Var: 16 meurtres d'enfants au passif d'un réseau pédophile, et trois gamins abusés
Que feriez-vous si d’un coup, toutes vos illusions s’écroulaient ?
Si vous étiez une mère qui apprend un jour de la bouche de ses enfants que « papa a mis son zizi » dans leurs fesses, dans leur bouche ? Et que le père n’était pas le seul à abuser des petits… Qu’à force de les interroger, longuement, difficilement, vous appreniez qu’ils ont aussi vu des meurtres d’enfants, et qu’ils ont été forcés d’y participer ?
Si, quand vous tentez de dénoncer ces faits, vous vous retrouviez face à des murs dressés par la Justice, par les enquêteurs, par ceux-là même qui sont censés encadrer et protéger vos enfants ?
Que feriez-vous ?
C’est ce qui arrive aujourd’hui à de nombreuses mères, et parfois à des pères, à travers la France, de Toulon à Outreau, d’Angers à Annecy.
Reprenons rapidement l’histoire kafkaïenne de l’une d’entre elles.
Séparée du père de ses enfants qu’on appellera Léon, après des années d’humiliations et de harcèlement, Sarah, la mère, avait la garde principale de ses trois enfants, âgés de trois à six ans. Le père « oublie » parfois de payer la pension, continue à insulter la mère, tente de la violer… Les plaintes de Sarah n’ont jamais de suite.
Et tout s’est écroulé quand, un soir d’octobre 2007, ses enfants rentrent hagards de chez leur père. Sarah finit par découvrir que Denis (pseudonyme), un ami du père qui travaille à la mairie locale, a embrassé sa fille sur la bouche, puis a mis son sexe dans sa bouche. Elle dépose plainte. Rien ne se passe.
Sarah apprend plus tard que ce sont ses trois enfants qui sont violés par Denis, mais aussi par leur père et par d’autres adultes présents, y compris des femmes. Que tout cela est filmé, et que les enfants sont menacés de mort au cas où ils parleraient.
Des mois plus tard, à force d’interroger ses trois enfants, à force d’insister pour qu’ils disent ce dont ils ont le plus peur, les trois petits racontent qu’ils ont assisté à des meurtres d’enfants, « un petit garçon » d’abord, puis « une petite fille », puis trois enfants ensemble, pendus à une branche et dépecés. Ils expliquent qu’on leur a aussi demandé de tuer. Au total, les enfants parlent de seize meurtres d’enfants dans ce même village du Var, en moins d’un an.
Sarah apprend qu’un éducateur chargé d’une mesure d’aide en milieu ouvert lors de ses visites chez le père (puisque Sarah a fini par perdre le droit d’héberger ses enfants), ami du père, a emmené sa fille Marie dans les bois, au moins deux fois. Les enfants décrivent d’autres scènes de meurtres épouvantables, auxquelles ont assisté deux de leurs enseignantes du primaire, le fameux Denis, leur père, l’éducateur, la mère d’un petit voisin, une autre dame, des copains du père, une psychologue mandatée par le juge des enfants… Et tout était filmé, évidemment, car les snuff movies se revendent cher, surtout s’il s’agit d‘une production originale. Le père filmait (d’ailleurs il a montré le film à ses enfants), d’autres prenaient des photos, d’autres avaient des jumelles pour ne rien manquer de la chasse.
Pour vérifier cela, Sarah et ses parents tentent d’amener les enfants sur les lieux d’un des meurtres, mais ils se sont mis à pleurer et à crier si violemment qu’il a été impossible de continuer le chemin. Une autre fois, en passant près d’un des lieux de crime, à quelques kilomètres de chez eux, les deux garçons de Sarah s’exclament en chœur « c’est par là qu’ils ont enterré la petite fille !».
Quand leur mère leur demande d’expliquer un dessin fait par le plus petit de la fratrie, un dessin qui représente un arbre avec des enfants pendus aux branches, les enfants racontent en détail les meurtres de deux petites filles et d’un petit garçon. Les enfants, après avoir été violés, après qu’on leur ait coupé les mains, « ils criaient très, très fort et appelaient leur maman », précise le petit Thomas, ont été attachés nus à l’arbre par les poignets.
Les adultes ont ensuite ordonné aux petits de tuer chacun un enfant, avec un couteau ou une paire de ciseaux. « On a commencé par le petit garçon, et après c’est moi et après c’est Marie », raconte Hubert (pseudonyme). Les adultes ont ensuite coupé les corps des enfants en morceaux, enlevé la chair de leurs trois victimes, et en ont mangé une partie, imposant aux enfants de faire de même, mettant le reste au congélateur. Les yeux des petites victimes ont été mis à part et servis cuits dans une assiette. Les enfants de Sarah ont ensuite été obligés de les manger. Idem avec la cervelle d’une des petites filles, à qui on avait ouvert le crâne devant les enfants. A ce stade, n’importe quel esprit humain normal se dit que ce sont des histoires, mais ce n’est hélas pas le cas. Les trois enfants décrivent la même scène, avec les mêmes difficultés pour raconter le fil des évènements. Parce qu’ils ont très peur, qu’on leur a dit de se taire, et qu’ils l’ont très bien compris. « C’était vraiment très méchant, il faut qu’ils aillent en prison », ont ajouté les enfants.
Dans un monde normal, les gendarmes, informés de ces allégations, auraient enquêté. La Justice aurait réagi et condamné les tortionnaires. Mais, pas dans notre affaire. Ni dans aucune autre affaire du même genre. Par exemple, après avoir signalé le triple meurtre d’enfants, ainsi que le lieu exact où les corps ont été enterrés, quelle ne fut pas la surprise de la famille en constatant qu’une pelle mécanique était sur place, et avait probablement déterré les corps avant même que les gendarmes ne se déplacent.
Dès que Sarah suspecte le viol de sa fille, elle se rend chez le médecin de famille, qu’on appellera Mme Trafalgar, le 8 octobre 2007. Les trois enfants reçoivent 21 jours d’arrêt. Elle emmène aussi Marie et ses frères voir une psychologue, qui détecte le viol par voie orale et anale, et enjoint Sarah de porter plainte. C’est ce qu’elle fait immédiatement, et porte plainte à la gendarmerie de St-Tropez pour le viol de sa fille par Denis. Celle-ci sera classée sans suite deux semaines plus tard.
A la fin de ses obligations pour l’enquête, Sarah, qui a la garde de ses enfants, prévient néanmoins le procureur qu’elle part à Disneyland avec eux, et lui laisse ses coordonnées téléphoniques. Elle s’arrête en chemin avec les enfants pour dormir, et onze gendarmes débarquent pour prendre les enfants, selon un ordre du Procureur. Sarah ne les reverra plus pendant trois mois, et n’aura aucune nouvelle d’eux pendant trois semaines.
Les enfants sont placés dans un foyer, Marie est séparée de ses frères. Le 22 octobre, alors qu’elle n’a jamais reçu sa convocation au tribunal, une audience du juge des enfants a lieu en la seule présence du père. Les enfants sont maintenus en foyer. La convocation a été envoyée au numéro 22 de la rue, chez des amis du père, au lieu du numéro 28, ce qui arrivera encore pour l’audience suivante. A la nouvelle audience du 30 octobre, toujours pas convoquée, Sarah perd la garde de ses 3 enfants au profit du père.
Elle devra attendre deux mois pour obtenir un droit de visite et d’hébergement… un week-end sur deux.
Toutes les réponses judiciaires aux plaintes de Sarah iront dans le sens inverse de ce qui aurait dû être. Tout dans ce dossier va à l’encontre de la logique la plus élémentaire.
Sarah, sa mère et le compagnon de sa mère, qui se battent ensemble, sont alors accusés d’aliénation et de manipulation des enfants. D’après une lettre du médecin de famille, Mme Trafalgar, au juge des enfants qui traite le dossier, la famille serait en fait une secte, adoratrice de la vierge, dont le gourou ne serait autre que le compagnon de la grand-mère des enfants qui avait parlé des deux premiers meurtres d’enfants à Mme Trafalgar.
Aucun élément ne venant étayer la thèse de la secte, les trois se retrouvent alors accusés de dénonciation mensongère et calomnieuse à l’encontre du père des enfants, pour avoir signalé les meurtres et les viols à la police. Sarah et ses parents risquent quand même cinq ans de prison, et attendent un procès qui pourrait avoir lieu dans les semaines à venir.
Tout ceci n’est qu’un aperçu rapide de leur histoire.
Mais, il faut savoir que Mme Trafalgar a clairement dit au père des enfants venu consulter avec Thomas que la famille est « au courant de tout ». Elle demande même au petit garçon si c’est lui, « petit con », qui a parlé à sa mère. Le père a aussi parmi ses relations quelques gendarmes du coin. Le juge des enfants B. qui a traité le dossier de Sarah, fait des conférences pour une association de Draguignan qui s’occupe de former les professionnels de l’enfance, où travaille aussi l’éducateur chargé de la mesure d’aide en milieu ouvert, présent lors des meurtres. L’une des conférences à laquelle le juge B. a contribué récemment avait pour thème le syndrome d’aliénation parentale. Certains psychologues et médecins n’hésitent pas à faire des rapports pour le moins ambigus, où les violences subies par les enfants sont minimisées, voire niées. Enfin, les signalements de mauvais traitements ne portent jamais leurs fruits, que ce soit à l’école, devant les juges ou à la gendarmerie.
Dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres, on marche littéralement sur la tête, comme s’il n’y avait aucune logique, aucune volonté d’aider les enfants à s’en sortir.
Ils en auraient pourtant bien besoin, séparés les uns des autres, la mère ne pouvant voir ses enfants que trop rarement au point rencontre, n’ayant aucune nouvelle d’eux entre deux visites.
Dans ce texte tous les noms ont été remplacés, et les lieux ne sont pas cités précisément, parce que l’affaire est en cours. Mais, s’il devait arriver quelque chose aux enfants, à leur mère, ou à quiconque tente de leur venir en aide, nous n’hésiterions pas une seconde à tout rendre public, afin de protéger ceux qui peuvent encore l’être.