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24 avril 2011

Pacte de compétitivité: l'Europe prend les commandes de l'économie

 

49601694Ca faisait un moment qu’on ne parlait plus de l’Europe, voilà que la dernière « évolution » européenne nous oblige à regarder de plus près cette trouvaille que sont le pacte de compétitivité (appelé « Pacte pour l’euro plus ») et ses corollaires. Comme souvent avec les termes européens, il faut traduire à l’inverse : pacte de récession garantie. Petit commentaire de texte.

 

Sus à la dette

Idée géniale de Sarko et Merkel destinée à garantir la solvabilité des Etats quoi qu’il arrive, parce ben oui nos banques sont très exposées avec les dettes souveraines (les dettes des Etats), ledit pacte a été lancé précipitamment au début de l’année.

Le but ultime est d’empêcher les Etats de s’endetter, en les obligeant à appliquer tout un train de mesures de rigueur du genre de celles que connaissent aujourd’hui les grecs, les irlandais et les portugais.

Tout le monde a planché sur le sujet, y compris Van Rompuy, le très charismatique président de l’Europe… On a par exemple imaginé, comme l’explique L’Express, que « en cas de hausse trop forte des salaires par rapport à la productivité, les gouvernements seraient tenus de trouver des remèdes pour stopper la tendance ». Les salaires devront même cesser d’être indexés sur les prix, comme cela se fait en principe en Belgique.

Autre idée géniale : « Les pays devraient aussi surveiller de près leur système de financement des retraites pour s'assurer qu'il est viable. "Les réformes nécessaires pourraient inclure un alignement de l'âge de départ en retraite avec l'espérance de vie", souligne la proposition. »

Quant à l’harmonisation de la fiscalité sur les entreprises, on repassera.

On le constate : ce pacte répond au Dogme ultra libéral, sans tenir compte d’aucune réalité économique. Depuis le temps qu’on applique les recettes de Bretton Woods, on a eu le temps de voir pourquoi ça ne marche pas, pourquoi les salaires baissent, pourquoi les inégalités se creusent, pourquoi une bonne partie de la planète crève encore de faim et de soif malgré les merveilles du capitalisme triomphant.

En fait, c’est très simple : le salarié qui coûte si cher est aussi un consommateur. Et s’il n’est pas assez payé il ne peut pas consommer, ou 090929_dette_500alors en s’endettant comme les américains avant la crise subprime[1]. S’il ne consomme plus, ou alors que des produits chinois parce qu’ils sont moins chers, logiquement la production diminue, les entreprises partent faire du blé ailleurs.

Pour enrayer cela, on tente de les faire rester en leur permettant de ne payer aucun impôt ou presque, l’Etat allant même jusqu’à subventionner de nombreux emplois, on favorise les riches pour qu’ils ne partent pas non plus, et on coupe dans les dépenses sociales parce qu’il n’y a pas assez de rentrées d’impôts.

C’est là que l’Europe enfonce le clou avec son pacte, pour que l’on applique encore plus strictement la doctrine traditionnelle. L’Etat ne peut pas s’endetter, ce qui est catastrophique dans une conjoncture pareille. Comment relancer la machine sans investissement, en continuant à supprimer toutes les rentrées d’argent possibles pour l’Etat ? Le New Deal s’est fait en s’endettant, la France s’est reconstruite en s‘endettant.

Aujourd’hui, le remboursement de la dette est le deuxième budget de la France[2], et il sert à quoi ? A rien, juste à assurer des dépenses de fonctionnement pendant trois mois, à financer le paquet fiscal, les niches fiscales, les écoles, les hôpitaux, etc. sans aucun investissement à long terme. Et le coût de la dette augmente, dans un contexte d’appauvrissement de la population en général, de chômage, de casse des services publics et sociaux.

Si on en croit ce qui est écrit dans les livres qu’ils lisent en écoles de commerce, le cercle vertueux de l’économie veut que quand on donne de l’argent aux entreprises, elles investissent et se développent, ce qui amène de l’emploi etc.

Où est-ce que ça coince, dans ce cercle vertueux ? Ben dans l’investissement qui est censé être réalisé à partir des bénéfices. On sait bien que les actionnaires sont les premiers servis, et que l’investissement va surtout dans des fonds spéculatifs hébergés dans les paradis fiscaux. Ce qui ne rapporte rien au clampin. En plus de cela, les riches ont un sérieux problème d’accumulation, quasi compulsif, qui fait qu’ils préfèrent tout garder plutôt que de payer des impôts ou d’augmenter leurs salariés.

Si on ne les y oblige pas, les entreprises refuseraient même de nous payer un bol de riz par jour, il ne faut pas en douter.

 

52980211_pLes bonnes vieilles recettes

Revenons au pacte. Il vise donc à mettre en place un système de punition des Etats qui s’endettent trop, via une « procédure de déséquilibre excessif »[3], un truc qui est évoqué depuis un bon moment dans les sphères européennes. En juillet 2010, le Conseil européen préconisait déjà que « si des mesures correctives apparaissent nécessaires, des recommandations seront formulées, dans le cadre d’une procédure de déséquilibre excessif » afin de « renforcer le pacte de stabilité et de croissance ».

Autre mesure ultra restrictive : « les États membres s'engagent à consulter leurs partenaires avant l'adoption de chaque grande réforme économique susceptible d'avoir des retombées ». On imagine la tête des anglais si on veut taxer les transactions financières, celle des Allemands si on refait du protectionnisme, etc.

Axe : compétitivité. Il mérite de s’y intéresser de près.

Le Conseil européen nous dit que « Les progrès [en matière de compétitivité] seront évalués sur la base de l'évolution des salaires et de la productivité ainsi que des besoins d'ajustement en matière de compétitivité. Afin de déterminer si les salaires évoluent en accord avec la productivité, le coût unitaire de la main-d’œuvre (CUM) fera l'objet d'un suivi sur une période déterminée, par comparaison avec l'évolution dans d'autres pays de la zone euro et chez les principaux partenaires commerciaux comparables ».

Ce veut dire que :

-         - Les salaires ne seront plus liés aux prix mais à « la compétitivité »

-         - La « compétitivité » est liée à la production et aux salaires, ce qui amène forcément à baisser toujours plus les salaires, puisque la productivité ne cesse d’augmenter.

-          - On voit la « main d’œuvre » comme un « coût » et plus comme un élément de rentabilité. Ce qui va forcément amener à considérer le travailleur comme un coût à éradiquer. On a vu ça à France Télécom, par exemple, avec les cost killer qui éclatent les coûts, donc la « masse salariale »

-          - On compare ledit « coût » de la main d‘œuvre avec celui qui est pratiqué dans les autres pays. Bonne chance, donc, pour augmenter les fonctionnaires ou même le SMIC quand les autres tirent à la baisse.

Le Conseil de l’Europe précise donc de « réexaminer les dispositifs de fixation des salaires et, le cas échéant, le degré de centralisation du dette1bprocessus de négociation, ainsi que les mécanismes d'indexation, l'autonomie des partenaires sociaux dans le cadre du processus de négociation collective devant être préservée ». Autrement dit, on veut décentraliser les négociations collectives, si possible au niveau de l’entreprise même et pas des branches. Ce qui est toujours très défavorable aux salariés car le rapport de forces ne permet pas d’imposer quoi que ce soit aux entreprises. On précise aussi que les salaires des fonctionnaires doivent s’aligner sur ceux du privé.

En matière de « développer l’emploi », le vieux truc qui revient comme un leitmotiv dénué de sens. Quoi de neuf ? Ben rien : flexisécurité, formation tout au long de la vie, réduction des « charges fiscales pesant sur le travail »… On sait à quel point cette recette a marché jusqu’à présent.

Il y a un couplet –pardon, un chapitre- intitulé « améliorer la viabilité des finances publiques », qui porte essentiellement sur la « viabilité des retraites, soins de santé et prestations sociales ». Pour viabiliser les finances publiques, pas besoin d’augmenter les impôts sur les riches ou d’augmenter les salaires pour avoir plus de cotisations, non non il suffit, comme d’hab’, de couper dans les dépenses sociales.

La « viabilité des retraites, soins de santé et prestations sociales » sera abordée seulement par rapport à l’endettement du pays à un moment donné. On ne va pas se risquer à calculer ce qu’aurait gagné l’Etat avec les péages d’autoroute, ou avec un système scolaire digne de ce nom. On va seulement se focaliser, soyons clairs, sur le « coût » immédiat de ces services. Pour cela, on nous donne quelques conseils, comme « adapter le système de retraite à la situation démographique nationale, par exemple en adaptant l'âge réel de la retraite à l'espérance de vie ou en accroissant le taux d'activité ». A ce sujet, il faudrait déjà revoir la manière dont on calcule l’espérance de vie[4]. On préconise également de « prendre des mesures incitatives appropriées pour l'emploi des travailleurs âgés (notamment les travailleurs de plus de 55 ans) », ce qui signifie ne pas financer de préretraite et subventionner les emplois de seniors. On constate qu’au final, il est davantage question de ruiner les retraites et compagnie que d’assurer leur « viabilité ».

Cartoon_Bailout_3Toujours dans le chapitre « améliorer la viabilité des finances publiques », les crânes d’œuf européens ont affirment qu’il faut aussi  « un secteur financier fort », c’est-à-dire sans entraves et avec garantie de l’Etat en cas de faillite[5].

Enfin, on modifie la constitution européenne pour préciser que si on file de l’argent à un pays européen endetté, on peut lui imposer en même temps des conditions très strictes dans le cadre, nous dit-on, d’un « programme d’ajustement macroéconomique » qui n’est pas sans rappeler les tristement célèbres « programmes d’ajustements structurels » imposés par le FMI aux pays endettés, et qui les ont coulés encore plus.  Le machin sera doté d’un fonds de 700 milliards d’euros, pour prêter 500 milliards aux Etats trop endettés, et il « s'attachera à obtenir et à conserver la notation la plus élevée auprès des principales agences de notation ». Problème : le prêts à risque sur des pays qui risquent de ne pas être solvables sont très mal notés, mais bref.

Au cas où on aurait un doute sur « l’ajustement macroéconomique » et de son alignement sur les FMI, le texte explique que « L'État membre bénéficiaire devra mettre en place les modalités appropriées d'une participation du secteur privé, en fonction de la situation qui lui est propre et en totale conformité avec les pratiques du FMI ».

Ca s’appelle le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) ça remplacera dès juin 2013 le « Fonds européen de stabilité financière » (FESF) et le « mécanisme européen de stabilisation financière » (MESF) inventés quand on a prêté de l’argent à la Grèce et à l’Irlande. Et ça travaillera « en étroite collaboration avec le FMI » et aussi avec la BCE. Accessoirement, on en appelle aussi à « une participation du secteur privé » qui pourra toucher sa part sur les intérêts.

Mais attention, comme on ne prête qu’aux riches, si un Etat ne peut pas remettre ses finances en ordre avec le « programme d’ajustement macroéconomique », on ne lui prêtera que s’il est « suffisamment déterminé à assurer une participation appropriée et proportionnée du secteur privé », c’est-à-dire à privatiser ce qui peut encore l’être, comme la Grèce est en train de le faire.

Toutes ces innovations sont à mettre en parallèle avec les derniers délires concernant la « gouvernance économique », c’est-à-dire 58868207comment diriger l’ensemble de l’économie des pays européens sans passer par le vote populaire. Tout doit être gravé dans le marbre, écrit noir sur blanc afin qu’il n’y ait aucune marge de manœuvre pour les Etats et les élus si jamais ils voulaient faire autre chose qu’appliquer bêtement les délires de Bretton Woods. Bref.

Il faut aussi savoir que cette marotte de « coordonner les politiques économiques », d’ « harmonisation » etc. des politiques économiques des pays membres sont elles à mettre en parallèle avec le processus d’harmonisation des réglementations économiques et commerciales avec les Etats Unis. Ce processus là est plus discret, mais c’est aussi pour cela qu’il est désormais impossible pour l’Europe d’aller dans un sans autre que celui de l’ultralibéralisme[6].

 

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On peut dire qu’on est mal barré. Avec de telles méthodes, quelle chance ont les pays de reprendre le dessus, de parvenir à investir dans des emplois, à favoriser l’implantation d’entreprises grâce à des infrastructures dignes de ce nom etc. Sans même parler, bien sûr, des conditions de vie du clampin moyen. Autre recul important : l’Europe aura la main sur la gestion économique des Etats dès que leur déficit ne convient plus, et cela malgré un contexte de stagnation. Bientôt, il ne nous servira plus à rien de voter, l’Europe sera aux commandes dans tous les domaines liés aux finances, c’est-à-dire tous les domaines.



[1] Un ménage US était endetté à hauteur de 135% de ses revenus en 2006, quand un français l’était à environ 65%. Les US se sont endettés, notamment en hypothéquant leurs maisons dont le prix était censé grimper indéfiniment. On a  vu le résultat : ils sont encore plus pauvres et beaucoup n’ont même plus de maison. Rappelons au passage qu’en 2007, pendant la campagne, Sarkoléon a dit « Il faut développer le crédit hypothécaire des ménages », de sorte que « ceux qui ont des rémunérations modestes puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement ».

[2] 44, 6 milliards d’euros pour les « engagements financiers de l’Etat » en 2010.

[3] Quand un Etat arriverait à une dette supérieure à 60% du PIB, on pourrait lui coller une « procédure de déficit excessif » et à une surveillance stricte de ses finances qui peut amener l’Europe à faire des « recommandations » en matière de gestion des finances. Il faut préciser qu’avec les bonnes méthodes libérales de papa sarko, la dette française est passée de 60% à plus de 81% de PIB. Un record en l’espace de quatre ans, mais parfaitement normal quand on diminue les rentrées fiscales des riches en période de crise, et qu’on n’arrive pas à faire baisser le chômage.

[4] Sans rentrer dans les détails, il s‘agit de calculs d’apothicaires proches des méthodes des instituts de sondages, avec de nombreux résultats « pondérés » et des indicateurs pertinents laissés de côté comme la pollution de l’environnement. Au final, il ne s’agit que de probabilités.

[5] Le texte de mars 2011 dit en effet que « les États membres s'engagent à mettre en place une législation nationale en matière de résolution des défaillances bancaires ».

[6] Tout ça, c’est le boulot de groupuscules comme le Transatlantic Economic Council ou le Transatlantic policy Network. On appelle ça « l’intégration transatlantique », une vieille fixation du Bilderberg notamment.

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Commentaires
S
l'europe veut bien prêter aux banques sans conditions, mais pas aux Etats<br /> c'est pourtant avec nos impots qu'on donne ces banques
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