Allemagne: un réseau pédocriminel alimenté par des nonnes maquerelles
Nouveau scandale pédocriminel en Allemagne, chez des bonnes sœurs cette fois. Pendant plus de 20 ans, les soeurs de la Congrégation des Sœurs du Divin Rédempteur ont commis divers abus et surtout loué des enfants dont elles avaient la charge à des pédos, curés et autres.
Le scandale a bien a failli être étouffé, mais un rapport confidentiel a fuité.
L’une d’elles aujourd’hui âgée d’une soixantaine d’années a accusé depuis 2011 l’ancien vicaire général et avocat en chef du diocèse de Spire en Rhénanie-Palatinat, Rudolf Motzenbäcker (décédé en 1998), de l’avoir violé depuis ses 5 ans en 1963 et pendant les dix ans où il est resté dans ce foyer.
"Les bonnes sœurs étaient des maquerelles"
Cette victime, Karl Haucke, a été placé très jeune dans ce foyer car il était issu d’une famille défavorisée, et dénonce aussi l’organisation par les nonnes des viols des enfants du foyer de Spire.
Ceux-ci avaient lieu notamment dans des partouzes pédocriminelles parfois seulement entre curés, parfois aussi avec des types du gratin local. Selon ce témoin, entre 5 et 7 hommes âgés de 40 à 60 ans étaient généralement présents.
Ce foyer géré 10 à 15 religieuses, les sœurs de Niederbronn, et était soutenu par la ville de Munich. Il a fermé en 2000 et aucune coupable n‘a encore été désignée par la justice.
Il a été placé dès l’âge de 5 ans, en 1960, a été transféré de familles d’accueil en foyers, et sa mère a perdu la garde en 1964 pour négligence, ce qu’elle aurait admis sans difficulté selon un rapport des bonnes sœurs, et l’autorité parentale lui a été retirée en 1970 quand Karl Haucke avait 13 ans.
Karl Haucke explique avoir certainement été violé plus d’un millier de fois, battu et terrorisé quand il était entre les mains de ces tarés, et souffre de depuis de stress post-traumatique. Il est souvent incapable de travailler, et connaît de longues périodes de dépression et d’insomnies en plus des problèmes physiques liés à ses fractures, "troubles [1] qui ont été reconnus par les médecins comme étant directement causés par les violences qu’il a subies dans l’enfance. Il subit aussi des moments de "dépersonnalisation", avec un sentiment permanent d’être menacé.
Le médecin du foyer chez qui il était régulièrement emmené, le Dr Heinrich Ahrenholz qui était aussi un "ecclésiastique de haut rang de l’Eglise catholique", l’a aussi violé et Karl Haucke se souvient encore des "relations anales" ultra douloureuses, parfois avec plusieurs personnes.
Il a aussi expliqué que "une fillette maltraitée était tombée enceinte à la suite d’une partouze et avait ensuite été retrouvée pendue, et qu’il ne croyait pas au suicide et pense qu’elle en savait trop", selon la presse allemande. Elle avait alors 12 ans, un an de moins que lui, et apparemment aucun secours n’a été appelé.
C’est une fillette qui avait subi comme lui les partouzes des curés et de leurs amis, et deux semaines avant ils avaient essayé tous les deux d’alerter les services sociaux et la police sur les tortures et les viols commis par ce réseau. Mais évidemment ils n’ont pas été crus.
Ou peut-être que si mais il fallait étouffer l’affaire. De 1960 à 1972, le maire de Munich était un catholique quasi intégriste, Hans-Jochen Vogel, devenu député et leader du parti socialiste ultra libéral allemand –ce qu’on appellerait la gauche caviar en france. C’est encore un socialiste qui lui a succédé en 1972.
Tout le monde a traité le jeune Karl Haucke et cette fillette de menteurs, et puis un jour elle a disparu. Puis un soir au repas elle n’était pas là, il l’a cherchée et a fini par la retrouver pendue.
C’étaient carrément les bonnes sœurs, décrites comme de véritables sadiques, qui tiraient les enfants pour les amener chez Motzenbäcker pour y subir ses attaques. Les coups tombaient principalement avant et après les viols, selon la victime. "Les nonnes étaient des maquerelles", dit-il, "il y avait une pièce où elles sevraient de l’alcool et à manger aux hommes et dans l’autre coin les enfants étaient violés". Apparemment les sommes versées étaient généreuses.
Pour Karl Haucke, les partouzes avec des politiciens et d’autres gens avaient lieu environ une fois tous les trois à quatre mois, et d’autres enfants étaient présents. Les nonnes déposaient les enfants chez des "religieux" notamment.
Il raconte qu’après les viols, les draps étaient tâchés du sang des enfants, "déchirés" par les viols. Les enfants étaient souvent battus ou enfermés au sous-sol.
Selon lui, la plupart des enfants qui ont subi ces horreurs sont morts aujourd’hui, et beaucoup se sont suicidés parmi lesquels son meilleur ami Hannes.
Il a été indemnisée discrètement en juin 2020 par le diocèse à la suite d’une décision du tribunal social de Darmstadt, à hauteur de 15.000 € et 10.000€ pour remboursement d’une partie des soins qu’il a du avoir en raison de ses traumatismes.
Rainer Edenhofer, une autre victime de ce foyer où il s’est retrouvé dès l’âge de 2 ans et jusqu’à ses 13 ans (de 1964 à 1975), déclare être toujours hanté par la sœur Miranda (appelée "sœur M." dans les médias, née en 1936), qui fouettait les enfants. Les violences ont commencé vers l’âge de 5 ou 5 ans : "D’abord elle m’a battu, puis elle m’a emmené dans son lit. Ensuite la nuit je devais la satisfaire sexuellement". Rainer Edenhofer, qui était placé sous la tutelle complète de la ville de Munich, explique avoir aussi été loué à des hommes par les bonnes sœurs.
Parmi ceux-ci, il y avait le père Hermann Schartmann que les enfants devaient appeler "oncle Hermann", restait tout l’été dans la maison d’hôte du foyer. Après les viols, lors desquels il pratiquait parfois l’urologie, il obligeait les enfants à prier avec lui pour demander pardon. Il y avait aussi des moines du monastère d’Ettal. Lui aussi a reçu une indemnité minimaliste grâce à la loi sur l’indemnisation des victimes, en raison des traumatismes.
Quand Rainer Edenhofer, à force de fugues et de rébellions, a fini par être viré du foyer de Spire, il a été envoyé au Salesanium à Munich, un foyer pour ados tenu par des pasteurs où les viols ont continué dès le premier soir.
Les éducatrices du foyer (qu’il cite), ont aussi participé à divers actes de violences.
Un réseau pédocriminel étendu dans toute la région de Munich.
Pendant des années personne du côté des autorités n’a rien trouvé de suspect à cette activité. Depuis 2011, il n’y a pour ainsi dire pas eu d’enquête à ce sujet. Il semble aussi que l’adoption de certains enfants a été bloquée, qu’ils aient été retenus dans un foyer ou passés d'un foyer à l'autre dans le même réseau, pour continuer à les violer.
On retrouve le même système qu'en Angleterre, où les éducateurs et directeurs pédos tournaient d'un orphelinat à l'autre, et où c'était open bar pour les politiciens pédos.
En 2020, le diocèse a admis que les accusations contre Motzenbäcker étaient crédibles. Il était question de violences sexuelles répétées contre des enfants entre 1963 et 1975. Il vivait à cette époque dans le foyer où officiaient aussi les sœurs de Nederbronn depuis 1852 –et jusqu’en 1995.
Les sœurs recevaient de l’argent en échange des enfants qu’elle fournissaient. Qui étaient les clients ? Le témoin parle de prêtres, donc, mais aussi d’hommes politiques et de dignitaires religieux. Certains enfants étaient laissés par les nonnes aux domiciles des pédos. Pour Karl Haucke c’était une ou deux fois par mois, chez des moines et autres pasteurs.
Après que le diocèse ait parlé de cette histoire publiquement (sans quoi personne n’aurait su ce qu’il s’était passé), d’autres victimes se sont fait connaître. Trois d’entre elles impliquent également Motzenbäcker.
Le 12 février une enquête préliminaire au sujet des traitements infligés aux enfants dans ces foyers a enfin été ouverte par le parquet de Munich et la police criminelle a été chargée des investigations. L’affaire serait soudain prise "très au sérieux", maintenant que l’opinion publique est alertée.
Une commission d’enquête a aussi été demandée du côté du service social de la ville de Munich.
Plusieurs institutions sont visées, notamment :
- Le centre pour jeunes "Hansel et Gretel" de la ville de Munich à Oberammergau, où se rendaient les moins d’un peu partout, notamment ceux du monastère d’Ettal cités comme lieu d‘abus. Une maison d’hôtes réservée aux pédophiles de l’église était disponible juste à côté.
- Un foyer à Munich appelé le Salesianum (qui a en partie brûlé le 16 octobre 2020),
- Une maison pour enfants à Feldafing appelée Villa Maffai, pour les enfants en difficulté d’apprentissage. Des faits ont été commis dans les cave du foyer et dans la sacristie de l’ancienne église du village.
- Le monastère d’Ettal où les sœurs emmenaient des enfants et participaient aux agressions avec les moines. Les enfants y étaient amenés pendant les vacances.
- La maison Kolping à Vilshofen
- Un foyer privé de Freistatt en Basse-Saxe, réputée avoir été l’une des pires maisons d’enseignement d’Allemagne de l’Ouest dans les années 60-70.
- Le foyer de Spire,
Deux personnes notamment sont persuadées qu’il s’agissait d’un réseau bien organisé : Vladimir Kadavy, ex chef de l’Institut Goethe de Bucarest et surtout ex pensionnaire du centre d’ Oberammergau qui dit avoir assisté à certains faits sans en avoir été directement victime, et son thérapeute Jörg Jaegers, qui ont mené des recherches depuis plusieurs années.
Selon Vladimir Kadavy, les curés choisissaient leurs victimes parmi les enfants les plus vulnérables, et les testaient avant de passer à l’acte. Jörg Jaegers explique qu’un des enfants victimes a séjourné de foyer en foyer, comme enfant prostitué au bon plaisir des pasteurs.
"Les sœurs ont conduit les enfants à l'abbaye d'Ettal et les ont enfermés dans des cellules dans la cave, où ils ont été violés et maltraités presque tous les jours pendant des semaines", explique un rapport au sujet de cette affaire.
Les soupçons portent sur des complicités au niveau des institutions publiques, avec un réseau d’auteurs et de complices assez dense. Mais évidemment la plupart des coupables sont morts depuis longtemps, notamment le père mariste S. et le "pasteur O."[2] de Cologne, pour lesquels l’Eglise a reconnu des agressions de mineurs.
Du côté de l’Eglise, un lourd silence a toujours régné en matière de violences sexuelles. Récemment le cardinal de Cologne a été mis en cause pour avoir gardé secret un rapport sur les dizaines d’années d’abus commis par les curés du diocèse et leur traitement interne[3].
Un groupe d’enquête privé a travaillé plus particulièrement sur les faits commis entre 1952 et 1972 au foyer de Feldafing, où des pensionnaires ont été torturés, violés, exploités financièrement et sexuellement. "Nous considérons le Werdenfelser Land [cette région de Haute Bavière] comme une destination pour le tourisme sexuel clérical", précise le rapport du groupe privé, "Non seulement les moines et les prêtres de la région s’y rendaient, mais aussi d’autres membres du clergé venus du centre de l'Allemagne, par exemple le mariste Hermann Schartmann de Cologne, pasteur de la congrégation du Sacré-Cœur".
Jusqu’où vont les complicités ? Le plafond de verre de la classe politique
Schartmann, cité également par Rainer Edenhofer, victime du foyer des bonnes sœurs, a agressé de nombreux enfants à Oberammergau, à Spire et ailleurs, et il pratiquait le tourisme sexuel dans les foyers de la région. Il est mort en 1999 sans jamais avoir été inquiété et c’est seulement à titre posthume que l’archidiocèse de Cologne a reconnu ses actes, excepté les faits de prostitution de mineurs.
Parmi les institutions citées dans le rapport des enquêteurs privés, il y a le chœur des garçons de l’église de Ratisbonne, dirigé par Georg Ratzinger (mort en juillet 2020), frère aîné de l’ex pape Benoît XVI. Les jeunes étaient scolarisés et vivaient sur place à l’école de musique de la cathédrale. Le chœur était connu dans le monde entier qui faisait des tournées un peu partout, dont plusieurs enfants ont été victimes de ce réseau.
Le bureau de la protection de la jeunesse de la ville de Munich est considéré comme "le centre" de cette organisation pédocriminelle. Il est soupçonné d’avoir repéré des enfants de familles défaillantes, déjà victimes d’abus si possible, pour les envoyer à Feldafing, au foyer Hensel et Gretel et ailleurs, en donnant aux responsables des foyers des informations privilégiées sur leur situation familiale et leur vulnérabilité.
Au foyer de Freistadt, les enfants étaient tous battus et attachés avec des menottes dès leur arrivée dans une sorte de "rituel d’initiation" qu’ils appelaient le "Saint Esprit". Puis les coups continuaient, y compris avec des gourdins, et violés, selon le récit d’un témoin, Eckhard Kowalke, passé par là quelques mois à l’âge de 15 ans.
La violence entre les enfants était aussi encouragée, c'était un règne de la terreur parfaitement organisé. "La justice, la politique et les autorités savaient ce qui se passait là-bas. Ils ont travaillé ensemble et créé un vide juridique", explique Eckhard Kowalke, à qui une indemnisation a été proposée.
Karl Haucke a expliqué que le médecin qui le violait régulièrement, le Dr Ahrenholz qui était un gradé de l’Eglise, a aussi "invité d’autres personnes (amis et politiciens à des soi-disant ‘parties sexuelles’. Cela s’est produit environ tous les 3 à 4 mois. Surtout s’il y avait des célébrations, ainsi que des événements politiques, par exemple un changement de gouvernement de l’Etat", précise le jugement qui a validé l’indemnisation.
A cette époque il avait entre 8 et 14 ans. Il explique que "d’autres garçons et filles étaient présents lors des viols collectifs, y compris la fille qui a ensuite été pendue", d’ailleurs d’autres victimes ont désigné Ahrenholz comme agresseur. Tout cela via la petite organisation des religieuses et le réseau plus vaste auquel elles étaient connectées.
"La plupart des hommes impliqués avaient des tendances homosexuelles, c'est pour cela que plus de garçons que de filles étaient amenés. Si quelqu'un voulait une fille, il en avait une. Les filles avaient entre 8 et 12 ans". Karl Haucke disait qu’ "Il peut encore les entendre hurler aujourd'hui".
Lors des partouzes, les draps pouvaient être changés 4 à 5 fois tellement les enfants étaient abîmés. J’insiste parce qu’on parle bien de faits organisés par des ecclésiastiques, certes avec des complicités mais cela montre s’il le fallait encore la duplicité de l’Eglise qui, comme je le dis toujours, est le plus gros réseau pédocriminel du monde.
Apparemment, certains enfants disparaissaient, et étaient "remplacés" immédiatement par les nonnes.
En 2016, Rainer Edenhofer a dénoncé dans une pétition des essais de médicaments qui lui ont été infligés pendant plusieurs années par l’Institut psychosomatique de la ville de Munich à partir de 1967 quand il avait 5 ans, à la demande du bureau de la protection de la jeunesse de la ville de Munich [4]. Tout un tas de troubles lui avaient été diagnostiqués à l’âge de 5 ans, et le "traitement" a duré jusqu’à ses 31 ans.
En 2015, quand il a demandé à voir son dossier de tutelle, il n’y avait presque rien dedans : il manquait même son certificat de naissance.
Il est question d’environ 175 enfants victimes de ce groupe d’institutions dans les années 60 et 70, dont 4/5e de garçons. Selon le rapport du cabinet d’avocats, 80% des coupables sont morts tranquillement, et 37 sont toujours dans l’Eglise. Mais plus largement, dans la région de Cologne l’Eglise évoque 300 victimes et plus de 200 auteurs de faits de pédocriminalité depuis les années 60.
On devrait probablement en apprendre davantage, et il est évident que des victimes plus jeunes doivent exister puisque ce réseau est resté totalement intouchable jusque vers 2011- 2015. Peut-être même que des noms de responsables politiques -et religieux- finiront par sortir si une enquête est menée sérieusement.
[1] Notamment des "troubles modérés de l’adaptation sociale" évalué "avec de conséquences des dommages de 60".
[2] Otto Öhler, jamais condamné ni même inquiété par la justice de son vivant.
[3] Ce rapport a été demandé par le cardinal suite à plusieurs plaintes de victimes en 2018. Ce rapport qui portait sur une série d’accusations a été confié à un cabinet d’avocats et publié en janvier 2021 après une période de rétention. Le cardinal de Cologne a déclaré que ce rapport était trop horrible pour être rendu public et même les journalistes n’avaient pas le droit d’en parler.
[4] Rainer Edenhofer explique que la ville de Munich lui a demandé de retirer sa pétition du web, ainsi que son blog, effectivement supprimé depuis, ceci afin de "ne pas diffuser de fausses informations" alors qu’il s’agissait des lettres et courriers prouvant les abus médicaux. Il a été menacé d’une procédure dans le cas contraire. Selon Edenhofer, cette attitude envers les victimes de violences sexuelles dans ses propres institutions est habituelle de la part de la ville de Munich.