G20: cris dans la rue et tractations de couloirs
Juste après la réunion du
Bilderberg, les politiques ont fait leur G8, suivi du G20. Comme on s’y
attendait, il s’agissait surtout de ne rien faire. Car depuis le début officiel
de la crise fin 20071],
les sommets et les grandes déclarations se sont multipliés, pourtant rien n’a
changé.
Au
final, donc, après quelques jours de réunion à grand frais (1,2 milliard de
dollars), les pays ont décidé de ne rien décider et que chacun fait comme il le
sent. Donc l’Europe continue à se couler elle-même avec son austérité
improductive, pendant que les Etats-Unis misent sur une politique de relance2]
et que nombre de pays asiatiques ou latino américains continuent à se
développer.
Ambiance sécuritaire
Accessoirement,
ce G20 était le cliché même du délire actuel, de la déconnexion totale entre
les « dirigeants » et la réalité de ce que vivent leurs sujets.
20.000 flics, des tireurs d’élite, des avions de chasse étaient sur le pied de guerre et avaient quasiment tous pouvoirs,
comme on l’a déjà vu à Strasbourg l’année dernière, par exemple. Les canadiens ont ainsi pointé du doigt des « pouvoirs
spéciaux » octroyés par décret aux flics pendant le sommet, permettant de fouiller les gens qui se trouvaient à moins de 5 m de la
clôture de sécurité, et pouvaient les arrêter s’ils n’avaient pas de papiers.
En outre, les flics pouvaient fouiller et arrêter n’importe qui dans l’ensemble
du périmètre de sécurité, et toutes les rues qui s’y trouvent. Le problème,
c’est que les gens n’en avaient pas été informés. 900 personnes ont été
arrêtées durant ces trois jours, y compris dans des zones autorisées, du jamais vu Canada3].
Bref,
les canadiens disent qu’on a bafoué leurs libertés civiles, un truc qui ne viendrait même plus à
l’idée d’un manifestant gauchiste en sarkoland. On avait presque oublié cette
notion, d’ailleurs. Eux réclament une enquête publique.
Et
puis, comme c’est le cas chez nous sauf que ça ne se dit jamais dans les médias
commerciaux, des observateurs de l’Association canadienne des libertés civiles
(ACLC) ont relaté des dizaines de « gestes illégaux » de la part des flics. Pire : des
manifestants, dont le dirigeant d’un grand syndicat, dénoncent la présence
d’agents provocateurs masqués et armés de matraques qui circulaient tranquillement dans le
centre ville pour tout casser pendant que les manifestants pacifistes se
prenaient les CRS locaux dans la figure. Certains disent qu’il s’agissait des Black Blocks,
connus pour ce genre de débilités. Facile, d’autant qu’on n’en a jamais arrêté
un. Par contre, on a vu des types qui ressemblaient à des Black Blocks se
réfugier derrière les cordons de flics ou monter dans leurs camionnettes. A
Toronto, ils ont même été filmés. Comme ce fut le cas en 2007 au sommet de
Montebello, où cette fois la Sureté du Québec avait du reconnaître, face aux vidéos,
qu’elle avait eu recours à des agents provocateurs.
Une
des vidéos, explique le quotidien Le Devoir, montre clairement des flics déguisés en manifestants, « parfois armés de matraques et de bâtons, qui
se réfugiaient derrière un cordon de sécurité de la police. L’un d’eux est
habillé tout en noir avec un capuchon sur la tête, comme les radicaux du Black
Bloc qui vont aux manifestations pour faire du grabuge ».
Au
passage, la police a reconnu que certains objets qu’elle avait présentés comme
étant des armes appartenant à des manifestants (comme par exemple une arbalète,
une scie mécanique, un bouclier et des
bâtons4])
n’avaient en fait jamais appartenu à des manifestants. Une autre fois, juste avant
le sommet de Québec sur le libre échange nord américain en avril 2001, la
police avait arrêté un groupe équipé de bâtons, fumigènes, simulateurs de
grenades et masques à gaz, affaire qui a fait grand bruit dans les médias et
permis de justifier les mesures de sécurité importantes prises lors du sommet.
Pas de chance, il est apparu très vite que ce groupe, appelé Germinal5],
était un coup monté : il était infiltré par des flics et d’anciens
soldats, qui en plus ont poussé pour l’utilisation de cocktails Molotov, ce que
les autres ont refusé.
Pendant
que rien ne se passe dans les salles de conférences, la rue tente de se faire
entendre. Pourtant, aucune chance : la seule réponse est de pourrir les
manifestations et de criminaliser les militants. La pensée unique ne souffre
aucune contradiction.
Enfin
bref, pour en revenir au G20, le cirque a continué comme d’habitude. Ca c’était
pour l’ambiance dans les rues, passons à celle des salons feutrés.
Officiellement,
le but de ce sommet était carrément de sortir de la crise. Nous y sommes
encore, et pour un bon moment. Pas étonnant : c’est déjà le quatrième
depuis novembre 2008, et aucun de ces G20 n’a abouti à quoi que ce soit de
positif du point de vue de l’intérêt général. Pourtant, les dirigeants
s’étaient félicités largement de nous avoir fait entrer dans un « nouvel ordre mondial » de l’économie, sarkoléon
avait déclaré après le G20 d’avril 2009 que « le temps du secret bancaire
est révolu » et la taxe sur les banques était considérée comme acquise
il y a plus d’un an6],
comme si leurs incantations suffisaient à changer les choses.
Paradoxalement,
les gesticulations des dirigeants sont inversement proportionnelles aux
résultats, et les médias manquent clairement de recul.
On
n’a abouti à rien, encore une fois parce que les lobbies ont su, eux, se faire entendre. Ainsi, les 25 et 26 juin s’est déroulé
le « sommet d’affaires du G20 », organisé par le Conseil canadien des
chefs d’entreprise (CCCE). « Le
secteur privé a un rôle crucial à jouer dans l’atteinte d’une croissance forte,
équilibrée et durable », a déclaré le ministre des Finances canadien Flaherty,
« J’espère qu’en plus d’éclairer les
discussions des dirigeants du G20 ce
sommet permettra aux entreprises de nous aider activement à trouver des
solutions pratiques aux problèmes auxquels toute la communauté internationale
est confrontée. Je serai heureux d’entendre leurs conseils au sujet des moyens
d’enclencher une reprise solide de l’économie mondiale. » Le décor est
donc planté.
Le
programme était pour le moins ambitieux, avec des thèmes de travail cruciaux
tels que la « croissance durable et équilibrée », la « réforme
du secteur financier », la «
réforme des institutions financières internationales » ou encore le
« commerce international et la croissance ».
Cherchez
le mot « social », il n’y est pas. Ce programme était tellement
utopiste que l’éléphant a accouché d’une souris, d’ailleurs peut-être était-ce
même une grossesse nerveuse.
Ce
n’est pourtant pas ce qui apparaît quand on lit la déclaration du sommet, qui relève davantage de
l’autocongratulation que du programme. Pour ce qui est des engagements, ils
restent limités : « nous nous
engageons à agir ensemble pour honorer les engagements de réformer le secteur
financier que nous avons pris aux sommets de
Washington, de
Londres et de Pittsburgh ». En gros, depuis deux ans on ne
fait que jaser.
Alors
qu’on nous parle des « progrès
accomplis par le comité de Bâle » (censé réguler la finance et les
banques) en citant par exemple « le
montant des capitaux [qui] sera
beaucoup plus élevé »7],
même le Financial Times explique que ledit comité
« recule » face au lobbie bancaire8],
et va assouplir les exigences de
liquidités, c’est-à-dire l’importance des fonds propres que doit avoir une
banque pour effectuer des prêts et autres, actuellement fixés à 8%9]
du total des prêts. Au lieu de faire ce qui est dit dans les sommets, on fait
l’inverse. Pourtant, le communiqué du
G20 ose dire que « Le montant des
fonds propres sera beaucoup plus élevé lorsque les nouvelles réformes auront
été entièrement mises en œuvre »10].
De
même, nos dirigeants ne sont pas peu fiers d’eux quand ils expliquent que
« grâce aux mesures stratégiques
extraordinaires et hautement coordonnées dont nous étions convenus lors des
Sommets du G‑20 tenus à Washington, Londres et Pittsburgh, l’économie mondiale
récupère plus rapidement que prévu. Nos actions décisives et sans précédent des
deux dernières années ont contré le ralentissement de l’économie et stimulé la
reprise ». Les « actions sans précédent » étant des plus discrètes
au regard de la récession qui s’installe et des difficultés économiques des
classes moyennes et populaires. Le FMI continue à imposer des mesures
d’austérité contre productives pour les pays, y compris en Europe11],
les paradis fiscaux se portent bien, merci, et en matière de régulation
financière et de transparence de la spéculation, ni sœur Anne ni personne ne
voit rien venir non plus.
On
nous promet –encore une fois- de réguler
un peu d’ici fin 2012, de manière adaptée à chaque pays, et on parle vaguement
de transparence, de « mettre un place un système » pour éviter de
faire payer les contribuables à chaque crise, et même de « protéger les contribuables ». Car, nous disent ces messieurs : « Nous convenons que la corruption menace
l’intégrité des marchés, porte atteinte à la juste concurrence, fausse
l’allocation des ressources, mine la confiance du public et affaiblit la
primauté du droit ». Nous voilà rassurés. Et pour la situation
sociale, on repassera.
A
un moment, on peut lire une fois le mot « chômage », jugé « inacceptablement élevé dans de
nombreux pays du G20 ». Mais qu’on ne s’y trompe pas, pour nos
dirigeants, la reprise passe surtout par le « redressement du secteur
financier »12].
En
effet, il est quand-même étonnant de lire, après quatre G20, que ces messieurs
sont « résolus à prendre des mesures concertées pour soutenir la reprise,
créer des emplois er assurer une croissance plus forte », ce qui est
devenu le lieu commun le plus banal des discours européens et internationaux
depuis plus de 60 ans. Pourtant, là encore, force est de constater que les
résultats ne sont pas à la hauteur du lyrisme de ces déclarations. Pêle-mêle,
on nous présente les différents vœux pieux, dont certains, comme
« développer les marchés financiers », ont plus de chances d’être
concrétisés que les autres (tels que « renforcer les filets de sécurité
sociale » ou « investir dans les infrastructures »).
Dans
la plus pure orthodoxie ultra libérale, on propose aussi de « renforcer la compétitivité dans le secteur
des services », ce qui veut dire que ce qui n’a pas encore été
complètement privatisé, comme l’éducation nationale, les prisons etc. doit
l’être au plus vite. Pourtant, à terme, la compétitivité engendre la
concentration et donc l’absence de compétition.
Autres
idées géniales qui montrent que la fixation sur les normes fiscales, sociales
et sanitaires (appelées ‘barrières à la concurrence’) : « la réduction des barrières à la concurrence
dans les industries de réseaux (sic.) ainsi
que dans les secteurs des services professionnels et du détail »,
« une réduction plus poussée des
barrières à la concurrence étrangère », mais encore « réduire les restrictions à la mobilité de la
main-d’œuvre (c’est la bonne vieille directive Bolkestein), accroître les occasions dans le domaine des
investissements étrangers, et simplifier la réglementation du marché des
produits dans les économies de marché émergentes. ». Cette
simplification, comme d’habitude, visera à éviter toute « entrave »
au commerce, c’est-à-dire les normes sociales, les taxes, les normes sanitaires
ou environnementales, qui ne doivent pas empêcher les autres de vendre leurs
produits dans un pays donné.
D’ailleurs,
l’essentiel de la pensée du G20 pourrait se résumer à ce leitmotiv : pas
de protectionnisme, libéralisation du commerce. Principes qui se retrouvent en
bonne place dans la déclaration d’intention dudit G20.
La
mesure phare qui se détache de cette liste à la Prévert, c’est « l’assainissement
des finances publiques [qui] mettra
l’accent sur des mesures qui favoriseront la croissance économique »,
ce qui est contradictoire. Pour eux, il faut résorber un déficit créé largement
par les aides aux banques, à l’automobile, aux riches etc. en rognant sur
les dépenses publiques dont le rôle est justement de rééquilibrer les
richesses.
Au titre des vœux pieux, on a aussi « une
supervision plus efficace » y compris sur « les produits dérivés hors
cote », mais aussi « réduire l’aléa moral dans le système financier »,
alors que le principe même de la spéculation joue avec l’incertitude, répartir
les « pertes de manière à réduire l’aléa moral et à protéger les
contribuables » (l’ « aléa moral » étant probablement le
caractère amoral de cette manœuvre de socialisation des pertes des banques),
« la coopération et l’échange de renseignements sur le plan national et
entre les juridictions en cas de défaillance d’une institution transfrontalière »,
etc. Pris dans une envolée lyrique de plus, ces messieurs évoquent même « l’intégrité
des marchés ».
Et on revient sur les « normes
comptables », qui définissent notamment les fonds que doivent avoir les
banques, comment doivent être faits les bilans des banques et multinationales
(c’est-à-dire en tenant compte de certains déficits ou pas). Mais pour ça, on
nous dit texto que « nous pressons le Conseil des normes comptables
internationales de redoubler d’effort pour achever son projet de convergence
d’ici la fin de 2011 ». On en déduit que c’est ledit conseil (International
Accounting Standards Board, IASB), qui aura la main sur le sujet. L’IASB, créé
en 1973, est chapeauté depuis 2001 par l’IASCF pour International Accounting
Standards Committee Foundation, basée dans le Delaware, l’Etat le plus
opaque du monde (qui ne figure pas dans la liste des paradis fiscaux…).
Les
administrateurs sont des gens aussi neutres que des dirigeants ou
ex dirigeants ou consultants de la Deutsche Bank, Repsol, Morgan Stanley,
Vinci, Bombardier, de l’agence de notation Pricewaterhouse Coopers de moult
institutions financières ou de contrôle qui nous ont montré leur inefficacité,
etc. Ces messieurs sont aussi souvent passés par la commission européenne ou le
même genre de machin en Chine ou en Amérique latine, ainsi que par divers
lobbies ou think tank, comme l’IFRI, les Amis de l’Europe… Pourtant, la
première chose à faire aurait été de virer tous ces types et pour une fois de
recruter hors des ultra libéraux. Mais, passons. Comme après, guerre quand on a
recyclé les collabos, on recycle les plus acharnés parmi ceux qui ont contribué
à couler l’économie mondiale.
Mais
en réalité, évidemment, le casino reste ouvert et rien ne va plus. Car pendant
qu’on nous hypnotise avec grandes intentions, on a socialisé les pertes des
banques en renflouant le secteur et en rachetant massivement des produits pourris, on a
consolidé le système des bonus, on a oublié de vérifier les comptes des établissements
financiers, les Etats se sont endettés auprès des marchés financiers au lieu de
leur permettre de se financer eux-mêmes via leurs banques centrales (qui n’ont
plus aucun pouvoir en Europe à part la BCE évidemment)… On nous a même parlé de
monnaie mondiale, de banque centrale mondiale, mais là ça risque de devenir
plus concret.
La gouvernance économique
mondiale
Ce
qui avance à peu près, par contre, c’est ce qu’ils appellent le
« renforcement des institutions financières internationales » (IFI).
Le FMI, qui commençait à n’avoir plus beaucoup de pays à mettre à genoux13],
a vu ses pouvoirs renforcés, et ses caisses renflouées. Mais, on n’a toujours
pas commencé à le rendre à peu près démocratique, et les Etats-Unis y ont
toujours un droit de veto.
Au
G20, un chapitre entier a été consacré à l’ « amélioration de la légitimité,
de la crédibilité et de l’efficacité des IFI et soutien accru aux besoins des
plus vulnérables ».
1.235 milliards de dollars ont été mis sur la table par ces IFI et les Etats
depuis 2008. On se félicite du « renforcement » des banques
multilatérales de développement (BMD14]), qui sont en
fait des banques centrales au niveau continental, parce qu’elles prêtent aux
Etats endettés et sont financées par l’argent des contribuables des pays plus
riches ainsi que par des « levées de fonds » sur « les marchés
des capitaux ».
Au passage, elles imposent elles aussi des réformes
structurelles intenables pour les pays endettés et leurs populations. Par
renforcement, il faut entendre l’augmentation des prêts15], par
exemple en favorisant l’implantation du secteur privé dans les pays
endettés : « Un soutien accru
au développement du secteur privé, entre autres grâce à l’augmentation des
opérations et des investissements du secteur privé, facteur essentiel d’un
développement durable et inclusif. ».
Cet aspect avance bien, mais on reconnaît bien la
langue de bois internationaliste : « nous édifions des BMD non seulement plus imposantes, mais aussi plus
robustes, qui se concentreront davantage, de manière stratégique, sur
l’amélioration de la qualité de vie des pauvres et sur des actions propres à
encourager la croissance, à promouvoir la sécurité, à contrer les changements
climatiques et à assurer la sécurité alimentaire ». Car il serait fort
étonnant que grâce à ces banques, les pauvres deviennent moins pauvres. Ce n’est
pas pour rien qu’on retrouve leurs dirigeants à moult sommets internationaux
très préoccupés du bien être commun, comme le Bilderberg, la Trilatérale, ou
des forums comme un l’an passé, qui avait pour thème « s’adapter au
nouvel ordre mondial »16].
Mais, pour ce qui est de l’ « amélioration de la légitimité, de la
crédibilité et de l’efficacité » des institutions financières
internationales, eh bien on se contente de nommer leurs dirigeant selon une
méthode inédite : on les choisira en fonction de leur
« mérite ». Mais pas tout de suite, après le sommet de Séoul.
Quant au FMI, l’institution phare du système avec la
Banque mondiale, les gugusses du G20 se disent « déterminés à améliorer la légitimité, la crédibilité et l’efficacité du
FMI afin qu’il puisse remplir son mandat ». Oh, mais le FMI est très
crédible auprès des banques et des multinationales, c’est seulement auprès des
populations que son image est déplorable.
Là encore, le renforcement passe
d’abord par le renflouement, avec 750 milliards de dollars qui sont ensuite
allés dans des prêts à des pays comme la Lettonie ou la Grèce.
On nous explique ainsi que « nous
avons souligné notre détermination pour que le FMI dispose des ressources dont
il a besoin pour jouer son rôle si important dans l’économie mondiale ».
Il faut noter que cet argent n’est pas virtuel, et qu’il vient des Etats
contributeurs, donc des contribuables.
Et puis, sans
changer le mode de calcul et la répartition des droits de vote17], on
dit qu’on veut transférer « au moins
5% » des votes (et du
financement)18]
des pays riches vers, non pas les pays pauvres, mais les « marchés émergents et pays en développement
dynamiques ». On l’aura compris : il ne s’agit de transformer le
FMI en une institution démocratique, ni même qui s’en rapproche.
Et
ce qui avance encore très bien, c’est ce qu’ils appellent le « redressement
du secteur financier », c’est-à-dire le renflouement des banques par
l’argent public. En la matière, on s’en remet essentiellement aux délires du
« comité de Bâle », qui venait à peine de déréguler à mort avec les
normes Bâle II passées juste avant la crise subprime, et en est aujourd’hui à
rédiger les normes Bâle III, pour continuer à déréguler sans en avoir l’air.
Ces
messieurs se congratulent d’avoir solidifié le « système
financier mondial », mais les arguments avancés laissent
perplexe : ce seraient donc, dans un parfait jargon de banquier orthodoxe,
le renforcement des contrôles, l’amélioration de la « gestion du
risque », l’encouragement, disent-ils, à la transparence, qui auraient
« renforcé » ledit « système financier mondial ». Les gauchistes
rient jaune, les banquiers peuvent rire franchement.
Mais,
cela ne suffit pas. En effet, « il
est crucial de fournir un effort plus poussé de remise en état du secteur
financier pour redresser l’économie mondiale ». Autrement dit, ces
types croient encore que de la santé du « système financier » découle
obligatoirement celle de l’ « économie mondiale », bien que la crise
subprime (et toutes les autres) nous aient prouvé le contraire. Et quelle est
la grande mesure qui va avec ce vœu pieux supplémentaire ? Aucune :
ces messieurs se contente d’accueillir « favorablement » l’autre vœu
pieux mais européen cette fois-ci, qui est de publier le résultat des « crash tests » des banques (appelés ‘stress tests’)19].
Et puis, on n’est pas pressé, on se donne deux ans. Quant au 1er
rapport sur « les recommandations visant à renforcer la surveillance et la
supervision », il sera en principe rendu en octobre 2010, soit près de
trois ans après le début officiel de la crise. Et entre temps, on aura eu la
crise alimentaire, et la crise de la dette Grecque, devenue crise de l’euro,
toutes deux liées directement aux produits les plus spéculatifs, dans l’opacité
la plus totale.
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Conclusion
Avec
Bâle III, comme d’hab, les banques crient au « tsunami réglementaire ». Et comme d’hab, elles sont aux
commandes. Ben oui, si on leur demande d’avoir plus de capital pour financer
les prêts, qu’on limite l’effet de levier, qu’on les contrôle et qu’en plus on
leur demande de la « transparence », les banques « craignent
que Bâle III pénalise le crédit », ou selon l’Institut International de
la Finance20]
que Bâle III ait « de graves
conséquences pour l’économie mondiale », et surtout pour leur
compétitivité21].
D’aucuns ont même menacé de la destruction de 10 millions d’emplois et de la perte de 3 points de PIB, si
d’aventure ces « normes » venaient à passer, ou bien ont accusé ces
pseudo normes d’être des « freins à la croissance » (mais laquelle ?). Bref, ça
s’agite dans le poulailler. Alors, à la demande des banques le comité de
Bâle a dû « revoir sa copie »22].
Ca
fait seulement un siècle qu’on entend le même refrain.
Car
il faut être clair : la spéculation c’est parier avec une mise minimale
(voire rien du tout ou seulement 10% de la valeur du produit, c’est l’effet de levier, justement), pour gagner beaucoup plus.
Et plus le risque est grand, plus le gain est important tant que personne ne
s’aperçoit que très vite on n’a plus misé que sur du vent. Donc, on ne peut pas
demander à des banques et des spéculateurs de minimiser les risques, justement.
Et encore moins de réglementer.
En
fait, Bâle I puis Bâle II étaient déjà censés régler la question des fonds
propres, à la suite de la bulle internet. Mais, les « experts » qui
sont consultés, (c’est-à-à dire des banquiers et spéculateurs à 99%) ont dit
que la « norme » ne devait pas être obligatoire, et que les
spéculateurs s’auto régulaient parfaitement. Circulez… Lors des débats sur Bâle
II, nous étions en 2004, à peine deux ans avant le déclenchement de la crise
subprime. Depuis, ils ont spéculé allègrement, ont mis l’économie et les
classes moyennes mondiales à genoux (sans parler des pauvres, déjà out depuis
longtemps), et on leur a filé du pognon pour compenser leurs pertes. Normal.
Mais en fait, ledit comité existe depuis 1974, après le choc pétrolier, et avait
pour but de renforcer la
« sécurité et la fiabilité du système financier », d’établir des
règles minimales en matière de fonds propres et de contrôle, de promouvoir de
« meilleures pratiques bancaires » etc. Là encore, on a plutôt vu le
contraire, comme si ces grands principes ne servaient qu’à endormir la
population pendant qu’on aggrave les risques et la spéculation.
Pour
Bâle III -comme c’est étonnant !- on s’aperçoit que les tractations de couloir sont intenses afin de vider de toute
substance la prochaine « réforme » révolutionnaire que vont nous
pondre les crâne d’œuf du Comité de Bâle et leurs copains (et souvent ex
collègues) banquiers.
Bref,
ne pensons surtout pas que ces sommets changeront quoi que ce soit. Au
contraire, il s’agit de gagner du temps, du temps pour spéculer et s’en mettre
plein les poches ; ceux qui ont le pouvoir, on le constate après deux ans
d’immobilisme dans l’agitation, ne sont pas nos élus mais ceux qui ont
l’oseille. Avant même que les grandes lignes de Bâle III ne soient posées sur
le papier, les banques savent qu’elles « devraient obtenir des aménagements significatifs »23],
et toutes les mesures vaguement pertinentes sont « révisées » les unes après les autres. Et on sait déjà que la mise en
application sera « progressive », pour ne pas trop bousculer les
banques. On a vraiment hâte de connaître la finalité de cette réglementation
censée remettre la finance à sa place…
[1] Car depuis l’automne 2006, les gens un
peu lucides et informés savaient parfaitement que la crise subprime démarrait
et qu’elle allait prendre des proportions folles très rapidement.
[2] Bien leur déficit soit autrement plus
important que celui de l’Europe.
[3] Chez nous, il n’est pas rare que les
flics arrêtent 400 à 800 personnes lors de ce type de manifestation.
[4] « Armes » qui appartenaient,
on l’a su plus tard, à un type se rendant à un défilé médiéval qui a été arrêté
dans un parc.
[5] En fait, ce groupe existait depuis
quelque temps, et a été repéré apparemment en novembre 2000. Pour
mener l’infiltration, les flics ont monté une fausse boite de transport, et
ont embauché un des membres du groupe. Puis un autre flic a été embauché. Quand
le type de Germinal a parlé du projet, le faux employé a été emballé et le
patron a proposé de fournir les véhicules. Les gars de Germinal ont bien
envisagé une infiltration, mais ils se sont dit que les flics ne mettraient pas
autant de moyens juste pour les infiltrer eux, qui étaient une douzaine. Les
numéros appelés et appelants sur leurs téléphones étaient tous repérés,
certains étaient surveillés 24 heures sur 24.
Puis, le 17 avril, deux d’entre eux sont arrêtés au volant
d’une camionnette des flics avec l’employé bidon, les autres sont arrêtés le
lendemain en présence du FBI. 7 membres de Germinal ont été accusés de complot,
et les trois autres ont en plus pris l’accusation de possession d’explosifs en
vue de commettre un attentat. Le coût minimal de l’opération d’infiltration est
estimé à 750.000 $.
[6] Mais cette taxe n’est pas près de voir
le jour en raison du lobbying des banques (jusqu’à
la Banque centrale européenne) et de certains
pays qui disent qu’elle ferait augmenter
le coût du crédit et bien sûr, cela menacerait la reprise. Mais quand on ‘n’est
pas en crise, ils pleurent pour la croissance qui serait en péril à chaque
tentative de régulation. Rien ne change sous le soleil, et le but des banques
est toujours de faire ce qu’elles veulent.
[7] A ce sujet, on compte beaucoup sur le
prochain sommet du G20 à Séoul, en novembre.
[8] Mais ce n’est qu’une expression puisque
le Comité de Bâle est composé de banques et de banquiers.
[9] Et encore, tout ce qui relève des
dérivés, les CDS, CDO etc. qui sont utilisés dans les subprime ou la
spéculation sur la dette des pays, ne sont pas pris en compte dans les encours
de la banque car ils sont des contrats privés.
[10] Mais, on nous avait dit la même chose pour
la grande réforme Bâle II qui devait aussi renforcer la transparence,
pourtant ça ne s’est pas du
tout passé comme ça. Et, alors que le comité de Bâle
prépare Bâle III, le G20 en est encore à évoquer une amélioration de Bâle
II !
[11] On voit que la Roumanie, en pleine
cure d’austérité grâce au FMI, est déjà revigorée, de même que
la Grèce... Rappelons au passage le B-A BA de la politique du FMI :
privatisations, baisse
des dépenses sociales et donc des investissements, des services publics,
libéralisation maximale du commerce, des échanges, des flux financiers.
[12] « Il est crucial de fournir un effort plus poussé de remise en état du
secteur financier pour redresser l’économie mondiale », nous
disent-ils.
[13] Notamment grâce à des politiques de
rachat de la dette, comme en Amérique latine.
[14] A savoir : la Banque asiatique de
développement (BAsD), la Banque africaine de développement (BAfD), la Banque
interaméricaine de développement (BID), la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD) et le Groupe de la Banque mondiale,
en particulier la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD) et la Société financière internationale (IFC). Autant
d‘institutions fort démocratiques qui n’ont jamais tendu à l’équité sociale.
[15] Plus de la moitié des 235 milliards de
dollars prêtés venaient de la Banque mondiale.
[16] Où était aussi présent DSK, entre
autres.
[17] Au FMI comme à la
Banque Mondiale, les droits de vote sont basés sur les cotisations versées par les Etats membres suivant le fabuleux et
fort égalitaire principe du 1$ = 1 voix. D’où le droit de veto de fait des Etats Unis, qui ont près de 17% des
votes alors que la minorité de blocage est de 15%. Mais, le FMI se finance
aussi beaucoup par emprunts.
[18] C’est le système des
quote part, qui attribue des droits de vote aux pays en fonction de
l’argent qu’ils mettent dans le FMI. Ca marche pareil pour la banque mondiale,
du coup les Etats-Unis ont un droit de veto.
[19] Les banques US y sont déjà passées mais
évidemment ces tests sont complètement inutiles.
[20] Un lobbie international de 70 banques,
dirigé par Josef Ackermann, patron de la Deutsche Bank et grand habitué du
Bilderberg (entre autres) et William R. Rhodes, PDG de
Citigroup, proche de Rockefeller et habitué lui aussi du Bilderberg.
Mais, au comité directeur, on
retrouve aussi des gens comme le PDG de Seb, Marcus Wallenberg (ô surprise, un
autre fan du Bilderberg depuis une dizaine d’années, quand il a repris le siège
encore chaud qu’y avait laissé papa), des dirigeants des diverses banques
internationales dont BNP Paribas, Crédit Suisse, la Société Générale, JP Morgan
Chase, Intesa... Quant aux
membres qui versent leur obole, certaines ont leur siège aux Bermudes, à
Trinidad et Tobago, en Suisse, au Luxembourg…
[21] Ainsi, le Crédit Agricole a calculé que
si Bâle III entrait en vigueur tel que prévu, il
perdrait 9,8 milliards d’euros en
capacité de financement, BNP Paribas perdrait 2,7 milliards, la Société
Générale 2,2…
[22] Car en fait, le comité de Bâle regroupe
des dirigeants de 13 puis 27 banques centrales (de pays riches, cela va de soi)
qui consultent leurs collègues banquiers (en général les fédérations, lobbies
et autres groupuscules de banques) avant de faire toute proposition. Forcément,
entre les vœux pieux des politiques et le résultat final, l’écart est
conséquent.
[23] Notamment le droit de continuer avec les produits dérivés (également appelés « titres de capital hybrides ») qui ont montré tous leurs bienfaits lors de la crise subprime, de la crise alimentaire qui a suivi, puis de la crise de l’euro…