Castres: Comment la justice a nié la parole des enfants pendant 10 ans
Reprise d'un article paru aujourd'hui sur le blog: http://pedophilie-castres.over-blog.com/
Nous allons parler d’une petite fille, on l’appellera Julie. Elle a trois ans quand sa mère, Sandrine, rencontre Jean-Claude, divorcé, qui est son supérieur au travail. Très vite, Julie sent que Jean-Claude agit bizarrement avec elle, mais ne comprend pas ce qui se passe, n’en parle pas.
Puis un jour elle se plaint de douleurs à sa grand-mère, qui l’emmène chez le médecin de famille. Celui-ci constate à deux reprises, en juin et en juillet 2000, que le sexe de la petite est enflammé. Un pédopsychiatre consulté par la grand-mère ira jusqu’à faire un signalement auprès du Procureur de Tarascon. Un quatrième médecin fait dessiner la petite : elle représente un grand lit, avec Jean-Claude et une « excroissance » pleine de « poils ». Elle dit que « le zizi ça fait mal au cucul », qu’elle a pleuré, qu’elle n’aimait pas la « colle » qu’il lui mettait…
La grand-mère fait un signalement, puis dépose plainte ; une vague enquête est menée, et la mère, sous l’influence de Jean-Claude, n’entend pas sa fille et se brouille avec sa propre mère. Julie, elle, part en famille d’accueil avant même ses quatre ans. La plainte de la grand-mère est classée sans suite. Elle en redépose une, classée sans suite très rapidement.
De nombreuses auditions de Julie, de sa mère et de sa grand-mère se succèdent, mais pas d’expertise médicale. Le seul médecin envoyé par la Justice conclura qu’il ne s’est rien passé et que Julie va très bien, malgré qu’elle ait répété les faits devant plusieurs personnes qui en attestent.
Julie retourne chez sa mère à la rentrée. A l’école, elle se renferme, Jean-Claude la brutalise quand sa mère est absente. Pendant un an, Julie ne peut voir sa grand-mère qu’en point rencontre. Lors d’une de ces visites, elle reparle des abus devant une assistante sociale, qui écrira pourtant dans son rapport que Julie « a toujours nié avoir été victime d’attouchements sexuels de la part de l’ami de sa mère ». Quant aux abus, cette assistante sociale dira à Julie qu’il « s’agit d’un mauvais rêve », et que « on va dire qu'il l'a fait et que maintenant il ne le fait plus » ... Le même assistante « sociale » fera ensuite comprendre que Julie ne veut plus voir sa grand-mère, et même qu’elle a menti, du haut de ses cinq ans.
Pendant ce temps, Jean-Claude vire au tyran domestique, il isole Sandrine, maltraite Julie, qui a alors six ans. C’est à ce moment que Sandrine tombe enceinte de triplés, mais Jean-Claude l’oblige à avorter de l’un d‘eux. Elle ira pour une fois accompagnée de Jean-Claude, qui est trop occupé. Les jumeaux, Aude et Romain, naissent en juin 2003, puis le couple se marie en mai 2005 et déménage avec les trois enfants.
Le 6 septembre 2007, Sandrine tombe de très haut quand elle voit Aude, âgée de 4 ans, se toucher le sexe après la douche. Comme un gouffre qui la ramène sept ans en arrière. Aude finit par lui dire qu’elle a subi des attouchements de la part de son père, comme Julie sept ans plus tôt.
Sandrine va chez le médecin, demande le divorce, Jean-Claude va vivre ailleurs car il est muté et veut prendre son propre appartement, si bien que les jumeaux voient leur père en point rencontre.
Puis, Sandrine entame le chemin de croix judiciaire.
Tenter de convaincre les gendarmes de la laisser déposer une plainte, amener sa fille aux visites médicales, chez le psychologue, aux auditions chez les flics. Les enfants ne veulent plus voir leur père et Sandrine a les plus grandes difficultés à les amener au point rencontre.
De son côté, Jean-Claude prend un avocat et demande à des proches de rédiger de fausses attestations, histoire de montrer que Sandrine est une mauvaise mère. Mais surtout, personne ne veut entendre Aude, comme personne n’a voulu entendre Julie auparavant.
Pourtant elle dit bien aux policiers, en présence d’un pédopsychiatre, que son père l’a touchée, mais on considère qu’elle divague et finalement la plainte est classée sans suite. Aude subira d’autres auditions, où elle répète les faits. On ne l’écoute pas plus.
Sandrine a droit elle aussi à des auditions et des examens psychiatriques, où on considère qu’elle a une influence négative sur ses enfants, pendant que Jean-Claude passe pour quelqu’un d’équilibré.
Le juge retiendra que Sandrine « n’a qu’une volonté, détruire [Jean-Claude] et le faire passer pour un monstre aux yeux des enfants, pour s’en débarrasser comme elle l’a fait pour le père de sa première fille [Julie] », qu’elle « détruit son image de père » etc. Alors que lui ne s’était jusque là jamais soucié de son image de père, étant absent des semaines entières, violent avec Julie et Sandrine, menaçant.
Sandrine décide finalement de se porter partie civile pour Aude et Julie. Pour qu’on prenne sa sœur au sérieux, Julie écrit à l’assistante sociale qui la suit. Elle redit les abus commis par Jean-Claude, et qu’elle est « en colère car personne n’a cru ma sœur et ni moi ni ma mamie il y a 8 ans en arrière. Et j’en veux beaucoup à ma mère car elle ne m’a pas crue ».
A nouveau « expertisées », Julie et Aude sont à nouveau discréditées. On dit que Julie manipule sa sœur, que le climat familial est malsain et hostile aux hommes, que Sandrine est à la limite du « syndrome d’aliénation parentale »... Le père a d’abord des droits de visite en point rencontre, puis un droit d’hébergement, et toutes les plaintes de la mère sont classées sans suite, sans investigations sérieuses. Par exemple, un ami du père qui a menacé Julie n’est jamais entendu, Jean-Claude nie les faits mais on ne cherche pas dans sa vie antérieure, on ne procède à aucune confrontation, ses proches ne sont pas auditionnés…
Fin 2009, quand les enfants sont menacés de mort par la famille de leur père lors d’une forte altercation qui s’est déroulée devant chez Sandrine, elle décide de retirer ses enfants de l’école et refuse de les présenter à leur père. La justice ordonne alors qu’ils soient placés, et un non lieu tombe pour les abus commis sur les filles.
Pour non présentation d’enfants, Sandrine est condamnée en juin 2010, en son absence, à six mois de prison ferme, et le divorce est prononcé à ses seuls torts bien que Jean-Claude vive en concubinage à cette époque. Sandrine n’a le droit de voir ses enfants qu’en point rencontre, en présence d’éducateurs. De son côté, le père obtient l’autorité parentale exclusive.
Le 7 décembre 2010, Sandrine est arrêtée alors qu’elle vient déposer Julie à son collège. Elle part immédiatement en prison, et le 25 janvier les gendarmes de trois brigades différentes viennent chercher les jumeaux au domicile de leur tante, puis on les place dans un foyer. « Savoir que tu es en prison me fait beaucoup de peine. Quand j’ai vu les flics devant le bahut et que je les ai vus t’emmener comme une criminelle alors que tu fais tout pour nous protéger contre un homme qui m’a violée, qui nous a battus, et qui m’a traitée de menteuse », écrit l’ado à sa mère.
Sandrine est finalement libérée le 27 janvier, et placée sous contrôle judiciaire. Elle ne peut pas voir ses enfants avant le 22 juin, et ce jour-là ils semblent complètement bloqués, ne parlent pas. L’audience pour la non présentation d’enfants, pour laquelle Sandrine risque de repartir en prison, est repoussée au 16 novembre 2011.
La morale de cette histoire ? La parole de deux petites filles a été niée, des années durant. Même si des médecins les ont crues, et ont insisté sur les faits. Dans cette affaire, il y a de nombreuses anomalies au niveau des procédures et des réponses judiciaires. Mais, c’est banal dans ces histoires. Aujourd’hui, Julie voit sa famille éclatée à cause de cette affaire, mais elle a décidé de se porter partie civile.