Le traité nouveau est arrivé
Encore une fois, le texte est passé en douce, malgré le refus dans les urnes en 2005. Depuis quelques semaines on n'entendait plus parler de ce "mini traité", eh bien il a été adopté cette nuit par les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union.
On vend ce texte comme devant rendre l'Europe plus facile à gouverner. Porté notamment par José Socrates (1er ministre portugais et Président de l'UE, présent au Bilderberg en 2004 comme Bolkestein qui y était également en 2003 ou José Manuel Barroso qui y était en 2007 et 2005, 2003) et Javier Solana (haut représentant de l'Union Européenne pour la PESC, la politique européenne de sécurité commune, et comme par hasard ancien secrétaire général de l'OTAN), le texte a été signé par les chefs d'Etat et de gouvernement dans la nuit du 16 ou 17 octobre. Comme par hasard, le jour du "divorce" de Notre Très Cher Président.
Rien ne change par rapport au TCE qu'on a refusé en 2005, si ce n'est une opacité accrue.
Ce traité vise en grande partie à renforcer une politique extérieure et de défense commune, qui sera chapeautée par un technocrate de la Commission, également appelé "ministre des Affaires étrangères" de l'Union. Comme l'a expliqué Solana dans Le Monde du 13 octobre, "l'approbation du traité européen relancera la PESD (politique européenne de sécurité et de défense, créée dans le cadre de la PESC en 1999)". Le but est de transférer à l'Union européenne la gestion de la défense et de la sécurité intérieure, qui sont du ressort des Etats, le ministre des Affaires étrangères de l'UE devant gérer cela. La PESD implique, à terme, la création d'une armée européenne (60 000 hommes a priori), dotée de moyens militaires communs, pour agir notamment contre le terrorisme dans un "ordre international fondé sur un multilatéralisme efficace". Rappelons que les liens avec l'OTAN seront de plus en plus étroits, probablement jusqu'à une fusion. Or, jusqu'à présent, les Etats Unis exigent de donner leur aval pour toute mesure prise par l'Europe dans le cadre de la PESD.
- Militarisation
Comme le dit le Conseil de l'Europe en 2003 dans son rapport Une Europe plus sûre dans un monde meilleur, "Les relations transatlantiques constituent un des éléments essentiels du système international, non seulement au regard de nos intérêts bilatéraux, mais aussi parce qu’elles renforcent la communauté internationale dans son ensemble. L’OTAN est une expression importante de cette relation". On en conclut donc que l'OTAN, sous la coupe des Etats Unis, risque de devenir un partenaire de l'Europe en matière de sécurité et de défense.
Dans le cadre d'une politique étrangère et de défense commune, il serait intéressant de savoir si toute l'Europe serait allée envahir l'Irak, ou bien si personne n'y aurait été...
Ce texte est incompréhensible, encore plus opaque que le précédent. Car en fait il se base sur le TCE refusé en 2005, pour y apporter des modifications, ce qui le rend impossible à lire puisqu'il faut aussi avoir l'ancienne version du TCE sous le nez pour comprendre de quoi on parle.
Je vous mets un extrait du texte qui a été signé à Lisbonne, pour prendre conscience du charabia qu'on doit ingurgiter afin de tenter de comprendre ce nouveau traité:
"Le texte de l'article 17 devient l'article 27, avec les modifications indiquées ci-après au point 48). L'article 17 est remplacé par un texte qui reprend le libellé de l'article 23, avec les modifications suivantes:
(a) au paragraphe 1, le premier alinéa est remplacé par le texte suivant: "Les décisions relevant du présent chapitre sont prises par le Conseil européen et par le Conseil statuant à l'unanimité, sauf dans les cas où le présent chapitre en dispose autrement. L'adoption d'actes législatifs est exclue." et la dernière phrase du second alinéa est remplacée par le texte suivant: "Si les membres du Conseil qui assortissent leur abstention d'une telle déclaration représentent au moins un tiers des États membres réunissant au moins un tiers de la population de l'Union, la décision n'est pas adoptée." ... éloquent, non?
Bon reprenons...
La concurrence sera simplement "non faussée", et officiellement n'est plus dans les "objectifs" de l'Union.
Dans les "dispositions générales", on nous dit que l'Europe "oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social". Donc le but est la croissance, équilibrée certes mais selon quels critères, et une croissance qui irait avec la stabilité des prix. Or, la stabilité des prix s'obtient en limitant la demande, c'est-à-dire la consommation, donc en tenant les salaires assez bas. De plus, le but d'avoir une "économie de marché hautement compétitive" va à l'encontre du voeu pieu de tendre au plein emploi. Enfin, "tendre" au plein emploi n'est pas comme fixer le plein emploi en tant qu'objectif de l'Union. L'objectif, ça reste d'être "hautement compétitive".
Plus loin il est stipulé (pardon pour ne pas mettre les références, mais c'est presque impossible de savoir où on est dans ce texte) que "Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union." Cela veut dire qu'un Etat ne peut prendre de mesure contradictoire avec le droit de l'Union européenne, notamment en matière économique et commerciale.
Dans le monde, l'Europe promeut toujours le "commerce libre" et "équitable" mais bon encore une fois ces termes sont contradictoires.
Le droit de pétition est inchangé, il faut toujours un million de signataires pour que la Commission examine la question.
On aura moins de commissaires européens, mais une Commission aux compétences renforcées. Elle a toujours seule l'initiative des lois pour le 1er pilier
En matière de politque extérieure, l'Union, entre autres, se targue dans un esprit parfaitement néo colonialiste, "de promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale."
On crée une Agence européenne de défense, qui fixera aux Etats des objectifs en matière militaire, et visera également à "renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense". Quant à eux, "Les États membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires." et cela sera coordonné par ladite Agence européenne de défense. On ne peut donc plus se revendiquer un pays pacifiste et non militarisé.
- Libéralisation
Au niveau de la supériorité des décisions européennes sur les politiques des Etats membres, rien de changé. Par exemple "Les États membres coordonnent leurs politiques économiques et de l'emploi selon les modalités prévues par le présent traité, pour la définition desquelles l'Union dispose d'une compétence." Pareil pour les politiques sociales : "L'Union peut prendre des initiatives pour assurer la coordination des politiques sociales des États membres."
"L'Union dispose d'une compétence (...) pour définir et mettre en oeuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune". Ca, c'est au cas où on n'aurait pas bien compris avec les 100 premières pages du texte.
"L'Union dispose d'une compétence exclusive dans les domaines suivants:
a) l'union douanière;
b) l'établissement des règles de concurrence (donc la concurrence non faussée) nécessaires au fonctionnement du marché intérieur;
c) la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l'euro;
d) la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche;
e) la politique commerciale commune."
L'Union est également compétente pour coordonner les politiques des Etats membres notamment en ce qui concerne l'éducation et la formation professionnelle (ce qui est déjà bien entamé), l'industrie, la "protection civile" ou la "coopération administrative", ces deux dernières expressions n'étant définies que 80 pages plus loin.
On peut quand même citer un nouvel article qui certes ne mange pas de pain, mais a le mérite d'exister:
"Dans la définition et la mise en oeuvre de ses politiques et actions, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine." Bon, prendre en compte n'est pas la même chose que de préserver la protection sociale etc, mais au moins on rappelle que ce serait bien de faire comme si on s'en souciait.
Les services publics sont toujours qualifiés de services d'intérêt économique général (SIEG), et leur survie n'est toujours pas garantie. La seule modification est qu'ils doivent fonctionner "dans des conditions économiques et financières qui leur permettent d'accomplir leurs missions", ce qui est assez obscur, puisque ca semble logique au premier abord. Mais quand on sait que les monopoles d'Etat sont considérés comme faussant la concurrence, on est en droit de s'interroger sur ce que nos technocrates entendent par "conditions économiques et financières qui leur permettent d'accomplir leurs missions". On apprend, tout de même, que lesdites conditions seront fixées par le Parlement et le Conseil, via des règlements.
Sur le fameux marché intérieur : "L'Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur, conformément aux dispositions pertinentes des traités", et les marchandises et capitaux doivent toujours circuler librement. D'ailleurs les Etats "s'efforcent de procéder à la libéralisation" des SIEG.
Petite amélioration: à l'unanimité et après consultation du parlement, le Conseil européen peut "adopter des mesures qui constituent un recul dans le droit de l'Union en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers"? c'est quand même une grande avancée, qui sous entend que peut être la libéralisation des mouvements de capitaux pourrait être remise en cause.
Certaines aides d'Etat peuvent être tolérées par la Commission, dans les domaines définis par le Conseil. C'est encore une grande avancée, même si on ne sait pas si les entreprises publiques sont concernées. Mais de toute manière les entreprises publiques sont contraintes à la concurrence non faussée et à la libéralisation.
En matière de commerce, toujours dans un but purement philantropique, l'Europe compte établir une parfaite libéralisation des échanges de biens mais aussi des mouvements de capitaux (les IDE, investissements directs étrangers) : "Par l'établissement d'une union douanière conformément aux articles 23 à 27, l'Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu'à la réduction des barrières douanières et autres."
Un nouvel article évoque la libéralisation des "services sociaux, d'éducation et de santé", mais de manière détournée:
"Le Conseil statue également à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords:
b) dans le domaine du commerce des services sociaux, d'éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l'organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des États membres pour la fourniture de ces services"
La politique monétaire de l'Union est gérée par la BCE et la Banques Centrales qui sont privées et appartiennent à des actionnaires. La BCE est seule a décider d'émettre ou non des euros. Le but de la politique monétaire est la stabilité des prix, qui s'obtient en limitant l'inflation, donc les salaires et le pouvoir d'achat.