Quelques affaires de réseaux pédophiles en Belgique avant l'affaire Dutroux
Les réseaux pédophiles, eh bien figurez vous qu’avant l’affaire Dutroux, les médias belges osaient en parler. En parcourant les archives numérisées d'un quotidien belge, qui commencent au milieu des années 90, on constate que de grosses affaires impliquant des réseaux pédophiles étaient venues au jour, entre 1992 et 1996. Dans ces affaires, la Justice s’était montrée particulièrement clémente avec les coupables. Et depuis 1996, année du scandale de l’affaire Dutroux, on ne lit plus un seul article sur les réseaux pédophiles. Comme s’ils avaient tous cessé leur activité depuis cette affaire dans laquelle, pourtant, on a conclu que le dénommé Dutroux était un « prédateur isolé ».
1. L’affaire du gendarme qui prostituait des enfants
Cette affaire explose moins de six mois avant l’affaire Dutroux, début févier 1996. Les gardiens d’un parking sous terrain à Bruxelles ont vu sur les vidéos de surveillance qu’un gendarme abuse d’enfants dans le parking. Les gardiens en parlent à la police, qui réagit très vite. De son côté, la gendarmerie est au courant de tout cela depuis un le mois de novembre, un mois avant la police, mais elle ne veut surtout pas la médiatiser, et reprochera ensuite à la police de l’avoir fait. Bref, la guerre des polices, qui a également été la toile de fond de l’affaire Dutroux, battait son plein. La fusion police gendarmerie qui occupait l’actualité, est devenue une réalité peu de temps après.
Revenons à notre gendarme pédo et proxo. Il s’appelle Hedwig Huybrechts, et bizarrement, bien que l’affaire ait duré presque 10 ans, il n’y a quasiment plus rien à ce sujet sur le web.
Fin janvier 1995, un gendarme de la brigade de Gingelom, à Saint Trond, est mis en taule ainsi qu’un dénommé Alija Seket, jeune Yougoslave de 18 ans qui a fourni les enfants à Huybrechts (ils étaient amants, semble-t-il), et sept clients du réseau. Seulement sept, bien que les flics aient saisi l’agenda de Huybrechts.
Le gendarme, c’est donc Hedwig Huybrechts, Maréchal des Logis de 34 ans. Dans le coffre de sa Mercedes, on a trouvé des centaines de photos pédopornos et des cassettes du même registre, avec des viols d’enfants. Parmi les clients, on avait un type de 80 ans, vice président du Dolphinarium de Bruges, et le monsieur communication de l’aéroport d’Ostende[1]. Une quarantaine d’autres clients, mais qui ne consommaient que des photos, nous dit-on, avaient été repérés. Chez tout ce petit monde, 17 personnes au total, on a retrouvé des cassettes vidéo pédopornos. Et encore, les perquisitions ont eu lieu quatre ou cinq jours après que l’affaire ait été révélée dans les médias.
Quant aux enfants, ils étaient originaires d’ex Yougoslavie et avaient entre 8 et 14 ans. On nous a dit qu’ils avaient tous été identifiés. Ils seraient donc 17, tous domiciliés dans le quartier de la place Flagey, un quartier avec un fort taux élevé d’immigrés arrivés récemment, à deux pas du Parlement européen.
Côté face, Huybrechts était un gendarme jugé « irréprochable » par ses supérieurs. De 1984 à 1990, il a été envoyé à Bruxelles pour travailler au Palais de Justice, puis il est retourné dans le Limbourg, à la brigade de Gingelom. Voilà pour côté face.
Côté pile, le gendarme gérait un réseau d’exploitation sexuelle de mineurs, issus en l’occurrence de Yougoslavie, pays ravagé à l’époque par une guerre dite « civile ». Il avait même réalisé une sorte de book, et prenait des photos des jeunes dans ce parking bruxellois, ou encore dans des hôtels.
Huybrechts amenait les enfants chez les clients, recrutés par petites annonces, à bord de sa Mercedes, parfois jusqu’aux Pays Bas où résidaient certains d’entre eux. Les passes étaient payées entre 4.000 et 7.000 FB par les clients, soit en gros 100 à 170 €. Une grande partie de cette somme allait à Huybrechts, qui donnait aux enfants entre 10 et 25€, avec lesquels ils devaient encore rémunérer Seket.
Officiellement Huybrechts n’a commencé à prostituer les enfants qu’en septembre 1995, mais en réalité, certaines de ses victimes ont été abusées en 1992, si pas avant encore. En l’occurrence, il s’agissait d’un gamin que sa mère avait du mal à gérer, et que Huybrechts avait en quelque sorte pris sous son aile. Un autre gamin racontait la même chose : une fois seul avec le pandore, il les obligeait à se déshabiller, les prenait en photo dans des poses suggestives, et abusait d’eux.
Après cela, Huybrechts décide d’abuser d’enfants de sans papier, et comme à l’époque nous faisions la guerre en ex Yougoslavie, les réfugiés étaient donc yougoslaves pour la plupart.
Apparemment, il a rencontré Alija Sefket à la place Flagey, haut lieu de prostitution Bruxellois à l’époque, où on trouvait aussi des ados. Sefket était alors à la tête d’un petit réseau de prostitution d’ados yougoslaves.
Bref, tout le monde est mis en taule, et voilà que Huybrechts est libéré sous conditions le 16 juillet 1996, après cinq mois de préventive. Viré de la gendarmerie, il s’est reconverti après un internement psychiatrique en chauffeur de voitures, métier pour lequel il avait déjà fait ses preuves en livrant des ados à ses clients. Le jugement a eu lieu fin 1999. Déjà, on sentait que la Justice n’était pas pressée de rendre Justice, et à la surprise générale, le parquet a requis le sursis pour dix des onze prévenus envoyés au tribunal. Le seul pour lequel le parquet demandait du ferme, c’était Sefket, contre qui on a requis quatre ans fermes.
Pour sa défense, Huybrechts a dit que Sefket l’avait menacé de dévoiler leur relation à ses supérieurs, et qu’il l’avait forcé à participer à son réseau, pour passer les petites annonces, réaliser les séances photos des ados, et parfois de les conduire chez les clients.
Accessoirement, dans cette affaire aussi on a saucissonné les dossiers, puisque certains clients ont été jugés à part, comme cet informaticien allemand qui a pris un an ferme.
Bref, finalement, Sefket, qui s’était enfui, a pris 5 ans fermes, Huybrechts a pris deux ans pour « attentat à la pudeur sur des mineurs et association de malfaiteurs », ce qui n’est pas cher payé. Quant aux clients, le plus ‘sévèrement’ condamné a pris un an ferme. Le quotidien Le Soir du 3 décembre 1999 précise que « Ces peines assez faibles sont essentiellement dues à la complaisance dont ont fait preuve les jeunes victimes. Selon le tribunal, ces enfants - souvent d'origine yougoslave- ont délibérément prêté leur collaboration au réseau ». Et d’après l’agence de presse Belga, le même jour : « Selon le tribunal, les enfants se sont laissés enrôler sans résistance et gagnaient d'importantes sommes d'argent en se prostituant. Ils déterminaient eux-mêmes ce que leurs clients devaient payer et fixaient eux-mêmes les limites de leurs relations. La plupart de leurs parents n'ont en outre rien fait pour éviter cela. Au vu de ces éléments, le tribunal n'a accordé aux enfants qu'un franc symbolique à titre de dommages et intérêts ».
2. L’affaire du CRIES
Là encore il reste peu de sources sur le web, d’autant que c’est la première affaire de réseau pédocriminel qui vient sur la place publique en Belgique, en 1987. Le CRIES, c’est le Centre de Recherches et d'Information sur l'Enfance et la Sexualité, créé en janvier 1983 par Philippe Carpentier, et qui disait faire des recherches sur la sexualité chez l’enfant.
En réalité, le CRIES était une sorte de plateforme pour que les pédos se mettent contact avec leurs victimes, dans 18 pays au moins. Cette affaire a des liens, notamment avec l’affaire du pasteur Doucé et son magazine du genre le guide du Pédo. Les pédos du CRIES le disaient eux-mêmes : « Le C.R.I.E.S. milite en faveur d'une réforme législative qui prendrait en compte le libre choix affectif et sexuel des mineurs et qui décriminaliserait toutes les relations amoureuses librement consenties ». On pourrait répondre, mais je vais préparer une réponse type à ce genre de propos très bientôt. Mais, pour résumer, comme tous les pédos, le CRIES partait du principe que les enfants ont des désirs sexuels qu’il leur revenait d’assouvir (aux pédos, bien sûr). Le centre faisait sa propagande via la revue L’Espoir.
Le CRIES savait qu’il était hors des clous, la preuve, dons cette communication : « Par mesure de prudence, vos lettres sont détruites après réponse, afin que vos confidences ne tombent pas dans des mains indues. Nous prions donc nos correspondants de ne pas oublier de rappeler chaque fois, en tête de leur lettre, l'adresse à laquelle nous devons expédier la réponse. Les adresses de nos abonnés sont conservées sous forme codée en un lieu sûr, d'accès difficile ».
Et puis le CRIES se souciait aussi du côté pratique des choses pour ses lecteurs, si l’on en croit le programme éditorial de l’année 1984 : « En outre, chaque numéro contiendra un chapitre du guide de précautions à prendre pour tenir nos amours à l'abri de la répression, guide à la rédaction duquel travaille actuellement un petit groupe au sein du CRIES, et pour lequel les suggestions de nos lecteurs seraient également les bienvenues ».
En 1986, on arrête un pédophile et on remonte jusqu’à un certain Michel Felu, pédo déjà condamné avant d’être employé par l’UNICEF[2] à Bruxelles, se serait donc servi des locaux dans lesquels il travaille, sans que son patron ne le sache. Une perquisition s’ensuit, et on trouve du matériel pédopornographique. Les images ne montrant pas viols sont publiées dans la revue L’Espoir.
Via le CRIES, des photos et cassettes dans lesquels sont montrés les pires viols d’enfants parfois très jeunes sont diffusées dans 18 pays.
25 enfants sont identifiés (alors qu’on a retrouvé plus de 4.000 cassettes vidéo), et seulement 17 personnes sont envoyées devant le tribunal, dont quelques parents qui avaient vendu leurs enfants.
Au final, treize coupables ont été condamnés, dont l'ex directeur du comité belge de l'UNICEF (qui a pris deux ans puis fut acquitté en appel) et divers récidivistes. En appel, Felu, Drieghe, Weber et Carpentier prennent 10 ans (la peine maximale), mais le directeur de l’UNICEF qui avait pris deux ans en première instance est acquitté, ainsi que plusieurs parents.
On notera également que malgré le nombre impressionnant de Français (280 semble-t-il) sur les listes des fidèles du CRIES, aucune enquête n’y a jamais été menée. Ce nombre est important tout simplement parce que le « Centre du Christ Libérateur » créé par le pasteur Doucé était son partenaire chez nous. Ce groupuscule défendait aussi ce qu’ils appelaient « la pédophilie ». Accessoirement, les circonstances de l’assassinat dudit pasteur sont des plus obscures. En tout cas, sa mort était bien pratique car elle mettait fin au débat inspiré par l’existence de son petit réseau pédocriminel dans lequel il s’amusait à impliquer des personnalités afin qu’elles défendent ensuite sa cause.
L’affaire du CRIES, bien qu’étouffée, livre encore quelques bribes de vérité, comme en janvier de cette année, quand on arrête un certain infirmier d’Asse, Marc Vanden Bossche, qui avait bénéficié d’une « suspension du prononcé » lors du procès du CRIES, c’est-à-dire qu’on a reconnu sa culpabilité mais que s’il restait sage un certain temps, il ne serait pas sanctionné. Le type, âgé de 53 ans en 2012, était impliqué, nous dit-on, dans « une vaste affaire de pédophilie », et il détenait 10 millions de fichiers pédos dans SES ordinateurs. En 2010 déjà, le Brésil avait demandé son extradition « pour des abus commis sur 13 garçons » entre 2002 et 2006. Il avait également abusé de cinq jeunes polonais après 2006 et de cinq autres jeunes belges dans les années 80 et 90. Cela fait beaucoup de victimes pour un pédo qui aurait pu être arrêté
15 ou 20 ans plus tôt. Ajoutons qu’en 1993, l’infirmier avait été réhabilité pour son implication dans l’affaire du CRIES. Et en 2010, on l’attrape à faire des photos pornos de jeunes garçons du voisinage, dans le coin où Nathalie Geijsbregts a été enlevée. Il sera placé sous mandat d’arrêt deux ans plus tard, et sera condamné à 2 ans avec sursis. On imagine que tous les pédos tremblent en entendant parler d’une pareille sanction.
D’autres pédos condamnés dans l’affaire du CRIES ont à nouveau fait parler d’eux, comme Claude Drieghe, 63 ans, condamné à 10 ans pour le CRIES (il était l’un des auteurs les plus prolixes de la revue L’Espoir), mais qui avait profité de sa libération de préventive pour fuir à Pattaya en Thaïlande (où il dirigeait des bordels dans lesquels des mineurs étaient prostitués, avec un certain Michel Rosoor également impliqué dans l’affaire du CRIES mais jamais inquiété). Et c’est pour des bordels exploités en Thailande qu’il comparaissait en 2010. Mais encore une fois, Drieghe a eu beaucoup de chance : il a d’abord été condamné à 6 ans de prison et 25.000€ d’amende, puis à 5 ans en appel, peine qui fut annulée en cassation en 2012. En outre, il ne purgera jamais les 10 ans de prison ramassés pour le CRIES, puisque quand il a été expulsé de Thaïlande, la peine était déjà prescrite.
Le monde est petit : en effet, Rosoor a été dénoncé par un certain Jean-Claude Weber, détenu à Montpellier pour des faits de pédorciminalité (lui aussi était un membre du CRIES, qui a même été à l’origine de la revue L’Espoir[4]), et qui a déclaré à un flic belge venu l’entendre sur commission rogatoire qu’il envoyait régulièrement des K7 pédos à Rosoor en Belgique. Les K7 en question étaient dissimulées dans des envois vers la périphérie de Bruxelles de poissons exotiques, un secteur qui semble beaucoup plaire aux réseaux pédos puisque Jean Marc Houdmont ou encore Michel Nihoul ont exploité ce type de commerce à la même époque. Mais, passons. Lors d’une perquisition effectuée dans les locaux de cette société de poissons exotiques, appartenant à Rosoor, à Grand Bigard, donc, Rosoor a carrément dit aux flics qu’il les attendait.
Rosoor, qui se vantait de bien connaître Dutroux, selon un témoin qui a travaillé pour lui en Thaïlande, a été cité par défaut dans une autre affaire de pédophilie à Draguignan : un réseau pédo utilisant des enfants asiatiques et roumains, dans lequel on faisait aussi des films. Plusieurs accusés étaient des récidivistes. L’enquête à ce sujet avait démarré dans le Var et dans la Drôme, chez un curé de Loriol qui hébergeait un pédo, où les flics ont retrouvé des cassettes vidéos, des photos, et un des correspondances entre le curé et Rosoor. Un autre accusé a déclaré connaître Rosoor comme « un riche pédophile belge résidant à Pattaya, en Thaïlande, qui informe régulièrement les amateurs d’enfants sur les possibilités de tourisme sexuels en Asie ».
3. L’affaire des pédophiles Neupré
En février 1990 c’est une affaire de réseau pédophile impliquant le curé de Kinkempois, près de Liège, qui éclate à son tour. On l’appelée l’affaire « des pédophiles de Neupré », dont faisait partie Louis Dupont, ancien curé, donc, de Kinkempois, âgé de 70 ans.
C’est une de ses voisines, qui s’est retrouvée au centre de ce réseau. Victime depuis ses 12 ans d’un certain Julien Davisson, chauffeur routier de 60 piges, qui la viole régulièrement et est un ancien collègue de son père. Davisson l’a vendue à divers clients durant plusieurs années, ainsi que d’autres enfants de 6 à 13 ans.
La première des victimes avait douze ans quand ses parents, qui travaillaient le mercredi, la confient à Davisson, un ancien collègue de son père. Il la prend au piège en la photographiant, en faisant des montages photo et en la menaçant de les publier. Il envoie anonymement quelques morceaux de ces photos à la mère de sa victime et en accroche d’autres dans un abri bus. En 1985, Davisson commence à livrer la gamine, alors âgée de 15 ans, à ses « clients », 26 paraît-il. L’enfant sera victime d’innombrables viols commis par de nombreux clients et par ses tortionnaires, y compris des viols collectifs. D’après l’un des inculpés, Davisson se vengeait quand elle pleurait, ou à la moindre occasion, notamment en « en la livrant au plus d’hommes possible ».
Ce n’est qu’en 1987 que la victime parle à ses parents, mais ils ne portent pas plainte. Et voilà qu’en 1989, la sœur de la victime, qui faisait garder ses enfants par Davisson bien qu’elle l’ait mise en garde, porte plainte contre Davisson et Lambry : ses filles lui ont dit qu’ils les faisaient boire, qu’ils faisaient ensuite des photos pédopornos, les violaient. Sept autres fillettes comptaient parmi les victimes. Mais la plupart des actes classés comme « délits » sont déjà prescrits, surtout ceux commis quand l’enfant avait moins de 15 ans.
26 types ont été identifies, mais seulement trois sont passés aux assises. Comme la justice a décidé de saucissonner l’affaire en séparant le dossier « clients », envoyés en correctionnelle malgré qu’ils aient participé à des viols collectifs sur des mineures, et le dossier « organisateurs », où quatre puis finalement trois des coupables ont été envoyés. Certains ont donc vu leur crime correctionnalisé, d’autres ont été internés, six ont bénéficié d’un non lieu, ou bien on a mis fin à l’action publique pour prescription. L’affaire a donc été expédiée en correctionnelle où elle a été vue à huis clos, pour 16 inculpés. Dont cinq seulement ont été vaguement condamnés. Quatre autres ont été acquittés parce que, nous explique Le Soir, «il ne fut pas établi que ces clients eurent conscience du manque de consentement de la victime ».
D’autres ont eu droit aux assises : Davisson qui a pris perpet’, le curé qui a pris 10 mois de prison (ce qu’il a fait en préventive) et est donc sorti libre du tribunal, en promettant de rester dans un monastère, Armand Lambry, un retraité de 72 ans, de Neupré, qui a pris 20 ans (mais a demandé de nouvelles expertises), Yvan Fumagalli, un ouvrier, de Chênée qui était un peu l’homme à tout faire du curé, a été acquitté. De fait, selon Le Soir du 29/02/1992, le bilan de ce scandale est ubuesque « quatre acquittements, sept prescriptions, cinq condamnations à des peines avec sursis ». Et quelques condamnations, quand-même, aux assises.
Le quotidien explique encore au sujet de ces peines de sursis : « Cinq sont condamnés avec sursis: Albert Degey, né en 48, électricien, domicilié rue du Sart à Seraing, est condamné à 2 ans avec sursis pour le surplus de la détention préventive. Le tribunal souligne notamment qu'il servit de rabatteur à Davison... Même peine (2 ans sursis pour le surplus de la préventive) pour Jean Sools, né en 1935, domicilié rue Surlet à Liège, qui a entretenu deux fois des relations sexuelles avec la jeune fille et notamment dans une scène de viol collectif, souligne le tribunal. Carlo Bracco, né en 63, rue de Visé à Liège, et son frère Giacomo Bracco, né en 60, rue Jean Pauly, à Ans, ouvriers coiffeurs tous deux, sont condamnés respectivement à 2 ans avec sursis et 20 mois avec sursis. Eux aussi ont participé à des scènes de viol collectif, dit le jugement. Enfin, Antoine Ulens, agent provincial, né en 1932, domicilié rue des Dominicains à Liège, est sanctionné par 18 mois de prison avec sursis pour viol. Le tribunal rappelle qu'il s'était rendu compte que Davison commandait et qu'il ne s'était pas soucié de l'âge de la jeune fille. Tous sont interdits de leurs droits pour 5 ans et payeront solidairement 1 F provisionnel à leur victime ».
Lambry et Davisson étaient les organisateurs de ce réseau, et prétendaient garder deux fillettes d’amis le mercredi après midi. En parallèle, ils recrutaient des clients par petites annonces, et parmi ces clients on a l’encore curé de Kinkempois et Fumagalli, son homme à tout faire. Les victimes étaient droguées, et ensuite on filmait les viols pour revendre les cassettes. L’avocat général, lors du procès, a parlé de « partouzes costumées auxquelles participait le curé en soutane et son exigence d’une fille très jeune et d’un jeune garçon ». Ledit curé se montrait le « plus brutal des visiteurs » et le plus assidu parmi les clients, disait la seule victime qui ait finalement été concernée par ce procès, et il avait déjà commis des actes pédos dans les divers lieux où il a hélas pu officier. Bien sûr, l’Eglise, qui était probablement au courant, n’a pas bougé.
Pour tenter de baisser la peine de leurs clients, Me Hissel et Me Charlier, avocats de Davisson (qui décidément devait en avoir les moyens, pour un simple chauffeur routier), et Me Lévy et Me Jeunehomme pour Lambry, ont déclaré que leurs clients avaient un niveau intellectuel très bas. Mais enfin, on ne peut tout de même pas les laisser recommencer sous ce prétexte.
Dans cette affaire, les victimes, qui venaient de milieux plutôt défavorisés, ont mis des années avant de parler tant elles étaient terrorisées, n’ont pas témoigné au procès, qui s’est déroulé à huis clos. Et les 130 témoins qui se sont succédé ont largement défendu les coupables. Pour résumer l’ambiance, le quotidien Le Soir du 4 février 1992 mentionnait ainsi : « Au
fil du temps, l'affaire s'est effilochée et les vingt-six prévenus ont connu des sorts différents. La justice a découpé ce dossier en tranches. Que va-t-il en sortir? Seize prévenus se sont retrouvés lundi devant le tribunal correctionnel de Liège, qui a prononcé d'emblée le huis clos » au nom des « bonnes mœurs », et cela à la grande satisfaction des accusés, notamment du curé dont les avocats ont beaucoup insisté pour obtenir ce huis clos. Car en effet, dans un procès à huis clos, les débats ne sont par définition pas publics, et les médias ne peuvent pas savoir ni communiquer ce qui est dit à l’audience. Le public, non plus, et cela arrangeait bien le pouvoir autant que les accusés.
Quant auxdits huis clos, il était précisé par la journaliste Nicole Jacquemin dans Le Soir du 08/09/1992 que la victime principale «réclamait la publicité des débats «car elle a l'impression que justice ne lui a pas été rendue et que déjà la décision du huis clos prise en correctionnelle a empêché la réalité d'être connue.» Même requête de M. de La Brassine, avocat général, qui allait rappeler que la règle est la publicité des débats et qu'en l'occurrence, il était fondamental que le public soit averti des dangers que peuvent courir des enfants ».
4. Les snuff movies de la place Fontainas
En octobre 1996, l’affaire Dutroux a déjà explosé, et a occulté une autre belle affaire de réseau pédoporno. Des flics des mœurs bruxellois identifient trois ados de 13, 14 et 15 ans qui tapinent à côté de la place Fontainas, autre lieu de prostitution homosexuelle et de mineurs en plein cœur de la capitale belge. Les trois ados sont d’origine serbo croate, et deux d’entre eux ont déjà été pris en photo par le gendarme proxénète Hedwig Huybrechts exactement un an plus tôt. Si ledit gendarme n’apparaît plus dans cette affaire, il ne faut pas oublier qu’il a été libéré de prison en juillet 1996, avant même d’être jugé.
Les enfants ont donc dénoncé certains de leurs clients, dont l’un habitait place Fontainas, et a été rapidement identifié comme était Alain Maigre, 34 ans. L’individu avait été condamné pour exhibitionnisme, et il était depuis peu sous le coup d’une instruction à Tournai, pour y avoir recruté des enfantset les avoir filmés dans des poses pornographiques. Maigre était en lien avec le gérant d’un vidéoclub à Bruxelles, et a facilement pu organiser la vente de ses productions Là aussi, il
s’agissait d’enfants de familles défavorisées, et les accusés ont dit qu’ils se prostituaient volontairement. Mais bien sûr : les enfants n’aspirent qu’à cela, a-t-on envie de dire.
Bref, revenons à la place Fontainas[5]. Un deuxième client, Frédéric Cappelaere, 29 ans, est arrêté à son tour. Lors des perquisitions effectuées aux domiciles des deux pédos, des taudis pleins de cafards, les flics ont mis la main sur 600 cassettes vidéo et des centaines de revues, dont certaines étaient pédophiles, et leur fichier clients.
Puis deux autres clients, justement, sont attrapés, et chez l’un d’eux, Michel Schlimm (déjà condamné à 3 ans de prison en 1993 pour faits de mœurs) on a retrouvé des snuff movies, ces vidéos de mises à mort d’enfants, en l’occurrence de 7 à 17 ans environ. C’était officiellement la première fois qu’on trouvait ce genre de film amateur en Belgique. D’après un enquêteur qui parle sous couvert d’anonymat, il s’agissait de « cassettes vidéo pédophiles montrant des scènes de torture pratiquées sur des enfants ainsi que des mises à mort de ces petites victimes, préalablement violées. C'est la première fois, semble-t-il, que pareille abomination est découverte dans notre pays ». Mais ce pédo n’a été inculpé que pour détention de pornographie enfantine et attentat à la pudeur sur enfants de moins de 16 ans.
Lors du procès, on a considéré que, comme on ne pouvait pas prouver que ces films n’étaient pas des mises en scène, on a laissé les films de côté. Pas d’investigations sur ces enfants, sur les adultes qu’on y voit, rien.
Schlimm fréquentait un vidéo club porno, Erot-X, pas loin de la place Fontainas, pour trouver des vidéos pornos. Erto-X était alors géré par Alain Maigre, et deux autres clients impliqués dans l’affaire y allaient également. De là, Maigre et les trois clients nouent des relations, et Maigre prête son appartement aux trois autres, pour y amener des mineurs dont ils abusent, et qu’ils filment. Parmi ces mineurs, certains jeunes d’ex Yougoslavie qui étaient dans le réseau de Huybrechts.
Deux autres gamins ont été amenés là par Cappelaere et un autre client. Des ados en décrochage familial, qu’ils avaient accostés à la gare de Tournai. Pour les forcer à les suivre, ils les ont emmenés dans un entrepôt désaffecté pour abuser d’eux et les filmer. Mais, les deux pédos ont été acquittés pour ces faits, le tribunal considérant que les jeunes étaient consentants.
Cappelaere et l’autre client, qui ont été acquittés pour les faits de Tournai, prennent un an et demi de prison ferme (en Belgique on peut être libéré à un tiers de sa peine), Maigre a pris deux ans et demi. Un peine légèrement plus forte car il a vendu des vidéos de viols de mineurs. Chacune étant revendue entre 6 et 7.000 FB.
Les cassettes de Schlimm ont davantage choqué l’auditoire, car il s’agissait souvent de scènes de tortures et de violences contre des mineurs parfois très jeunes. Schlimm a donc été condamné à … 6 ans fermes. Et tout le monde a eu un sursis probatoire avec l’obligation de se faire soigner !
Les peines étaient tellement dérisoires que l’avocat général a fait appel du jugement.
[1] D’après le quotidien Le Soir du 03/02/1996, « Selon les enquêteurs, tous les clients ayant commis des viols sur ces enfants ont été arrêtés. Il s'agit d'Alain G. (40), un pédophile connu de Woluwe-St-Pierre, ex-ingénieur au chômage qui, sous couvert d'une association destinée à protéger les jeunes, abusait d'eux; de Georges L. (80), de Bruges, vice-président du dolphinarium de Bruges; de Ludo K. (41), de Borsbeke, pédo-psychiatre à Anvers; de Michel V. (46), d'Ostende, public-relation de l'aéroport d'Ostende; de Chrétien G. (41), de Maaseik, sous-officier de carrière à la base militaire de Kleine-Brogel; de Marcel P. (44), de Merksem, employé aux chemins de fer d'Anvers et de Christian B. (64), de Woluwe-St-Pierre, directeur de société à Bruxelles ». D’après le même quotidien, le 08/02/1996, d’autres clients sont tombés dans les jours suivants, à savoir « Gérard D., un Français de 57 ans, agent-immobilier à Etterbeek; de Philippe V. (20 ans), modèle, de Louvain; de Raymond J. (42 ans), ouvrier, d'Anvers; de Christian D. (44 ans), d'Ixelles; de Rudolf K., un Allemand de 51 ans résidant en Belgique qui a la particularité d'avoir été naguère traducteur à la police de la jeunesse dans son pays d'origine; de Jean M. (53 ans), d'Etterbeek; de Claude J., enseignant à Ixelles[qui a reconnu par la suite avoir eu des rapports sexuels avec des garçons serbo croates de moins de 15 ans]; de Jean-Louis C. (33 ans), de Watermael-Boitsfort; et de Dimitri M. (30 ans), chômeur ».
[2] D’après un colloque sur la question des réseaux pédophiles, Felu « a été interné sans jugement pour des faits de pédophilie puis libéré, et qui a été engagé, par compassion dira-t-il, comme homme à tout faire par le directeur de L’UNICEF Belgique Joseph Verbeeck. »
[4] Weber voulait faire de la revue le « périodique du Mouvement de Libération des Pédophiles », mais pas de chance elle a été interdite dans les prisons belges dès son premier numéro, en 1983. Il a pris dix ans de prison, et à 43 ans en 1991, il avait déjà fait 20 ans de prison.
[5] On notera que le cardinal Danneels, dont on a parlé dans le cadre de la cassette vidéo du meurtre des petites Julie et Mélissa, a justement perdu sa bague d’évêque dont il ne se sépare jamais, volée par un jeune gitan de la place Fontainas, justement.