permettre à l'OTAN de viser les populations civiles européennes. Ce long article est un raisonnement très tendancieux, typique des procédés de manipulation des politiques par des études aussi biaisées que péremptoires.
Liz Fry a un problème : les 30 pays membres de l’OTAN "ont des opinions très divergentes quant à la place qu’occupe l’influence dans les communications stratégiques militaires". Et on va voir qu’il ne s’agit pas d’opinions mais de valeurs éthiques, un mot étrangement absent de cet article (il n'est pas écrit une seule fois, ce concept est totalement absent de la réflexion).
L’enjeu est donc d’harmoniser la définition de cette "communication stratégique" pour y intégrer évidemment l’ "influence" vers les populations civiles et briser ainsi toute résistance aux manipulations de l’OTAN sur les citoyens. Dans cette définition, la propagande devient un "processus stratégique de tromperie coproduit" ce qui permettrait aux pays de l’OTAN de dépasser les "sensibilités" et de faire admettre aux populations que l'OTAN peut les viser. En fait il s'agit d'un changement de paradigme dans la doctrine, une étape-clé dans le redéploiement des activités de l'OTAN vers la manipulation des populations locales.
Liz plante le décor : "Les débats sur les limites de la persuasion et la pertinence des campagnes visant à modifier les attitudes, les perceptions, les croyances et les comportements sont courants. Ces débats portent sur ce qu'est ou n'est pas la communication stratégique, sur les activités qui y contribuent et sur les limites à ne pas franchir. Dans le cadre de ces discussions, l'un des débats les plus polarisés porte sur la question de savoir s'il est approprié que la communication stratégique militaire vise à influencer un public national".
A cela n’importe quel citoyen digne de ce nom répond non car les citoyens doivent faire des choix éclairés à partir d’informations officielles censées ne pas les tromper et fin de la discussion. Mais on va voir que Liz ne voit pas du tout les choses comme cela.
Son argumentaire qui relève du syllogisme est le suivant :
- Toute information militaire vise à influencer ("nous essayons toujours de persuader le public de voir le monde comme nous le faisons")
- La propagande est mal comprise sur le plan juridique puisque le droit cherchait à protéger les citoyens de la propagande et que le droit a été fait en fonction.
- L’OTAN ne fait pas de la propagande mais des opérations psychologiques, et il faut expliquer quelles sont ces opérations "de manière transparente". Comme si l’OTAN allait nous expliquer l’ensemble des moyens qu’elle utilise pour nous soumettre : on sait qu’elle nie encore l’existence des réseaux stay-behind alors ne rêvons pas.
- Les "sensibilités nationales sont mal placées et contiennent des contradictions inhérentes", il faut "les surmonter".
La propagande, un "processus coproduit"
La nouvelle définition de la propagande version OTAN doit donc mettre tout le monde d’accord et permettre à l’OTAN de nous "influencer".
"Parmi les nombreuses définitions de la propagande, cet article suggère qu'une formulation s'inspirant de la définition de Jowett et O'Donnell et intégrant l'argument selon lequel la propagande est un processus stratégique de tromperie coproduit, servirait au mieux les intérêts de l'OTAN. La nouvelle définition différencie la propagande des activités d'influence rhétorique de l'OTAN, ce qui devrait aider les pays de l'OTAN à dépasser les sensibilités et à adopter une approche commune des opérations d'influence en matière de communication", écrit Elizabeth Fry. On se doute que ce funambulisme rhétorique et intellectuel va servir à légitimer dans les textes juridiques des Etats des aspects plus agressifs dans la propagande militaire de l’OTAN que ce qu’on a connu jusque-là puisque c’est considéré comme non légitime par l’opinion publique.
Et c’est bien ce frein qu’il s’agit de dépasser.
La définition de la propagande de Jowett et O’Donnell[4] est "la tentative délibérée et systématique de façonner les perceptions, de manipuler les cognitions et d'orienter le comportement afin d'obtenir une réponse qui favorise l'intention souhaitée par le propagandiste" : l’objectif est d’agir sur les intentions des gens, pour mieux agir sur leurs actes. Liz va la compléter.
Si on reprend l’ouvrage de Jowett et O’Donnell, ils différencient la propagande de la persuasion parce que contrairement à la première, la seconde "est interactive et cherche à satisfaire les besoins de celui qui persuade comme de celui qui est persuadé". Cela plaît beaucoup à Liz;
Aux Etats-Unis, les lois empêchent que les citoyens soient la cible de communication militaire (c’est la théorie, mais c’est quand-même un frein) et "la culture des affaires publiques veut que la mission soit d’informer et non d’influencer", observe Liz avec regret, "Parmi les "capacités d'information", aucune ne semble permettre à l'armée américaine d'influencer délibérément son public national dans le sens d'un changement cognitif ou comportemental". Cela a influencé l’OATN qui n’envisage officiellement que la propagande contre des "adversaires potentiels".
Liz considérerait-elle les citoyens européens comme des "adversaires potentiels", pour vouloir à ce point les inclure dans la propagande militaire de l’OTAN ?
Elle nous explique que depuis 2014 et les émeutes en Ukraine, la Russie ferait de la propagande contre les populations de l’OTAN. "Face à cette menace, l'OTAN a reconnu qu'une approche passive consistant à simplement "informer" de ses activités pourrait ne pas suffire pour combattre dans ce nouveau type de guerre : elle doit être plus compétitive dans la sphère de l'information nationale. La politique militaire la plus récente de l'OTAN en matière de communication stratégique, MC 0628, parle donc des "effets" souhaités de la politique StratCom parmi les publics amis et de la nécessité pour un commandant " d'informer et d'influencer les publics par ses actions et ses paroles ". L'organisation a donc commencé à définir la StratCom militaire comme un processus visant à façonner l'espace de l'information".
Derrière ces cogitations intensives, l’objectif est aussi d’adapter les formations dispensées par STRATCOM aux officiers et sous-officiers détachés auprès de l’OTAN, car Liz craint qu’il n’y ait quelques frictions entre ce que leur demandera l’OTAN et ce que tolèrent certains Etats. Elle explique : "si les officiers et sous-officiers militaires sont généralement détachés auprès de l'OTAN pour deux ou trois ans, ils n'en demeurent pas moins responsables devant leurs chaînes de commandement nationales. Il en résultera inévitablement une certaine confusion, voire des frictions. Il serait plus simple, plus clair et, en fin de compte, plus propice à la réussite de la mission si les pays de l'OTAN, individuellement et collectivement, commençaient à aborder les communications stratégiques de manière comparable".
Selon Liz, la propagande est un processus coproduit par l’émetteur et le destinataire qui serait volontairement "complice" de sa production… Ah bon ? En effet, selon Liz, "La propagande est souvent basée sur la peur, étayant les préjugés existants des gens et faisant appel au besoin de l'individu dans la société moderne de s'identifier et de s'auto-valider". En effet, le scandale du covid l’a parfaitement montré : la peur, même totalement irrationnelle et fondée à 100% sur des mensonges, est un puissant moteur de manipulation des masses.
Elle ajoute : "La propagande répond donc aux besoins du consommateur et du producteur - le consommateur pour faire valider son identité et sa "vision du monde" ; le producteur pour consolider son pouvoir par la communication". A quoi a-t-on fait appel dans l’inconscient de la population pour la placer en rétention à domicile et lui injecter les dernières merdes de Big pharma, tout en réduisant à néant les démocraties ?
- La peur de la mort, tout simplement.
- La peur d’être rejeté du groupe. Je n’ai plus la source mais différentes études ont montré que ce qui fait le plus peur à 80% des gens est d’être exclu du groupe : il a donc suffi de faire croire à un faux consensus en censurant toute interrogation, toute critique, toute information contradictoire avec le narratif, et d’attaquer en permanence les esprits non intoxiqués pour que la plupart des gens pensent être du "bon" côté.
Fort heureusement les ficelles étaient tellement grosses dès le départ que beaucoup de gens n’ont pas suivi ce délire collectif mortifère. Mais ils ont recommencé avec l’Ukraine, puis le climat sujet où on observe une accélération de la coordination et de la réglementation internationales, et ce n’est certainement pas fini.
"Informer, ne pas influencer", une logique erronée selon Liz Fly
Contrairement aux Américains, les Anglais assument de viser la population avec la propagande. L’OTAN s’est inspirée de la méthode de campagne de propagande gouvernementale OASIS :
- Objectifs
- Public / pertinence
- Stratégie /Idées
- Mise en œuvre
- Suivi /Evaluation
Selon Elizabeth Fry, "La communication stratégique est au premier plan de la guerre de l’information", et pour agir de manière optimale les agents de l’OTAN doivent savoir jusqu’où ils peuvent aller, dans quel cadre ils peuvent agir. Parce qu’ils seront amenés à agir en intoxiquant les populations civiles européennes ? Ou le font-ils déjà mais hors de tout cadre ?
Fry revient sur son idée selon laquelle l’information et l’influence, c’est forcément la même chose, en citant cette fois un chercheur en sciences sociales de la Rand Corporation, entreprise contractante de et partenaire de l’armée et des services de sécurité US[5], Christopher Paul qui a déclaré devant la chambre des Représentants US que "Il est impossible d'informer sans influencer : il n'existe pas d'information sans valeur. Chaque information transmet les attitudes et les croyances de l'orateur ou de l'auteur, et cherche à influencer les autres".
Il serait intéressant d’en débattre, car une information peut être donnée sans attendre aucun changement de comportement de son interlocuteur, notamment quand elle est proposée et que c’est la personne qui vient la chercher si cela l’intéresse ou quand elle relate des faits de manière objective (un cas rares il est vrai). La communication vise à influencer mais ce n’est pas de "l’information" à proprement parler puisqu’elle cherche à entraîner un changement de comportement : un vote, un achat, l’adhésion à un virus, à une guerre, à des mesuresliberticides…
Liz Fry assume : "Les informations que l'OTAN utilise pour informer et éduquer soutiennent inévitablement le message de l'OTAN et ses objectifs généraux de communication", d’ailleurs c’est pour cela que le point de vue de la Russie n’est jamais répercuté par l’OTAN et de toute manière selon Fry ce n’est pas ce qu’"on" attend d’elle. Qui est "on"?
Fry considère que "Soutenir, comme de nombreux pays de l'OTAN le font encore sur le plan doctrinal, que les communications en matière d'affaires publiques doivent simplement "éduquer" un public en vue d'un "choix éclairé", c'est nier l'existence d'une orientation et d'un objectif clairs pour ce type d'éducation". Donc l’OTAN a intrinsèquement pour objectif de manipuler les populations civiles - c’est ce qu’elle appelle de l’ "éducation", la micronie parlerait de "pédagogie"- et pas du tout en vue d’un choix éclairé, en conscience, mais d’un choix télécommandé par les falsifications de la propagande officielle.
Cette "éducation" des masses qui, alors que l’école et l’enseignement supérieur se délitent, bénéficie des moyens gouvernementaux et des médias de masse pour faire passer ses messages d’intox tout en s’arrangeant pour censurer les informations contradictoires, systématiquement qualifiées de "désinformation".
Par ailleurs, tout au long de l’article elle mélange les termes "propagande", "information stratégique", "éducation", qui pour elle semblent similaires.
Fry affirme que comme dans les entreprises la "communication stratégique"est utilisée pour donner une bonne image et influencer les consommateurs et que les gouvernements le font pour empêcher les gens de fumer, ce qui serait "souvent considéré dans la société occidentale comme un moyen efficace de promouvoir le bien public", alors l’armée peut très bien faire la même chose. Sauf que :
- Les entreprises défendent des intérêts privés et tout le monde le sait parfaitement, ce qui n’est pas le cas de gouvernements censés d’après les cours d’éducation civique donnés au collège défendre l’intérêt général.
- La propagande des gouvernements occidentaux avec ses messages pseudo sanitaires est d’une rare hypocrisie dans un contexte où les hôpitaux et le système de santé sont ravagés, où on laisse les sols, l’air et l’eau polluer par les produits chimiques, où on laisse vendre de la nourriture toxique dans les supermarchés et les fast-foods, où on laisse le management d’entreprise détruire les gens et j’en passe. Ces messages ont à mon avis d’autres objectifs que la santé publique, tels que laisser croire aux masses que le gouvernement se soucie de leur santé, justifier des taxes et enrichir l’industrie pharmaceutique.
- Les gouvernements ne sont pas élus pour nous mentir. Même si on sait que c’est le cas, ça l’a toujours été dans le système de castes et ça le restera toujours, on imagine mal un politicien assumer pendant la campagne électorale qu’il va nous mentir, nous manipuler, nous intoxiquer pour arriver à ses fins.
- L’armée n’a pas non plus à intoxiquer les populations civiles même si évidemment elle ne fait que ça, en particulier en temps de guerre comme le rappelle l’historienne belge Anne Morelli dans "Principes élémentaires de propagande de guerre : Utilisables en cas de guerre, chaude ou tiède..." [6]. Et l’OTAN encore moins puisqu’elle n’a aucun lien avec les populations civiles européennes qui n’y élisent personne et ne décident jamais de ses orientations. Orientations qui dans les faits ne sont même pas décidées en Europe.
Fry déplore que Donald Rumsfeld, ce fanatique de la guerre du gouvernement Bush Junior, ait été vertement critiqué en 2002 quand il a réuni le département de la communication publique et celui des Opérations Psychologiques (des actions de guerre) dans un même "Office of Strategic Influence" parce que la communication publique ne devait pas mener de propagande vers la population.
Quelle stratégie pour normaliser la propagande contre les populations ?
Fry veut mettre à bas une législation américaine de 1948 qui empêche la propagande de l’armée contre la population au motif que cette loi ne concernerait pas l’armée américaine ni les campagnes de propagande militaire à destination de la population américaine. Et le troisième argument est mon préféré : "internet permet au public national d'accéder librement à des documents qui ne lui sont pas destinés".
Comme je l’ai dit dans le podcast sur la liberté d’expression, leur vrai problème, celui qui a entraîné la construction du concept de "désinformation", "fake news", "complotistes" etc. c’est l’accès de la population à des informations que la caste dirigeante voudrait garder éloigner de l’opinion publique, des électeurs, des contribuables, des citoyens, des classes laborieuses. Quelles sont ces informations ? Le champ est vaste : ce sont toutes les informations qui ne vont pas dans le sens de la propagande, et qui in fine sont considérées comme subversives car elles détournent les citoyens du narratif officiel. Et dès le début des années 2000 Donald Rumsfeld s’inquiétait du fait que les citoyens américains cherchaient de plus en plus d’informations de l’étranger.
Où en est la liberté d'expression aujourd'hui et quelles sont les perspectives dans un contexte de guerre de l'information, et même de "guerre cognitive"? Une réflexion sur le discours anti "fake news", la désinformation, la liberté d'expression et le journalisme.
https://podcasters.spotify.com
Fry considère qu’il faut changer la définition de la propagande de l’OTAN (qui est juste mais ne lui permet pas de la pratiquer ouvertement), c'est-à-dire : "Des informations, en particulier de nature partiale ou trompeuse, utilisées pour promouvoir une cause ou un point de vue politique". Comme l’explique Liz, "si la définition de la propagande de l'OTAN n'est pas nécessairement erronée, elle exacerbe les sensibilités nationales en exposant l'OTAN à des accusations de propagande" car "toute information utilisée pour promouvoir une cause ou un point de vue politique, trompeuse ou non, est logiquement couverte par la définition de l'OTAN", observe-t-elle.
Même si dans l’absolu la propagande n’implique pas forcément de la tromperie, elle est perçue comme de la manipulation par les destinataires et cela doit être effacé.
Liz n’essaie pas d’argumenter sur le fond : elle n’explique pas pourquoi la population européenne devrait être intoxiquée, à quelles fins, dans quel cadre exact ? Elle ne s’embarrasse ni de questions d’éthique ni de questions de légitimité. Elle ne se demande pas si en 2023 les mêmes techniques de gouvernement qu’à l’âge de Bronze doivent être utilisées, ni si l’OTAN a une mission auprès des populations civiles en matière d’ "éducation". Pas besoin : il suffit de changer la définition de l’OTAN "pour la rendre utilisable par l'organisation", tout comme l’OMS avait pris soin de redéfinir la "pandémie" juste avant le H1N1 en enlevant la notion de morbidité pour pouvoir l'utiliser et tenter d'effrayer les populations. Seulement à ce moment la censure n'était pas aussi puissante et une once de débat public a eu lieu.
Selon Liz, il suffirait d’enlever l’élement de tromperie de la définition de la propagande, pour que ça passe : "Une nouvelle définition distinguant la propagande des activités d'influence de l'OTAN auprès de ses publics aiderait les pays de l'OTAN à faire avancer le débat sur l'information et l'influence. Lors de l'élaboration d'une telle définition, il serait souhaitable d'intégrer des arguments académiques qui réfutent l'interprétation familière de la propagande (et la manière dont l'OTAN elle-même utilise le terme en public) impliquant l'intention de tromper". Il faudrait donc séparer la propagande des opérations psychologiques qui sont une forme de la "communication stratégique" destinée à influencer les perceptions de populations étrangères, dans le jargon des renseignements (alors que la méthode et les objectifs de la propagande et de la guerre psychologique se recoupent).
Liz nous explique que l’OTAN ne fait que des Opérations Psychologiques dont la source –l’OTAN ou un partenaire- est identifiable. C’est faux : le cirque du stay-behind prouve le contraire.
Selon elle, ces opérations somme toute banales et consensuelles ne devraient pas susciter de polémique dans les Etats de l'OTAN. Sauf que Liz veut mettre en œuvre ces opérations contre les populations civiles européennes censées être "protégées" par l’OTAN, ce qui est inédit du moins officiellement parlant. Depuis 2010, les Etats-Unis ont plusieurs fois redéfini le terme de Psy Ops (les opérations psychologiques) pour essayer d’en atténuer les connotations négatives auprès de l’opinion publique ainsi que des autorités politiques, ce qui a rajouté de la confusion.
Liz poursuit son raisonnement, considérant que "les activités d'influence nationales doivent toujours être véridiques et transparentes", tandis que "L'essence de la propagande n'est pas de dire un seul mensonge, mais un réseau embelli de vérités et de mensonges visant à construire une nouvelle "vérité alternative"".
Elle explique plus loin que "dans une société démocratique, les activités de communication stratégique cinétique [qui ne passent pas par les armes et la violence] ou coercitive sont intrinsèquement considérées comme visant un adversaire. Les activités d'influence militaire rhétorique, en revanche, sont menées à la fois contre des adversaires (sur les théâtres de guerre, c'est-à-dire les PsyOps) et sur le territoire national".
Mais alors l’influence est de la tromperie ? Non, explique Liz, poursuivant le fil de son raisonnement scabreux, "Bien que seules les activités déployées contre des adversaires (et lorsqu'elles sont entreprises par des nations) impliquent la tromperie, ces deux méthodes distinctes d'influence rhétorique nichées dans la même nomenclature suscitent un certain malaise". Donc pas d’influence trompeuse sur les populations civiles locales ? En tout cas pas les mêmes que sur un public étranger et c’est ce qu’il faut expliquer aux opinions publiques, selon Elizabeth Fry.
Bref, arrivée à la fin de son article, Liz affirme que "les activités de communication de l'OTAN conçues pour éduquer, persuader ou influencer ne constituent pas de la propagande. En effet, la propagande est l'antithèse de la persuasion rationnelle". Mais… l’OTAN ne fait pas de la persuasion rationnelle : elle présente la réalité sous son prisme, en fonction des intérêts obscurs qu’elle défend. Elle n’argumente pas, elle affirme et qualifie de pro-Russe ou désinformateurs tous ceux qui véhiculent une autre vision de la réalité. Pire, l’OTAN véhicule des fake news pour renforcer son narratif : on en a tous les jours sur la guerre en Ukraine (par exemple quand on nous a dit que la guerre serait pliée en deux semaines, que l’armée Russe était terrassée, qu’elle a commis des crimes de guerre…).
L’OTAN ne tord même pas la réalité : elle construit une réalité alternative tellement foireuse que sans une stricte censure de toute information divergente accompagnée d’une intoxication massive par les médias cette réalité alternative s’écroule.
"Les communications stratégiques militaires occidentales visent, et devraient viser, à influencer les publics nationaux", assène Liz Fry en conclusion, "le fait d'éviter de parler d'activités d'influence légitimes exacerbe le problème au lieu de l'éviter". Parce que soudain ces activités de manipulation de l’opinion publique européenne par une espèce d’armée à la solde des Etats-Unis serait légitime ? Et par quel miracle ? Pour cela il eut fallu que nous débattissions de manière transparente. Certainement pas en réécrivant les définitions tous les 4 matins dans les couloirs de l’OTAN.
L’auteure propose donc de définir la propagande comme "un processus stratégique de tromperie délibéré, systématique et coproduit pour façonner les perceptions, manipuler les cognitions et diriger le comportement, dans le but d'obtenir une réponse qui favorise l'intention du propagandiste", ce qui la séparerait des "activités d’influence légitimes".
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Dans cette réflexion, Elizabeth Fry fait comme si l’OTAN était une entité autonome dont les intérêts prévalent sur ceux des Etats. Comme si les citoyens et éventuellement leurs représentants élus n’avaient pas à donner leur avis sur le bienfondé des intentions de l’OTAN et les moyens qu’elle met en œuvre pour atteindre ses objectifs.
C’est pour cela qu’il n’est pas question d’éthique ni de débat public dans cet article, ni dans les intenses cogitations de l'OTAN.
Pourtant c’est un sujet qui concerne tout le monde directement et ces tergiversations rhétoriques ne présagent rien de bon pour la qualité des informations qui nous seront envoyées. D'autant que pour l'OTAN, comme nous l'avons déjà vu, il faut idéalement que la population n'ai accès qu'à deux choses: la propagande et le divertissement.
[1] Revue éditée et pilotée par le Centre d’excellence des communications stratégiques de l’OTAN en Estonie, et qui se revendique comme un « journal académique international revu par les pairs », ce qui rendait ses contenus sérieux. En tout cas il y a une volonté de légitimer la recherche dans ce domaine, en multipliant les études, conférences, symposiums et en finançant de nombreux lobbys et acteurs du domaine.
[2] « Disinformation and propaganda – impact on the functioning of the rule of law in the EU and its Member States », février 2019.
[3] Un concept en réalité apparu au début des années 2000 pour évoquer l’inflation d’information, que l’OMS s’est réapproprié début 2020 avant le covid pour désigner les « bonnes » et les mauvaises informations selon d’obscurs critères qui ne sont jamais débattus.
[4] Propaganda and Persuasion, Thousand Oaks, London and New Delhi : SAGE Publications, 2006
[5] La Rand Corporation permet à l’armée et à la CIA de ne pas se mouiller directement dans certains financements et certains projets mais la collaboration est très étroite depuis sa création à la fin de la guerre. Par exemple, la Rand Corporation avait envisagé dès 2019 le scénario de la guerre en Ukraine qui s’est déroulé depuis 2022 mais ça a aussi été le cas au Kazakhstan et dans d’autres pays. A son conseil d’administration on trouve d’anciens officiels US de la sécurité, l’ex Premier ministre suédois Carl Bidlt, Francis Fukuyama de Stanford, des banquiers et fonds spéculatifs US, quelques chercheurs. Son point de vue est donc non seulement partial, mais aussi intéressé.
[6] Ces principes sont au nombre de 10 :
- Nous ne voulons pas la guerre ;
- Le camp adverse est le seul responsable de la guerre ;
- Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l'affreux de service ») ;
- C’est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers ;
- L’ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures c'est involontairement ;
- L’ennemi utilise des armes non autorisées ;
- Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l'ennemi sont énormes ;
- Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause ;
- Notre cause a un caractère sacré ;
- Ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres.