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24 février 2024

Gladys, une maman qui se bat pour faire entendre la parole de sa fille, de retour au tribunal

Retour au tribunal de Chambéry pour l'affaire de Gladys, le jeudi 22 février. Cette maman accusée d'avoir enlevé sa fille et arrêtée suite à un mandat d'arrêt européen, envoyée en prison en préventive, venait expliquer qu'elle n'avait rien à faire là. Certes elle a protégé sa fille qui dénonçait des actes d'inceste - ce qui dans ce pays entraîne souvent des poursuites, mais selon elle la procédure est illégale.

Elle nous donne son impression sur l'audience et la suite des procédures dans une interview en fin d'article. 

 

Gladys est une maman qui est prise dans les filets de la "justice" française depuis que sa fille à 4 ans a révélé des actes sexuels commis par son père : elle n'a pas amené sa fille aux droits de visite et est accusée de l'avoir enlevée en Espagne.

 

Même si Gladys avait communiqué son adresse au parquet qui suivait le dossier, un mandat d'arrêt européen a été lancé contre elle, et elle a été arrêtée en Espagne en juin 2021 puis envoyée 6 mois en prison (2 en Espagne et 4 en France) avant tout jugement.

 

Un mandat d'arrêt européen pour envoyer une mère protectrice en prison

Si elle a pris la décision de ne pas présenter sa fille, c'est parce qu'elle l'a crue, parce qu'elle a vu que rien n'a été fait malgré deux informations préoccupantes (l'une d'une école en 2018, l'autre du département en 2019), que sa plainte pour violence conjugale a été classée sans suite, qui par ailleurs ne payait plus la pension alimentaire depuis 2 ans. Rien n'allait dans un sens logique, en tout cas pas dans celui de la protection de l'enfant.

 

Elle se trouvait en état de nécessité, mais cela n'est jamais retenu dans ces dossiers quels que soient les propos des enfants.

 

Extradée en France, elle a ensuite été condamnée à 2 ans de prison dont 18 mois avec sursis et s'est portée partie civile de son côté pour les faits d'inceste[1], après que sa plainte ait été classée sans suite. En mai 2023, nous étions déjà au TGI de Chambéry pour l'appel, mais il a fallu revenir car le tribunal n'avait pas toutes les pièces pour prendre une décision. Comme tout le dossier n'était pas entre les mains du tribunal à ce moment, l'audience a été reportée.

 

Covoquée à 14 h, Gladys n'est arrivée à la barre qu'à 20 h. Après quelques dossiers de coups et blessures et un braquage impliquant 3 types dont deux disaient qu'ils n'étaient pas sur place et contre lesquels les preuves étaient particulièrement minces puisque l'affaire a été jugée en comparution immédiate, sans véritable enquête. Les juges étaient bien embêtés de devoir prendre une décision avec un dossier aussi lacunaire.

 

Pour accompagner Gladys qui se présentait sans avocat, nous étions 5 ou 6, une petite équipe mais suffisante pour observer les débats et témoigner de ce qu'a dit l'accusée. Le père de l'enfant et son avocate étaient là aussi.

 

Arrivée à la barre à 20 h (et il restait deux affaires après), Gladys commence par dire qu'elle vient pour "soulever des problèmes de forme".

 

Gladys a soulevé trois points principaux, chacun entraînant en principe une relaxe, selon elle car sa détention et son extradition étaient illégales :

  • L'absence de mandat de dépôt lors de son arrestation
  • Une détention administrative de 48 h au lieu des 24 h maximum dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen.
  • Le procureur a transmis le mandat d'arrêt européen qu'il avait lui-même signé à l'Espagne sans qu'un juge soit averti. Or les procureurs ne sont pas des magistrats indépendants. Et en plus, ce mandat d'arrêt européen pour une infraction passible de 3 ans de prison, amis alors que Gladys était en contact avec les autorités judiciaires françaises, interroge en termes de proportionnalité.

Des faits d'ordre public que Gladys a pu mentionner même si son avocate en première instance n'avait pas voulu le faire. Et si ces éléments sont problématiques, cela devrait entraîner l'annulation de toute la procédure d'extradition

 

"Sur la base de quel article du code pénal?" lui a demandé le président, ajoutant qu'elle avait "déjà soulevé" ces points à l'audience précédente. "Nous n'avons pas statué mais nous allons le faire".

 

- Oui mais vous n'avez pas statué, a répondu Gladys. Et je veux que toute ma déclaration soit notée.

 

- On ne note pas tout, on prend à la volée, lui répond le président du tribunal.

 

- Oui mais là je veux que tout soit noté.

 

Gladys a expliqué qu'elle n'avait jamais vu de mandat de dépôt signifiant sa détention administrative lors de son arrestation, qu'elle n'a pas son audition, et qu'elle n'a pas la décision du juge concernant sa détention préventive. Elle a rappellé qu'il s'est passé 48 h avant qu'elle soit présentée à un juge des détentions alors que le délai légal est de 24 h. Au passage, elle dit qu'elle n'a reçu les derniers documents de la procédure que la semaine précédente.

 

L'avocate de la partie adverse s'est exprimée quelques minutes pour dire que tout a été fait dans les règles et que la demande de Gladys n'est pas légitime. Le parquet a été dans le même sens.

 

Dans cette procédure, la plupart de la période d'infraction a déjà été abandonnée parce que ces préventions n'étaient pas dans les clous.

 

 

Quand l'accusée demande qu'on respecte la loi

Gladys a donc répondu point par point, a expliqué la procédure d'extradition et a lu toute sa plaidoirie.

 

Elle a rappelé que comme pour les braquages et les coups et blessures, le doute doit profiter à l'accusée - même s'il s'agit d'une brave mère de famille au casier vierge (c'est rare dans ces audiences).

 

Elle a rappelé par exemple que "le principe de spécialité est un pilier fondamental du droit international en matière d'extradition qui stipule que la personne extradée ne peut être poursuivie ou condamnée que pour les infractions mentionnées dans la demande d'extradition.

 

Or, depuis mon extradition, j'ai été confrontée à des poursuites supplémentaires qui ne sont pas conformes à la demande initiale. En me poursuivant pour des infractions qui ne sont pas couvertes par la demande d'extradition initiale, les autorités compétentes ont clairement violé ce principe fondamental".

 

Elle a aussi évoqué une nouvelle loi qui est fort bienvenue dans ces affaires bien que jamais appliquée. Depuis le 1er février 2022, l’article D.47-11-3 du code de procédure pénale prévoit que : "Lorsqu'une personne mise en cause pour le délit de non représentation d'enfant prévu par l'article 227-5 du code pénal soutient que les faits qui lui sont reprochés ont été justifiés par des violences ou toutes autres infractions relevant de l'article 706-47 commises sur le mineur par la personne qui a le droit de le réclamer, le procureur de la République veille à ce qu'il soit procédé à la vérification de ces allégations avant de décider de mettre ou non l'action publique en mouvement. En cas de citation directe exercée par la victime, il veille à ce que le tribunal correctionnel puisse disposer des éléments lui permettant d'apprécier la réalité de ces violences et l'application éventuelle de l'article 122-7 du code pénal relatif à l'état de nécessité."

 

Elle a rappelé qu'elle a été relaxée pour les faits de non représentation, puis de nouveaux faits lui ont été reprochés, entraînant poursuites et condamnation.

 

Elle a rappelé les dommages subis suite à ces décisions judiciaires et estime avoir subi des discriminations, qu'elle a été privée de ses droits parce qu'elle est "une mère protectrice et lanceuse d'alerte, des critères protégés par le droit international des droits de l'homme". Elle a évoqué les délais de procédure, les droits fondamentaux, et a conclu en demandant la relaxe.

 

Il n'y a eu aucun commentaire après sa plaidoirie, le délibéré est fixé au 2 mai 2024.

 

A la fin de l'audience vers 21 h, l'un des soutiens de Gladys qui avait noté l'absence de rôle mentionnant l'identité des magistrats et les affaires jugées ce jour-là, a tenu à poser une question très poliment, demandant au tribunal si cela ne devait pas conduire à la nullité de la procédure pénale. "Sortez-le" fut la seule réponse.

 

Interview de Gladys après l'audience :

Bonjour Gladys, peux-tu nous dire comment tu as vécu cette audience ?

 

Comme d'habitude, c'était une audience très fatiguante avant, pendant et après. Heureusement, j'ai beaucoup d'encouragement et de soutien qui me permettent d'être forte !

 

Ayant fait le choix de ne plus avoir d'avocat et d'être accompagné par des juristes, j'avais beaucoup moins d'appréhension car ma plaidoirie était bien préparée et j'ai enfin eu les armes juridiques pour me défendre et attaquer ! C'est donc tard, mais très déterminée que j'ai pu extérioriser ma rage contre ce système.

 

Et pour la première fois, le président m'a laissé m'exprimer avec bcp d'attentions, sans me couper ou m'agresser. Je suis donc très contente que ce soit fini et attends avec grande confiance le délibéré.

 

 

Tu dis souvent qu'il est important d'avoir des soutiens lors de ces audiences. Celle-ci l'a encore illustré !

 

Oui, je remercie sincèrement le peu de personnes qui étaient sur place avec moi. Car, en pensant à l'idée de me retrouver seule, la nuit, face à mon ex conjoint violent mais aussi seule face à une avocate, un avocat général, un président, 2 conseillers et une greffière qui tous se connaissent et discutent ensemble devant moi... Jamais je n'aurai pu avoir autant d'assurance pour m'exprimer et je ne suis pas certaine qu'on m'aurait laissée me défendre puisqu'il n'y aurait eu aucun témoin.

 

Déjà que le père biologique de ma fille s'est permis de m'agresser verbalement en audience, qui me dit qu'il ne m'aurait pas agressée physiquement à l'extérieur ? Pour revenir sur ma plaidoirie, après avoir déjà débattu 4h sur le fond il y a 8 mois dans cette même salle, je leur ai bien fait comprendre que j'avais de fortes connaissances sur le droit pénal et international et surtout en matière d'extradition.

 

Et que je n'en resterai pas là car ces fautes et la violation de mes droits permettent de porter plainte contre les criminels. Et puis, à la fin de l'audience, un ami a soulevé un élément qui a bien dérangé le président et que bien sûr, peu d'avocat connaissent. Pour du pénal, ça entraîne une nullité de la procédure. Mais j'imagine bien sûr que ce ne sera pas noté au dossier. 

 

Quelles sont les suites concernant ta procédure ?

Concernant cette procédure, en fonction du délibéré soit je suis libre, soit je pars en cassation et ça va leur faire mal car j'ai posé tous les éléments nécessaires.

 

Il y a aussi un autre dossier pénal en cours concernant l'enquête pour les viols incestueux subis par ma fille.

 

Et au civil, j'ai reçu le délibéré de la cour d’appel du juge aux affaires familiales le 23 février 2024 qui accorde toujours l'autorité exclusive à Monsieur sachant que ma fille vit depuis 4 ans en Espagne et ne l'a pas vu depuis 5 ans et demi, soit plus de la moitié de sa vie.

Nous réfléchissons donc à une stratégie pour récupérer l'autorité parentale de ma fille.

Le combat n'est encore pas fini malheureusement.

 


 

 

1 Le 19 mai 2023 elle s'est portée partie civile avec dépôt d'une consignation.

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