FireShot Capture 2 - Calais_ «J’attends toujours des excuse_ - http___www

Comme c'est étrange. Alors que plus personne ne parlait de l'affaire d'Outreau, nous avons eu droit à deux articles dans La Voix du Nord pour donner une véritable tribune à l'un des acquittés, le curé Dominique Wiel. Et puis le 31 décembre, une fumeuse histoire d'alerte au risque d'attentat de la part de Chérif Delay, l'une des victimes d'Outreau, a été diffusée dans les commissariats et sur le web peu après qu'il ait fini son livre. Y aurait-il un lien de cause à effet ?

 

Pourquoi cette journaliste de La Voix du Nord a-t-elle été chercher Wiel, pour publier les 24 et 25 décembre deux articles d'une rare complaisance donnant la parole sans contradiction aucune à cet acquitté [1]?

Parce qu'il est vrai qu'on ne parle plus de cette affaire d'Outreau, une des plus glauques qu'ont connu les prétoires en ce début de XXe siècle. Il faut dire que d'un point de vue historique, le résultat de la propagande anti-victimes qui s'est considérablement renforcée depuis les procès médiatiques de 2004 et 2005 montre au grand jour ses effets délétères: c'est ce que certains spécialistes appellent déjà "l'effet Outreau". Il n'y a pas que le terrible constat de la baisse de 40 % des condamnations sur pour viol, ni l'omerta imposée aux victimes, ce n'est pas seulement la mascarade médiatique qui a régné avant, pendant, et après ces procès, qui laisseront des traces indélébiles dans ce que d'aucuns osent encore appeler un "état de droit".

Le pire reste l'impunité des coupables.

Il serait plus décent de ne pas trop revenir avec cet ancien récit sur l'affaire d'Outreau, celui qu'on appelle le scénario des "enfants menteurs". 

Ou alors il faudra que l'on reparle, une fois de plus, de ces 12 enfants reconnus victimes, dont certains de proxénétisme, à l'issue du procès en appel, et peut être que l'on rentre dans le détail de certains témoignages, y compris parmi ceux des coupables ou bien de certains acquittés. On reviendra aussi sur le traitement des enfants victimes, pendant et après les procès, sur ces gens qui sont restés hors du champ de l'instruction, ou encore sur les "dossiers bis", "et des 60 et quelques enfants cités dans ce dossier qui s'est lentement dégonflé sur le plan judiciaire. Il y a tant de choses à dire. 

 

Wiel raconte sa vie dans la Voix du Nord

FireShot Capture 4 - Calais_ 2018 L’abbé Wiel, acquitté d’Outrea_ - http___www

On savait que ce canard n'avait pas brillé par son impartialité et la qualité de ses enquêtes au sujet de cette affaire d'Outreau, mais à quoi servait-il d'offrir une telle tribune à cet individu qui, bien qu'acquitté, n'a pas fait preuve de charité une seule seconde envers les enfants impliqués dans cette affaire, qu'ils aient été reconnus victimes ou non. Mais on y reviendra.

Wiel, donc, évoque gracieusement dans le quotidien local sa vie, son oeuvre, et ce qui deviendra certainement un jour un véritable scandale judiciaire, du genre de l'affaire Dreyfus mais pour les enfants victimes de pédocriminalité, d'actes de tortures et de réseaux pédophiles.

La journaliste appelle donc Wiel en cette veille de Noël et se dit qu'il ne voudrait pas parler de tout cela, lui l'Acquitté. "Mais non", écrit-elle -et l'on ne peut que deviner l'ébahissement de la journaliste, "Il accepte volontiers de revenir sur cet épisode complètement improbable de sa vie".

Pourtant, depuis 2012 il était censé "arrêter" de revenir sur cette histoire.

Par ailleurs, "Improbable" n'est pas le mot adéquat au vu du dossier. S'il a été mis en préventive plusieurs mois, et s'il a été condamné en première instance, c'est parce qu'il y avait tout de même quelques éléments à avoir posé questions aux magistrats durant les 3 ans d'instruction. 

Et Wiel d'expliquer : "Je l'ai fait encore il y a quelques jours à Dieppe pour le Rotary" (de parler de lui et de l'affaire). Ah tiens, Wiel continue donc sa propagande "révisionniste" comme dirait Duponpon, son story-telling sur cette affaire, et cela auprès des amis du Rotary, un club qui sert de vivier à la franc-maçonnerie, mais qui sert aussi à diffuser des mots d'ordre, des tendances. Serait-on en train de s'agiter de ce côté-là aussi?

Aujourd'hui, Wiel, qui a toujours traité les enfants de menteurs, même ceux qui ont été reconnus victimes [2], qui a toujours nié la culpabilité des deux couples reconnus coupables, ce Wiel qui avait lancé une pétition dans le quartier afin d'annuler le placement des enfants du couple D (dont Chérif) au tout début de l'affaire [3], "dit ne pas en vouloir aux enfants". Eh bien alors qu'il cesse de réécrire l'histoire

Wiel veut aussi "des excuses" de la part du juge Burgaud. Ah tiens, et pour quoi donc? 

outreau enfants menteurs

Rappelons que malgré une enquête de l'inspection des services judiciaires et une enquête parlementaire largement à charge, le juge Burgaud n'a pas été sanctionné, au contraire il a obtenu une promotion en devenant juge anti-terroriste. Il n'y a donc pas eu de faute. 

Dans l'interview qui accompagne l'article, on apprend que Wiel a déménagé à Calais il y a deux ans, pour "être plus proche du travail" qu'il fait "auprès des migrants" par le biais du Secours Catholique, nous dit-on. Parmi les "missions" qu'il accomplit en faveur des migrants, il y a l'école, preuve qu'il n'est pas effarouché par ces enfants menteurs pathologiques capables d'inventer de toutes pièces des affaires de réseaux pédophiles impliquant des gens qu'ils sont souvent censés ne pas connaître, d'après les intéressés eux-mêmes : "J'ai fait l'école aussi, j'ai donné des cours de français et je continue actuellement à le faire à raison de trois matins par semaine"...

On apprend aussi que Wiel, cet ami et soutien d'un curé pédophile dénommé François Lefort (condamné à 8 ans de prison pour des viols sur de jeunes sénégalais dont certains se sont rétractés comme par miracle après cette condamnation, du coup il demande la révision du procès)  accueille chez lui des migrants qui sortent de l'hôpital. 

 

Les voeux de bonne année des autorités à Chérif 

FireShot Capture 5 - Cherif Delay, une des victimes de l'af_ - https___www

Le 31 décembre, dans la soirée, nous avons pu découvrir avec stupéfaction -c'est le moins qu'on puisse dire- une alerte diffusée par la police, afin de signaler aux focres de l'ordre du pays que Chérif était armé, montait sur Paris afin d'y commettre un attentat, et qu'il fallait tirer à vue car il ne se laisserait pas faire!

Incroyable. Le même jour, Chérif n'était pas seul, il n'a pas bougé, il était "en famille". Il 'n'est pas du tout dans un délire terroriste et a bien d'autres choses en tête, notamment parce qu'il a terminé tout récemment un livre dans lequel il raconte ce qu'il a vécu depuis "l'affaire".

Et puis, vers le milieu de la matinée, on voit apparaître sur Twitter les premiers "signalements", selon lesquels Chérif serait "dangereux" et même "armé", et qu'il se rend à Paris. Un Tweet espagnol date du 31/12 à 10h 26, et publie même la fiche officielle de la police, où on trouvait aussi, étrangement, le nom de la personne qui l'aurait dénoncé à la police. Dénoncé, apparemment suite à son live sur Facebook la veille, dans lequel il brandissait un faux flingue et menaçait l'un des acquittés.

fiche police 31 dec - Copie

Pas pour "terrorisme", en tout cas.

Bref, Chérif a bien été arrêté, mais pour les menaces sur Facebook,  desquelles il s'est excusé publiquement. 

Pourquoi donc une fiche de polic intitulée carrément "ALERTE MENACE ATTENTAT", signalant notamment que Chérif menace de mort "un individu non identifié", ce qui est faux, on sait très bien qui aurait pu être visé (si toutefois Chérif avait réellement eu l'intention de le faire, ce qui est loin d'être avéré) puisque c'est clair dans la vidéo diffusée sur Facebook (retirée rapidement).

De plus, l'avis de police signale comme lieu de passage probable de l' "individu" la gare du Nord, qui correspond à la direction pour aller vers la région des "Hauts-de-France" où s'est déroulée l'affaire.

Quant au document, il ne s'agit pas d'une imitation, il s'agit bien d'un vrai avis émis par la police.

La fiche précise en outre que Chérif serait "déterminé", et que l' "individu déclare ne pas se laisser interpeller sans qu'il soit abattu". Et puis la fiche mentionne que des investigations sont menées.

Et puis, le truc fait effet boule de neige sur Twitter, les propos les plus débiles circulent de la part d'individus prompts à cracher du venin sans prendre le temps de vérifier leurs informations, et on voit même apparaître deux espèces d'articles, notamment sur LCI, bourrés d'approximations loins hélas d'être anodines, qui veulent rassurer le bon peuple parce que le monstre serait "interpellé". 

Alors qu'il était déjà en garde-à-vue depuis 16h le lundi 31, et jusqu'au lendemain dans la journée.

FireShot Capture 3 - RO-1 sur Twitter _ _🔴🔴 #Paris #Franc_ - https___twitter

L'article de LCI remonte au 31 décembre vers 23h. Il n'est pas question d' "attentat" terroriste, et précisé qu'il est incarcéré pour une autre raison. Mais il y est écrit que Chérif voulait s'en prendre à "un ancien codétenu". Or, c'est bien à l'un des protagonistes de l'affaire d'Outreau qu'il adressait ces menaces. Et il n'a pas été interpellé en train de faire le déplacement mais au domicile qu'il fréquente le plus souvent.

Bref, en voyant une telle "chose" au soir du 31 décembre, on se dit "mais qu'est-ce qu'il leur prend?

On n'ose imaginer un traquenard, peut-être même morbide, de la part d'on ne sait qui. Ce serait là une vilaine théorie du complot, et tout le monde sait bien que les complots n'existent pas. 

Toujours est il qi'au fil des Tweets, le Chérif "potentiellement armé" de la police devient un Chérif "armé et extrêmement dangereux", puis il est même déclaré "en fuite", et on a senti une certaine frénésie se mettre en place sur Twitter, malgré beaucoup de commentaires apelant à la raison.

FireShot Capture 2 - La Plume Libre sur _ - https___twitter

On est finalement rassuré que Chérif n'ait pas croisé un escadron de policiers fatigués et aux aguets ce soir-là. Qui sait ce qu'il aurait pu arriver? La bavure eut été énorme.

Cet incendie, allumé on ne sait trop par qui ni comment, mais on devine un peu pourquoi, a été éteint.

L'info n'a pas été reprise dans les médias, mais il sera intéressant de comprendre comment cet amalgame a été fait entre une "alerte attentat" et un jeune homme en crise de nerf qui menace quelqu'un qui, selon lui, lui a fait du mal.

 

L'affaire d'Outreau, un réseau pédophile sans coupables

Espérons que ces articles ne sont pas les premiers d'une série de "reportages" et autres fake news destinés à nous apitoyer encore une fois sur le sort de ceux qui sont appelés "les acquittés d'Outreau", et/ou à décrédibiliser les victimes.  

Chérif, il faut le rappeler, a été reconnu victime de viols répétés, par différents adultes. D'autres enfants ont décrit les mêmes faits, au total 12 d'entre eux ont été reconnus comme victimes à l'issue du procès en appel.  

Il faut redire ce dont il a été question: Les enfants avaient décrit au cours de l'instruction, mais aussi à la barre dans des conditions effroyables, de véritables partouzes pédophiles, des échanges de billets de banque, des actes filmés, en France mais aussi en Belgique, où ont eu lieu de nombreux déplacements. Ce qui manque dans cette affaire, ce ne sont pas les éléments, ce ne sont pas les victimes, car on en compte tout de même 16 dans les dossiers Outreau et dans un dossier lié au même réseau mais qui a été disjoint, par exemple. Non, ce qui manque ce sont les coupables. 

Comme l'avait dit l'une des victimes, à l'issue du procès de Daniel legrand à Rennes en 2015, "Le combat n’est pas terminé, ça fait 10 ans que je me bats et c’est pas terminé, c’est très très loin d’être terminé …". Malgré la propagande à travers des articles, des livres, des films ou des conférences ubuesques, qu'on a connus jusqu'à présent, et désormais les histoires d' "alertes attentat" bidons, l'Histoire fait son chemin.

 


[1] Wiel avait tout été condamné à 7 ans de prison en première instance, puis a été acquitté en appel. 

[2] Dans son livre "Que Dieu ait pitié de nous" publié en 2006, Wiel déclare que les deux couples condamnés sont innocents ou presque, et il a même été jusqu’à écrire une lettre ouverte aux deux ainés du couple D. pour les traiter de menteurs.  Il leur écrit : "je n’ai jamais cru à vos récits de viols, et même jamais cru à la culpabilité de vos parents". Ceci, alors que ces deux enfants ont été reconnus comme victimes, de leurs parents et d’un autre couple, et indemnisés pour cela (modestement comparé aux sommes mirobolantes perçues par les acquittés, mais ils ont été reconnus victimes par la même justice qui a acquitté Wiel).

[3] Myriam Badaoui, qui avait parlé avant les procès, avait d'ailleurs fourni une explication sur cette célérité du curé à faire revenir ses enfants au domicile où ils ont subi tant d'abus.