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8 octobre 2021

Contrôle mental : Eugénisme et contrôle social version 3e Reich

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Après avoir vu les débuts de l’eugénisme et son habillage en discipline "scientifique" par les anglais et les US à partir des années 1910, et comment la sociologie, la psychiatrie et d’autres disciplines ont été utilisées à des fins de gestion de la société et des individus, voyons comment l’Allemagne des années 30 et 40, passée sous le joug d’illuminés fanatiques, a mis cette formidable idéologie en application. 

Ce qui a mis, reconnaissons-le, un coup de frein au lobby "eugéniste" en tant que tel, devenu beaucoup plus discret et diffus après 1945.

 

Les nazis n’étaient pas seulement des administrateurs implacables. Leur idéologie prenait ses racines dans une sorte de soupe ésotérique dont s’est nourri le NSDAP dès ses origines.

A cette tendance s’ajoutaient un racisme et une adhésion à l’eugénisme, le tout constituant un terrain propice aux théories les plus folles et surtout à leur mise en application.

 

Eugénisme à l’Allemande

Les Allemands avaient aussi, comme les Anglais et les Français, leurs eugénistes. On peut citer Ludwig Woltmann (1871-1907), adepte du darwinisme social, raciste et eugéniste, ou Ernst Haeckel, zoologue et biologiste de la fin du XIXe siècle, qui était un fan de Darwin dont il a popularisé les théories de l’évolution en Allemagne. Il a aussi contribué à poser les bases de ce qui deviendra l’écologie.

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Les théories d’Haeckel et Woltmann, tout comme celles de l’anglais Galton, ont rencontré en Europe un succès qui transcendait les idéologies politiques : par exemple en France, le co-fondateur en 1882 du Parti ouvrier français, marxiste formé chez les Jésuites, devenu ensuite membre de la SFIO, était un adepte de l’eugénisme, du "perfectionnement de la race" ou "darwinisme social", et correspondait avec Haeckel sur ce sujet. Georges Vacher de Lapouge (injustement oublié aujourd’hui) déclarait être le fondateur de la sociologie qu’il appelait "anthroposociologie", et avait applaudi la mise en application de ses théories par les nazis[1].

Car l’ "anthroposociologie" consistait à appliquer la méthode anthropologique pour la politique sociale. Lapouge, qui a diffusé en France le concept d’ "eugénique" et défendait un "socialisme aristocratique" et "aryen" dans la ligne de la Fabian Society anglaise, utilisait le socialisme comme un moyen de sélectionner les meilleurs individus et d’améliorer la "race", l’éducation étant quant à elle un moyen de faire de "bons citoyens" et de repérer les futures "élites"[2].

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Il aussi travaillé avec Woltmann sur la définition d’un socialisme "sélectionniste" c’est-à-dire orienté vers la sélection des individus "les plus beaux et les meilleurs", impliquant le remplacement des religions existantes[3].

Il était question d’empêcher les individus non sélectionnés de procréer et de contrôler la fécondité, le tout grâce à la science eugénique, afin de préserver la "race supérieure". Heureusement, ces théories ont toujours trouvé des détracteurs, surtout en France. Mais elles ont beaucoup plus aux pangermanistes, qui se les sont appropriées. D'ailleurs Lapouge semble avoir eu davantage d’influence en Allemagne qu’en France.

L’un de ceux qui a diffusé et même amplifié ses théories était Hans F. K. Günther, un anthropologue allemand qui devait surtout sa carrière au fait d’avoir été proche puis d’avoir appartenu au NSDAP auquel il a insufflé une partie de ses théories raciales. En 1931 il a ouvert sa chaire de "raciologie" à l’université d’Iéna en présence d’Hitler, Goering et d’autres fanatiques nazis de l’eugénisme, en 1933 il a été nommé au comité d'experts pour la politique démographique et raciale, en 1935 Alfred Rosenberg, l’idéologue N°1 des nazis en matière de races et d’eugénisme, dont on va reparler, lui a décerné le prix de la science du NSDAP[4].

L’eugénisme, qui s’est d’abord développé en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, s’est diffusé en Allemagne avant l’arrivée des Nazis, notamment via le parti socialiste, le SPD qui a fait passer les premières lois de stérilisation d’handicapés en Prusse dans les années 20. Le concept d’eugénisme s’est inséré dans les débats sur les aides sociales, sur l’enseignement, et il s’est très vite mélangé avec l’ "hygiène raciale".

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"L'hérédité raciale, transmise par les parents et leurs ancêtres, est à la fois une doctrine biologique, mais aussi sociale, qui réunit des principes hygiéniques, eugéniques et raciaux", explique Elsa Roulette dans sa thèse "La psychiatrie allemande sous le IIIe Reich : à propos de l’eugénisme en psychiatrie". 

Celui qui a mentionné en premier ce concept d’ "hygiène raciale" en 1895 était un chercheur de l’Institut Kaiser Wilhelm, épicentre de l’eugénisme allemand, dénommé Alfred Ploetz. Ploetz a aussi beaucoup insisté sur la "pureté" de la race, ouvrant la voie à d’autres médecins spécialisés dans l’hérédité.

L’eugénisme s’est importé en Allemagne par plusieurs canaux, parmi lesquels le diplomate eugéniste autrichien résidant aux USA Geza von Hoffman, qui suivait de près les politiques eugénistes US et relatait dans les années 1910 ces brillantes avancées dans la presse grand public et la presse médicale allemandes ainsi qu’après des pouvoirs publics. Côté allemand, plusieurs eugénistes comme Fritz Lenz[5] ou Eugen Fischer étaient en lien étroit avec leurs homologues US.

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Emil Kraepelin (1856-1926) écrivait en 1909 dans son traité de psychiatrie, 8e édition au sujet de "la civilisation qui maintient en vie les inférieurs mentaux et les malades et leur permet le cas échéant de se reproduire[6] et de ces "dégénérés" qui empêchent le bon développement de la société. Il est devenu en 1918 le premier dirigeant du nouvel Institut Kaiser Wilhelm pour la recherche psychiatrique.

Le 1er congrès international d’eugénisme a eu lieu à Londres en 1912, les éditions suivantes se sont tenues en 1921 et 1932 à New York, puis l’événement a cessé.

En Allemagne, les juristes s’y sont mis aussi, avec la publication en 1920 d’un ouvrage carrément intitulé "Le droit d’annihiler la vie indigne d’être vécue" (Die Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Lebens), co écrit par Karl Binding prof de droit à l’université de Leipzig et Alfred Hoche fils de pasteur et prof de psychiatrie à Fribourg, qui réclamait très sérieusement le "la libéralisation de l’homicide" par exemple des "idiots incurables", des "vies non sociales" et des gens qu’ils qualifient d’ "enveloppes humaines vides". Tout cela au nom du bien commun évidemment, de la société.

Binding explique ainsi dans le cours de son raisonnement particulièrement scabreux : "Mais s’il est avéré qu’il existe en fait des vies humaines dont le maintien a perdu durablement tout intérêt raisonnable, l’ordre juridique est confronté à la question lourde de conséquences de savoir s’il a vocation à intervenir – en particulier par la protection pénale la plus complète – pour la perpétuation de vies non sociales. Ou s’il doit libéraliser leur destruction sous certaines conditions. D’un point de vue législatif, on peut aussi se demander si la perpétuation énergique de telles vies comme preuve de l’intangibilité de la vie en général mérite d’être préférée à l’autorisation de l’achever au soulagement de toutes les personnes concernées, considérée comme le moindre mal ?".

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Le seul bémol posé est que la personne doit avoir conscience que sa vie ne vaut rien, auquel cas l’homicide non interdit va de soi selon lui. Sauf que les "idiots incurables" qui ne peuvent pas avoir cette conscience doivent aussi être liquidés car ils sont des "charges" pour la société  et que les soigner revient à immobiliser "des milliers de membres du personnel pour des tâches complètement stériles" (comme l’explique plus loin son collègue): "je ne trouve pas du point de vue juridique, social, moral, religieux de motif de ne pas libéraliser l’homicide de ces êtres humains, qui représentent l’affreux contre-exemple d’êtres humains véritables", écrit Binding.

Quant à Hoche, il explique carrément : "De même que l’idée d’une libéralisation de la destruction de morts mentaux, complètement sans valeur pour décharger notre surcharge nationale, se heurtera encore pour longtemps à une contradiction essentiellement sentimentale dont la vigueur émanera de sources très diverses (aversion pour la nouveauté et l’inhabituel, préoccupations religieuses, émotions sentimentales, etc.)".

Et il conclut ce texte d’une réflexion hélas prophétique : "Une nouvelle époque viendra qui, au nom d’une morale supérieure, cessera de mettre en œuvre, au prix de lourds sacrifices, les exigences d’une conception exagérée de l’idée d’humanité et d’une surestimation de la valeur de l’existence en soi" 7].

En 1925 a été créée l’International Federation of Eugenics Organizations (IFEO) qui réunissait des structures de plusieurs pays comme l’Institut Kaiser Wilhelm d’anthropologie, hérédité humaine et l’eugénisme en Allemagne, la Cold Spring Harbour Carnegie Institution for Experimental Evolution et son Eugenics Record Office aux Etats-Unis dont on a déjà parlé, l’Eugenics society of Canada… L’IFEO assurait les liens et les échanges entre ces structures, pour en augmenter la force de frappe et légitimer leurs travaux.

Eugen Fischer, director of the Kaiser Wilhelm Institute for Anthropology, Eugenics, and Human Heredity from 1927 to 1942

L'IFEO était dirigée par l’eugéniste US Davenport et par son ami Eugen Fischer de l’Institut Kaiser Wilhelm, et a facilité l’élaboration des lois eugénistes et raciales du Reich puisque ces lois concernaient une partie des sujets d’étude des différents organismes de recherche US dans le domaine de l’eugénisme.

N’oublions pas que la moitié des Etats US avaient fait passer des lois eugénistes ou qui facilitaient la sélection avant 1933. Certains passages des lois de Nuremberg étaient même des copiés-collés des Modèles de lois eugénistes de Davenport.

Revenons deux minutes sur l’Institut Kaiser Wilhelm, une "société pour le progrès de la science" créée en 1911 pour recouvrir les travaux de différentes structures satellites, qui était largement financée par les industriels et milieux d’affaires[8], ainsi que par des fondations étrangères.

L'Institut Kaiser Wilhelm avait plusieurs départements, dont celui dédié à la recherche psychiatrique, qui a été créé en 1918 et financé dès le départ par des fondations US, comme les fondations Rockefeller et Loeb par exemple[9], pour travailler principalement sur la question des "asociaux" (concept qui recouvrait aussi les handicapés mentaux).

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L’une des premières missions de l'Institut Kaiser Wilhelm pour la psychiatrie a été de recenser méticuleusement l’ensemble des personnes pouvant entrer dans cette catégorie (recensements qui furent très utiles par la suite pour la mise en œuvre de la stérilisation puis des "euthanasies" de masse, et enfin de la "Solution finale").

Créé en 1927 l’Institut Kaiser Wilhelm d’Anthropolgie, hérédité humaine et eugénisme a lui aussi bénéficié dès le départ d’importants financements de la fondation Rockefeller sont arrivés dans les caisses[10]. Celle-ci a fait un don pour l’achat d’un terrain et la construction des locaux à Berlin et subventionné différentes études jusqu’en 1939 –et pas seulement jusqu’en 1933 comme l’avait déclaré la fondation en 1936, alors qu’elle finançait toujours l’Institut.

Cet Institut d’anthropologie avait à l’origine trois départements :

  • L’anthropologie raciale dirigé par Eugen Fischer,
  • L’hérédité humaine dirigé par von Verschuer puis par Eugen Fischer et Fritz Lenz,
  • L’eugénique dirigé par Hermann Uckermann, remplacé par Fritz Lenz en 1933.

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A partir de 1933 il a été dirigé par le psychiatre et président depuis 1932 de la Fédération Eugéniste Mondiale, le dénommé Ernst Rüdin entré au NSDAP en 1937, assisté de Franz J Kallmann (qui était Juif et a dû s’enfuir à New York[11]), et par l’ancien bras droit de Fischer, le biologiste nazi Otmar Freiherr von Verschuer.

Von Verschuer a dirigé à partir de 1935 l’Institut de biologie de l’hérédité et d’hygiène raciale à l’université de Francfort. Il étudiait l’hérédité en observant des jumeaux et était un grand propagandiste de ses thèses eugénistes, et donc du développement de recherches pour leur donner un peu de légitimité. "Il est important que notre politique raciale reçoive un arrière-plan scientifique, également sur la question juive" avait-il déclaré.

L’influence d’Harvard qui abritait les travaux d’une bonne partie des principaux eugénistes US [12] et comptait parmi ses diplômés pas moins de 9 membres du conseil scientifique de l’American Eugenics Society en 1926, était également très forte sur les nazis.

Hitler avait su s’entourer d’ex étudiants d’Harvard, comme son ami Ernst Hanfstaengl, fis d’un galeriste allemand installé à New-York, qui y fut le camarade de Walter Lippmann (autre père de la propagande de masse). Hanfstaengl est retourné en Allemagne en 1922 pour travailer à l’ambassade US, où on lui a demandé de se rapprocher du NSDAP. Il a très vite rencontré Hitler dans les brasseries où il faisait des meetings, a rejoint le parti en 1931 et a participé au putsch raté de 1923 ce qui lui a valu un tour en prison[13].

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Dans l’article "Harvard and the Holocaust", A.E. Samaan cite par exemple :

  • Un diplômé d’Harvard nommé juge au tribunal eugénique du Reich créé avec les lois raciales de 1933,
  • Un eugéniste d’Harvard parmi les gérants du camp de Buchenwald : le physicien Edwin Katzen-Ellenbogen, Juif polonais naturalisé américain. Il est passé par le labo de Cold Spring Harbor et était membre depuis 1913 de l’Association de Recherche Eugénique de Davenport, et est retourné en Allemagne en 1930 pour des travaux sur l’eugénisme dans le camp de Buchenwald où il était réputé pour sa cruauté.
  • Des diplômés d’Harvard qui ont contribué à écrire les lois raciales de Nuremberg,
  • Des diplômés d’Harvard en première ligne pour refuser l’asile aux Juifs qui tentaient de fuir le Reich,
  • Des diplômés d’Harvard qui ont fourni une importante publicité aux lois raciales d’Hitler.

Comme les nazis ils voulaient mettre à bas les valeurs traditionnelles pour mettre en place leur modèle de société. Comme les nazis, ils voulaient une société planifiée de manière ultra centralisée, où une caste pseudo scientifique déciderait de qui vit, comment et dans quelles conditions. Comme les nazis, ils considéraient que la "race blanche" était supérieure aux autres et que dans la "race blanche" les délinquants et handicapés étaient inférieurs.

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En 1933 la revue US Eugenical News applaudissait les lois eugénistes de l’Allemagne, meneuse des "grandes nations du monde dans la reconnaissance des fondements biologiques de l’identité nationale. Il est probable que les lois de stérilisation de plusieurs États américains et la loi national de stérilisation de l’Allemagne constitueront, dans l'histoire du droit, un jalon qui marque le contrôle par les nations les plus avancées du monde d'un aspect majeur du contrôle de la reproduction humaine, dont l'importance n'est comparable qu'au contrôle juridique des États sur le mariage".

Le journal, comme de nombreux eugénistes US, est resté fidèle à la politique eugéniste nazie encore plusieurs années malgré les dérives de la stérilisation de masse qui commençaient à être connues.

La collaboration USA- Allemagne a aussi été menée via le Cold Spring Harbor –lui aussi financé par la fondation Rockefeller- qui était un laboratoire de recherches eugénistes et existe toujours, aujourd’hui axé sur la biologie et la médecine. A l’époque il abritait l’Eugenics Record Office, financé par Rockefeller puis Carnegie pour étudier les meilleurs modes de sélection des individus. Les travaux communs menés par Davenport et Fischer portaient sur la question des capacités de la "race" Africaine.

Neues_Volk_eugenics_poster 1937 Voilà ce que coûte lavie de ce malade héréditaire à la communauté nationale

Les premières lois eugénistes passées par les nazis sont arrivées très rapidement avec la publication dès le 14 juillet 1933 de la "loi sur la prévention des descendances atteintes de maladies héréditaires" visant à stériliser par chirurgie ou irradiation les attardés mentaux, schizophrènes, bipolaires, épileptiques, ceux qui avaient des spasmes, les aveugles et sourds héréditaires, ceux qui avaient des malformations héréditaires ou des alcooliques.

205 "tribunaux spéciaux de santé héréditaire" ont été mis en place pour valider les stérilisations sans consentement, histoire de diluer encore un peu les responsabilités et de normaliser les assassinats.

Malgré ces lois qui se sont étendues très rapidement, la plupart des eugénistes US et anglais ont continué à soutenir l’eugénisme et l’hygiène raciale à la mode nazie. D’ailleurs à partir de 1933 les eugénistes allemands généralement pro-nazis ont acquis une réputation mondiale équivalente à celle des US qui dominaient jusque-là.

Les eugénistes allemands, qui étaient très bien implantés dans l’IFEO, ont organisé à Berlin en 1935 un congrès de l’Union Internationale pour la Recherche Scientifique sur les problèmes de population (International Union for the Scientific Investigation of Population Problems, IUSSIP). Il a été ouvert en grande pompe par le ministre de l’Intérieur Wilhelm Frick et c’est Eugen Fischer de l’Institut Kaiser Wilhelm qui a présidé ce congrès à la gloire des lois de stérilisation et de sélection sociale, en présence de plusieurs eugénistes US [14].

Il a fallu attendre le tournant de 1939 et la dérive meurtrière des nazis pour que l’enthousiasme commence à s’estomper et que le délire d’Hitler de rétablir "le corps sain de la nation" montre en partie son horreur.

 

La médecine, instrument de gestion sociale

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"La biopolitique nazie se présente donc comme un projet global de refonte de la société, impliquant un contrôle étatique total de la qualité biologique de la population. Or un tel contrôle suppose l’intervention des experts scientifiques, d’abord dans le processus de catégorisation des êtres biologiquement "inférieurs", ensuite dans la légitimation "scientifique" de la mise à l’écart (ségrégation), enfin dans l’organisation même de l’entreprise d’élimination de la "vie sans valeur" ou "indigne de vivre" (vouée à l’extermination)", écrivait en 1991 Pierre-André Taguieff dans l’article "Science nazie, science de mort".

Dès 1918, la fondation Rockefeller (et d’autres industriels mais dans une moindre mesure) a investi dans l’Institut Kaiser Wilhelm pour la psychiatrie de Munich où travaillaient Ernst Rudin et Otmar von Vesrschuer. La fondation Rockefeller a ainsi donné 2,5 millions de dollars en 1925 pour l‘ouverture d’un nouveau site à Berlin pour l’institut d’anthropologie, et encore 325.000$ un bâtiment en 1928.

La médecine, et les médecins, ont été des piliers du système nazi. Quand les Nazis ont gagné les élections en 1933, la plupart des médecins allemands étaient déjà convertis aux thèses raciales et eugénistes. Beaucoup étaient déjà membres du NSDAP : "de tous les organismes professionnels, c’est le corps médical qui, avec plus de 50 % de médecins inscrits au Parti nazi en 1939, manifeste le plus fortement son adhésion au IIIe Reich", écrit Yves Ternon dans l’article "Les médecins nazis" paru en 2007 dans Les Cahiers de la Shoah.

Eugen Fischer - 1934 Ceremonie université de Berlin

A partir de cette date, les scientifiques qui pouvaient encore exercer étaient forcés de collaborer par la machine administrative et répressive radicale. Entre 1933 et 1935, tous les organismes de santé ont été placés par décrets sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, et les chaires universitaires dans les domaines de l’ "hygiène raciale" sous toutes ses formes ont été multipliées pour former une nouvelle élite de médecins, de même avec les publications "scientifiques".

Les nazis préféraient parler d’hygiène sociale plutôt que d’eugénisme, terme emprunté au domaine médical (le mouvement "hygiéniste" s’est développé fin XIXe siècle entraînant une sorte de "médicalisation" de la société au motif d’améliorer les lignées jugées défectueuses, et a fini par déboucher sur l’eugénisme).  Ils ont lancé des travaux en génétique, en "hygiène raciale", en "biologie criminelle" pour identifier les asociaux.

Fritz Lenz était un généticien et eugéniste militant, réputé dans les années 20 et 30, qui a collaboré avec Eugen Fischer à l’Institut Kaiser Wilhelm. Avec Fischer, il a publié avec le premier manuel de génétique allemand en 1921, intitulé "Principes de génétique humaine et d’hygiène raciale" où il défend l’idée de sélection des individus.

Lenz qui a participé aux lois de stérilisation de 1933 cherchait à diffuser l’eugénisme dans toute la société, et avait souligné le rôle crucial joué par les médecins pour instaurer la sélection massive des individus depuis l’identification des cibles jusqu’à l’élimination des "indésirables".

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"Les blocages que les idées de l’hygiène raciale rencontraient encore il y a peu dans la profession médicale n’existent plus aujourd’hui. […] Le noyau allemand de la profession médicale a fait siennes les recommandations de l’hygiène raciale allemande. Précisément, sur cette question, la profession médicale a joué un rôle prédominant" a-t il écrit.

Tout cela avait un but essentiellement politique, et l’eugénisme ou l’ "hygiène raciale" n’étaient que des modes de gestion de la société. Lenz a été assez clair dans un de ses livres : "il n’y a pas de frontière bien établie entre l’hygiène raciale et la politique. L’hygiène raciale, en tant que pratique, doit justement essayer de modeler la vie collective selon les principes hygiénistes raciaux[15].

Quand la loi du 14 juillet 1933 "pour la prévention d’une descendance héréditairement malade" est passée, définissant huit pathologies comme héréditaires, les nazis estimaient devoir stériliser autour de 4% de la population. Des lois similaires existaient déjà dans la moitié des Etats-Unis à cette époque, ainsi qu’en Suède et en Suisse notamment. En Allemagne, 56.000 personnes avaient été stérilisées en 12 mois d’application, pour la mise en route de la machine, et de 1933 à 1939 on estime que 350.000 personnes ont été stérilisées contre leur volonté, soit 0,5% de la population (dont entre 1 et 5% sont morts suite aux opérations) qui n’entrait pas toujours dans le cadre de la loi[16].

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En 1935 le mariage a été interdit avec des Juifs, et puis pour les personnes atteintes des fameuses "maladies héréditaires", à moins qu’elles ne se stérilisent. Quant aux femmes "aryennes", il leur était désormais interdit d’avorter ou d’utiliser une contraception. Pour elles la doxa était : "Kinder, Küche, Kirche" (les enfants, la cuisine, l’église).

Ce processus de "sélection" s’est amplifié à partir de 1939 avec l’entrée en guerre. Au départ en juillet 1939 Hitler a autorisé son médecin Karl Brandt, commissaire à la Santé, à éliminer des enfants lourdement handicapés sans légiférer. Et très vite il lui a demandé avec le responsable du NSDAP Phillip Bouhler, de préparer une procédure pour le faire à grande échelle[17]. Il évoquait cette question avec eux dès 1933. Le recensement par les équipes de soignants des enfants handicapés a commencé en août 1939 et en octobre les premiers assassinats ont eu lieu à Görden dans un centre géré par l’hôpital psychiatrique de l’Université de Heidelberg.

Elsa Roulette explique : "l’euthanasie prit une plus grande ampleur en 1940 dans des centres de la "Commission du Reich" camouflés en "service de pédopsychiatrie disposant de toutes les méthodes thérapeutiques possibles sur la base des plus récentes données de la science". Les enfants provenaient des services de pédiatrie, pédopsychiatrie, ou du Gesundheitsamt (équivalent de l’aide sociale à l’enfance). Une fois désignés par la commission, leur transfert dans les centres de liquidation était automatique. Pour ceux vivant chez leurs parents, ces derniers étaient incités fortement à les y envoyer pour bénéficier de nouveaux traitements. S’ils refusaient malgré les tentatives de culpabilisation, on les menaçait de leur retirer la garde des enfants par la justice.

Karl Brandt

On retrouve les procédés employés par la suite chez les adultes, avec l'intervention médicale tout d'abord lors de la sélection des victimes, dans le meurtre, puis le camouflage médical de la liquidation et la falsification des actes de décès". Progressivement, les critères des enfants à liquider ont été élargis et 5000 ont été assassinés en deux ans.

Le 1er octobre 1939 l’Aktion T4 a été mise en place par Hitler pour éliminer les adultes qui ne convenaient pas, les "inutiles". Ce programme était piloté par la "communauté de travail des établissements de soins et de cure du Reich" (en réalité, Hitler avait comme objectif d’éliminer les "inaptes" depuis 1935 au moins, mais il attendait le déclenchement de la guerre pour le faire afin d’éviter trop de critiques de la part des Allemands comme de l’étranger[18]). Les cerveaux des victimes étaient ensuite examinés par les neurologues de l’Institut Kaiser Wilhelm pour la recherche sur le cerveau[19].

Les psychiatres allemands, fidèles au NSDAP, ont été mis à contribution pour élaborer le programme et le mettre en oeuvre, en échange de la promesse d’une totale immunité judiciaire. Des questionnaires ont été envoyés aux médecins des hôpitaux, cliniques et asiles ainsi qu’aux libéraux (parmi ces derniers tous n’ont pas répondu) de tout le pays sous le couvert d’une enquête "scientifique" et statistique pour des besoins budgétaires.

L’objectif était d’identifier 4 catégories de personnes destinées à être exterminées : ceux qui avaient passé plus de 5 ans de suite en institution, ceux qui étaient trop handicapés pour travailler, les détenus malades mentaux et les étrangers.

Aktion T4

Les patients identifiés par la centrale T4 étaient transférés au motif officiel de "soins"et il semble qu’au départ les responsables des établissements où ils vivaient ignoraient le sort qu’il leur était réservé. On leur demandait même de prévoir du linge et de quoi se laver et d’envoyer leur dossier médical. Les Juifs ont été regroupés dans les mêmes asiles, puis ont été envoyés directement dans des centres d’extermination.

6 instituts d’euthanasie dirigés par des psychiatres ont été créés pour faire de la place aux soldats blessés dans les hôpitaux et des économies, faisant de l’Allemagne le premier Etat à utiliser l’euthanasie sans vraiment la légaliser. Ils disposaient de salles de douches qui étaient en fait des chambres à gaz au monoxyde de carbone fourni par IG Farben, méthode qui s’est avérée la plus efficace et rentable. Les corps étaient ensuite brûlés. Les "patients" étaient en général tués dans les 24h après leur arrivée[20].

Les détenus des camps de concentration jugés malades ou invalides ont aussi été euthanasiés dès 1940, et en 1942 le ministère de la Justice a décidé de "mettre les éléments asociaux du régime pénitentiaire à la disposition du Reichsführer à des fins d’extermination par le travail", ce qui incluait aussi les personnes internées d’office, devant être expédiés dans les "asiles de guérison et de soins" pour y être tués.

Le programme a été éventé et l’indignation d’une partie de la population ont entraîné la suspension d’Aktion T4 fin août 1941, après avoir éliminé 50% des patients des asiles publics en Saxe, 60% dans la région de Berlin, 42% en Bavière, par exemple. Les meurtres ont alors touché de nouvelles catégories, notamment les orphelins non aryens, et se sont accélérés, ayant carrément lieu dans les asiles et hôpitaux, devenus de véritables mouroirs où on laissait les malades mourir de faim[21], puis dans des camps où les gens étaient souvent tués de manière expéditive.

 

La mise au pas des sciences sociales

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Cette idéologie eugéniste ne s’est pas cantonnée au domaine médical ni même aux sciences dites "dures" comme la biologie ou la physique. La logique est simple, comme l’explique Benoît Massin au sujet du raisonnement tenu par l’eugéniste Fritz Lenz : "En faisant de la "race" un organisme vital d’un rang supérieur à l’individu, l’hygiène raciale a favorisé le glissement des valeurs de l’individu vers la race, du milieu vers la "masse héréditaire" (Erbmasse). Elle a contribué au déclin de l’individualisme, ce qui la rapproche du national-socialisme sur le plan politique".

Au nom de la race, érigée en collectif quasi sacré, l’individu n’a plus d’existence en tant que tel, le concept de "droits humains" est absent. Pour préserver cette race, ce collectif, l’autorité qui dispose de la violence "légitime" a le droit de tout faire à un individu, il a même le droit de vie et de mort. En parallèle, il est impératif de gérer la société de manière à ce que rien ne déborde du cadre fixé.

2021-09-15 21_24_38-The Loyal Genetic Doctor, Otmar Freiherr von Verschuer, and the Institut für Erb

Otmar von Verschuer, un des grands lobbyistes nazis de l’eugénisme et de l’ "hygiène raciale", écrivait dans le premier numéro de sa revue Der Erbarzt en 1934 : "Le patient n’est plus un individu isolé avec des exigences uniquement liées à sa propre personne. Il est bien davantage le membre d’une unité qui lui est supérieure, il est membre de sa famille, de sa race et son peuple. Les exigences de l’homme isolé se voient imposer des limites, lesquelles dépendent des devoirs par rapport au tout. La nouvelle communauté du peuple (Volksgemeinschaft) se bâtit sur ce principe du national-socialisme. Y contribuer est la mission toute particulière du médecin".

Et selon lui, "Le mobile de base de l’action médicale ne peut plus être exclusivement mis au service de l’individu, il doit aussi l’être au service du peuple. Le médecin de l’individu de l’époque passée va être remplacé par le médecin de l’hérédité". Remplaçons juste "le peuple" par "l’ordre social" qui est en réalité le fond de cette pensée.

La stérilisation de force était typique de cette manière de voir les choses : elle n’apporte aucun bénéfice à celui qui la subit et son seul rôle est de préserver "la race" ou la communauté, ou le corps social.

Du côté de la sociologie, qui s’est développée au début du XXe siècle, les Nazis ont aussi cherché à cadrer les travaux. Les sociologues allemands ont par exemple beaucoup appuyé la colonisation, poussés par le développement d’une "science coloniale" chère aux nazis. Dans les années 30, la sociologie a été orientée vers l’administration des colonies, pour organiser le travail des peuples colonisés selon les principes nazis, et assurer la ségrégation.

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Mais la discipline n’en était qu’à ses balbutiements. La criminologie, par exemple, ne répondait pas à une approche sociologique mais s’insérait dans la "biologie criminelle", dont l’objectif était de prévoir les tendances asociales des individus à partir de leurs caractéristiques physiques et par l’ "hygiène raciale". Avant l’arrivée du planning familial, ce sont les eugénistes et tenants de cette "hygiène raciale" qui géraient les consultations familiales, matrimoniales ou même de consultations sexuelles dans les centres municipaux.

La sociologie des années 20 et jusqu’en 1933 était menée surtout par des chercheurs de gauche et/ ou Juifs, qui ont été virés et ont souvent dû fuir le pays. Il restait quand-même beaucoup de sociologues "aryens". Dès le début des années 20, le nazisme a commencé à se répandre dans les milieux universitaires, sociologie comprise, en passant par les universitaires les plus à droite.

Mais la période 39-45 de la sociologie allemande est hélas largement restée sous le tapis, comme s’il s’agissait d’une parenthèse ce qui n’est pas le cas puisque les nazis du domaine sont restés en poste. Le nazisme a été intégré aux programmes et les recherches ont été orientées vers les besoins du Reich.

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La campagne Ritterbusch était une stratégie de contrôle des sciences humaines, qualifiée "d’effort de guerre des sciences humaines". Le but était que les sciences humaines renforcent le narratif nazi. Quasiment tous les historiens et sociologues du pays ont contribué à une des grandes œuvres du nazisme lancée en 1925, le "Dictionnaire de la germanité dans les régions frontalières et à l’étranger". Et d’une manière générale, tous répondaient aux commandes de l’Etat, cherchaient les subventions qui allaient avec sans se poser de questions, et espéraient ainsi faire carrière.

"Après 1933, une bureaucratie coloniale scientifique apparut au sein du parti nazi : quelques 500 chercheurs étaient chargés d’élaborer des stratégies pour le renouvellement de l’empire allemand en Afrique. Au même moment, près de la moitié des professeurs de sociologie partirent en exil"

Alfred Rosenberg

"Les enseignants juifs, libéraux et de gauche furent écartés des universités. L’État nazi décidait dans une large mesure des recrutements et licenciements, il autorisait (ou non) la tenue et la publication des colloques scientifiques, il déterminait les instituts, universités et disciplines qui avaient le droit d’exister, ainsi que le montant des ressources qui leur seraient attribuées. Dans certaines disciplines, les publications disparurent complètement, faute de financement, alors que, dans d’autres, les budgets de recherche grimpèrent en flèche". 

Alfred Roseberg, idéologue du nazisme, a mis en place un "Bureau central de la sociologie". Martin Heidegger qui fut recteur de l’université de Fribourg sous le Reich était un fervent défenseur du national-socialisme. Carl Schmitt s’est franchement orienté vers les théories politiques pro-nazies, Hans Freyer a co-fondé en 34 de la Commission pour la philosophie du droit, Walter Sombart a fondé la Société allemande de sociologie… Il y avait un réel mouvement pro-nazi dans les sciences humaines grâce au strict contrôle des universités et des carrières universitaires.

propagande nazie

De 1933 à 1936 les Nazis ont mis en place un Institut des domaines (Institut für Ständewesen) à Düsseldorf pour construire la réforme économique autour d’un Etat corporatiste[22]. Composé uniquement de membres du NSDAP, il était dirigé par le sociologue autrichien Othmar Spann et par l’industriel Fritz Thyssen qui en était aussi le principal financier.

Pour Sombart, la sociologie devait influencer la politique du NSDAP et contribuer aux grandes réformes du nazisme. Il voulait que la société allemande de sociologie rejoigne l’Académie du droit allemand créée en 34 pour construire le nouveau droit allemand, pour que les sociologues donnent leur avis sur les normes concernant la population et la création de nouvelles institutions.

Dès 1933 l’Institut de Sciences sociales et politiques de l’Université de Heidelberg a été repris en main et en 1941 Hitler a voulu la création d’une Académie internationale pour les sciences de l’État et du Gouvernement. Objectif : développer une "sociologie du gouvernement"selon le secrétaire d’État Wilhelm Stuckart.

En décembre 1941 un Institut pour la Technique de l’État à Munich a été mis en place, et son directeur Ernst Letzgus a réclamé d’aller plus loin dans les outils à disposition car il fallait "se pencher sur les questions politiques, par exemple sur la psychologie du peuple, la biologie du peuple et la configuration de l’espace". Le ministre de l’Intérieur Wilhelm Stuckart[23] appelait alors à développer une "sociologie du gouvernement".

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La recherche en histoire a été touchée rapidement avec la création de l’Institut d’histoire de la Nouvelle Allemagne, qui a notamment tenté de réécrire l’histoire germanique et celle des Juifs pour aller dans le sens de la propagande, et celle plus tard de l’Ahnenherbe par Himmler, sur laquelle on va revenir. 

L’Histoire a été orientée vers les lubies nazies, et là aussi beaucoup des nazis les plus fervents ont continué sans encombre leur carrière universitaire, comme Hermann Aubin qui a mis ses efforts sur le folklore germanique et le réagencement de l’espace ethnique[24], avait été qualifié par certains de ses confrères d’après-guerre de "véritable idéologue nazi".

Il n’a jamais été poursuivi pour sa collaboration active au Reich, et après la guerre il a été membre de diverses sociétés historiques et en a été récompensé d’un titre de membre honoraire de l’Académie d’Histoire Economique d’Harvard.

Spécialiste des chevaliers teutoniques et d’histoire nordique qui a travaillé un moment à l’Institut d’Histoire de la Nouvelle Allemagne, Walther Hubatsch, a continué à enseigner après la guerre, notamment à l’université de Göttingen où se sont réfugiés beaucoup d’ex fanatiques nazis qui avaient retourné leur veste, puis à l’université de Bonn.

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A l’école, les programmes scolaires d’histoire avaient été réformés en 1937 au primaire et 1938 au lycée et tous les manuels ont été réécrits en réduisant les contenus et en insistant sur "les grandes lignes de l’évolution historique" à la sauce hitlérienne et les incontournables "grands hommes", forcément dans la ligne évidemment.

La psychologie aussi a été victime de l’opportunisme des "aryens" qui ont profité de l’espace vidé par les confrères Juifs et de gauche pour gagner en réputation, du moins tant qu’ils étaient parfaitement dans la ligne du parti.

Bien qu’accusée d’être une science de juifs et bannie des Nazis, la psychologie a eu droit à un Institut dédié, l’institut Goering créé en 1936 par Mathias Göring (adhérent dès 1933 au NSDAP) et présidé de 36 à 40 par Carl Jung. A partir de 1939 l’institut Göring a mené des recherches autour de la guerre psychologique ou du traitement des névroses de guerre. En 1956 il a même eu le culot de fonder –à Gottingen- un "Institut pour le film scientifique".

"Des concepts nationaux-socialistes comme la Race, le Peuple, la Communauté et l’Hérédité sont devenus monnaie courante dans les études psychologiques. En particulier, la psychologie sociale, la psychologie de l'enfant, la psychologie de l'éducation et la psychologie de la personnalité se sont de plus en plus alignées sur la psychologie des masses des nazis", explique Nicholas Vine dans "Psychology under ther Third Reich".

L’homosexualité était un autre domaine d’études important comme c’était déjà le cas avant 1933, et Himmler se disait spécialiste en la matière. Il s’agissait de savoir si l’homosexualité était héréditaire, comment elle contaminait d’innocents hétérosexuels, comment la traiter à coups de traitements chimiques...

C’est sur ces concepts que les financements étaient mis, et c’est donc sur eux qu’il fallait travailler pour espérer faire carrière. Toutes ces recherches menées dans le domaine de la "psychologie" version nazie autour de la race allemande et de sa supériorité intrinsèque avaient pour objectif d’écraser toute pensée critique et d’imposer une pensée purement mécanique. Dans le même temps le métier de psychologue libéral a été encadré, un diplôme étant créé en 1941.

 

Les expériences sur l’homme

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A partir de 1940 les nazis ont passé un cap avec les expérimentations et autres recherches "scientifiques" sur des cobayes humains non consentants, et cela à une échelle industrielle. Des expériences ont été menées dans les camps pour plusieurs motifs : répondre aux besoins de recherche de l’industrie et de l’armée, mener des travaux pour prouver les théories racistes et antisémites, mettre au travail les malades mentaux, préparer l'évolution de la "race"...

Dans les camps gérés par les SS, ces expériences "ont un but unique : soutenir l’effort de guerre allemand. La plupart d’entre elles sont programmées à la demande d’organismes intéressés par les résultats afin de mieux protéger les soldats allemands. Ces organismes sont : d’une part les armées allemandes – la Wehrmacht, la Kriegsmarine, la Luftwaffe, la Waffen SS – d’autre part des laboratoires pharmaceutiques qui mettent au point divers produits – Bayer, Höchst, Schering" explique Yves Ternon. 

Pendant qu’on euthanasiait à tour de bras ceux qui étaient considérés "inaptes" à la société, il fallait aussi envoyer au travail le plus vite possible ceux qui pouvaient être productifs, y compris les handicapés mentaux. "On mit en place les cures de coma hypoglycémique insulinique et les chocs au Cardiazol, dérivé du camphre utilisé à dose convulsivante, dans tous les asiles au sein de services dédiés à partir de 1936", explique Elsa Roulette dans sa thèse.

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Puis les électrochocs développés tout récemment en Italie et appelés "électro-convulsothérapie", ont été utilisés à partir de 1942. On retrouve ces éléments (chocs d’insuline et électrochocs) dans la panoplie des méthodes MK-Ultra. Le Dr Elder von Braunmühl qui a "traité" 563 patients par électrochocs, se vantait par exemple d’avoir "guéri" 41,3% de ses patients schizophrènes, tandis que 36% avaient une "amélioration" et 18% auraient rechuté.

Des recherches en "neuropsychiatrie" ont été lancées, d’abord sur les Tziganes. Le pédopsychiatre et neurologue Robert Ritter, créateur en 1936 du Centre de recherches sur l’hygiène raciale et la biologie des peuples, et sa collègue anthropologue Eva Justin[25] ont étudié les enfants Tziganes enlevés à leurs parents, et conclu qu’il s’agissait d’un peuple de criminels ce qui signait leur arrêt de mort.

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Tous les enfants qu’ils ont étudiés ont été tués dans les camps, certains ont été victimes de Mengele qui a tué 2800 des 3000 jumeaux passés entre ses mains. En 41 Ritter s’est fondé sur ses précédents travaux pour justifier, alors qu’il était directeur de l’Institut de biologie criminelle de la police de sécurité, la déportation de 21.000 Rroms à Auschwitz.

Des expériences sur des enfants de 5 à 13 ans pris dans l’asile psychiatrique de Görden où ils étaient destinés à être "euthanasiés" ont été menées dans les années 30 par le biologiste eugéniste Nachtsheim : ils étaient mis dans des caissons où l’oxygène était réduit pour voir quand ils faisaient une crise d’épilepsie[26]. Apparemment, une seule de ses victimes a survécu à la guerre.

Beaucoup d’industriels et financiers allemands (Thyssen, Krupp, Opel…), américains (Ford, IBM, ITT, Standard Oil, General Electric…), anglais, hollandais et aussi français (Renault, Berliet, Vuitton, SNCF, banque Worms…) ont placé de l'argent dans l’ascension d’Hitler [27] et l’effort de guerre allemand en investissant massivement dans le NSDAP et l’industrie.

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Ces industriels ont donc obtenu de pouvoir bénéficier des outils de production, et pour certains d'installer leurs usines et laboratoires de recherche dans les camps de concentration pour être au plus près de la main d’œuvre à bas prix et des victimes pour les différentes expérimentations menées par les "scientifiques" nazis.

Des tests ont été menés sur les résistances aux maladies, les vaccins, l’effet des armes, de produits chimiques, la génétique et l’hérédité, les méthodes de stérilisation… 

A Buchenwald, le médecin US Edwin Katzen-Ellenbogen travaillait sur les moyens de développer la politique eugéniste du Reich en identifiant par exemple les Polonais qui pouvaient être "germanisés".

A Auschwitz-Birkenau Mengele qui était l’assistant d’Otmar Von Verschuer a multiplié les expériences, et toutes ne sont pas connues. Ensemble, ils ont travaillé sur des jumeaux de 1938 à 1940, grâce à des financements de la fondation Rockefeller[28].

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On estime que 3000 jumeaux ont été victimes de Mengele, dont seulement 100 à 200 ont survécu[29]. Il cherchait notamment à identifier le gène des jumeaux pour créer la nouvelle "race". Il a testé sur eux des virus et bactéries, des rayons X, des produits chimiques, des processus de changement de sexe[30], le changement de la couleur des yeux par injections, l’ablation d’organes sans anesthésie, notamment des organes sexuels, l’impact de l’inceste, il a tenté de créer des frères siamois en les reliant par chirurgie… 

Les rapports de ses expériences, qu’il a envoyés à Von Verschuer à l’Institut Kaiser Wilhelm, ont été emmenés dans deux camions et ont officiellement disparu de la circulation.

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Toujours à Auschwitz, Otto Ambros a testé différents gaz et produits chimiques toxiques sur les prisonniers d’Auschwitz pour le compte d’IG Farben, Carl Clauberg a testé la stérilisation des femmes en injectant différents produits chimiques, Horst Schumann s’est spécialisé dans les rayons X toujours pour la stérilisation des hommes comme des femmes, et les victimes qui n’étaient plus utilisables étaient tuées.

Le physicien Kurt Blome travaillait officiellement sur les traitements du cancer en Pologne, mais en réalité cette activité dissimulait le programme nazi de recherches sur les armes biologiques à base de typhoïde, le choléra, la peste, de nourriture contaminée, de maladies du bétail... Les prisonniers des camps servaient encore une fois de cobayes[31].

A Dachau les prisonniers ont été utilisés par l’aéronautique pour des recherches sur le froid, ou pour des recherches sur les vaccins menées notamment par Walter Schreiber qui leur inoculait des virus, à Ravensbrück les subordonnés de Walter Schreiber ont testé des traitements contre les infections en créant des infections aux prisonnières…

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A Natzwiller-Struthof en Alsace, les prisonniers étaient victimes des expérimentations d’August Hirt pour trouver un antidote au gaz moutarde, envoyé à doses mortelles. Hirt était un SS qui travaillait pour l’Ahnenerbe et enseignait à l’université du Reich de Strasbourg.

En 1942 Himmler a créé un Institut pour la recherche pratique et scientifique militaire (Institut für Wehrwissenschaftliche Zweckforschung) pour financer et organiser discrètement des recherches à la frontière de la science ou "non conventionnelles" c’est-à-dire en utilisant des cobayes humains qu’on massacre à grande échelle. C’est là, derrière la vitrine de l’Ahnenerbe, qu’ont travaillé certains occultistes comme Karl Maria Wiligut dont on va reparler.

Il y a aussi eu des expériences plus étranges, comme celles sur un "élixir de vie" à base de racines de Ginseng censées ressusciter des soldats morts quelques heures auparavant, ou les essais pour trouver un produit de rajeunissement ou permettant de prolonger la vie[32]. Les victimes étaient ensuite tuées et "autopsiées" pour évaluer l’efficacité des différentes méthodes.

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Himmler a également réclamé des expériences sur une "chaleur artificielle" capable de ressusciter des gens morts de froid. Après avoir tué quelques dizaines de victimes, il a été conclu que la méthode ne fonctionnait pas. Des techniques de ressuscitation de morts ont été tentées par "réchauffement animal" en important à des détenues de réchauffer des morts congelés, parfois sous le regard attentif d’Himmler[33].

C’est dans cet insititut qu’ont été élaborés les éléments de langage et les fondations idéologiques de la "Question juive", c’est-à-dire la "solution finale", le génocide. Ce travail a été mené par la "Division des Sorcières" d’Himmler, Franz Six (qui après la guerre a travaillé comme cadre chez Porsche ) et Rudolf Lewin[34], qui ont recommandé de ne pas chercher à donner de justifications pseudo rationnelles, mais plutôt à utiliser la fantasmagorie.

D’autres expériences ont visé à trouver des drogues pour développer la capacité des soldats, obtenir des "machines humaines", le soldat parfait qui était super endurant et ne ressentait pas la douleur. C’est ainsi que la Pervitine, aujourd’hui appelée Crystal meth et développée par les nazis à la fin des années 30, a été distribuée aux soldats de manière massive : plus de 35 millions de cachets. Elle était en vente libre en pharmacie dans le Reich dès 1938, ce qui a rendu accrocs pas mal d’Allemands. En face, les soldat anglais des troupes de choc aussi étaient shootés notamment à la banzédrine.

A partir de 1943 les nazis ont commencé à travailler, notamment à Auschwitz et Dachau avec Kurt Plotner, sur l’impact des drogues sur le cerveau et les réactions humaines dans le cadre des interrogatoires, avec la mescaline, les dérivés de la morphine, les barbituriques. 

Quand ils ont su que la guerre était perdue, les Nazis ont détruit les documents et les produits qu’ils stockaient.

 

Manipulation des masses 

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En parallèle de cette agitation sur le plan scientifique et dans un corps médical gangrené par le NSDAP, les nazis ont mis en place une vaste opération de propagande pour sensibiliser la population à son idéologie. Certains parlent d’une "nazification du quotidien" comme un "rite simple et moderne" dont parlait Goebbels.

Selon Goebbels qui gérait la propagande, "Le moteur d’un mouvement idéologique n’est pas une question de compréhension mais de foi". La rationnel n'avait pas sa place, il fallait adhérer par foi. Il avait lu et s'est beaucoup inspiré de "Propaganda" de Bernays, paru en 1928 dans lequel Bernays présentait des méthodes pour écontrôler et régenter les masses conformément à notre volonté sans qu’elles en aient conscienceé.

Au début des années 30, Berlin était déjà à la pointe des techniques de publicité commerciale. Il a adapté à la politique la diffusion de campagnes massives, la répétition de slogans simplistes. A peine le pouvoir conquis, le parti s’est débarrassé de ses rivaux. Une ordonnance sur "la protection du peuple et de l’Etat allemand" a supprimé des droits fondamentaux comme les grèves, les manifestations et le pluralisme politique. Des mesures impopulaires que la propagande s’est chargée d’adoucir avec des discours du chancelier, diffusés à la radio, précédés de reportages à la gloire du Führer.

Les nazis ont aussi utilisé le cinéma, de la télé qui était en test dès 1935, et surtout de la radio qui a été diffusée dans tous les foyers. Beaucoup de divertissement venaient combler l'espace entre les clips de propagande sur les faits et gestes du Furhrer, seuls messages importants. 

Le calendrier a été rempli de célébrations, commémorations d’événement mythiques et festivités donnant lieu à des spectacles de masse : anniversaire d’Hitler, fondation du NSDAP, fête des travailleurs, un remix de noël appelé Yuletide du 6 décembre (Noël dans le nord de l’Europe) au 6 janvier avec des allumages de grands feux, des boules en croix gammées, une Pâques remixée et l'éjection du Christ…

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Le baptême, le mariage pour les SS, ont été revus et corrigés pour enlever les aspects chrétiens et y intégrer la fantasmagorie germano-païenne soi-disant ancestrale. La langue aussi a été modifiée avec l'apparition d'une novlangue nazie au service de la propagande et du conditionnement.

Progressivement, la population a été habituée à l’idée d’éliminer les non productifs pour le bien de "la communauté"qui se résumait finalement aux nazis et à leurs sympathisants. C’est parce qu’ils croyaient à ce qu’ils faisaient que les allemands ont si bien mis en œuvre les pires actions.

Hitler était comme on le sait devenu un spécialiste de la manipulation des masses. Dans Mein Kampf, il a écrit que "La faculté d’assimilation de la masse, dit-il, n’est que très restreinte et son entendement, petit ; par contre, son manque de mémoire est grand. Donc toute propagande efficace doit se limiter à des points fort peu nombreux, et les faire valoir à coups de formules stéréotypées aussi longtemps qu’il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l’idée… La grande masse d’un peuple ne se compose ni de professeurs ni de diplomates. Elle est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus facilement dans le domaine des sentiments, et c’est là que se trouvent les ressorts secrets de ses réactions, soit positives, soit négatives… Dans tous les temps, la force qui a mis en mouvement sur cette terre les révolutions les plus violentes a résidé bien moins dans la proclamation d’une idée scientifique qui s’emparait des foules que dans un fanatisme animateur et dans une véritable hystérie qui les emballait follement"

La propagande nazie avait cela de nouveau qu’elle utilisait massivement tous les supports de diffusion disponibles (affiches, tracts, journaux, radio qu’appréciait tant Goebbels[35]…) pour s’adresser à tous les publics, et saturer aussi bien l’espace public que l’espace privé.

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L’objectif était de faire baigner les citoyens dans une soupe de propagande nazie en permanence : au travail quel qu’il soit, dans la vie associative, à l’école, lors des fêtes publiques, lors des moments de détente via la culture nazie, dans la vie personnelle (mariage, naissance…) dans la vie économique (aides sociales, aides au logement, aides pour les chômeurs, aide vieillesse, prêts sans intérêts pour les jeunes couples…), à la maison (salut nazi obligatoire même au domicile sinon le risque était la dénonciation), et évidemment en boucle dans les médias. Pour Goebbels les médias devaient surtout faire de la pédagogie auprès de la population, l’éduquer à la doxa nazie.

Dès leur arrivée au pouvoir en 1933 les nazis ont organisé la propagande : Hitler a été nommé chancelier le 30 janvier 1933 après l’incendie du Reichstag et l’élimination de l’opposition de gauche, et dès le lendemain une campagne de pub massive a été lancée, à tel point qu’elle occupait la majorité des programmes radio. Les défilés et autres manifestations nazies étaient rediffusées en direct. Ce qui a grandement facilité la victoire du NSDAP aux élections de mars 1933.

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Le corollaire de cette propagande massive était la censure[36] et l’effacement de tout ce qui ne correspondait pas à la doxa.

En mars 1933 un ministère à l’Education du peuple et à la propagande du Reich a été créé, dirigé par Goebbels qui mettait en scène sa petite famille dans les journaux, avant la presse people. En septembre, une loi oblige les artistes à adhérer à une "chambre de la culture du Reich".

Bernays (18891-1995) était américain, de parents émigrés autrichiens (il était le neveu de Freud) et est considéré comme le père de la Propagande moderne, qui était selon lui le ciment de la démocratie, ou au moins de ce qu’il appelle "démocratie" [37]. Jeune diplômé en agriculture, il a commencé par écrire dans des revues médicales avant de travailler à la propagande de guerre en 1914 puis d’ouvrir son cabinet de conseil. Il a écrit plusieurs bouquins dans les années 20, développant une sorte de machiavélisme de la communication[38].

Dès 1932, Goebbels revendiquait l’usage "des méthodes américaines et à l’échelle américaine" pour assurer la victoire d’Hitler. L’objectif était de modeler l’opinion publique, de préparer le terrain pour l’avènement du nazisme, puis une fois qu’ils ont eu le pouvoir, d’obtenir l’adhésion et d’augmenter l’effort de guerre.

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Par exemple quand le programme Aktion T4 de stérilisation de masse des personnes handicapées a été lancé, il s’est accompagné d’une propagande intensive jusque dans les écoles pour faire entrer dans l’esprit de la population que ces gens étaient inutiles et que leur existence se résumait à un coût pour la société : "Dans les écoles, les enfants sont mis en condition : leurs livres d’arithmétique mettent en parallèle le coût d’un malade mental et le salaire d’un ouvrier. Des expositions, des films montrent des faibles d’esprit incurables et exigeant des soins permanents et coûteux. La population allemande est ainsi préparée à admettre et à justifier, et même à réclamer, l’élimination des "bouches inutiles"", explique Yves Ternon dans l’article "Aktion T4" paru en 2013 dans la Revue d’histoire de la Shoah.

En matière de propagande, les nazis ont été formés aussi bien par les débuts du marketing américain que par les sociétés initiatiques. Selon René Alleau auteur du livre "Hitler et les sociétés secrètes", "Les sciences ésotériques et les doctrines secrètes ont été étudiées par Hess comme elles le furent par d’autres chefs nazis tels que Himmler, par exemple, non pas avec une curiosité superficielle mais avec l’intention délibérée d’utiliser pratiquement ces connaissances dans le cadre mystico-politique d’une révolution qui voulait être aussi une nouvelle révélation religieuse, un prophétisme raciste conquérant".

Dans une Allemagne instable politiquement, minée par la défaite de 1918 et bientôt par la crise de 1929, les discours sur la gloire passée et à venir, sur la supériorité du peuple allemand et tout le folklore qui va avec, c’est-à-dire un discours faisant uniquement appel à l’émotion et aux sentiments, a fait mouche. Les messages étaient simples, très très répétitifs, et ceux qui ne suivaient pas le mouvement risquaient de passer pour des ennemis de la nation.

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Pour mener une propagande efficace, toute information destinée à l’opinion doit passer par le filtre de l’équipe de la Propagande qui se charge de la plonger dans un climat d’anxiété permanent de moyenne intensité.

Un des leviers importants était évidemment la culture,prise en main par Goebbels dès 1933 avec la création de la chambre de la culture du Reich qui avait des branches pour le cinéma, la musique, le théâtre, la presse, la littérature (on interdit des livres, on promeut les romans de guerre pour préparer la population au futur conflit), la radio, les beaux-arts.

C’était à la fois le canal de diffusion de la propagande, de l’idéologie, un moyen de contrôle social car tous les artistes devaient y être enregistrés. Ils pouvaient alors bénéficier des subventions massives destinées aux nombreuses productions dans la ligne nazie.

Par exemple dans le théâtre : "Le 7 juillet 1933, un "cercle d’auteurs dramatiques" se met en place pour assurer le contrôle du contenu idéologique des pièces (Theater-Tageblatt, 1933). La création de ce groupe au sein de "l’Union du Reich pour la promotion des spectacles en plein air" (Reichsbund zur Förderung der Freilichtspiele e.V.) cherche également à former les écrivains aux exigences de la "liturgie populaire" explique Antoine Beaudoin dans un article consacré au théâtre de masse sous le Reich.

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De grands spectacles de théâtre de plein air étaient organisés souvent la nuit dans le but de galvaniser les foules. 400 amphithéâtres géants ont été construits en plein air pour accueillir de grandes mises en scènes à la gloire du délire nazi.

C’étaient des espaces de l’extase et de la « communication magique », selon certains artistes nazis, destinés à créer des émotions dans la foule, à entretenir la communauté nationale, à dénoncer l’ennemi.

Enfin, en matière de contrôle des masses, il faut souligner les importantes avancées du nazisme dans ce qui deviendra le management. Tout le monde du travail a été normalisé, standardisé, évalué pour améliorer continuellement la productivité. De nombreuses avancées en médecine et en prévention principalement ont eu lieu pour augmenter la rentabilité des travailleurs : s’ils tombent malades la productivité baisse, et ils travaillent moins longtemps.

Le management est l’art du conditionnement des travailleurs. Johann Chapoutot a rappelé la continuité entre le management version nazie et le management mis ensuite à la sauce US.

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Les Nazis ont mis tout le pays au pas pour la guerre, et ont recruté des centaines d’universitaires pour y parvenir : logistique, infrastructures, organisation des filières industrielles comme de la vie quotidienne de chaque individu. Il y avait besoin d’une importante technocratie pour mettre en place et suivre les processus, augmenter la production et soutenir l’effort de guerre. Jusqu’à l’utilisation de prisonniers dans les camps de concentration, et à l’implantation d’industries dans et autour de ces camps.

Il y avait un conditionnement permanent des citoyens / travailleurs dans le monde du travail et surtout dans l’ensemble de la vie sociale, culturelle, politique. C’était "Arbeit macht frei", ou le travail apporte la joie et vice versa.

On a créé des écoles de commerce pour former les capots d’entreprise, c’est-à-dire les cadres, on vantait la direction des travailleurs par la motivation, la promesse du bonheur et de l’épanouissement par le travail. Le management cherche à développer l’engagement de l’ouvrier, du salarié. Le travailleur était devenu un "Compagnon producteur", sur le mode du "collaborateur" actuel ou le modèle soviétique.

Reinhard Höhn, prof de droit à la base, rapidement devenu SS et cadre du IIIe Reich, était un proche d’Himmler. C’est lui qui a construit l’organisation du travail à la sauce nazie et l’adaptation des structures de l’Etat dans le cadre de l’économie de guerre[39]. En 49 il a bénéficié de loi d’impunité d’Adenauer qui a amnistié 800.000 officiers nazis.

En 1953, il est devenu directeur de la société allemande d’économie politique, un organisme qui visait à appliquer les méthodes de management les plus efficaces. Il a ensuite été nommé directeur de l’Académie des cadres, créée en 1956 sur le modèle des écoles de commerce US pour former les cadres des grandes entreprises allemandes comme Aldi, Opel, Hewlett Packard, Bayer, Colgate, BMW, ou ceux de l’armée[40].

C'est Höhn qui a conçu des modèles de gestion des ressources humaines repris dans des milliers d’entreprises en Allemagne, et aujourd'hui dans le monde.

L’imprégnation des esprits par des messages répétitifs véhiculés par la radio, le cinéma, les médias, les événements publics, le monde associatif, combinée à l’absence totale de messages contradictoires en raison de la censure, ont rendu particulièrement difficile la « dénazification » des esprits. Qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’a pas été complète.

 

Que sont-ils devenus ?

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Des milliers de responsables militaires et de scientifiques nazis ont pu recommencer leur vie à l’étranger. C’était même la course aux nazis pour les pays alliés, et les Etats-Unis ont récupéré le gros des troupes à travers le projet Paperclip fortement encouragé par les industriels (aux USA le département du Commerce a été très enthousiaste à l’idée de récupérer tout ce savoir nazi[41].

L’un des artisans des expérimentations dans les camps, Otmar von Verschuer, qui a recruté Mengele, a totalement échappé à l’épuration en niant tout lien avec Mengele et ses expériences. Pourtant, il les avait financées et avait reçu des organes et du sang des victimes des camps de la part de Mengele pour ses expériences. On sait aussi que près de 250 certificats raciaux ont été complétés par l’Institut de Verschuer entre 1936 et 1945, ce qui à partir de 1941 pouvait signifier une sentence de mort.

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Le parcours de Verschuer (1896-1969) pouvait faire des envieux mais il faut dire qu’il était dans tous les cénacles nazis et eugénistes. En 1927 Eugen Fischer l’a mis directeur du directeur du département de Génétique humaine de l’Institut Kaiser Wilhelm, en 1935 il a obtenu la direction du nouvel Institut pour la Biologie de l’hérédité et l’hygiène raciale à Francfort[42], institution phare dans ce domaine car il était spécialisé dans l’étude des jumeaux pour la génétique[43] et avait acquis une renommée internationale.

Il était aussi conseiller de la ville de Francfort en "génétique médicale" et expert au tribunal de santé héréditaire ainsi qu’au tribunal d’appel régional.

Il "gérait", sur le plan de la "santé héréditaire", une zone urbaine de 90 000 habitants, qu’il devait à la fois recenser génétiquement, mettre en fiche, et "conseiller". Chaque année, l’Institut faisait subir environ 1 000 examens et produisait entre 100 et 300 certificats. La très grande majorité des expertises décidaient de la stérilisation ou de "l’aptitude au mariage". Les "certificats génétiques de race" servaient à l’Office de généalogie du Reich (RSA) du ministère de l’Intérieur pour déterminer la situation raciale d’un individu aux origines contestées. Verschuer confia une grande partie de ces derniers à son assistant Mengele", explique Benoît Massin, prof d’histoire de la médecine [44].

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En 1942 il a été nommé président de l’Institut Kaiser Wilhelm d’anthropologie de Berlin en 1942. C’est là qu’il a commencé ses travaux sur le sang avec Mengele pour mettre au point une méthode d’identification raciale ou de paternité par un test sanguin [45] à travers le projet "Protéine spéciale". En plus de tout cela, il dirigeait la revue Der Erbarzt, (Le médecin de l’hérédité) qui fédérait les grands acteurs de l’eugénisme et des politiques raciales sous le Reich.

Jusqu’en 1968 il a dirigé l’institut de génétique humaine de l’université de Mûnster. Quand il a été jugé après la guerre, il a été soutenu par la communauté scientifique, notamment par Franz Josef Kallmann, psychiatre allemand émigré aux Etats-Unis en 1936, qui a travaillé sur les bases génétiques de la schizophrénie et était président de la société américaine de génétique. 

Bien que Juif, Kallmann avait travaillé avec Von Verchuer et Ernst Rudin, généticien suisse mondialement connu, qui en 1932 a été élu président du 3e Congrès Eugénique International en 1932 et était à l’origine de la loi de stérilisation en 1933. Comme Rudin l’avait aidé à quitter l’Allemagne, Kallmann a aussi témoigné en sa faveur.

Mengele était l’élève le plus doué de von Verschuer, et il l’a donc envoyé à Auschwitz. Mengele y choisissait les victimes de ses expériences lui-même à la sortie des wagons.

A Nuremberg seuls 21 médecins nazis ont été jugés et seulement 14 ont été condamnés, pour une liste assez réduite d’expériences :

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    Déterminer les limites de la résistance et de la survie aux hautes altitudes
  • Rechercher les moyens les plus efficaces de traiter les personnes sévèrement refroidies
  • Étudier la meilleure des deux méthodes permettant de rendre l'eau de mer potable
  • Immunité contre le paludisme
  • Expériences sur le typhus, la fièvre jaune, la variole, la typhoïde, le choléra, la diphtérie.
  • Expériences sur l’ictère infectieux
  • Expériences sur le gaz moutarde,
  • Etudes des effets des poisons sur l’humain,
  • Expériences sur les bombes incendiaires et effets des brulures au phosphore
  • Déterminer l'effet des sulfamides et la régénération des os, des muscles et des nerfs,
  • Expériences de stérilisation

La quasi totalité des "scientifiques" nazis ont échappé à Nuremberg : seulement cinq médecins ont été condamnés dont aucun psychiatre. Et finalement très peu de complices ont été poursuivis, notamment parrce que les US les ont récupérés. Parmi ceux qui ont continué leur carrière, on peut citer :

  • Julius Hallervorden, neurologue membre du parti nazi dès 1933, qui a participé à l’euthanasie des handicapés. Il a échappé à l’épuration et a participé ensuite à de nombreux congrès internationaux de neurologie. En 56 il a reçu l’ordre du mérite de RFA. Il a notamment pu travailler sur des centaines de cerveaux de pensionnaires d'asile gazés au centre de Brandenburg.
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    Josef Mengele parti d’Allemagne à la fin de la guerre pour l’Argentine puis le Paraguay et enfin le Brésil en 1962 semble-t-il[46]. Membre de la SS depuis 1938, il était l’assistant à l’Institut Kaiser Wilhelm d’Otmar Freiherr von Verschuer, qui a aussi échappé aux radars de la dénazification. C’est dans le cadre de son habilitation universitaire qu’il est venu à Auschwitz en 1943. Il est mort en 1979 sans avoir été vraiment inquiété.
  • L’éminent neurologue Georges Schaltenbrand, devenu en 1953 président de la Société Allemande de Neurologie, et président honoraire en 1967, avait mené des expériences en injectant de la sclérose en plaques à des patients handicapés mentaux dans son asile psychiatrique et un hôpital, pour prouver qu’elle était d’origine virale. Il avait adhéré en 1937 au NSDAP et n’a été que très vaguement inquiété lors de l’instruction des procès de Nuremberg. Ses recherches n’ont été condamnées qu’en 1997, trois ans après sa mort.
  • Heinrich Schade, qui comme Mengele plus tard, a été l’assistant de von Verschuer à l’Institut Kaiser Wilhelm d’anthropologie. Il était aussi membre du NSDAP et de la SA où il est entré dès 1931[47]. En 1934 il a suivi des cours de génétique humaine et d’anthropologie organisés par le Reich pour les médecins à l’Institut Kaiser Wilhelm de Berlin puis a travaillé pour les offices de génétique régionaux et faisait des conférences sur la question pour divers organes nazis.  "C’est aussi en tant qu’expert médical qu’il estima en 1939 que la loi nazie de stérilisation de 1933 était trop timorée et regretta que « seulement quelques rares faibles d’esprit et alcooliques [aient] pu être soumis jusqu’ici à la stérilisation, alors qu’une politique d’entretien de l’hérédité axée sur l’élimination serait non seulement particulièrement nécessaire, mais aussi couronnée de succès" écrit Benoît Massin[48]. En 1943 il a été nommé à la direction de l’Institut de Biologie raciale de Rostock. Après la guerre il a repris dès 1952 sa carrière universitaire comme spécialiste de la génétique, sa vieille marotte. De 1965 à 1974 il a même dirigé l’institut de génétique humaine et d’anthropologie de l’académie de médecine de Dusseldorf (qui a failli être rebaptisée "Université Heinrich Schade de Dusseldof"), et était membre de l’académie des sciences de la population.
  • Hans Grebe était aussi un assistant de von Verschuer, spécialisé dans l’hygiène raciale, notamment la question du nanisme (pour lesquels il n’a pas réclamé la stérilisation), les aveugles héréditaires puis les malformations congénitales à l’Institut Kaiser Wilhelm d’anthropologie. Il a rejoint la ligue des étudiants nazis dès 1931, le NSDAP et la ligue nationale socialiste des médecins allemands en 1933. En 44 il a été nommé directeur de l’Institut pour la biologie héréditaire et l’hygiène raciale de Rostock et en 45 il s’est installé comme médecin généraliste. En 48 le tribunal dit de "dénazification" a trouvé qu’il n’y avait rien à lui reprocher si bien qu’il a pu continuer à enseigner, cette fois la génétique humaine, à l’université de Marburg. C'était également un ponte de la médecine du sport, et a été élu président de l’Association médicale allemande du sport en 57. Sa carrière a été brillante jusqu’à sa retraite dans les années 80, et il est aussi devenu écrivain.
  • Fritz Lenz, dont on a déjà parlé. Fervent eugéniste, généticien, collaborateur d’Eugen Fischer à l’Institut Kaiser Wilhelm, il était membre du NSDAP auquel il a adhéré en 1938. Après la guerre il a poursuivi tranquillement sa carrière d’enseignant en "génétique humaine" à l’université de Göttingen.
  • Heyde

    Werner Heyde : Psychiatre, il était directeur médical de l’Aktion T4 en 1940-41 puis a été formateur des physiciens qui travaillaient dans les camps de concentration. Après la guerre il a continué à exercer comme neurologue et même comme expert judiciaire sous une fausse identité, bien que tout son entourage connaissait son passé. En 1962 il a fini par se rendre avant d’être dénoncé, et a été poursuivi pour sa responsabilité dans plus de 100.000 morts. Son procès devait avoir lieu en 1964 mais il s’est suicidé avant.
  • Horst Schumann était un autre de ces médecins qui ont mené des expériences sur la stérilisation dans les camps. Il a essayé les rayons X sur au moins 152 personnes dans un camp. Capturé par les Américains en janvier 45, il a été libéré 10 mois plus tard, puis a continué sa carrière de médecin, notamment en Egypte, au Soudan, au Ghana. Il n’a été jugé qu’en 1970, a admis avoir tué 80.000 Juifs et a été libéré en 1972 car il était malade (il n’est mort qu’en 1983)
  • Konrad Schäfer, médecin de l’Institut de médecine aéronautique de Berlin, impliqué dans des expérimentations sur les détenus dans les camps de concentration. Acquitté à Nuremberg, il a été invité aux USA où il a travaillé pour l’armée de l’air US.
  • Hermann Becker-Freyseng, qui a travaillé avec Schäfer. Membre du NSDAP, il a testé l’eau salée sur des détenus, parfois injectée dans les veines, et les effets de la soif. La moitié des sujets ont ensuite reçu un médicament appelé berkatit tandis que tous ont été soumis à une biopsie du foie sans pour autant d’anésthésie et tous sont morts. Il a été condamné à 20 ans mais comme il faisait partie d’une liste de 20 médecins que les US voulaient recruter, il est parti travailler pour les US sur les questions spatiales avec Schäfer, Kurt Blome et Siegfried Ruff.
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    Kurt Heissmeyer, collaborateur de Gebhardt à Hohenlynchen, a injecté des bacilles de Koch à des enfants du camp de Neuengamme. Il n'a pas été poursuivi après la guerre et a donc continué à exercer comme "médecin". Puis des journlistes l'ont débusqué en 59, il a été arrêté en 63, condamné à la prison à vie et est mort d'une crise cardiaque en détention en 67. Pour lui, il n'y avait "pas de différence fondamentale entre un être humain et un cobaye". 
  • Hermann Stieve, directeur de l'Institut d'anatomie de l'université de Berlin conduisit des expériences sur des femmes de la prison de Plötzensee et du camp de Ravensbrück. Il n'a pas été inuqiété après la guerre et a même été élu à l'Académie allemande des sciences de Berlin.

  • Georg Weltz qui a travaillé sur le froid et la congélation d’humains. Il s’est aperçu que le coeur continue de battre un moment. Acquitté à Nuremberg il a continué sa carrière de médecin spécialiste des rayons X à l'université de Munich.
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    Richard Kuhn, biochimiste nazi et prix nobel de chimie il a dirigé dès sa création en 1929 l’Institut Kaiser Wilhelm pour la recherche médicale où il a développé des agents toxiques comme le soman et le tabun qui ont été testés sur des prisonniers des camps de concentration. Il commençait ses cours par un "Heil Hitler " et a dénoncé des collègues Juifs. Après la guerre il a collaboré avec les US dans le cadre de Paperclip à l’U.S. Army Air Forces Aero Medical Center d’Heidelberg[50]. Il a présenté le LSD à Charles E Loucks, responsable local de l’armée US en charge de l’opération Paperclip pour lequel il a travaillé sur le gaz sarin, à la fin des années 40. Loucks a convaincu ses supérieurs du potentiel du LSD en termes de contrôle mental, et le LSD a été ensuite testé dans le cadre de MK Ultra.
  • Gerhard Kloos : neurologue et psychiatre expert dans le programme d’euthanasie Aktion T4, il a été interné brièvement aux Etats-Unis après la guerre, puis a repris sa carrière dès 1947, notamment à l’université de Kiel avant de diriger l’hôpital d’Etat de Göttingen et d’enseigner à l’université de Göttingen. C’est seulement en 1962 qu’une enquête a été ouverte, durant quelques mois seulement, pour les assassinats qualifiés d’euthanasie d’enfants handicapés[49]. Entre temps il a témoigné en faveur de ses anciens collègues dans l’Aktion T4 comme Hans Heinze et Hans Hefelmann qui sont aussi passés entre les gouttes.
  • Ambros

    Otto Ambros qui a développé le gaz sarin et a tué des centaines de victimes, était le chimiste préféré d’Hitler et dirigeait un département de recherche d’IG Farben sur le caoutchouc et le pétrole synthétiques à Auschwitz (le plus grosse usine d’IG Fabren était à Auschwitz, les victimes étaient payées 3 reichmarks par jour aux SS). Il a été vaguement condamné à Nuremberg mais l'armée US l’a recruté à sa libération en 1952 pour travailler sur le programme de guerre chimique depuis l’Allemagne et qu’il leur transfère le fruit de ses recherches. En fait dès son arrestation par les US en 46 il a commencé à leur donner des informations. Après sa libération en 1951 grâce à la clémence de John McCloy le haut-commissaire US en Allemagne, il a continué dans l’industrie chimique (il était aux conseils d’administration de grandes entreprises comme AEG, General Electric Allemagne, ou encore cinq entreprises nationales[51]) et l’industrie pharmaceutique[52], faisant des voyages aux Etats-Unis de temps en temps. Son dossier est resté secret défense jusqu’en 1985. Dans les années 80 il a travaillé pour Dow Chemical, et comme conseiller pour Chemie Grünenthal la société pharmaceutique qui commercialisait la thalidomide, le médicament à l'origine de malformations congénitales, donné aux femmes enceintes.
  • Walter Schreiber, ex chirurgien en chef nazi sous les ordres directs d’Himmler et membre de la SS. Il a été nommé responsable du programme de contrôle des épidémies et création de vaccins géré par Göring[53], qui a impliqué l’assassinat de centaines de prisonniers par injections létales de phénol. Schreiber a aussi géré la production de gaz sarin et tabun pour l’armée. Après avoir été capturé par les Russes, il a été recruté via Paperclip pour ses connaissances en matière de guerre chimique et biologique. Il est parti pour les Etats-Unis en 1951 et a travaillé sur des projets dans le cadre de MK-Ultra. Il est notamment passé par Camp King, tenu par l’OSS en Allemagne, où des expériences ont été faites sur des soldats russes, et par Edgewood Arsenal dans le Maryland où des expériences sur des soldats ont été menées dans le cadre des projets Chatter (1947), Bluebird, Artichoke, puis MK Ultra. En 1952 il a été expédié en Argentine –toujours pour y servir les intérêts US[54]- quand des articles de presse ont commencé à aborder son passé, puis les US auraient appris qu’il vendait aussi des infos aux soviétiques et à d’autres pays ennemis.
  • Kurt Blome

    Kurt Blome, assistant de Walter Schreiber. Il a travaillé sur le programme nazi de guerre bactériologique piloté par Himmler. Il devait aussi tester des vaccins sur des cobayes humains pour gagner du temps. Il a été recruté dès juin 1945 pour travailler pour l’United States Army Chemical Corp à Camp King en Allemagne[55], des travaux qui sont encore classifiés aujourd’hui et ont contribué au programme MK Ultra. Il figurait parmi les scientifiques les plus recherchés par les US, non pas pour rendre des comptes mais pour ses connaissances. En effet, il a piloté la recherche sur le cancer pour le Reich, or les US étaient persuadés que cette recherche sur le cancer dissimulait un programme d’armes biologiques. Blome a continué à enseigner et a même fait de la politique dans le parti nationaliste et conservateur le Parti Allemand, et est mort en 1969.
  • Erich Traub, vétérinaire et virologue placé directement sous les ordres de Himmler, il était responsable du laboratoire de recherches sur les armes biologiques à l’île de Riems. Il avait commencé sa carrière universitaire dans les années 30, passant par l’université de Princeton aux Etats-Unis grâce à une bourse du Rockefeller Institute for Medical Research. Il y a travaillé sur des virus et des vaccins tout en adhérant aux USA à un groupe pro nazi. Il n’a pas été trop dérangé à la fin de la guerre et les US l’ont ramené dès 1949 dans le cadre de l’opération Paperclip en même temps que sa collègue Anna Bürger. Il a d’abord travaillé à Plum Island pour développer un virus de la fièvre aphteuse implantable dans les bovins, porcs et chevaux soviétiques[56], puis avec les spécialistes US de guerre bactériologique de l’US Navy à Fort Detrick et a aussi officié comme expert en virus pour l’ONU ce qui lui a permis de voyager en Iran, en Colombie ou en Turquie avant de rentrer en Allemagne en 52.
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    Kurt Plotner, nazi convaincu et membre de la SS, était président de la Ligue des physiciens du Reich et a mené des expériences sur les humains à Dachau (comme l’injection de malaria à des prisonniers à doses létales). Certaines de ces expériences étaient pour l’Ahnenerbe, comme les tests de mescaline hallucinogène sur des prisonniers Juifs et Russes pour observer les comportements schizophrènes, trouver un sérum de vérité ou laver le cerveau des soldats soviétiques. L’objectif final poursuivi était d’éliminer la volonté du sujet. Plotner a été recruté dès 1945 par les US via l’opération Paperclip, pour continuer ses recherches en Allemagne de l’ouest. Quand la France a cherché à le poursuivre en 1946 les US l’ont aidé en refusant de dire où il se trouvait. Dès 1952 il a continué à enseigner à l’université de Fribourg sous sa véritable identité. Il est mort en 1984.
  • Werner von Braun qui a travaillé sur les missiles V2 et a dirigé l’équipe de la NASA pour les US.
  • Lothar Loeffler, spécialisé dans la génétique et l’eugénisme, a aussi travaillé à l’Institut Kaiser Wilhelm où il a été l’assistant d’Eugen Fischer de 1927 à 1929, et où il a poursuivi ses travaux jusque pendant la guerre. Loeffler combinait aussi les radiations à ses expériences. Il enseignait aussi à l’université de Kiel. La carrière Loeffler était assurée car il est devenu membre du NSDAP et de la SA dès 1932 et c’était un nazi convaincu. "En 1936, il réclame une machine à carte perforées (les ancêtres des ordinateurs IBM) pour procéder, dans une perspective eugéniste, à une analyse statistique des taux de reproduction de diverses catégories de la population locale […] En 1942, Loeffler obtient des crédits de recherche pour établir une étude « sérologique sur la différenciation raciale chez l’homme". En 1943, parallèlement à ses travaux de génétique expérimentale, il mène une enquête de biologie raciale sur des "prisonniers de guerre de races étrangères" ", explique Benoît Massin dans l’article "Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945)". Loeffler occupait aussi des fonctions officielles, en tant que directeur des centres régionaux de "Défense de l’hérédité de la race" et au comité national de ces centres à Berlin. Il prenait très à cœur son rôle de médecin pour "maintenir la santé du corps du Peuple" en sélectionnant les individus. Loeffler qui a aussi étudié l'impact des radiations sur la génétique et la reproduction, n'a pas été poursuivi après la guerre. Il a continué comme médecin dans un établissement évangélique, devenant membre de la société allemande d'anthropologie et un ponte international de la génétique et des radiations (au début des années 50 il a même donné son avis dans le "Groupe de travail eugénique"qui préparait la révision des lois sur la stérilisation...)
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    Arthur Rudolph, nazi pur et dur qui a travaillé sur les V2 et a dirigé des travaux au camp de concentration de Dora. Il a été recruté par les anglais puis par les US en 1946 dans le cadre de Paperclip et son dossier a été modifié pour ôter les informations dérangeantes, et il a travaillé sur plusieurs missiles avant de rejoindre la NASA en 1961, où il a contribué à développer la fusée Saturn V. Mais son passé a émergé en 1984, et il a abandonné la nationalité US pour rentrer en Allemagne où on n’a rien trouvé à lui reprocher.
  • Friedrich Hoffmann qui a testé les agents bactériologiques pour les nazis. Il a été témoin à Nuremberg. Après la guerre il a d’abord été recruté par les anglais puis par les US en 1947 pour rejoindre les travaux de recherche de l’armée sur les agents neurotoxiques comme le sarin ou les substances psychoactives comme le LSD testé sur des soldats et des prisonniers. Il a été recruté par la CIA au milieu des années 50 et y a continué ses recherches dans le cadre de MK Ultra, surtout sur le LSD, à Edgewood Arsenal. A la fin des années 50 il a travaillé sur des armes appelées Agent Blanc, Agent Bleu et Agent Orange, un herbicide qui a été utilisé au Vietnam et détruit aussi les populations, devenu le round-up.

 

Nazis, occultisme et délires mystiques 

L’aspect occulte de l’idéologie nazie, mêlant la mythologie pangermaniste à divers autres courants souvent purement satanistes ou lucifériens, est généralement mis de côté. Il est vrai qu’à partir de 1933 Hitler a cherché à dissimuler ses liens avec les occultistes, astrologues et illuminés en tous genres qu’il fréquentait assidument jusque-là et à partir de 1937 les groupes occultes et religieux non alignés ont été combattus  faute de pouvoir être contrôlés[57].

 

Les sociétés secrètes, canal de recrutement, outil de manipulation

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On ne va pas trop rentrer dans les détails, mais plutôt montrer quelle était l’ambiance autour de la montée et de la dérive d’Hitler et de son mouvement, conçu davantage comme une religion appelée à remplacer le christianisme que comme un parti politique.

Même si le discours officiel parlait de "chrétienté positive", de "Dieu" et du "Diable", du "bien" et du "mal", de la "providence" et du "destin", de concepts apocalyptiques, de la Bible…

Mais dans les années 20 le NSDAP, le parti national socialiste des travailleurs allemands, était considéré davantage comme un groupe ésotérique que comme un parti. La mythologie et les rites païens étaient très présents, comme l’illustre par exemple l’organisation d’un festival du solstice d’hiver le 22 décembre 1920.

Hitler considérait avoir une mission qui dépasse sa propre personnalité, il pensait que sa destinée était de faire l’Histoire avec un grand "H".

Braunau-sur-Inn, la ville autrichienne proche de la frontière avec l’Allemagne où Hitler a grandi, était un carrefour de médiums et voyants à cette époque. Le baron Schrenk-Nozing, un métapsychiste des années 1890-1910, y sélectionnait les gens qu’il étudiait ou sur lesquels il travaillait[58], parmi lesquels un cousin d’Hitler[59].

Il est clair qu’Hitler a progressivement été initié à divers rituels et "grands secrets" et qu’il était en contact avec de nombreux groupuscules ésotériques très en vogue à l’époque. Cela compte, dans le sens où se considérant investi d’une mission quasi messianique qu’on connaît bien dans les groupuscules occultistes divers et variés, il n’avait aucune limite et la fin a justifié tous les moyens. 

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Il avait instauré la SS et la SA notamment, mais aussi la hiérarchie du NSDAP, sur le même modèle que les sociétés secrètes "initiatiques", avec un système où seul lui et quelques très rares affidés au top de la hiérarchie savaient ce qu’il allait se passer, les objectifs finaux des manœuvres etc. Le secret était érigé en culte, chacun était entretenu dans le flou et l'incertitude. Au début du Reich, il était même question d’une reconnaissance de l’astrologie, de la "cosmobiologie" ou de la parapsychologie comme des sciences officielles[60].

L’idéologie nazie a aussi été construite à partir de ces groupes ésotériques d’une part, et du mouvement "völkisch", c’est-à-dire nationaliste, les membres des uns étaient souvent aussi très engagés dans le second.

Ces délires occultistes, mélangés à un délire franchement raciste lié au pangermanisme devenu progressivement antisémite ainsi qu’à l’idéologie eugéniste très en vogue à l’époque, ont naturellement amené les nazis à développer l’idée de créer une race supérieure, un "surhomme" dont les capacités seraient au-delà du commun.

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Dans un bulletin interne des sociétés secrètes allemandes qui se revendiquaient carrément racistes, paru en 1918, on pouvait lire un appel au peuple de l’Ordre des Germains. Au lendemain de la guerre, le texte attaquait la "social-démocratie" qui serait trop "Juive" et réclamait un changement en constituant "un parti allemand socialiste, de race allemande".

Bien qu’il critiquait le capitalisme trop "juif", leur 6revendication était "Une juste répartition de l’impôt, qui entrave la formation de super-capitaux" et l’application des principes du marché libre[61].

C’est Alfred Rosenberg qui a théorisé le suprématisme raciste dans "Le Mythe du XXe siècle", faisant de l’aryanisme une quasi religion. Rosenberg, chargé de la formation idéologique des membres du NSDAP, a été présenté à Hitler vers 1919 par Dietrich Eckart, membre éminent de la société de Thulé à laquelle appartenait aussi Rosenberg.

Rosenberg était aussi membre d’un dérivé de Rose-Croix (autre groupuscule ésotérique se revendiquant du christianisme mélangé de mystique égyptienne et d’occultisme), la loge les Frères Initiés d’Asie, créée au XVIIIe et dont un des emblèmes était le fameux svastika à l’envers [62].

On note aussi chez les Nazis une obsession de l’Apocalypse combinée à un délire messianique : ils disaient vouloir accomplir l’Histoire, libérer l’humanité, créer la race parfaite et un empire pour 1000 ans, et Hitler était perçu comme un messie, un quasi dieu.

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"Les sociétés secrètes, elles aussi, forment des hiérarchies suivant les degrés d’ "initiation", règlent la vie de leurs membres selon une croyance secrète et fictive qui fait que toutes choses semblent être autres, adoptent une stratégie de mensonges cohérents pour tromper le masses extérieures non initiées, exigent une obéissance aveugle de leurs membres, unis par l’allégeance à un chef souvent inconnu et toujours mystérieux, lui-même entouré ou censé être entouré d’un petit groupe d’initiés, eux-mêmes entourés par les semi-initiés qui créent une "zone tampon" contre l’hostilité du monde profane. Avec les sociétés secrètes, les mouvements totalitaires ont aussi en commun la division dualiste du monde entre les "frères de sang jurés" et une masse indistincte, inarticulée, d’ennemis jurés.

[…] Le principe des sociétés secrète a toujours été « quiconque n’est pas expressément inclus, est exclu

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[…] Peut-être la ressemblance la plus frappante entre les sociétés secrètes et les mouvements totalitaires réside-t-elle dans le rôle du rituel […] en introduisant dans la cérémonie un puissant élément d’idolâtrie", expliquait Annah Arendt dans son essai "Le Totalitarisme" paru en 1958.

Les nazis avaient poussé au paoxysme l'idéologie du chef, doté d'une autorité naturelle, pour fanatiser la population. Il y avait une négation de l'individu, et seul le collectif comptait, c'est le groupe qui donnait la puissance, l’individu n’était rien. A côté de cela, les ennemis étaient exclus, ce qui entraînait une peur d'être rejeté de la communauté nationale. 

Toute parole ou position contraire était interdite si bien que la propagande nazie remplissait tout l'espace.

Selon Giorgio Galli qui a écrit un livre sur la racines occultistes du nazisme, "Les membres de ces sociétés se considèrent donc comme les dépositaires d’une sagesse antique, primordiale, qui se manifeste souvent dans des rites particuliers. Il est intéressant de constater que certains adeptes de groupes ésotériques se retrouvent parmi les responsables des services secrets de leur pays. Un personnage-clé en ce sens est l’allemand Theodor Reuss, membre de la société occultiste Ordo templi orientis et maître de l’anglais Aleister Crowley. Crowley était lui aussi maître d’occultisme et en même temps agent des services secrets britanniques, et il avait adhéré à la célèbre société de la Golden Dawn – une dérivation, comme nous l’avons vu, de la fraternité de la Rose-Croix –, avant de fonder une section anglaise de l’Ordo templi orientis. La Golden Dawn est à son tour liée à des associations allemandes proches de la doctrine secrète de la russe Elena Blavatski – fondatrice à New York, en 1875, de la Société Théosophique – et à l’anthroposophie de Rudolph Steiner

Une chose est sûre : les groupes satanistes, eux-mêmes manipulés, cherchent à infiltrer tous les lieux de pouvoir (comme les francs-maçons, les sectes, les plus importants lobbys et les religions en général) et un certain nombre d’entre eux ont très vite gravité dans le NSDAP et l’entourage d’Hitler.

Le parti nazi a été instauré comme une nouvelle religion, avec un alignement sur le nazisme des églises classiques qui faisaient concurrence au pouvoir du führer sur le peuple. Le n°1 de l’église évangélique allemande, le pro nazi Ludwig Müller, voulait unifier les protestants (les catholiques et les témoins de Jéhovah ont davantage résisté à l’influence nazie).

 

L’anthroposophie, parenté honteuse du nazisme

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L’anthroposophie est aujourd’hui très présente, notamment en France, et banalisée à travers une série d’activités telles qu’un certain enseignement dans lequel on diffuse plus ou moins subtilement les pratiques et théories anthroposophes[63], des activités commerciales ou encore le développement d’une forme d’agriculture devenue très populaire. Mais les origines du mouvement anthroposophe, qui a influencé le nazisme, ne sont pas aussi claires que ce mouvement ne l’affiche aujourd’hui.

Au départ le fondateur Rudolf Steiner, spécialiste de Nietzche, était très engagé dans un autre mouvement ésotérique appelé la théosophie[64], à laquelle Hitler a été initié par Eckart. On trouve des concepts de la théosophie dans le nazisme : Agartha, racisme, svastika, homme parfait[65]… Steiner a écrit dans des revues pangermanistes très en vogue à l’époque et a adhéré en 1902 à la société théosophique De Blavatski[66] dont il est devenu secrétaire général de la branche allemande.

La théosophie était une sorte d’internationale de l’ésotérisme et de l’occultisme à la fin XIXe, début XXe. Annie Besant la pris la tête de la société théosophique en 1907. Proche de Steiner, elle voulait comprendre le fonctionnement de la pensée humaine et créer une religion mondiale. Elle a inspiré beaucoup de 'penseurs' dans différents domaines : Conan Doyle, Jack London, Thomas Edison, Carl Jung, Gandhi…

Quand en 1913 le mouvement théosophique s’est apprêté à mettre un hindou à la tête du mouvement, Steiner a fait scission pour créer la société anthroposophique. Selon Steiner qui a été très influencé par les théories d‘Ernst Haeckel, chantre du darwinisme et de l’eugénisme en Allemagne et précurseur de l’écologie moderne[67], la race la plus évoluée était celle des allemands aryens et une race "inférieure" ne pouvait accéder à de telles fonctions.

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L’idéologie anthroposophe, fondée sur une société de classes et une hiérarchie des races mêlée d’ésotérisme, était parfaitement compatible avec le délire des nazis. Il y avait aussi une grosse part d’écologie, de développement individuel et spirituel, davantage mis en avant après la période nazie.

Son influence était soutenue par Rudolf Hess proche d’Hitler depuis les débuts du parti national socialiste (NSDAP) qu’il dirigeait, et a participé à la rédaction des lois antisémites de Nuremberg. Jusqu’en 1941 quand Hess a pris l’avion pour l’Ecosse où il a été capturé[68], il a protégé les anthroposophes devenus persona non grata dans le Reich.

Steiner était aussi en lien avec Carl Kellner et Théodor Reuss, francs-maçons membres d’un tas de groupes occultistes satanistes et lucifériens, et fondateurs en Allemagne de l’Ordo Templi Orientis auquel Steiner a appartenu officiellement jusqu’en 1912[69]. Reuss, qui était membre de la Socialist League en Angleterre, était un fidèle du fondateur de la Société Rosicrucienne et de la Golden Dawn, le franc-maçon William Lynn Westcott. C’est Reuss qui a donné une licence à Steiner pour ouvrir une loge de Memphis-Misraïm (franc-maçonnerie inspirée de la kabbale et d’ésotérisme égyptien notamment) à Berlin. D’ailleurs ensuite Steiner a créé sa propre loge, la "Franc-maçonnerie ésotérique".

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Selon certains observateurs, les théories racistes nazies sont largement inspirées de l’anthroposophie, mais les influences étaient nombreuses comme on va le voir car il y avait du monde sur le marché des théories fumeuses racialistes pan germaniques et d’extrême-droite.

L’idéologie raciste et antisémite est commune deux mouvements, d’ailleurs beaucoup d’anthroposophes avaient rejoint le NSDAP, la SA ou la SS. Puis une rivalité s’est développée et finalement les nazis anti ésotériques qui n’appréciaient pas les liens forts entre l’anthroposophie et l’appareil nazi, ont interdit l’anthroposophie. Les nazis ont aussi interdit l’OTO et la franc-maçonnerie en 1937.

Comme l’explique René Alleau dans "Hitler et les sociétés secrètes" : "Le parti national-socialiste ne tolérait pas les sociétés secrètes, parce qu’il était lui-même une société secrète, avec son grand maître, sa gnose raciste, ses rites et ses initiations".

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Steiner est mort en 1925 mais son mouvement a continué en Allemagne et ailleurs. Des entreprises liées à l’anthroposophie ont collaboré avec les nazis même pendant la guerre, par exemple l’agriculture biodynamique (avec des rituels ésotériques dans les champs) a été testée dans des camps de concentration notamment en Pologne, en utilisant des détenus.

Le pionnier de la biodynamie, l’anthroposophe Erhard Bartsch, avait déjà obtenu un terrain de 100 hectares de la part de l’ancien chancelier Georg Michaelis, qu’il a racheté et sur lequel il a mené ses premières expérimentations. Pas du tout opposé aux nazis, il a tenté de pousser son projet auprès d’eux et a contribué à propager leurs idées dans sa revue Demeter.

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Les techniciens de la biodynamie et les agences nazies ont multiplié les collaborations au cours des années 20 et 30, en 1933 la ligue du Reich pour l’agriculture biodynamique a été créée (dissoute en 41), en 34 le ministre de l’Intérieur Wilhelm Frick a visité en grande pompe la ferme de Bartsch, en présence de Rudolf Hess et Alfred Rosenberg entre autres, et affirmé tout son soutien au projet. Et en 1937, Bartsch affirmait que "Les dirigeants du mouvement Déméter ont mis leurs connaissances et leur expérience de tout cœur au service de l'Allemagne nationale-socialiste".

La biodynamie a eu beaucoup de succès parmi les dignitaires nazis, en premier lieu Richard Walther Darré le ministre de l’Alimentation et de l’agriculture. "En 1936, l'agriculture biodynamique était devenue tellement acceptée parmi les nazis à tendance ésotérique, que les terrains de sport de Berlin pour les Jeux olympiques d'été ont été traités en biodynamie, ce qui a suscité de nombreux éloges", écrit l’historien Eric Kurlander dans  "Hitler’s monsters : a supernatural history of the Third Reich". Certains ont parlé d’ "aile verte du national socialisme".

En janvier 1939, Himmler a créé une nouvelle section de la SS, la Deutsche Versuchsanstalt für Ernährung und Verpflegung (Centre de recherche allemand pour l'alimentation et la nutrition) ou DVA. 

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"Une partie importante de ses opérations consistait en des plantations agricoles situées dans des camps de concentration, notamment Auschwitz, Dachau [70] et Ravensbrück, ainsi que des domaines en Europe de l'Est occupée et en Allemagne. Beaucoup de ces projets agricoles étaient des plantations biodynamiques produisant des produits biologiques pour les SS et l'armée allemande, avec une production contrôlée par la Ligue du Reich pour l'agriculture biodynamique. Ravensbrück a été le premier domaine DVA à être converti à la culture biodynamique, en mai 1940. Finalement, la majorité des plantations de la DVA ont été réalisées en biodynamie. La DVA a également commercialisé les produits Demeter, coopéré avec Weleda et contribué financièrement à la Ligue du Reich pour l'agriculture biodynamique" écrit Peter Staudenmaier dans l’article "Organic Farming in Nazi Germany: The Politics of Biodynamic Agriculture, 1933-1945".

Après l’escapade de Rudolf Hess en Ecosse en 1941 les factions anti anthroposophes des nazis ont réussi à écarter et interdire le mouvement, poursuivant certaines expériences de manière autonome[71]. Et Bartsch a été arrêté par les SS en juin 1941.

L’inventeur de la géopolitique et du concept d’ "espace vital" allemand Karl Haushofer était un adepte et a initié Hitler, sur lequel il avait une grande influence en tant que conseiller politique [72].

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Il était aussi prof à l’université de Munich et a eu parmi ses élèves Rudolf Hess dont il est devenu le gourou. Cette nouvelle discipline de la géopolitique qu’Haushofer avait mise en place était en fait une sorte de réseau d’espionnage, mêlant universitaire, voyants et autres militaires, qui s’étendait sur une bonne partie de l’Europe[73].

Il a appris à Hitler à se positionner comme un chef, à réfléchir de manière politique, à avoir une stature d’homme d’état : il l’a préparé à occuper les plus hautes fonctions. Il lui a transmis les pratiques de vie anthroposophes qu’Hitler a appliquées toute sa vie.

"En 1920, le général Karl Haushofer fonda à Munich la revue Zeitschri für Geopolitik et l’Institut für Geopolitik. Les géopoliticiens devinrent alors les conseillers des dirigeants nazis", écrit Werner Gerson dans "Le nazisme société secrète", "Ils ont été entièrement au service de la propagande hitlérienne, et leurs théories ont inspiré des passages de Mein Kampf. Les rapports entre la Geopolitik, l’O. T. O. et la Synarchie internationale sont indéniables, ainsi qu’avec un Ordre maçonnique pangermaniste, l’Ordre de Pathmos".

Haushofer a été avec Dietrich Eckhart l’un des premiers dirigeants de la société de Thulé (dont on va reparler), et suivait assidument une sorte de mage très connu dans la bonne société, appelé Gurdjeff [74], avec lequel il aurait mené une expédition au Tibet et qu’il a en tout cas rencontré là-bas [75].

 

Occultistes, mages & Co

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Comme beaucoup de politiciens qui pourtant s’affichent très "rationnels", Hitler fréquentait de nombreux mages, astrologues, voyants et autres ésotéristes. On peut citer par exemple l’hypnotiseur – astrologue – voyant et un peu escroc Erich Hanussen, assassiné en avril 1933 peu après la prise du pouvoir par les nazis – et qu’il ait inauguré à Berlin son  "palais de l’occultisme"[76].

Il faisait aussi dans les partouzes et la « magie sexuelle » décrite notamment par Aleister Crowley, et filmait le tout discrètement pour faire chanter ou faire pression. Haushofer était bien introduit dans les milieux politiques européens, notamment en Suisse, en France, en Angleterre[77]

Hitler l’a rencontré par le biais d’un auteur nazi adepte d’occultisme, Hans Heinz Ewers, et l’a vu très régulièrement depuis les années 20. C’est Hanussen qui lui aurait montré comment gesticuler et parler à des foules. Il diffusait aussi, sur les indications de Goebbels et de Hitler soi-même, des prédictions favorables aux positions du NSDAP dans ses revues occultistes vendues cher sur abonnement[78].

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Un des collaborateurs d’Hitler, Strasser, a dit qu’au début des années 20 Hitler avait pris des leçons d’éloquence, de mise en scène et de psychologie de masse[79] avec Hanussen, qui était aussi en lien avec un groupe d’ésotéristes munichois puissants et organisés, en appelant à la venue d’un "nouveau Charlemagne et un nouvel Empire (Reich)".

Après Hanussen, Hitler s’est entiché d’un astrologue qui se revendiquait d’abord scientifique, Karl Krafft, inventeur de l’ "astrobiologie". Lui aussi a été assassiné par les nazis en 1944 car ils pensaient que Kraft travaillait pour les anglais (comme Hanussen d’ailleurs) et leur transmettait des informations stratégiques obtenues d’Hitler qui le sollicitait pour décider des dates de bataille, par exemple[80].

Ignacz Timotheus Trebitsch alias Trebitsch Lincoln était un autre "mage" né en 1879 dont le parcours est émaillé d’affaires d’escroquerie. Ce Juif hongrois converti au protestantisme, au bouddhisme (il est devenu moine bouddhiste en 1931) et d’autres mouvements plus obscurs.

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Il est devenu franc-maçon en Angleterre et a travaillé pour les services anglais lors de la première guerre mondiale, devenant au passage député sous le nom de Lincoln, tout en renseignant les Allemands. "Lincoln" est arrivé en Allemagne au début de la Première Guerre, intégrant probablement l’Ordo Templi Orientis.

Il a rencontré Hitler en 1920 et s’est mis au service des nazis. Il a conseillé le général Ludendorf[81], par exemple pour choisir les dates d’attaques militaires ou savoir comment les choses allaient se passer, ainsi que le colonel SS Joseph Meisinger.

Il disait représenter les "maîtres suprêmes" bouddhistes qui soutenaient les nazis. On le trouve en train de manœuvrer au Japon, en Chine, en Allemagne, et une de ses grandes marottes était d’essayer de mettre en place un grand réseau international des mouvements d’extrême-droite.

De tous ces pouvoirs occultes, Hitler voulait tirer un pouvoir social. Des travaux ont été financés dans les domaines de la parapsychologie, de la radiesthésie, de l’astrologie aussi appelée "cosmo biologie". Un certain Hans Bender, spécialiste nazi de la parapsychologie et fan des théories de Steiner, qui a poursuivi sa carrière après la guerre dans le domaine de la psychologie, a mené des travaux à l’université du Reich à Strasbourg dédiée aux "sciences völkisch" (avec des financements d’un nazi local, Friedrich Spieser) et à l’université de Bonn.

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Membre de la SA depuis 1933 et du NSDAP en 1937 par opportunisme dit-il, Bender a étudié avec le soutien d’Himmler divers phénomènes paranormaux comme la clairvoyance, l’astrologie ou des phénomènes occultes [82].

Walter Kröner, dont les écrits étaient très appréciés de la hiérarchie nazie dans les années 30, cherchait à faire entrer les sciences occultes dans la médecine et la gestion de la société. Après la prise de pouvoir des nazis en 1933 il a rédigé deux livres intitulés "La renaissance des magiciens" et "Le déclin du matérialisme et la fondation de la conception biomagique du monde".

Des radiesthésistes ont travaillé sur la "santé environnementale" et les liens entre des maladies comme le cancer et les rayons magnétiques terrestres, du soleil ou de l’univers en général.

On va maintenant évoquer quelques-uns des groupuscules dans lesquels gravitaient certains nazis qui appartenaient au cœur du système, à une époque où l’occultisme avait le vent en poupe et où ces groupuscules, manipulés par tel ou tel intérêt, se multipliaient.

 

Ordre du Dragon :

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C’est un ordre organisé sur le mode initiatique, qui selon certains était à la manœuvre derrière la montée d’Hitler et des nazis d’un côté, et des bolcheviks de l’autre.

Il aurait été créé en 1418 par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie depuis 1387, empereur d’Allemagne de 1411 à 1437 officiellement pour défendre la chrétienté contre les Turcs. En réalité il s’agissait d’un groupe répondant aux principes satanistes avec par exemple l’aspiration à l’immortalité, la transformation de l’homme en dieu, des pratiques "magiques" ou encore les références au dieu Seth, dont un membre bien connu fut Dracula ("fils du dragon" en roumain du Moyen-Age) c’est-à-dire Vlad IV de Valachie. L’auteur du roman Bram Stoker aussi aurait appartenu à ce groupuscule, qui selon certains aurait "vampirisé" Hitler[83].

La Golden Dawn aurait repris certains rituels de cet ordre, qui selon la croyance interne était dirigé par des êtres mystérieux avec des superpouvoirs.

Quand la nuit de leur accession au pouvoir le 10 mai 1933, les nazis ont brûlé des livres dans 30 villes, certains y voient le signe d’un rituel satanique à grande échelle. "Le nazisme n’était pas un mouvement politique mais un culte satanique au vrai sens du terme", a écrit Paul Roland dans "The Dark Forces Unleashed by the Third Reich, The Nazis and the Occult".

 

Ordre du Dragon Vert :

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Haushofer, qui est passé dans sa jeunesse par le Japon, aurait été initié dans un "Ordre du Dragon Vert" [84], issu lui-même d’un ordre tibétain. Il avait pour objectif de fomenter des guerres des révolutions et des crises[85]. Certains observateurs estiment que la société du Vril était un dérivé de l’ordre du Dragon Vert.

L’initiation au Dragon Vert comprenait des traditions sexuelles et magiques tibétaines.Il y avait aussi très vraisemblablement des pratiques d’alchimie taoiste et des techniques pour obtenir l’immortalité.

Les membres de la société du Vril cherchaient à contrôler et manipuler les forces vitales à l’intérieur du corps humain et de devenir les maîtres du temps.

 

Société du Vril :

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Il n’est pas certain du tout que ce groupe ait eu autant d’influence que lui en ont prêté les fans de mystique nazie. La société du Vril est considérée comme une des sources du nazisme parce que l’idéologie était encore une fois aryenne, antisémite et expansionniste.

Karl Haushofer qui avait été chercher des enseignements au Tibert, a décidé en 1919 de créer une filiale allemande de cette mouvance, à la sauce aryenne, qu’il a d’abord appelée "les frères de la lumière" avant de la rebaptiser société du vril, le "vril" était la force vitale. Il a aussi ramené des moines tibétains à Berlin, qui se sont suicidés lors de la défaite en 1945.

Au premier congrès, deux médiums dont une croate appelée Maria Orsitch sont venus transmettre un "message des chefs secrets" c’est-à-dire le grand destin de l’Allemagne et l’arrivée d’un grand leader. Des exercices, notamment de méditation ont été organisés pour capter cette énergie du vril, mais ils essayaient aussi de le faire par des moyens "scientifiques" en manipulant des protons.

Elle s’inspirait aussi de mystique tibétaine, qui était très appréciée par plusieurs pontes du NSDAP comme Eckhart, Rosenberg ou Himmler. Tout comme Hess, Goering et Himmler, Eckhart a logiquement rejoint la société du Vril et c’est lui qui aurait invité Hitler à y entrer également[86].

 

L'Ahnenerbe

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La SS était destinée à sélectionner les hommes les plus efficaces et aussi à créer la future race supérieure. Devenue tentaculaire (50.000 hommes en 1933, 330.000 en 1942), ses activités ont rapidement touché la plupart des activités sociales, militaires, universitaires… Elle a beaucoup grossi jusqu’à atteindre une quarantaine de départements spécialisés dans des domaines tels que la culture, l’industrie, l’histoire, les sciences, l’agriculture…

L’entrée dans la SS, créée et développée par Himmler à la demande d’Hitler, passait par une initiation suivant différents rituels plus ou moins inspirés de la chevalerie et comprenait un serment proche de celui des Francs-maçons, de fidélité et d’obéissance à Hitler jusqu’à la mort. Il y avait un cercle interne d’une douzaine de membres dirigeants, dont beaucoup ont été très peu sanctionnés à la fin de la guerre[87].

Ingénieur agronome de formation, Himmler était une des principales chevilles ouvrières de la Solution Finale. Il était aussi très branché occultisme et pratiques carrément satanistes, notamment sous l’influence d’Otto Rahn, archéologue de la SS qui a parcouru la France à la recherche d’éléments sur des légendes germaniques, sur les cathares, ou pour chercher le Graal.

Rahn a publié en 1937 sous les auspices de l’Ahnenerbe un bouquin intitulé "La cour de Lucifer" sur ses différentes trouvailles. Il approuvait totalement le concept de sacrifices humains et il disait que ses ancêtres étaient des sorciers. Lui aussi a fait partie de la purge des occultistes en 1939[88].

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Himmler adorait aussi d’anciens dieux germaniques. Il voulait créer une science germanique, dans différents domaines comme l’histoire, le droit, les cultes et le patrimoine germaniques. Il a créé l’Ahnenerbe, un des départements de la SS, en 1935 pour réécrire l’histoire de l’occident et mener des recherches sur des thèmes comme l’Atlantide, l’arche de Noé, le Graal, le trésor de Rennes-le-château, la race aryenne, pour confirmer les théories d’Himmler et l’idéologie national-socialiste...

De 1935 à 1944 Himmler a aussi mis en place un "Ordre spécial de sorcières" ou la "division des sorcières" de 14 membres chargés d’archiver les données récupérées dans toute l’Europe centrale [89]. Ce groupe spécial, rattaché aux renseignements du parti nazi puis rattaché à la hiérarchie policière en 39, a accumulé plus de 3.000 documents sur les sorcières et les pratiques occultes sous le couvert de travaux sur "les superstitions dans les zones rurales".

Derrière tout ce travail, un des objectifs était de faire des recherches sur les différents groupes d’opposition (Juifs, Communistes, Francs maçons…). Ils en avaient conclu que les sorcières germaniques étaient les gardiennes de la foi et les détenteurs des traditions anciennes.

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Des expéditions ont été menées par l’Ahnenerbe partout dans le monde à la recherche des savoirs et secrets anciens, en premier lieu les éléments pouvant confirmer l’existence d’une aryenne. Plusieurs expéditions ont été menées au Tibet entre 1926 et 1942 à la recherche d’un monde souterrain.

Certains de ces travaux visaient à confirmer des légendes, mais d’autres étaient directement issus des théories eugénistes de Ludwig Woltmann notamment. C’est Ernst Schafer[90] qui dirigeait la plupart de ces expéditions, au cours desquelles il a affirmé avoir vécu des phénomènes surnaturels auprès des moines.

Des travaux, notamment pilotés par le militaire franc-maçon Karl Maria Wiligut ont aussi été menés sur des thématiques ésotériques, par exemple sur les lignes d’énergie de la terre, sur le chamanisme, sur diverses sociétés secrètes… Une partie des très nombreux documents et pièces rapportés de ces expéditions ont été transférés aux Etats-Unis à la fin de la guerre.

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Wiligut, nationaliste extrémiste et raciste très proche d’Hitler pendant quelques années puis d’Himmler à partir de 1933, a appartenu à divers groupuscules ésotérico-templiers, comme l’Ordre du Nouveau Temple. Il a aussi collaboré avec Otto Rahn.

Les leaders de la SS se rendaient aussi dans un lieu à la fois politique et ésotérique, le château de Wewelsburg réaménagé comme un temple géant sous la direction de Wiligut[91], où avaient lieu des rituels "magiques" notamment lors de sessions de plusieurs jours d’affilée comprenant des séquences de jeûne et de prises de drogues. Certaines de ces cérémonies ont été écrites et scénarisées par Wiligut. C’est là qu’Himmler a annoncé le lancement de la "solution finale" en mars 1941.

Mais il y a aussi eu des recherches en radiesthésie, biologie, médecine, anthropologie, physique notamment la physique nucléaire.

 

Ordo Templi Orientis

OTO

L’Ordo Templi Orientis (OTO) était une antenne de la Golden Dawn en Allemagne, mise en place par Théodore Reuss, allemand mais très proche des renseignements anglais. Une loge importante a été créée à Berlin en 1902 par Karl Kellner (chimiste autrichien et franc-maçon), Franz Hartmann (médecin franc-maçon, théosophe, martiniste), Théodore Reuss (franc-maçon, martiniste) et selon certains aussi par Heinrich Klein, et a été reliée aux grades francs-maçons. L'OTO était conçu comme une sorte d'académie maçonnique pour enseigner les doctrines rosicruciennes.

Reuss a mis Aleister Crowley, agent des renseignements anglais et spécialiste de l’intoxication, comme grand maître de l’OTO en Angleterre. La première loge de l’OTO en France a été ouverte en 1908. Il y avait des contacts directs de Sebottendorf avec Aleister Crowley ou Bram Stocker l'auteur de Dracula qui était aussi membre de l’OTO (Sebottendorf était proche d'Hitler et l'un des premiers dirigeants de la société de Thulé qui est l'un des dérivés de l'OTO).

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Le dogme de l’OTO consistait à revenir à une religion d’avant les religions monothéistes, le culte de Baal, Lucifer, Mammon etc. mélangé à la liberté sexuelle totale, à dire que l’individu est un dieu et qu’il peut faire ce qu’il veut égoïstement.

L’OTO a un fonctionnement secret et par initiation, avec une obligation d’aider les autres membres et leurs enfants – y compris devant les tribunaux quitte à mentir, de verser une partie de ses revenus et de léguer à l’ordre son héritage. Les rituels, le dogme exact etc. de l’OTO doivent aussi rester secrets, ce qui est diffusé auprès du grand public n’étant que le côté "soft". Tout n’est jamais écrit et beaucoup d’éléments se transmettent oralement.

L’OTO, comme les autres groupuscules de cet acabit, cherche d’abord à recruter dans les milieux de pouvoir : politique, religion, culture, universités…

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Il y avait dans l’OTO des leaders d’autres mouvements qui avaient en commun le désir d’une société de castes, raciste et antisémite, et ce groupe a influencé d’autres groupes occultistes ayant repris et remixé les délires de l’OTO notamment autour de la fameuse "magie sexuelle" qui ne se limite pas forcément au tantrisme entre adultes consentants.

Les rites de l’OTO incluaient des délires sexuels collectifs que d’aucuns qualifieraient de partouzes ésotériques comprenant le "franchissement de l’abîme" c’est-à-dire la sodomie pour les hommes comme pour les femmes [92].

Il a été régulièrement question d’actes pédocriminels, sans qu’aucun procès n’ait eu lieu impliquant spécifiquement des membres de l’OTO[93], et les enfants conçus lors des partouzes appartenaient à l’OTO.

Les femmes enceintes, considérées comme "sacrées", étaient d’ailleurs particulièrement ciblées par l’OTO qui cherchait à les intégrer "pour les amener à accepter la Loi de Liberté afin que l’enfant à naître bénéficie de cette impression. Il faudra les inciter à entrer dans l’Ordre pour que l’enfant naisse sous son égide", expliquait un manuel de l’OTO.

Au procès de Nuremberg, il y avait au moins deux membres de l’OTO parmi les condamnés : Rudolf Hess, initié alors qu’il était encore mineur, et Ernst Bibertsein, pasteur luthérien jusqu’en 1938, SS et dirigeant local de la Gestapo en Ukraine où il a été responsable de 2 à 3.000 morts. En 1938 il a abandonné l’église pour créer sa propre religion sur les principes sexuels de l’OTO [94]. Il n’a jamais renié ses crimes, a été condamné à mort, peine transformée en 1951 à 15 ans de prison, dont il est sorti très rapidement, dès 1957.

 

La formation des unités spéciales  

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Les SS en général, et certaines unités d’élite en particulier, subissaient un entraînement ultra violent et ésotérique sur lequel il est intéressant de dire deux mots. Des écoles de formation de l’Ordre noir des Schutz Staffeln, appelée Ordensburgen, formaient les futurs cadres du NSDAP et certaines unités. Elles fonctionnaient en autarcie, avec leurs propres dortoirs, réfectoires, cimetières.

Les exercices physiques imposés aux recrues pouvait aller jusqu’à les tuer. Tous ces centres, y compris du château de Werwelsburg, ont été détruits.

De l’autre côté, le conditionnement était aussi "spirituel", sous la direction d’Himmler qui venait une semaine par an diriger les travaux à Werwelsburg, axés sur la spiritualité. "Les épreuves physiques étaient analogues aux procédés de dressage de fauves. Elles comportaient, par exemple, un combat contre des chiens d’attaque, le Tierkampf. Le candidat, le torse nu, les mains libres et sans aucune arme défensive, devait résister pendant douze minutes à l’attaque de molosses déchaînés et excités contre lui" explique René Alleau dans "Hitler et els sociétés secrètes".

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Il y avait aussi l'épreuve de la grenade : "Le candidat, en tenue de combat, se tenait devant ses examinateurs protégés par un parapet de béton. Il devait dégoupiller une grenade à manche et la poser doucement sur le sommet du casque. Trois secondes après, elle éclatait. Si elle était correctement placée, le candidat recevait un choc violent mais sans danger grave et l’examen concluait à son admission. Si la grenade tombait, ou bien l’homme restait immobile et il était grièvement blessé, ce qui lui valait une pension d’invalidité ; ou bien il s’écartait vivement de l’engin gisant à ses pieds, et on l’exécutait sur-le-champ".

Et puis l'épreuve de la torture de chats, qui vise surtout à enlever toute empathie et qu'on retrouve dans le conditionnement des réseaux pédocriminels : "Dans les écoles qui formaient des bataillons disciplinaires et des unités spéciales, on soumettait les candidats à des épreuves et à des tests divers, comme celui "du chat". Il s’agissait de saisir de la main gauche un chat vivant par la peau du dos et de lui enlever les deux yeux avec un bistouri tenu de la main droite, sans les crever, sans tuer l’animal, puis de les déposer intacts devant l’examinateur. Chaque candidat disposait éventuellement de trois chats pour démontrer son indifférence émotive totale devant la douleur animale et, le cas échéant, humaine".

Cet entraînement pouvait tuer jusqu’à 37 % des élèves dès la première année dans certains centres. A l'issue de la formation, l'obéissance au Führer était totale.

 

La société de Thulé

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Ce groupuscule raciste et xénophobe est issu du mouvement völkisch et de l’Ordre des Germains, une société initiatique secrète.

Il a été créé en 1912 par Théodore Fritsch qui fut l’un des principaux inspirateurs de Sebottendorff, membre de l’ordre des Germains qui a lancé quelques années plus tard la société de Thulé. Le gros des troupes était des transfuges d’autres groupes tels que la Ligue du marteau, la Société List et l’Ordre des Germains qui comptait un peu plus de 300 "frères"fin 1912 avait une idéologie aryenne, antisémite et pangermaniste[95].

L’initiation sur le mode de la franc-maçonnerie comprenait une épreuve aryenne avec des mesures crâniennes censées révéler les origines aryennes ou non de la personne. Les rituels étaient inspirés d’un mélange de cérémonies païennes, celtiques notamment, et franc-maçonnes[96], avec des "chevaliers" en tuniques blanches, un barde, des gens alignés en cercle, des chandelles, des chants wagnériens et même à l’occasion un chœur d’ "elfes de la forêt". Le décorum comportait déjà des croix gammées parmi d’autres symboles empruntés à droite à gauche[97].

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Ce groupuscule essaimait dans les principales villes d’Allemagne, et dans es loges il était question de "fusion des peuples de sang germanique", de contrôle et lutte contre les Juifs (qui était la principale préoccupation de ce groupe). "À la veille de la guerre de 1914, selon Sebottendorff, l’Ordre comptait plus de cent loges et plusieurs milliers de membres", écrit René Alleau dans "Hitler et les sociétés secrètes".

Mais les activités de l’Ordre des Germains pouvaient être beaucoup moins drôles, comme les assassinats ciblés menés dans les années 20, et autres activités clandestines : "Malgré les débats futiles et ses officiers supérieurs à Berlin, les Provinces de l’Ordre des Germains ont initié des activités clandestines impliquant l’assassinat de personnalités publiques associée à la nouvelle République Allemande (…) L’Ordre des Germains a été utilisé comme une couverture pour le recrutement des assassins politiques en 1921", explique Nicholas GoodrickClarke dans son livre « The Occult roots of Nazism »[98].

La société de Thulé, créée en 1918, a repris l’emblème du svastika avec une dague, un aigle rouge pour symbole et Thulé faisait référence à un pays mythique dont parlait la théosophie, patrie des premiers Aryens située dans le grand nord. Et ces premiers Aryens étaient censés être les "porteurs de Lumière" (Lucifer) pour le monde entier.

Elle a été créée par le "baron" Rudolf von Sebottendorf, un franc-maçon d’extrême droite, [99] toujours avec une idéologie raciste, nationaliste, anticommuniste, antisémite, anti républicaine.

Avant de créer la société de Thulé, Sebottendorf déclarait par exemple : "Nous détestons le slogan égalitaire. La lutte est la mère de tout, l’égalité c’est la mort. Nous ambitionnons de vivre longtemps et heureux. La seule égalité que nous prenons en compte est celle face au Devoir. De cette seule façon, nous serons capables de mener la prochaine et inévitable lutte entre Aryens et Hébreux". Toujours cette société hiérarchisée en fonction d'un certain "mérite" aux obscurs critères si ce n’est la dévotion, et cette notion de guerre racialo-religieuse.

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Ce faux baron avait roulé sa bosse en Turquie du côté du Croissant rouge, une société initiatique sur le modèle de la franc-maçonnerie, autour de 1912.

Il y avait joué un rôle important et avait ensuite été initié à un "Ordre du Rosaire" avant de rentrer en Allemagne en 1917 les proches pleines d’un argent dont l’origine est restée inconnue[100]. Sebottendorf avait aussi racheté le journal du NSDAP l’Observateur Munichois (Völkischer Beobachter), diffusé à des millions d’exemplaires.

Hitler lui-même se vantait d’avoir reçu les enseignements de Sebottendorf. Mais une fois au pouvoir il ne lui fallait aucune concurrence et les membres de la société de Thulé qui l’avaient pourtant accompagné depuis 1918 ont été bannis.

porte de brandebourg

Beaucoup des fondateurs de l’embryon du parti nazi, le parti des travailleurs allemands, étaient aussi membres de la société Thulé. Et pendant qu’Hitler était en prison, en 1924, beaucoup de membres du NSDAP s’y sont repliés. Le gros des adeptes, d’après la liste des membres, étaient des magistrats, des avocats, des profs d’université, des aristocrates, des médecins, des industriels [101]

L’un des fondateurs du parti ouvrier, futur NSDAP et compagnon de route d’Hitler au début des années 20, Dietrich Eckart, était un des piliers et dirigeants de la société de Thulé. Il a amené vers le parti nazi les milieux bourgeois. Selon certaines sources, Hitler a été introduit à la société de Thulé par Eckhart en 1919, et a été choisi par elle pour devenir le leader d’un nouvel ordre mondial[102].

Eckhart se vantait d’avoir initié Hitler à la doctrine secrète, qui aurait été le premier prolétaire à l’intégrer. Il y a aussi introduit son ami Alfred Rosenberg, rencontré quelque temps plus tôt[103]. Il est mort en 1923 de ses addictions à l‘alcool et à la morphine notamment.

Hitler et Morell

Il fallait être un homme et prouver son "aryanisme" pour intégrer la société de Thulé, après un rituel mystico-aryen[104]. Beaucoup de ses membres ont ensuite intégré le NSDAP, comme Alfred Rosenberg devenu l’idéologue du parti, Rudolf Hess le fidèle camarade d’Hitler, Heinrich Himmler l’organisateur de la SS [105], Hermann Göring, Hans Frank, Karl Haushofer mais aussi plusieurs des médecins d’Hitler (Karl Brandt qui était aussi son confesseur, Theodor Morell qui a donné à Hitler toutes sortes de drogues, produits chimiques, hormones et surtout pendant la guerre [106] ou Wilhelm Gutberlet médecin astrologue et aryaniste qui a suivi Hitler dans les années 20 [107])...

La société de Thulé, dont un des objectifs était carrément la prise du pouvoir ce qui nécessitait de trouver un leader politique, attirait vers elle divers courant extrémistes et comme beaucoup de société secrètes, elle a placé des pions à des postes stratégiques. "Des membres de la société de Thulé sont installés et affectés à des postes politiques importants. Par exemple, le nouveau chef de la police devint Ernst Pöhner […]. Un officier de police conservateur et antisémite, membre de la société de Thulé, devint président de la police. Là, il protège les délits d’extrême-droite, les personnes d’extrême-droite", explique l’historien Thomas Rink.

hitler parade

Selon certains, le NSDAP a été créé en 1919 à l’initiative de la société de Thulé pour toucher le monde ouvrier[108]. Hitler en a été l’un des tout premiers membres et en est rapidement devenu le leader.

La société de Thulé avait notamment une branche armée appelée le kampfbund Thule qui a détruit les zones de Bavière qui s’étaient déclarées communistes pendant les années 20, et une branche propagande avec son journal devenu celui du NSDAP au tournant des années 20.

La société de Thulé a été le germe idéologique du national-socialisme dingue qui a ravagé l’Europe, mais aurait commencé à décliner après la tentative ratée de coup d’Etat du NSDAP en 1923, et le passage en prison d’une bonne partie de ses membres.

On trouvait parmi ses membres de nombreux officiels nazis mais aussi des médecins, comme le lobbyiste de l’eugénisme Otmar von Verschuer, qui a continué à enseigner la génétique humaine après la guerre ou Fritz Lenz, autre médecin eugéniste nazi de l’Institut Kaiser Wilhelm [109]. Plusieurs de ses membres ont été renvoyés devant le tribunal de Nuremberg [110].

 

La Golden Dawn, sorte de "maison mère" des groupes ésotérico satanistes

hitler hess

La Golden Dawn a été créée en Angleterre, en dérivant de la Rose-Croix anglaise. Très vite implantée en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, elle a influencé la plupart des autres groupuscules "occultistes" de l’époque, y compris à l’étranger. Elle était un peu, avec ses antennes, le niveau 1 de l’initiation ésotérique et c’est un agent du MI6, Aleistair Crowley, qui a été nommé à sa tête en Angleterre.

Pendant la guerre, les nazis comme les anglais consultaient des astrologues et autres voyants pour fixer les dates de leurs actions, les lieux où construire leurs bâtiments etc. Et il s’agissait aussi de pondre des prévisions capables de fédérer les foules et d’intoxiquer le camp d’en face par astrologues interposés.

Les sociétés secrètes ont joué leur rôle à ce niveau : "Il a existé une véritable "guerre de sorciers" à laquelle Aleister Crowley n’était pas étranger. Il a été très impliqué dans des groupes occultistes allemands entre les deux guerres, entre autres l’ordre des Templiers de l’Orient, puis il est devenu assesseur des Britanniques pour toutes les questions touchant à l’occultisme. Il avait été à la base de la grande supercherie lancée pour capturer Rudolf Hess, que nous avons décrit précédemment, et c’est à lui que Churchill doit la création du populaire symbole "V" de la victoire", explique José Grégorio Gonzalez dans "Les croyances secrètes de Hitler".

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Les théories de la Golden Dawn étaient largement inspirées des élucubrations d’un aristocrate anglais du XIXe dénommé Edward Bulwer Lytton, dont on trouve les traces dans la théosophie, l’anthroposophie, l’Ordo Templi Orientis, la société de Thulé et bien d’autres groupes assimilés plus ou moins liés à la franc-maçonnerie. Son livre publié en 1870 "The Coming Race" a alimenté les concepts de race supérieure et d’aryanime, mais aussi les histoires autour de l’Atlantide et autres mondes perdus et anciens.

Crowley était aussi un grand soutien d’Hitler, dont il admirait les actions comme la "philosophie". Il était aussi proche de Sir Oswald Mosley, leader du parti hitlérien de Grande-Bretagne. Et côté Allemand, la Golden Dawn est passée à travers les attaques des nazis contre les sociétés secrètes.

Il y avait à l’époque tout un courant ésotérique allemand qui partageait les mêmes vues sur la supériorité de la race aryenne et la haine des Juifs des peuples autres que Blancs etc., dont l’Ordre des Nouveaux Templiers d’Adolf Josef Lang alias Jörg Lanz von Liebenfels (qui se revendiquait aussi bien évidemment des Templiers, courant très à la mode au début du XXe siècle)[111] qui était très tatillon sur la "pureté" de la race.

pagan fest nazis

La Golden Dawn est un peu la société "secrète" -tout en ayant pignon sur rue depuis ses débuts- qui fédère la nébuleuse qu’on pourrait ranger dans la catégorie "sataniste", pour des raisons liées aux types de rituels pratiqués et à l’idéologie sous-jacente qui consiste en un nouvel ordre basé sur une société de castes et une sorte de dictature des "éclairés". Rien de bien original, c’est pour cela que les tenants des totalitarismes aiment tant les "sociétés secrètes" où on leur apprend de "grands secrets".

Les nazis étaient donc très attirés par cette mystique. Leurs chants militaires, tournant autour de la mort, du sang, de la race, de la victoire, avec des notions de puissances diaboliques, du mal, de l’immortalité, sont parfaitement en phase avec la mystique sataniste. A la Golden Dawn, il y avait par exemple Karl Haushofer, assidu des séances "magiques".

Les liens étaient étroits entre la société Thulé et la Golden Dawn en Angleterre (créée en 1888 à Londres, année des crimes de Jack L’Eventreur), qui avait aussi ce concept de "Supérieurs inconnus" dont on ne sait pas trop s’ils sont censés être des extra-terrestres, des êtres surnaturels ou des esprits éthérés.

 

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Ce gloubi boulga idéologique a servi de fondement à la doctrine nazie, et a pu infuser les esprits pendant des années avant même la prise de pouvoir par Hitler en 1933. Totalement hors-sol, les leaders nazis ont été suivis aveuglément par tous ceux qui voulaient rester dans le système, appliquant le délire eugéniste jusqu'au bout.

Les braves gens croient que c'en était fini en 1945, grâce à la fable de la "dénazification". En réalité Nuremberg n'a été qu'une sorte de blanchisseuse à Nazis, laissant passer entre les gouttes la totalité ou presque de l'appareil nazi. Ces individus ont donc pu continuer leur travail, certes un peu plus discrètement pour le grand public, mais dans la continuité du processus de sélection humaine. Sauf que l'eugénisme s'est mué en "génétique" et transhumanisme, et que les techniques de contrôle social et mental ont beaucoup évolué depuis les années 40.



[1] Lapouge, élu correspondant de la Galton Society en France en 1920, a co-présidé la 2e conférence internationale eugéniste en 1921 et appartenait à la Galton society du nom de l’aristocrate anglais cousin de Darwin qui inventé le concept d’eugénisme, Francis Galton. Il a été invité en 1925 par l’eugéniste Margaret Sanger, fondatrice du Planning familial, à un congrès sur le contrôle des naissances, et était en contact avec les eugénistes allemands du mouvement völkisch.

[2] On notera qu’en 1888 Lapouge s’est vanté du succès de « la première tentative de télégénèse » : l’envoi de sperme par la poste de Béziers à Montpellier, pour des fécondations.

[3] Lapouge et Woltmann évoquaient un culte du soleil du phallus, une sorte de « religion de la vie », comme l’explique Pierre-André Taguieff.

[4] Curieusement Gunter a échappé à toute condamnation après la guerre alors qu’il a toujours maintenu ses positions nazies. Il est devenu une icône des milieux identitaires, notamment de la Nouvelle droite en France.

[5] Fritz Lenz (1887-1976), médecin et généticien, était surtout eugéniste et ultra nationaliste. Il était membre de la Société d’hygiène raciale de Munich, en 1933 il est devenu directeur du département d’Eugénisme de l’institut Kaiser Wilhelm d’anthropologie. En 38 il a adhéré au NSDAP. Il a beaucoup politisé le concept d’eugénisme pour l’appliquer de manière systématique à des fins de gestion sociale.

[6] Cité dans la thèse d’Elsa Roulette « La psychiatrie allemande sous le IIIe Reich : à propos de l’eugénisme en psychiatrie », 2015.

[7] En appelant à la mise en œuvre de ce grand dessin d’homicide d’une partie de la population, Hoche explique aussi qu’un des enjeux sera d’effacer l’intérêt de l’individu derrière l’intérêt collectif : « La conscience de l’insignifiance de l’existence individuelle par rapport aux intérêts de l’ensemble, le sentiment d’une obligation absolue à ramasser toutes les forces disponibles en rejetant toutes les tâches inutiles, le sentiment d’être des participants hautement responsables à une entreprise difficile et douloureuse, devra devenir, dans une mesure plus grande qu’aujourd’hui, un bien collectif avant que les conceptions évoquées ici puissent être pleinement reconnues. En général, les êtres humains ne sont capables de sentiments grands et forts qu’exceptionnellement, et toujours pour peu de temps ».

[8] Parmi ses premiers directeurs il y avait Albert Einstein. C’est là qu’a été inventé le gaz moutarde, utilisé lors de la guerre 14-18 par les Allemands, de manière totalement illégale.

[9] Cf. « L’eugénisme comme médecine sociale : l’époque de Weimar », de Paul Weindling, par en 2005 dans la revue d’histoire de la Shoah.

[10] Notamment un don de 25.000$ par an de 1930 à 1934 pour des recherches sur « la structure raciale allemande » qui ont permis à l’institut de surmonter la crise.

[11] Kallmann a dû émigrer aux USA (aidé semble-t-il part ses anciens collègues nazis) où il a créé l’American Society of Human Genetics qui a lancé plus tard le « Human Genome Project ». Kallmann a aussi été nommé à la tête de l’Institut Psychiatrique de l’État de New York, rattaché à l’université de Columbia qui était un des centres principaux des expériences MK Ultra.

[12] Parmi ces eugénistes issus d’Harvard, il y avait notamment Charles Davenport, leader du mouvement, Harry L. Shapiro qui a été président de la Société Américaine d’Eugénisme, Herbert Spencer Jennings qui a travaillé sur l’hérédité, la génétique, l’héritier de la fortune Proctor & Gamble, le suprémaciste Wickliffe Draper qui a fondé le Pioneer Fund, un lobby eugéniste, Ernst Hanfstaengl ministre de la presse étrangères d’Hitler qui était d’ailleurs le parrain de son fils. Hanfstaengl était arrivé en Allemagne depuis les Etats-Unis en 1921 et est entré dans l’orbite du NSDAP en Bavière à leur demande, avant d’être subjugué par Hitler. En 32 il a aussi fait un prêt de 1.500$ au NSDAP qui permet au journal du parti dirigé par Alfred Rosenberg de devenir un quotidien. Il a même participé au putsch raté de 1923 qui a valu à Hitler et d’autres un passage en prison.

[13] Hanfstaengl a ensuite été responsable de la propagande à destination de la presse étrangère, devenant un concurrent de Goebbels qui l’a fait virer en 1933. En 37 Hitler a tenté de le faire tuer et il a quitté l’Allemagne pour les Etats-Unis, où il a travaillé pour Roosevelt comme conseiller à la guerre psychologique.

[14] Notamment le fanatique Laughlin de l’Eugenics Record Office dont on a parlé dans la partie sur l’eugénisme anglais et Clarence Campbell de l’Eugenics Research Assciation. En 1936 Laughlin, amateur de culture germanique, a même obtenu un doctorat honoraire de médecine de l’université de Heidelberg.

[15] Cité par Benoît Massin dans « Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945) »

[16] Elsa Roulette explique dans sa thèse que des homosexuels ou des métis Noirs ont été stérilisés aussi.

[17] Cf. Elsa Roulette, « La psychiatrie allemande sous le 3e Reich : à propos de l’eugénisme en psychiatrie ».

[18] Cf. « Aktion T4 » d’Yves Ternon, paru en 2013 dans la Revue d’histoire de la Shoah.

[19] L’un de ceux qui a participé à ces expériences était Georg Schaltenbrand, membre du NSDAP à partir de 1937 et devenu en 1953 président de la Société Allemande de Neurologie. Il voulait prouver l’origine virale de pathologies comme la sclérose en plaques et injectait des virus à des malades d’hôpitaux psychiatriques et d’hôpitaux classiques.  Un autre, Berthorld Ostertag, membre des SA sans foi ni loi, a été « dénazifié » et a pu continuer sa carrière, créant l’Institut de recherche sur le cerveau dans les années 50.

[20] Elsa Roulette souligne la dissimulation de ces meurtres tout au long du processus aux familles, aux établissements dans lesquels ils résidaient, au grand public évidemment, mais aussi aux gens eux-mêmes. Elle cite l’exemple de la carte timbrée qu’on leur donnait juste avant « la douche » pour envoyer à leurs familles et dire qu’ils étaient bien arrivés. Après le décès, une lettre type de condoléances était envoyée aux proches disant que la personne était décédée par exemple d’une inflammation de l’appendicite ou « d’une grippe avec abcès au poumon » et que « Tous les efforts entrepris par les médecins pour maintenir la malade en vie ont malheureusement échoué ». S’ils réclamaient le corps ils recevaient –gratuitement- une urne avec des cendres car l’incinération a été faite « conformément aux instructions de la police ». Malgré cela dès 1940 l’opinion a commencé à s’alerter de ces disparitions aussi soudaines que massives et des convois ont été stoppés.

[21] En Bavière par exemple, 27,5% des 28.082 patients des asiles psychiatriques ont été euthanasiés (7886 personnes) dans les centres d’expérimentation, mais beaucoup plus sont morts de faim et de leurs conditions de vie mortifères :15.284 sont morts ainsi entre 1940 et 1945 en Bavière.

[22] Il a été fermé en 36 car la direction du NSDAP trouvait qu’il n’était pas dans la ligne et ses membres ont été exclus du NSDAP.

[23] On notera que lors de son procès (à l’issue duquel il n’a eu qu’une peine dérisoire), il a été aidé par son ancien assistant lors notamment de la rédaction des lois raciales, Hans Globke, devenu chef de cabinet du 1er chancelier allemand, Konrad Adenauer, en 1953.

[24] C’était la grande époque des « recherches sur l’espace intérieur », largement financées par le Reich.

[25] Les deux ont continué tranquillement leur activité de « médecin » pour la municipalité de Francfort, en tant que psychologues pour enfants notamment.

[26] Cf. Benoît Massin, « Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945) »

[27] Par exemple, Antony Sutton explique dans « Wall Street et l’ascension d’Hitler » que 45% des fonds utilisés pour l’élection de Hitler en 1933 venaient d’IG Farben, qui n’a miraculeusement subi de bombardements alliés pendant la guerre même à Cologne alors que la ville a été détruite (les usines Ford United Rayon ont aussi été épargnées). La Standard Oil qui avait une filiale allemande baptisée Deutsche Amerikanische Petroleum AG (DAPAG) a donné au Reich l’exclusivité de divers procédés dont un pour la fabrication de pétrole de synthèse et lui a allègrement fourni nombre d’autres produits décisifs, ITT a pris des participations dans l’industrie de guerre…

[28] Cf. « War against the weak : Eugenics and America’s Campaign to Create a Master Race » d’Edwin Black.

[29] Cf. « Nazi Research Programs: Lebensborn & Twin Experiments » d’Isabel Gonçalves Taveira, 2019.

[30] Les Allemands étaient apparemment précurseurs en la matière, et ont commencé à travailler sur la chirurgie et le traitement hormonal pour le changement de sexe dès les années 1920. Mengele a par exemple transfusé du sang de filles à des garçons et vice-versa ou amputé des victimes de certains organes sexuels pour voir si cela impactait leur identité sexuelle.

[31] Les efforts de Blome n’auraient cependant pas débouché sur la mise au point d’une arme bactériologique efficace.

[32] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[33] Cf. « Hitler’s Monsters. A supernatural history of the Third Reich » d’Eric Kurlander.

[34] Cf. « Hitler’s Monsters. A supernatural history of the Third Reich » d’Eric Kurlander.

[35] La radio est entrée dans les foyers à partir de 1924 en Allemagne. En 1928, 2 millions de postes étaient connectés, plus de 4,5 millions en 1933.

[36] En 1932 il y avait 4/073 titres de presse en Allemagne. Quatre ans après l’arrivée des nazis en 1937 il n’en restait plus que 2.208, et seulement 500 en 44. Les maisons d’édition ont subi le même sort.

[37] Peu avant lui, un dénommé Ivy Lee avait déjà conseillé John D. Rockefeller pour restaurer son image suite à des grèves férocement réprimées par sa milice à la Colorado Fuel and Iron Company en 1913-1914 (11 femmes et enfants tués au passage). Lee avait ouvert son cabinet de consultant, et travaillait aussi pour les milieux politiques. 

[38] Sandrine Aumercier explique dans son article « Edward L. Bernays et la propagande » paru en 2007 dans la Revue du MAUSS, comment Bernayd voyait la propagande : « Tout ce que nous tenons pour des idéaux élevés – ce que le kantisme nous a habitués à considérer comme des buts en soi – se met à danser sous l’orchestration du propagandiste. Les objets s’animent sous des ficelles invisibles ; les idées font ricochet vers un but lointain et savamment conçu ; les appels humanitaires ou féministes, les messages de santé publique entrent dans la même danse. Les consommateurs sont dépeints comme des pantins dociles, et le vendeur à la merci de la tendance (trend) du moment. On ne sait plus qui influence qui ; seul le propagandiste paraît le savoir, dirigeant l’ensemble de main de maître, connaisseur et ultime ordonnateur des mouvements de masse. C’est un monde de serfs où règnent d’inaccessibles maîtres de propagande, dont la mission éminente consiste à modeler l’opinion publique dans les limites intelligentes de l’air du temps.

La propagande est ainsi consubstantielle à la détermination d’une élite de se réapproprier la souveraineté populaire. Le plus intéressant ici n’est pas de lire une théorie de la démocratie – elle est bien peu élaborée – mais de découvrir une opinion sur la démocratie par ceux qui disent agir sur l’opinion publique ».

[39] Cette adaptation des structures de l’Etat passait par la multiplication des « agences », sortes de structures publiques créées pour une mission précise, car selon Höhn, l’Etat est « inefficace » et trop contraint par les normes.

[40] 700.000 cadres de grandes entreprises et les futurs leaders politiques de RFA sont passés par l’école de Bad Harzburg où les théories de Höhn étaient enseignées.

[41] Cf. « Our Germans: Project Paperclip and the National Security State » de Brian E. Crim.

[42] La ville de Francfort était pro active en matière de fichage génétique grâce au réseau de médecins de l’Office de Santé municipal : en 1938 la municipalité disposait de 230.000 fiches génétiques des habitants, soit la moitié de la population. Elle avait aussi l’historique de 100.000 patients psychiatriques.

[43] Il avait notamment fait une thèse en 1927 intitulée « La recherche génétique sur les jumeaux ».

[44] Cf. « Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945) », de Benoît Massin dans la Revue d’histoire de la Shoah, 2005.

[45] Cf. « Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945) », de Benoît Massin.

[46] Ce qu’il a fait précisément en Amérique latine n’est pas très clair. La version plus ou moins officielle est qu’il est resté tranquillement dans sa ferme, dans un coin paumé. D’autres sources parlent de son implication dans le trafic de drogue international, par exemple, comme l’ont fait d’autres nazis tels que Klaus Barbie en Bolivie.

[47] Cf. « Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945) » de Benoit Massin.

[48] Idem

[49] Apparemment, Kloos envoyait à la mort tous les enfants handicapés, considérés comme des bouches inutiles à nourrir. Beaucoup sont morts par une injection de phénol dans le cœur effectuée par des SS subalternes qui selon Mengele n’allaient pas assez vite ce qui encombrait les couloirs, si bien qu’il leur a expliqué comment procéder pour aller plus vite lors de l’opération.

[50] Cf. « Operation Paperclip. The secret intelligence program that brought nazi scientists to America » d’Annie Jacobsen. Loucks a créé à Heidelberg un groupe de scientifiques travaillant sur le gaz sarin, autour de Kuhn, von Klenck, Schieber, Gerhard Schrader chimiste d’IG Farben et inventeur des agents neurotoxiques. D’ailleurs le gaz sarin a été appelé comme ça pour reprendre les lettres des noms des inventeurs : Schrader, Ambros, Gerhard Ritter, and Hans-Jürgen von der Linde.

[51] Dans le livre « Opération Paperclip », Annie Jacobsen rappelle qu’Ambros a été aidé par son ami le ministre des Finances Ludger Westrick, patron d’industrie présent à de nombreux conseils d’administration, qui a été membre d’un comité créé par Goering pour développer l’équipement de l’armée de l’air.

[52] Ambros a notamment pour le conglomérat pharmaceutique Chemie Grünenthal GmbH qui a été créé en 1946 à partir d’entreprises prises à des Juifs par des cathos intégristes et nazis et a vendu le Thalidomide qui a fait scandale. Ce produit développé par les nazis et testé sur des prisonniers des camps a été utilisé pour de nombreuses applications comme la nausée des femmes enceintes le matin, s’est avéré mutagène et a entraîné de nombreuses malformations congénitales dans les années 50 et 60. La firme avaiy recruté de nombreux scientifiques nazis avec l’aval des US.

[53] Cf. « Operation Paperclip. The secret intelligence program that brought nazi scientists to America » d’Annie Jacobsen.

[54] Cf. « Our Germans: Project Paperclip and the National Security State » de Brian E. Crim.

[55] Cf. « Operation Paperclip. The secret intelligence program that brought nazi scientists to America » d’Annie Jacobsen.

[56] Un projet qui aurait été abandonné. Par contre, c’est des alentours du laboratoire de Plum Island qu’est partie la maladie de Lyme en 1972, et Traub est accusé par l’auteur Michael Carroll d’avoir travaillé à rendre des tiques plus contagieuses, dont certaines se seraient échappées du labo.

[57] L’étau a commencé à se resserrer dès 1933. En 1941 Bormann a qualifié de « tentatives d’empoisonnement » de l’ennemi la diffusion des idéologies religieuses ou occultes.

[58] Cf. « Hitler élu du dragon » de Jean Robin.

[59] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[60] Cf. « Hitler monsters. A Supernatural history of the Third Reich » d’Eric Kurlander.

[61] Cf. « Hitler et les sociétés secrètes » de René Alleau.

[62] Cf. « Les croyances secrètes de Hitler: Essai historique » de José Grégorio Gonzalez.

[63] CF. « L’endoctrinement des élèves à l’Anthroposophie dans les écoles Steiner-Waldorf », rapport de l’UNADFI en juin 2011.

[64] Steiner était même cofondateur et dirigeant de la branche allemande de la Société Théosophique. Il a à cette époque publié la revue « Lucifer-Gnosis », lancée en 1903 sous le nom de « Lucifer », du nom bien-sûr du « Porteur de Lumière », en plein dans le délire luciférien. En 1904 la revue a fusionné avec la revue occultiste « Gnosis », devenant « Lucifer-Gnosis ». La théosophie mélangeait des mystiques hindoues, moyen-orientales, européennes etc. dans une sorte de gloubi boulga censé donner les clés des grands mystères du monde.

[65] Svastika déjà utilisée par « les Frères initiés d’Asie », créé à Vienne au XVIIIe, inspirée d’ésotérisme oriental et de bouddhisme. Charles de Hesse y a été initié.

[66] La société théosophique a aussi été créée par Emma Hardinge Britten (1823-1899), médium anglaise qui a rapidement pris ses distances.

[67] Une écologie dont l’objectif était d’améliorer chaque espèce et évidemment chaque race, en premier lieu la race allemande qui était supérieure, une théorie partagée par Haeckel vers la fin de sa vie, au début du XXe siècle.

[68] Apparemment, Hess qui était amateur d’occultisme a été manipulé par des proches qui lui auraient fait des prédictions sur une paix avec l’Angleterre, eux-mêmess intoxiqués par les anglais.

[69] Cf. « Les croyances secrètes de Hitler: Essai historique » de José Grégorio Gonzalez.

[70] A Dachau, c’était l’anthroposophe Franz Lippert, leader de la biodynamie, qui supervisait les opérations.

[71] La biodynamie a été aussi victime du lobbying de l’industrie chimique qui cherchait à développer et vendre ses engrais et a été bannie progressivement de plusieurs régions, et des nazis anti-occultistes. Quant aux nazis, ils avaient un projet intitulé « Lebensreform », la Réforme de vie, pour développer ce qu’on appelle aujourd’hui l’écologie : protection des animaux, végétarisme, réformes nutritionnelles, santé naturelle, expérimentations d’agriculture non-conventionnelle. Ils veillaient à l’insertion paysagère des infrastructures, au caractère soutenable des projets d’urbanisme sur le plan environnemental.

[72] Cf. « The Nazis and the Occult: The Dark Forces Unleashed by the Third Reich » de Paul Roland.

[73] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson. Toutes les informations collectées étaient centralisées à Munich et sevrait de base à un bulletin quotidien donné aux responsables du NSDAP.

[74] Gurdjieff, critiqué par certains et adulé par d’autres tels que Staline, diffusait diverses doctrines ésotériques et techniques de manipulation mentale, de propagande et de guerre psychologique. Il testait ces techniques sur ses adeptes. En 1946-47 il était à Paris et dans son cabinet, des présidents de grandes entreprises, des hauts fonctionnaires, d’éminents journalistes et directeurs de journaux, des médecins des hôpitaux et professeurs de faculté, des artistes renommés défilaient. Jean-François Revel qui a été un de ses adeptes, a écrit : « Ce qui m’intéresse rétrospectivement, dans ma mésaventure gurdjieffienne, c’est l’expérience que je fis sur mon propre cas de l’aptitude des hommes à se persuader de la vérité de n’importe quelle théorie, de bâtir dans leur tête un attirail justificatif de n’importe quel système, fût-ce le plus extravagant, sans que l’intelligence et la culture puissent entraver cette intoxication idéologique. Sans doute, Gurdjieff était-il un adroit histrion dont les artifices en vue de réduire son entourage en esclavage affectif et de constituer autour de lui une cour obséquieuse étaient dignes des meilleurs modèles politiques, artistiques ou mondains. Il sévissait en France depuis les années vingt ».

[75] Cf. « Monsieur Gurdjieff : Documents, témoignages, textes et commentaires sur une société initiatique contemporain » de Louis Pauwels. Ce lien direct est toutefois contesté, mais l’influence de Gurdjieff sur Haushofer est certaine.

[76] Certains se demandent si ce qui a précipité sa mort n’était pas l’annonce par Hanussen, lors d’un show de voyance, l’incendie du Reichstag qui a eu lieu le lendemain et a facilité le putsch « démocratique » d’Hitler. Il a décrit l’incendie et mentionné que « C’est la coupole du Reichstag qui flambe dans la nuit », «la flamme de la libération de l’Allemagne », a-t-il dit. Mais il prenait aussi un ascendant fort sur Hitler, ce qui ne plaisait pas aux leaders du NSDAP qui le soupçonnaient aussi de travailler pour les renseignements anglais.

[77] En Angleterre, Hanussen était selon certains en contact avec le duc d’Hamilton, chez qui Rudolf Hess semblait vouloir se réfugier lors de son escapade écossaise de 1941. 

[78] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[79] Cf. « The Mind of Adolf Hitler: The Secret Wartime Report » de Walter Charles Langer.

[80] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[81] En 1925, Ludendorff et sa 2e femme Mathilde ont créé un nouveau mouvement, le Bund für Deutsche Gotterkenntnis qui était nazi et antisémite, dont les membres sont appelés les « Ludendorffers ».

[82] Cf. « Hitler’s Monsters : A Supernatural history of the Third Reich » d’Eric Kurlander.

[83] Cf. « Hitler élu du dragon » de Jean Robin.

[84] Cf. « Hitler élu du dragon » de Jean Robin.

[85] Cf. « The nazi occult war : Hitler's Compact with the Forces of Evil » de Michael Fitzgerald.

[86] Cf. « The nazi occult war : Hitler's Compact with the Forces of Evil » de Michael Fitzgerald.

[87] Comme Karl Wolff, mort en 1984 après avoir repris une carrière dans la publicité (il avait travaillé avec Allen Dulles sur la fin des hostilités en Italie), ou August Heissmeyer qui a ensuite dirigé des usines d’embouteillage de Coca-Cola (privilège donné seulement aux amis des Etats-Unis et de la CIA). D’autres sont morts pendant la guerre.

[88] Les causes de sa mort par « suicide » ne sont pas claires. Peut-être que sa réputation d’alcoolique et d’homosexuel, ou ses origines juives par sa mère, ont posé problème à Hitler qui aurait demandé sa liquidation.

[89] Cf. « "Hitler's Monsters: A Supernatural History of the Third Reich » d’Eric Kurlander.

[90] Schafer a collaboré avec l’université de Philadelphie en 1931 pour une première expédition au Tibet. En 1932 il a été reconnu membre à vie de la National Academy of Sciences de Philadelphie. Il est devenu membre du NSDAP dès 1933, puis mené une nouvelle expédition au Tibet avec l’université de Philadelphie. Sa 3e a été parrainée par l’Ahnenerbe. Il a échappé à toute condamnation après la guerre et est parti vivre au Venezuela quelques années.

[91] Cf. « The nazi occult war : Hitler's Compact with the Forces of Evil » de Michael Fitzgerald. L’auteur explique que des centaines de meurtres de femmes qualifiées de « sorcières » ont été commis dans ce château.

[92] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[93] Un document de l’OTO retrouvé en 1944 cité par Werner Gerson, il est écrit : « Nous constituons une communauté d’êtres sexuellement libres. Ce message ne pourra être victorieux que lorsque, dès les premières années, on inculquera à la jeunesse tous les principes de la nouvelle morale. On apprendra à la jeunesse que dès la naissance les organes sexuels doivent être considérés comme sacrés et leurs fonctions devront être représentés aux garçons et filles comme des actes saints. Dès que la mère percevra les premiers signes de puberté, ce sera son devoir de dresser ainsi les enfants, car c’est aux parents qu’il appartiendra d’enseigner ces doctrines aux enfants dès leur première jeunesse. Dans les écoles, ce sera le rôle des médecins et des doctoresses d’approfondir ces doctrines et de leur donner une base scientifique pour l’enseignement des adolescents ».

[94] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[95] Cf. « Hitler et les sociétés secrètes » de René Alleau.

[96] Cf. « Hitler et les sociétés secrètes » de René Alleau.

[97] Cf. « The Occult roots of nazism. Secret aryan cults and their influence on nazi ideology » de Nicholas GoodrickClarke.

[98] Nicholas GoodrickClarke raconte par exemple que les deux assassins du ministre des Finances signataire de l’armistice Matthias Erzberger étaient proches de l’Ordre des Germains et en contact avec son responsable local depuis un an quand ils ont commis l’assassinat. La société de Thulé apparaît en filigrane derrière plusieurs assassinats d’opposant à cette époque.

[99] Né en 1875 sous le nom de Adam Alfred Rudolf Glauer, Sebottendorf était en réalité un fils de cheminot. En 1919 il a dû fuir l’Allemagne quand sa vraie identité a commencé à être connue, et a nommé un certain Hans Dahn pour le remplacer à la tête de la société de Thulé. Au moment du putsch raté de 1923, le dirigeant de la société de Thulé était Marc Sesselmann, qui a participé à l’opération.

[100] Cf. « Hitler et les sociétés secrètes » de René Alleau.

[101] Cf. « The Occult roots of nazism. Secret aryan cults and their influence on nazi ideology » de Nicholas GoodrickClarke.

[102] Eckhart a dit peu avant de mourir : « Suivez Hitler. Il dansera mais c’est moi qui ai fait la mélodie. Je l'ai initié à la Doctrine Secrète, ouvert ses centres de vision et lui ai donné les moyens de communiquer avec les Puissances. Ne me pleurez pas car j'aurai influencé l'histoire plus que tout autre Allemand ».

[103] Cf. « Le nazisme société secrète » de Werner Gerson.

[104] René Alleau écrit dans « Hitler et les sociétés secrètes » que « Les candidats à la réception dans la Thule-Gesellschaft recevaient un prospectus, sur lequel figuraient une croix gammée et un symbole du dieu Wotan ; on leur adressait un questionnaire et l’on procédait à une enquête. Si les résultats étaient satisfaisants, après une période probatoire, ils étaient reçus dans le « grade d’amitié ». Ils devaient prêter un serment solennel et jurer une fidélité absolue au maître de l’Ordre. L’initiation consistait en une représentation symbolique du voyage de retour de « l’Aryen égaré au foyer sacré allemand ». Les femmes et les jeunes filles pouvaient être admises à ce premier degré de l’initiation ».

[105] Cf. « Les croyances secrètes de Hitler: Essai historique » de José Grégorio Gonzalez.

[106] Parmi ces produits, il y avait la testostérone, la cocaïne, caféine, amphétamines et méta amphétamines, anesthésiants, atropine. Morell testait un tas de produits sur Hitler, par exemple il aurait mené les travaux pour extraire un « élixir de vie » du ginseng spécial ramené de Chine par Treibisch Lincoln. Apparemment une injection de ce produit ranimait des aviateurs tombés en mer, même si leur température corporelle était descendue à 4°C. ça a aussi été testé sur des prisonniers des camps. Tous les dossiers sur ces expériences, comme beaucoup d’autres, auraient été détruits par les nazis à la fin de la guerre de même que les stocks, explique Werner Gerson.

[107] Gutberlet était aussi un fan de pendules, et disait qu’il était capable de repérer des Juifs avec.

[108] Cf. « Les croyances secrètes de Hitler: Essai historique » de José Grégorio Gonzalez.

[109] Cf. Benoît Massin, « Apprendre à classer et à sélectionner - L’enseignement de l’eugénisme, de l’hygiène raciale et de la raciologie dans les universités allemandes (1930-1945) »

[110] Il y a Hess bien-sûr, mais aussi Heinrich « Heinz » Jost, responsable des services de sécurité, chef d’un Einsatzgruppe et membre du NSDAP depuis 1928, dont la condamnation a été fortement réduite en 1951, si bien qu’il a été immédiatement libéré et a pu travailler pour l’industrie allemande.

[111] Lanz disait partout qu’Hitler avait appartenu à son « ordre », ce qui n’est pas avéré. Mais il a en tout cas inspiré. José Grégorio Gonzalez relate dans « Les croyances secrètes de Hitler » qu’en 1932 Lanz a écrit au sujet d’Hitler : « Hitler est un de nos disciples […] Un jour tu constateras que lui, et nous à travers lui, triompherons et créerons un mouvement qui fera trembler le monde. »

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Commentaires
C
Il y a 70% des gens qui ne se sont pas injectés en GUADELOUPE donc l’État a cédé il n y a pas d'application de l'obligation vaccinale à l’hôpital de Guadeloupe ! même chose à Moscou meme % donc retrait de l'obligation vaccinale et du pass sanitaire !<br /> <br /> <br /> <br /> Donc aucun besoin de manifs<br /> <br /> aucun besoin d'actions <br /> <br /> aucun besoin de connaitre les intentions des gens CAR CE QUI COMPTE C'EST qu'ils ne s'injectent pas !<br /> <br /> <br /> <br /> Comment faire pour que 70% ne s'injectent pas ?! <br /> <br /> en leur amenant les informations factuelles synthétiques convaincantes <br /> <br /> elles doivent venir de différentes sources et être présentées comme des titres de msn en liste qui donnent directement toutes les infos à savoir ( juridiques , médicales et autres )!<br /> <br /> <br /> <br /> Aujourd'hui celui qui ne dénonce pas les effets secondaires et morts des injections AIDE CONCRÈTEMENT LE GOUVERNEMENT À LES CACHER !!!
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F
Toute ressemblance avec ce qu'il se passe aujourd'hui est bien sur non fondé.
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E
Edifiant !<br /> <br /> <br /> <br /> Merci Ceri pour cette étude en profondeur ( comme dab 😊! )<br /> <br /> <br /> <br /> Le problème , c'est que tout ce "gloubi boulga" ésotérique est encore à l'oeuvre dans les "élites" et pour des desseins toujours en cours !<br /> <br /> <br /> <br /> (Tu fais bien de préserver ton identité avec ces maboules ! )
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