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7 novembre 2007

Le rapport Balladur ou comment aplanir les contradictions

Depuis quelques jours, les médias parlent d'un certain "rapport Balladur" sur les institutions. En effet, les institutions sont mises à mal par Notre Très Cher Président, alors on a le choix entre changer la constitution ou forcer Sarko à s'y plier. On a, étrangement, opté pour la première solution.
Chacun a son point de vue sur la question, de Bayrou dénonçant "la dérive des institutions" au PCF , les avis sont relativement réservés. Même le PS s'est réveillé quelques jours pour l'occasion. Malgré 15 révisions constitutionnelles depuis 1995, le Comité Balladur a donc été chargé par Sarko de rédiger un rapport -de 98 pages- intitulé "Une Vè République plus démocratique" pour adapter les institutions au régime Sarkozy.


Déjà, ce genre d'intitulé pompeux met la puce à l'oreille, et rappelle l'adjectif "démocratique" dont s'était affublée la RDA, justement parce qu'elle n'était pas franchement démocratique, ou la République Démocratique du Congo, par exemple... Voici la composition du Comité:

-Edouard Balladur, président. Edouard sur lequel Sarkozy a misé en 1995, alors qu'il se présentait contre Chirac au RPR, ce qui a valu à Sarko une petite période de vacance.
-Jack Lang, vice-président. Ancien ministre. Fraîchement arrivé dans le Sarkoland.
-Pierre Mazeaud, vice-président. Ancien président du Conseil constitutionnel.
-Denys de Béchillon, professeur de droit public.file_286789_26647
-Jean-Louis Bourlanges, député européen.
-Guy Carcassonne, professeur  de droit public.
-Jean-Claude Casanova, président de la Fondation nationale des sciences politiques.
-Dominique Chagnollaud, professeur de science politique.
-Olivier Duhamel, agrégé de droit public, ancien député européen.
-Luc Ferry, philosophe, ancien ministre.
-Anne Levade, professeur de droit public.
-Bertrand Mathieu, professeur de droit public, président de l'Association française de droit constitutionnel.
- Olivier Schrameck, conseiller d'Etat, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon.


Le rapport est subtil, et dénonce dès l'introduction "la quasi tutelle" de l'exécutif sur le Parlement. On nous explique tout de même, histoire de se dédouaner, que c'est De Gaulle qui a commencé à présidentialiser le régime, c'est-à-dire à renforcer les pouvoirs du président et à limiter fortement les contre pouvoirs. C'est vrai, mais ce n'est pas la peine d'en rajouter, pourrait-on se dire. Voyons donc les fameuses propositions Ballaudur censées "rééquilibrer" et "clarifier" tout ça. Certes, c'est une bonne idée de "clarifier" le rôle du Premier ministre, si toutefois il a encore un rôle aujourd'hui...

Après quelques constats affligeants comme celui-ci: "De même, chacun sait (ah bon?) qu’en dehors des périodes de « cohabitation », ce n’est pas le Gouvernement qui, comme en dispose l’article 20 de la Constitution, « détermine (…) la politique de la Nation » mais le Président de la République" où on nous explique calmement qu'on s'assied ni plus ni moins sur les principes constitutionnels (qui ont tout à fait lieu d'être ne serait-ce que pour éviter une dictature), le Comité en vient au fait.
Il s'agit donc :

  • "de mieux définir le partage des rôles entre les gouvernants et, surtout, à encadrer davantage l’exercice des attributions que le Président de la République tient de la Constitution elle-même ou de la pratique politique et institutionnelle."
  • "de renforcer le Parlement". Notons bien cette volonté farouche du Comité.
  • Et enfin la meilleure: "mieux assurer et garantir les droits des citoyens". En 98 pages, ce serait bien un tour de force que d'y parvenir.

Tous ces projets doivent être soumis, un jour, au Parlement (Parlement = Assemblée + Sénat). Dans quel ordre, on ne sait pas, on ne sait pas non plus si ce sera en bloc ou en morceaux. Chose magnifique, on apprend que le Comité a tenu, après quelques tergiversations,  à conserver la responsabilité du gouvernement devant le Parlement (le fait que la gouvernement puisse être viré par le Parlement, et que le Parlement peut poser des questions au gouvernement et lancer des commissions d'enquête sur les politiques gouvernementales), qui un des piliers de la démocratie française.

 
sarkoLe premier chapitre s'intitule : "Un pouvoir exécutif mieux contrôlé".

    Avant même d'avoir lu le texte, le titre nous promet, au contraire, un relâchement de ce contrôle, sinon il n'aurait pas été utile de le préciser si vite. Le Comité considère que, comme le Président est élu au suffrage universel, il a "un rôle politique prépondérant".
    Or, selon la Constitution actuelle, le Président est surtout chef des armées et de la diplomatie, la politique intérieure étant menée par le 1er ministre, qui "dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13,  il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires".
    Le gouvernement "détermine et conduit la politique de la Nation" (art 20). La répartition des pouvoirs semble claire, ce qui la complique c'est que Sarkozy ne tient absolument pas compte de cette constitution, et fait à sa manière en confondant la République française avec l'administration Bush.

    "On peut penser que le moment est venu de rompre avec l’équivoque,
ce qui aurait pour avantage de donner une plus juste image de la réalité, compte tenu de la pratique politique dominante depuis près d’un demi-siècle." Je trouve cette phrase magnifique tant la mauvaise foi et le contre sens sont criants. Au lieu de corriger Sarko qui se moque de la légalité, on argue du fait que depuis quarante ans la tendance au présidentialisme se renforce, pour ensuite dire qu'il faut adapter la loi au comportement limite autocratique de Sarko. Ce n'est pas dans ce sens-là que les choses évoluent dans un état de droit, en principe.

    Le Comité a donc jugé plus intelligent, tout simplement, de donner au chef de l'Etat la compétence de "déterminer la politique de la Nation", à la place du Premier ministre, ainsi que celle de renvoyer le premier ministre sans avoir à attendre une démission de sa part (ce qui est déjà le cas dans les faits).
En cas de cohabitation, serait-il normal que le Président détermine la politique nationale à la place du gouvernement censé représenter la majorité?

    Le Comité avoue lui même qu'il fut confronté à un  dilemme assez complexe: en France nous sommes dans un régime semi parlementaire, ou semi présidentiel, enfin quoi qu'il en soit il y a deux sources de primauté du pouvoir: le Parlement et le Président. Donc, on ne peut amputer les prérogatives de l'un sans forcément opter pour l'autre. En d'autres termes, si on diminue les prérogatives du Parlement, on tombe dans un régime Présidentiel et vice versa. Et en cas de divergences politiques entre les deux, aucun ne doit l'emporter trop clairement.

La Défense nationale passerait également de la compétence du gouvernement vers celle de Président.

Ensuite, on veut "moderniser" les attributions dudit Président, car "les exigences d’une démocratie qui se veut exemplaire s’accommodant de moins en moins d’un exercice du pouvoir qui n’est, en pratique, borné par aucun contrôle". On ne leur fait pas dire!

Le Comité a donc envisagé trois grands axes pour cette "modernisation":

1 – Inviter le Président de la République à rendre compte de son action devant la représentation nationale

Aujourd'hui, au nom de la séparation des pouvoirs, il ne peut y avoir de débat direct (c-à-d entre le Président et les députés)  à l'Assemblée au sujet de la politique menée par le Président, qui ne peut pas venir y défendre ses choix. Or, au nom de la "transparence", le Comité estime qu'il serait bon que cela puisse se faire, sans toutefois aller jusqu'à débattre des positions présidentielles s'il elles sont soumises à un vote. Pourtant, selon les statuts, le Président n'a rien à faire à l'Assemblée nationale, qui est le lieu du pouvoir législatif et pas de l'exécutif (qui, comme son nom l'indique, veille à la bonne exécution des politiques nationales.)

De plus, pourquoi le Président viendrait s'expliquer devant le Parlement, puisque c'est le gouvernement qui est responsable devant le Parlement, et que c'est encore ce gouvernement qui est censé mener la politique nationale. Enfin, le Président peut déjà renverser le Parlement si jamais il ne veut pas voter une loi que le président veut absolument faire passer, comme l'a déjà fait Chirac avec le succès que l'on sait.

Magnifique, la proposition selon laquelle le Président peut, "à sa demande", répondre aux questions d'une enquête parlementaire. Et quand bien même, Sarkozy a fait passer une réforme interdisant toute poursuite, même au civil, contre un Président en exercice.

2 – Encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République

Peu de changements quant à ce volet, les choses sont précisées entre les nominations qui sont simplement du ressort du président, du Conseil des ministres ou d'une commission parlementaire.

3 – Rendre plus démocratique l’exercice des pouvoirs du chef de l’Etat

On envisage de supprimer le droit de grâce collectif (comme pour les PV de stationnement), mais de maintenair la grâce individuelle, qui n'est pas plus démocratique mais bien moins cohérente. Le Conseil supérieur de la magistrature devrait toutefois donner un avis (contraignant ou pas?) sur la demande de grâce auparavant.

On en vient ensuite au fameux article 16 qui permet au Président d'établir l'état d'urgence ou l'état de siège "lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu". Le risque terroriste est si prégnant qu'on va maintenir des "dispositions d'exception". Pourtant, Sarko a déjà utilisé l'état d'urgence lors des émeutes en novembre 2005, ce qui n'était pas justifié puisque l'"indépendance de la Nation", "l'intégrité du territoire" et "les engagements internationaux" du pays n'étaient pas menacés par les bandes de jeunes énervés des cités difficiles. Il serait donc peut-être opportun de préciser ce qui rentre dans le cadre de l'état d'urgence, puisque manifestement Sarko n'a pas bien compris.

On peut quand même reconnaitre que le Comité prévoit que des parlementaires puissent mettre fin à cet état d'urgence un mois après qu'il ait commencé, en saisissant le Conseil constitutionnel.

Mais, autre modification importante, alors qu'actuellement il faut un vote positif du parlement pour prolonger l'état de siège, il faudrait simplement une loi (qui peut donc venir du gouvernement ou du Président) pour le prolonger, ainsi que l'état d'urgence.

En ce qui concerne les modifications de la constitution, el Président ne pourra pas aller contre l'avis du Sénat et de l'Assemblée, si les deux sont d'accord. C'était déjà plus ou moins dit dans la Constitution, mais dans les faits le Président pouvait bloquer l'ordre du jour des Assemblées ad vitam eternam.

Le temps de parole du président, qui aujourd'hui n'est pas compté, serait compté avec celui du Gouvernement.


Pour le Budget de la Présidence:

"Le Comité recommande, en premier lieu, que soient inclus dans le budget de la présidence de la République, dans un double souci de transparence et de bonne gestion, l’ensemble des charges qui lui incombent (...) que les emplois de cabinet occupés par les collaborateurs du Président de la République soient créés en tant que tels et qu’ils soient assortis des échelles de rémunération et régimes indemnitaires idoines. Il n’y aurait d’ailleurs que des avantages, a observé le Comité, à ce que cette règle fût appliquée à l’ensemble des cabinets ministériels." C'est d'ailleurs à ce titre que le budget de l'Elysée va être triplé, afin de rémunérer les innombrables conseillers et autres chargés de mission que sarko a disséminés entre l'Elysée et les ministères, lui qui avait justement promis la transparence et la diminution de ce type de poste purement népotiques.

Le Comité préconise donc "une forte augmentation de la dotation annuelle, qui doit par ailleurs s’adapter aux exigences d’une présidence moderne", comme si une "présidence moderne" était forcément plus dépensière que la Chiraquie, alors que Sarko avait promis une baisse des dépenses pendant la campagne, soit dit en passant.

336290_415142Les comptes seraient contrôlés par la cour des Comptes tous les ans, ce qui n'est pas une mauvaise idée.

Un point important est le parrainage pour les élections présidentielles. C'est un grand enjeu pour la démocratie que cacun ait la possibilité de se présenter au suffrage. Pour l'instant, un candidat doit recueillir 500 signatures de maires, sur 36 000 communes, ce qui n'est pas complètement impossible si on laisse aux maires la possibilité de donner leur signature à qui ils veulent, y compris à un candidat d'un autre parti.

Le Comité propose donc « que la sélection des candidats soit le fait d’un collège de quelque cent mille élus (soit plus du double du nombre des personnes susceptibles, dans le système actuel, de parrainer des candidatures) composé des parlementaires, conseillers régionaux, conseillers généraux, maires et délégués des conseils municipaux qui, sélectionnés à proportion de la population qu’ils représentent, seraient appelés, au chef-lieu du département, à désigner, à bulletin secret, le candidat qu’ils souhaitent voir concourir à la présidence de la République. » Bien sûr, il y aurait un seuil de voix au dessous duquel un candidat serait éjecté de la campagne, seuil qui reste à déterminer.

Un tel système ne favorise vraiment pas les candidats qui se trouvent hors des grands partis, mais le but est bien là si l’on en juge par ce que le Comité déclare lui-même, puisque cette mesure « permettrait d’atteindre l’objectif poursuivi en vain ces dernières années : donner au premier tour de l’élection présidentielle la qualité d’un scrutin qui engage l’avenir du pays en offrant aux citoyens la possibilité d’un choix clair entre les représentants des principaux courants politiques qui concourent à l’expression du suffrage ».

Il faut aussi reconnaître que le même Comité envisage la sélection des candidats par les électeurs eux-mêmes, mais on peut légitimement s’attendre à ce que cette option soit mise au placard directement.

 

Le chapitre II s’intitule « Un Parlement renforcé »


Au détour de ce chapitre, le Comité nous révèle sa vision du rôle du Parlement : « voter les lois et contrôler le Gouvernement ». Mais le Parlement contrôle aussi l’exécutif, en principe, et en plus le Gouvernement, dans le Sarkoland, n’a quasiment aucun rôle, donc qu’il rende ou non des comptes devant le Parlement ne change rien.

Le Parlement serait donc maître de la moitié de l’ordre du jour (l’autre moitié restant du ressort du gouvernement), et le Sénat aussi, ce qui est une bonne idée. Jusqu’à présent, c’est le Président ou le Gouvernement qui choisissent l’ordre du jour, puisqu’ils peuvent retirer les sujets qui ne leur conviennent pas.

 

L’article 49.3 est un autre point important. L’article de base dit que « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est adoptée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ». En gros, si le Premier ministre sent qu’une loi ne va passer à l’Assemblée alors qu’il y tient beaucoup, il peut dire au Parlement : « Si vous ne votez pas la loi (= dépôt par le Parlement d’une « motion de censure » dans les 24 heures), ben vous devez me renvoyer avec mon gouvernement. Si vous ne voulez pas me virer, alors on fait comme si la loi était passée ». Ca marche presque à tous les coups, et ça permet de faire passer une loi qui n’a pas été votée. Le « 49.3 » a ainsi été utilisé 82 fois depuis 1958 –essentiellement pour des lois de finance et des lois sociales, et 46 textes sont passés en force de cette manière.

Le Comité propose donc « que le champ d’application de l’article 49, alinéa 3, soit limité aux seules lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire aux textes essentiels à l’action du Gouvernement ». Autant dire que rien ne change. Mais de toute manière, puisque la cohabitation est désormais hautement improbable, il y a très peu de chances pour que le gouvernement doive recourir à nouveau au 49.3.

Le Comité n’a pas jugé utile d’aller plus loin, « étant observé par ailleurs que le Comité formule des propositions complémentaires visant à lutter contre l’obstruction parlementaire ». Or, le Parlement, contrairement au gouvernement, est élu, et même de manière directe. Donc s’il y a « obstruction parlementaire », c’est au nom des électeurs.

Par exemple, si l’opposition veut vraiment ralentir la ratification d’un texte, voire l’empêcher, le seul moyen est de proposer de nombreux amendements, qui doivent être discutés avant d’être votés. Dans ce cas-là, le Gouvernement peut demander de voter sur l’ensemble du texte, ou sur une partie (sans les amendements). En 2003, le gouvernement y a eu recours pour faire passer sa réforme des retraites sans les amendements de l’opposition. C’est très contestable du point de vue démocratique, mais ce n’est pas nouveau, la démocratie est une notion protéiforme… Donc on ne change rien à cet article 44.3.

 

L’article 45 sur la procédure d’urgence, qui permet au gouvernement d’accélérer la signature d’une loi quand le Sénat et le Parlement ne se mettent pas d’accord après la première lecture (la 1ère session de débats portant sur le texte, dans chacune des Assemblées), en arguant d’une quelconque « urgence ». Le Comité propose que les 2 Assemblées ensemble puissent poser un veto à la mesure d’urgence, ce qui ferait repartir le texte de loi pour une 2è lecture dans chacune des Assemblées, voire une 3è, une 4è etc.

 

Le Comité s’attaque ensuite à l’ « inflation législative », qui est un des grands problèmes il est vrai. Trop de lois sont adoptées, souvent sans les décrets d’application (du Gouvernement et du Président) derrière.

La plupart des textes votés sont d’origine gouvernementale (on les appelle alors « projets de loi », et quand les textes sont d’origine parlementaire on parle de « proposition de loi »), et suscitent donc des débats aux Assemblées avant d’être votés, ce qui est parfaitement normal dans une « démocratie ».

image_31508654Pour remédier à cette terrible inflation, le Conseil d’Etat a eu l’idée d’imposer une « étude d’impact », c’est-à-dire un argumentaire expliquant l’intérêt d’une nouvelle loi. A défaut, le texte ne serait pas recevable. Une autre idée avancée par le Conseil d’Etat est de mettre un « contrôleur juridique » dans chaque ministère, « qui soit chargé de donner son visa à l’édiction des textes normatifs ». Personnellement, je ne vois pas bien ce que cela changerait, puisque ces « contrôleurs » seraient dépendants des ministères dont ils doivent réfréner les envies de légiférer, à moins qu’ils ne servent juste, comme c’est écrit dans le rapport à « éviter l’édiction de normes inutiles ou redondantes » ce qui, il est vrai, est une spécialité française.

 
Toujours dans l’idée de lutter contre l’ « inflation législative », le Comité se penche sur la question des amendements, devenus le seul moyen pour l’opposition de s’opposer aux délires législatifs de la majorité. Il y a, selon le Comité, « une véritable dérive du droit d’amendement ». La dernière législature (celle du dernier quinquennat de Chirac où bien sûr il n’y avait plus l’équilibre de la cohabitation) a vu proposés 137 665 amendements uniquement pour le projet de fusion GDF-Suez (GDF qui, nous avait promis Sarko, ne serait pas privatisée, alors que la fusion implique que l’Etat devienne minoritaire, et donc la privatisation), histoire de faire durer les discussions.

Mais les amendements sont aussi très utilisés par la majorité pour rajouter des mesures –qui parfois n’ont rien à voir avec le texte de base- à un texte, et faire ainsi avaler quelques couleuvres un peu discrètement au détour d’un texte laborieux comme peuvent l’être les projets de loi de finance ou le Budget.

Fort de ce constat, le Comité ne propose rien, si ce n’est quelques facilités pour les présidents des Assemblées de bloquer le dépôt d’amendements qui seraient contraires à la répartition des pouvoirs. Et le Gouvernement ne pourrait proposer que des amendements en rapport direct avec le texte de base, mais la jurisprudence disait déjà la même chose, sans succès.

On nous parle ensuite, pour lutter cette fois contre l’ « obstruction parlementaire », d’ « organisation concertée des débats », notamment en fixant une durée maximale pour les débats au moins à l’Assemblée. C’est la technique Sarkozy : OK pour discuter mais en 2 semaines, et si vous n’êtes pas d’accord on fait passer le texte quand même. Cela revient à nier le rôle de négociation qu’on les syndicats, et à nier le rôle d’opposition de l’opposition au parlement (au Sénat l’opposition n’existe que quand le gouvernement est de gauche, puisque le Sénat est toujours majoritairement de droite).

Les projets de loi seraient remis en forme par les Commissions parlementaires permanentes qui sont formées sur différents thèmes. Ces commissions prépareraient le texte qui sera soumis au vote des députés et sénateurs. Or, les Commissions reflètent la carte politique : elles sont tenues par la majorité. Une telle mesure laisserait donc encore moins de marge de manœuvre à l’opposition pour contester le fond même des textes de loi.

Le Comité évoque ensuite les « procédures simplifiées » d’adoption d’une loi, c’est-à-dire faire faire une grande partie du travail sur les textes en amont, avant de les proposer au vote. Ce sont donc des commissions, parfois travaillant directement avec le Gouvernement, qui prépareraient les textes. Seuls les 2 présidents d’Assemblée pourraient s’opposer à la « procédure simplifiée ».

Enfin, alors que précédemment le Comité Balladur cherchait à accélérer le processus d’examen des textes, il veut maintenant prolonger la durée du travail des commissions. Ces commissions auront ainsi tout loisir de consulter les « experts » et autres lobbies pendant qu’elles élaborent les textes. Il faudrait ainsi au moins deux mois entre le dépôt d’un texte et son examen par les députés ou sénateurs, selon l’assemblée où a été déposé ledit texte.

Pour renforcer le Parlement, donc, on compte «renforcer l’efficacité du contrôle parlementaire » :

 Conforter la mission du Parlement en matière de contrôle et d’évaluation des politiques publiques.

 Des questions orales aux commissions d’enquête parlementaire ou missions d’information, il existe de nombreux moyens qui permettent aux Assemblées de tenter de contrôler ce que fait l’exécutif, même si les réponses dudit exécutif restent fort évasives quand elles existent. Le Comité fait donc des propositions révolutionnaires:

- affirmer textuellement les fonctions de contrôle et d’évaluation du Parlement

- faire assister le Parlement par la Cour des Comptes

- créer un « Audit parlementaire national », c’est-à-dire un groupe de parlementaires « définissant un programme coordonné de contrôle et d’évaluation (…) et chargé, à titre principal, d’organiser les débats sur les suites à donner » aux informations fournies par la cour des Comptes dans le cadre des fonctions de contrôle du Parlement. En fait, quand une enquête sur un texte ou autre est commencée, la Cour des Comptes peut être sollicitée, et refournit un travail à chaque demande, ce qui fait perdre du temps.

- les questions d’actualité : « Il conviendrait que certaines séances de questions, réservées à l’opposition, soient consacrées à des sujets préalablement définis et que la réplique et la relance des questions soient possibles. ». On imagine la spontanéité des réponses si les questions sont étudiées à l’avance.

 Mieux contrôler l’application des lois, car le Comité estime nécessaire d’adapter encore une fois la loi à une pratique courante, à savoir le fait que le député ou sénateur rapporteur d’une loi (celui qui la présente au vote et a souvent travaillé à son élaboration) soit aussi chargé de vérifier sa mise en application (notamment le temps que mettent les décrets d’application à venir)

  Autoriser le Parlement à adopter des résolutions (textes qui n’engagent à rien et servent juste à exprimer une opinion, comme les résolutions de l’ONU par exemple, même si parfois elles sont censées être obligatoires).

 Faire du Parlement un acteur de la politique européenne. Il est vrai que seul le Président est habilité à ratifier les traités, ce qui serait logique dans un régime présidentiel. Cela se ferait via la création d’un « comité des affaires européennes », puisque les groupes consacrés à l’Europe ne font manifestement pas leur travail. Ils devraient suivre les politiques européennes et vérifier que les compétences sont bien respectées.

Les traités d’élargissement de l’Union européenne seraient ratifiés par le Parlement, et ne seraient donc plus soumis à référendum, malgré le fait que cela modifie les institutions (auquel cas, en principe, un référendum est obligatoire).

Il faudrait aussi, selon le Comité, accélérer la procédure de transposition des directives européennes, qui ne sont applicables en France qu’une fois transformées en lois françaises. Or, cela peut prendre des années, ce qui nous a valu quelques amendes de l’UE.

 Elargir la compétence du parlement en matière de sécurité et de défense : le Gouvernement doit le tenir au courant de ce qu’il fait dans ces domaines.

Autre mesure pour revaloriser le Parlement : revaloriser la fonction parlementaire, via notamment l’interdiction du cumul des mandats, mesure qui n’a jamais réussi à passer en France.

 

Le chapitre III s’intitule : « des droits nouveaux pour les citoyens ».

 

Diantre, enfin une démocratie ? Nos décideurs seraient-ils tombés sur la tête ? Qu’on se rassure, il s’agit juste de "la mise en place d’un autorité nouvelle, chargée de coordonner et de mieux assurer la défense des libertés de la personne humaine et de ses droits fondamentaux et d’un Conseil du pluralisme chargé de veiller à la liberté d’expression et au pluralisme des courants de pensée et d’opinion dans le domaine de l’information et de la communication audiovisuelles ; l’une et l’autre de ces institutions nouvelles verraient leur existence consacrée dans la loi fondamentale ". Je tiens juste à préciser qu’en ce qui concerne l’audiovisuel, Sarkozy est en train de vider de leur contenu les lois anti concentration. Cela signifie que bientôt, un seul groupe de presse pourra avoir la quasi-totalité des médias, ce qui en termes de « pluralisme » est loin d’être la panacée.

Autres propositions :balladur

Améliorer la représentativité des Parlementaires, sans pourtant revenir sur le mode de scrutin (majoritaire et non proportionnel comme le demandent les « petits » partis). Le Sénat, qui n’est pas élu par le peuple mais par des élus du peuple (le " comité des grands électeurs » composé « de représentants des 36 780 communes, 100 départements, 26 régions et 5 collectivités d’outre-mer dotées d’un statut spécial"), et qui reste à droite même sous une majorité de gauche, restera élu indirectement. On ne touche surtout pas à cet état de fait, critiqué par la gauche depuis des dizaines d’années, mais qui favorise la droite rurale traditionnelle. Toutefois, le Sénat sera censé représenter les populations quantitativement, en plus seulement les zones géographiques.

 
On compte aussi redécouper les circonscriptions, ce qui est le petit jeu habituel des fins de mandat, histoire d’assurer sa réélection. Je vous remets le texte, qui parle de lui-même tellement il n’engage à rien : "
Pour assurer le respect de l’égalité du suffrage, la loi organique fixe les conditions dans lesquelles une commission indépendante, dont elle détermine la composition, rend un avis public sur les projets de loi tendant, pour une durée de dix ans, à délimiter les circonscriptions dans lesquelles sont élus les députés ou les sénateurs et à répartir les sièges entre ces dernières."

Ensuite, il s’agit de "moderniser" le conseil économique et social (CES), qui cette fois peut aussi donner un avis sur les projets de loi concernant l'environnement, en plus des domaines économique et social.

L'idée de "référendums d'initiative populaire" est lancée (mais c'est un bien grand mot), pour "tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions" (mêmes domaines que les référendums sur initiative du Président). On propose donc qu'un cinquième du Parlement,  soutenu par un dixième des électeurs, peut déposer un projet de référendum, qui doit être accepté dans les 2 Assemblées. En fait il s'agit d'un recul puisque pour ces  domaines, aujourd'hui, le Président doit lancer un référendum.
 

 

On se préoccupe également de simplifier la procédure de modification de la Constitution. Actuellement, les deux assemblées doivent voter un texte identique ou si c’est le Président qui a l’initiative, le texte doit être voté par les 3/5è de l’Assemblée. Maintenant, si les 2 assemblées ne se sont pas mises d’accord après deux lectures du texte, le Président choisit le texte du Sénat ou de l’Assemblée s’il a été voté par les 3/5è des parlementaires, et le présenter en référendum.

 
Nous en arrivons au point intitulé « Une justice mieux garantie », ce qui n’est pas sans faire sourire à une époque où la justice devient de plus en plus répressive (double peine, peines plancher, loi sur la récidive, fichage ADN quasi systématique pour certains délits…) et duale (dépénalisation du droit des affaires, non lieux banalisés pour les abus de biens sociaux…). Que nous propose donc la Comité Balladur ?

- rénover le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), à la composition ésothérique. C’est le CSM qui nomme aux hautes fonctions de la magistrature, et qui prend des mesures disciplinaires contre les magistrats. Il est présidé par le Président de la république, mais le Comité propose que le Président nomme le chef du CSM. Ce qui, soyons honnêtes, revient au même. On compte aussi varier un peu le profil de ses membres, mais bon au final ça ne change rien. Il donnerait aussi son avis sur les nominations des Procureurs.

- Les citoyens pourraient saisir directement le CSM en cas de doute sur la régularité d’une procédure. Ce n’est pas une mauvaise idée, reste à voir comment on peut l’appliquer vu le risque d’une avalanche de demandes de la part des « justiciables ».

- Protéger les droits fondamentaux. Le Comité nous explique que les principes fondamentaux présents dans la Constitution ne sont pas « intangibles ». Ah bon, pourtant s’il est une norme intangible, en principe, ce sont les droits fondamentaux. Bien qu’ils ne soient jamais appliqués parce que trop flous, il est quand même bon de les voir présents au sommet de la hiérarchie des normes. Le Comité se garde de proposer de nouveaux principes fondamentaux ou de préciser certains termes de ces droits fondamentaux.

- Le Comité propose que les citoyens puissent saisir un juge qui lui-même saisira le Conseil constitutionnel, chargé de vérifier la conformité des lois votées en France par rapport à la Constitution. A noter : n’importe quelle norme européenne ou internationale étant supérieure à la Constitution française, il est impossible de les remettre en cause, même si elles vont à l’encontre de nos principes fondamentaux.

- La mise en place d’un Défenseur des droits fondamentaux. Selon moi, il s’agit là d’une hypocrisie sans nom, puisque les droits fondamentaux, en gros, ne servent qu’à faire joli dans la Constitution. Par exemple, on a « droit à la santé », mais étant donné que la sécurité sociale a pris du plomb dans l’aile et que les mutuelles sont payantes, ceux qui n’ont pas un budget suffisant ne peuvent plus revendiquer ce « droit à la santé ». Ce sera bientôt pareil pour le « droit à l’éducation », par exemple. Désigné par l’Assemblée, ce Défenseur des droits fondamentaux (et probablement deux « adjoints » ce qui n’est pas de trop) remplacerait les multiples organismes comme la CNIL, le Médiateur de la République etc. mais aucune de ses recommandations ou « injonctions » n’est obligatoire.

- Autre mesure parfaitement hypocrite en Sarkoland : la création d’un Conseil du pluralisme. En théorie, la pluralité dans les médias est un principe constitutionnel. En effet, pendant la 2è Guerre Mondiale on s’est aperçu que les organes de presse étaient entre les mains du patronat, qui s’en servait pour sa propagande collaborationniste et pétainiste. On a donc cherché à remédier à cet état de fait en empêchant un propriétaire de médias de posséder plusieurs journaux nationaux, par exemple. Ce sont les lois anti-concentration. Mais, de dérogations en révisions législatives, on en est aujourd’hui à parler de groupe de presse dominats, pour faire concurrence aux Murdoch et autres Pearson, qui sont des groupes médias très puissants. Chez nous, Sarko aimerait que son ami Bouygues (premier propriétaire de médias en France) fasse concurrence à ces mastodontes. Or, la situation est déjà grave, si l’on considère que la plupart des médias français appartiennent à des groupes industriels, comme Bouygues (BTP), Lagardère ou Dassault (armement). Que ce soit la fédération européenne des journalistes, ou les syndicats nationaux via l’intersyndicale des journalistes, tous tirent la sonnette d’alarme quand à l’indépendance des médias et au pluralisme de l’information (pétition ici). Si les médias appartiennent à quelques pontes de l’industrie, quelle liberté d’expression reste t-il ?  

 Que nous propose donc le Comité Balladur pour remédier à cela ? Un Conseil ayant « une vision globale » de la situation des médias en France, avec les compétences suivantes : « fonctions consultatives, recommandations aux pouvoirs publics, avis ou autorisations dans le cadre des procédures administratives, sanctions, rapports annuels sur l’état du pluralisme. » Voilà qui assurera au citoyen une information digne de ce nom.

Voilà donc une réforme qui n'en est pas vraiment une. Quelques avancées timides contre beaucoup de reculs significatifs, notamment en ce qui concerne le référendum. Des effets d'annonce grandiloquents comme le "référendum d'initiative populaire", mais qui ne changent absolument rien, d'autres reculs notables dissimulés dans des articles scabreux... A quoi peut bien servir ce rapport? Probablement à conforter en douceur un régime de type présidentiel.


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