Note de lecture : Psychopathologie du totalitarisme. Sommes-nous dans une dérive totalitaire ?
Nous avons vu des choses folles ces dernières années. Impossibles à analyser tant les chocs ont été nombreux, comme tirés en rafale sur une population déjà neurasthénique. Cette analyse, même incomplète, est pourtant indispensable si on veut que cette société ait une chance de sortir de la nasse dans laquelle elle est tenue.
Dans "Psychopathologie du totalitarisme. Sommes-nous dans une dérive totalitaire ?", Ariane Bilheran donne de nombreux outils de compréhension, décortique les mécanismes psychologiques mis en œuvre à coups de traumatismes calculés et dosés pour obtenir le consentement à ce qui était impensable quelques mois plus tôt.
Nous avons vu, pour revenir sur certains exemples, des enfants muselés toute la journée, empêchés de jouer ensemble et accusés de tuer leurs grands-mères, injectés pour certains avec des produits expérimentaux, cela sans aucune preuve scientifique de l'intérêt de ces mesures aussi inédites que liberticides.
Nous avons vu des dizaines de milliers de personnes virées de leur emploi pour avoir refusé des injections expérimentales pour un virus absolument pas mortel : caissières, infirmières, secrétaires, éducateurs, serveurs... Et parmi ceux qui ont cédé à la pression, combien le paient aujourd'hui très cher, parfois en étant même incapables de travailler?
Bref : il faut se rappeler de ce qu'on nous a fait vivre. Et il faut comprendre ce qu'il s'est passé, ce qu'il nous est arrivés à tous, individuellement et collectivement, si on veut éviter que les prochaines couches de trauma de fassent régresser la société dans les abysses de l'humanité.
Une maladie mentale qui ronge le corps social
Ariane Bilheran (son site), philosophe, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, propose dans "Psychopathologie du totalitarisme. Sommes-nous dans une dérive totalitaire ?" (publié chez Trédaniel) une analyse de ce qu'elle qualifie de "psychose collective" et du processus totalitaire dans lequel elle s'inscrit : comment est-elle orchestrée ? Sur quels mécanismes psychologiques s'appuie-t-elle? Quels sont les impacts individuels et collectifs ? Comment reconnaître un pouvoir totalitaire ? Pourquoi certains sont-ils parvenus à résister ? Comment nous "réparer" ?
Selon la philosophe, il s'agit d'un processus totalitaire dont l'épisode du covid n'est qu'une des démonstrations, une des étapes. "C 'est bien une maladie mentale qui ronge le corps social et ambitionne de se propager à la totalité des individus", écrit l'auteure. Un système dans lequel le pouvoir promet la sécurité mais dans lequel même les plus serviles finissent broyés - même s'ils ne s'en rendent pas compte.
C'est un livre qui donne beaucoup à réfléchir, qui pose de nombreux éléments de réflexion. Car l'enjeu, c'est que la prochaine fois, moins de gens tombent dans le piège.
On a vu ces derniers temps que la "vérité" n'appartiendrait qu'à nos gouvernants et aux médias de masse, comme le souligne Ariane Bilheran, alors que dans les faits on nous a construit une réalité parallèle, on nous construit des vérités parallèles. Pour cela, on change la langue, le sens des mots, on invente de nouveaux mots et de nouveaux concepts, qu'on martèle du matin au soir par tous les canaux possibles.
Et pour avoir lu un certain nombre de rapports récents de l'OTAN sur la question, je sais que nos cerveaux sont considérés comme un terrain de guerre, qui ne doit être alimenté que par des conneries et par la propagande (les deux ayant tendance à se confondre).
On manie l'émotion, pour empêcher de réfléchir. "Penser devient un crime stupide ; c'est mettre en danger sa propre vie. Conséquence inévitable de cela, la stupidité se répand comme une maladie contagieuse parmi la population terrorisée", résume cette phrase du sociologue Léo Löwenthal, dont les propos sont cités par Ariane Bilheran.
Et puis on reconstruit la réalité, on diffuse un discours délirant dans la société et dans les esprits. Le livre explique comment, dans ces processus totalitaires, différents mécanismes psychologiques sont activés, par exemple la peur de ce qu'on ne connaît pas qui entraîne chez les individus le développement de mesures de protection, ou la haine de ceux qui ne suivent pas la direction commune, et qui vont très vite jouer le rôle crucial de bouc émissaire, d'Ennemi intérieur désigné.
Car le bouc émissaire permet de rassembler le troupeau contre lui, en inspirant la peur du bannissement, de la mise à l'index, voire de la destruction. Il permet que la frustration et la mauvaise estime soi, inhérentes au renoncement, soient transférés sur quelqu'un d'autre, comme l'explique Ariane Bilheran. Et puis, qui a envie d'être montré du doigt, empêché de vivre, considéré comme un non citoyen ou même comme un problème social ?
Dans un système totalitaire, écrit-elle, "la haine de l'autre est le ciment du groupe", mais le corollaire c'est que pour suivre la masse, adhérer à l'idéologie imposée et s'en prendre à d'autres êtres humains, il faut se couper de sa part d'humanité, de cette partie qui nous relie tous. L'auteure explique comment le système totalitaire s'en prend méthodiquement aux fondements psychiques de l'humain, comment il efface l'individu pour ne considérer que des masses, des quantités, de l'uniforme.
Ce délire collectif se propage, grâce ou à cause d'un certain nombre de mécanismes sociaux et psychologiques bien connus au moins depuis la création de l'institut Tavistock en 1921 et des études sur le comportement des individus et des groupes.
La diffusion de ce délire collectif permet; comme le rappelle Ariane Bilheran, d'évacuer le sentiment de culpabilité, d'agréger les individus dans une sorte de faux consensus, et de légitimer des passages à l'acte.
Des individus placés sous tension en permanence
Le régime totalitaire, ou celui qui glisse dangereusement vers le totalitarisme, manie différentes armes qui conditionnent le psychisme, énumérées par Ariane Bilheran: la terreur, qui "provoque une régression psychique collective" -un concept développé dans l'ouvrage- et permet de justifier" que l'exception devienne la règle, de casser les habitudes, d'effacer les normes, la persécution, avec cet Ennemi intérieur qu'il convient de désagréger, qui se déroule plusieurs phases pour obtenir la soumission, le contrôle total, de l'information, des individus, de leurs comportements et même leurs pensées.
Tout cela, dans un contexte d'incertitude généralisée sur le présent comme sur l'avenir, place les individus sous une tension permanente qui les rend très suggestibles, très vulnérables à l'autorité. Une des armes principales utilisées par le régime totalitaire pour soumettre les individus est l'utilisation du conflit de loyauté, qui est un véritable piège manipulatoire car il permet de faire assumer à la victime une action présentée comme un choix, mais qui n'en est pas un...
"Il faut comprendre que choisir l'un des deux termes du faux choix du conflit de loyauté implique de toute façon d'en assumer la culpabilité, et c'est là que réside toute la perversion : le conflit de loyauté régressif fait basculer l'individu dans une souffrance psychique telle qu'il n'a pas d'autre choix que de se dissocier par le clivage, donc de décompenser dans un passage à l'acte de type schizophrène, pour "résoudre" l'impasse du conflit de loyauté, et la dissociation traumatique que cette impasse a engendrée", précise Ariane Bilheran.
Typiquement: soit tu te fais injecter un produit expérimental dont tu sais qu'au mieux il est inutile, qu'au pire il pourra te tuer, soit tu abandonnes ta vie sociale, l'accès aux soins, ton travail...
Ou, comme l'expliquent les victimes de réseaux qui pratiquent les violences rituelles, quand elles sont enfant on les oblige à "choisir" de laisser mourir un autre enfant auquel ils étaient attachés, en leur faisant comprendre que s'ils font le "mauvais choix" c'est eux qui seront massacrés. Un classique, efficace et particulièrement destructeur.
Ariane Bilheran explique clairement ce que le conflit de loyauté entraîne chez les victimes. Par exemple un déni de la part de ceux qui ont cédé trop rapidement à la contrainte, ou à l'appât du gain même pour certains, et qui est un mécanisme de défense. Tout cela augmente les tensions psychiques dans la société, les maladies psychiatriques, les conflits : le livre explique tous ces processus. Un déni qui, précise Ariane Bilheran, "est le support sur lequel vient s'appuyer le délire, c'est-à-dire la nouvelle version de la réalité".
A combien d'injonctions toxiques, de faux choix totalement conditionnés sommes-nous confrontés par nos "autorités" aujourd'hui ? Combien de nudges pour nous faire accepter les termes du débat avant même qu'il ne soit posé? Cela, alors qu'on est priés de croire sur parole les discours lénifiants et le marketing politique, économique, institutionnel, notamment sur des enjeux cruciaux comme ce qu'on appelle "intelligence artificielle", la "transition écologique", la santé, l'éducation, l'économie, l'Europe, le conflit israélo-palestinien, la guerre en Ukraine...
Les enfants sont d'ailleurs particulièrement ciblés par ces techniques qui reviennent à du lavage de cerveau. Il faut en effet modeler les esprits dès le plus jeune âge pour en faire de bons petits soldats, plus fidèles au système qu'à leurs parents et à leurs proches. La philosophe, qui écrit que "le pouvoir totalitaire s'immisce dans [les] rapports privés familiaux dès le plus jeune âge, par le truchement de l'idéologie et de l'accaparement des enfants", rappelle différents processus en cours ciblant la jeunesse, tous destructeurs en termes de développement psychique des enfants et des adolescents.
La stratégie consiste à bombarder les gens de traumatismes successifs. La rapidité et la puissance font que les gens sont en était de sidération, ils n'arrivent pas à prendre du recul à analyser la situation. Tout cela doit avoir un certain tempo: l'analyse d'Ariane Bilheran est éclairante sur les processus dont on a fait l'objet, et qu'on pourrait aussi qualifier d'ingénierie sociale même si ce n'est pas le propos du livre.
"Les traumatismes les plus puissants", écrit Ariane Bilheran, "répondent aux critères suivants : intensité de la violence, caractère inattendu, en provenance de fonctions d'autorité (en particulier si nous avons placé notre confiance en elles)": c'est exactement ce qu'on retrouve dans le processus de contrôle mental des victimes de réseaux satanistes.
Celles-ci sont soumises dès l'enfance par la violence, la succession de chocs traumatiques, qui en plus de cela les amènent à se dissocier, à se mettre dans un mode "automatique" très suggestible. Aurait-on appliqué ces principes éprouvés à l'ensemble de la société? Des survivants de ces réseaux disent que oui (par exemple ici ou ici).
C'est comme si, en utilisant la connaissance des mécanismes de protection, on avait actionné les leviers de manipulation adéquats pour plonger le monde dans ce délire collectif dont on n'est pas sortis, à mon avis, contrairement au discours officiel.
Les gens préfèrent alors obéir, ne pas dépasser, se replier dans un cocon de soumission qui peut sembler rassurant, et c'est d'ailleurs la promesse du régime totalitaire : si vous obéissez, la vie reprendra. Si vous obéissez, le virus disparaîtra. Si vous obéissez, la démocratie est sauvée. Si vous obéissez, on vous laissera tranquille. Mais Ariane Bilheran est très claire: ces promesses sont des leurres, des carottes qu'on met sous le nez de la population pour la faire avancer là on a décidé qu'elle ira.
Témoigner et préserver l’humanité
Dans ce marasme, Ariane Bilheran insiste sur l'importance du témoignage, dont les impacts sont nombreux, sur différents plans, comme elle l'explique. Et il reste toujours des témoins, rappelle-t-elle, ces "témoins de l'humanité". Alors que les liens entre les gens, jusque dans les familles, ont été abîmés voire rompus, il est essentiel de raconter ce qu'il se passe et d'essayer d'analyser ce que l'on vit.
Même si, en particulier sur le moment, il est très difficile d'avoir une vision globale des processus, des mécanismes actionnés puisque le régime totalitaire fait en sorte que chacun n'ait connaissance que du minimum d'informations nécessaires pour agir comme on l'attend de lui.
En faisant sauter tous les repères, le délire totalitaire, qui est paranoïaque insiste Ariane Bilheran, veut lisser les individus pour qu'ils soient tous pareils. les témoins, pour pouvoir s'opposer, doivent renoncer à un certain confort, à ces choses qu'ils pensaient acquises, être prêts également à subir les foudres d'un pouvoir d'autant plus violent qu'il n'a pas de légitimité.
Ariane Bilheran conclut en posant la question du lien à l'autre, qui a été largement attaqué par la succession de stimuli traumatiques. Comment considérer ceux qui ont dévié, ceux qui se sont fait avoir et sont prêts à recommencer, ceux qui étaient prêts à injecter de force leurs concitoyens? Ceux qui ont orchestré ce désastre et y ont participé activement? Car pour faire société, il va bien falloir les prendre en compte et on ne peut pas les rejeter.
Mais il nous manque la justice dans l'équation, seule capable d'apaiser les traumatismes après les transgressions, et de permettre de faire société. Pour Ariane Bilheran, nous devons cependant continuer à refuser ce qui est indigne, où que ce soit, quelles qu'en soient les cibles. Nous devons refuser l'autorité dès qu'elle revient à un pouvoir illégitime, transgressif et toxique au lieu d'être protecteur. Elle recommande de nous interroger sur nos émotions et de nous "réparer", de nous nourrir intellectuellement et émotionnellement, d'être créatifs.
L'auteure développe une réflexion sur la justice dans un contexte totalitaire, et souligne l'importance du questionnement philosophique, éthique, à mener autour de cette notion. "Il est donc important, pour la suite, de bien définir la nature des responsabilités : les individus étaient-ils en mesure de savoir ce qui se passait, avaient-ils accès à l'information ? Etaient-ils conscients qu'en agissant de la sorte, ils étaient susceptibles d'infliger des dommages à autrui ? En avaient-ils d'ailleurs l'intention ? Auraient-ils pu faire autrement ? Leur responsabilité était-elle augmentée par leurs fonctions d'autorité ?", écrit-elle.
Il faut tenir compte d'un certain contexte, mais il y a bien des victimes, nombreuses, et il y a donc des responsables même si, comme le rappelle Ariane Bilheran, "L'Etat totalitaire déresponsabilise les gens pour autoriser le crime et mieux se déresponsabiliser des conséquences de ses injonctions immorales" : il faut rappeler les interdits.
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Ce livre fournit des clés de compréhension de ce qu'il nous est arrivé, et aussi de ce qu'il va nous arriver car immanquablement, le délire va recommencer. Pour reprendre notre pouvoir il faut comprendre les mécanismes en cours, qui relèvent du totalitarisme et iront jusqu'à la destruction totale du corps social, de la société, voire des individus, réduits à l'état de zombies consentants et "heureux".
Il sera toujours difficile de s'opposer, car on sera ce bouc émissaire : en s'opposant, on renvoie à ceux qui se soumettent leurs propres faiblesses et ils ne voudront pas nous entendre. Mais on témoigne pour le présent et pour l'avenir. Comme l'explique Ariane Bilheran dans ce livre, pour que le totalitarisme s'impose, pour que les gens "normaux" commettent des crimes, il faut qu'il y ait déjà eu des transgressions, nombreuses, et il faut que le pouvoir soit dévoyé. Il y a des étapes, plus ou moins discrètes, avant d'en arriver à l'autodestruction de la société. L'important est de savoir les identifier, de comprendre les régressions en cours.
Lors du prochain choc, il faudrait que tout le monde ait déjà lu ce livre : un épisode tel que celui du covid serait alors impossible. Les méthodes se seront certainement perfectionnées, mais en étant avertis de nos propres faiblesses et de la manière dont elles sont utilisées contre nous, elles fonctionneront beaucoup moins bien.