USA: le scandale des adoptions forcées
Les Etats Unis commenceraient-ils à comprendre que le placement des enfants peut ouvrir la voie à de nombreux abus, et qu’il relève là-bas davantage de la pompe à fric que de l’aide sociale ? C’est du moins la conclusion deNancy Schaefer, sénatrice conservatrice de Géorgie (USA), qui a rédigé en 2008 un mémoire intitulé « Child Protective Services predators and corruption » (Les prédateurs des services de protection de l’enfance et la corruption). Etat des lieux d’un système d’adoption aberrant et de ses dérives. Je préviens tout de suite : cet article fait 17 pages en format Word.
Nancy Schaefer expliquait donc (elle est décédée en 2010 [1]) que beaucoup d’argent circule grâce aux placements d’enfants, souvent réalisés en dépit de l’intérêt de ces mêmes enfants et des familles. Schaefer dit que des enfants sont enlevés sans raison valable à leurs familles, dans le seul but de faire du profit. Des placements qui souvent ne sont ni utiles ni nécessaires, effectués avec de plus en plus d’entrain depuis 1974, année du Child Abuse Prevention and Treatment Act [2]et depuis 1997, quand Clinton a fait passer l’Adoption and Safe Families Act.
Cette année-là, Clinton a aussi demandé aux Etats qu’ils doublent le nombre d’adoptions en l’espace de cinq ans (et elles ont augmenté, mais de 57% ‘seulement’ au lieu de 100%). On va voir ensuite pour quels résultats.
Le business de l’adoption
De fait, ces lois visaient à faciliter l’adoption (c’est-à-dire à l’accélérer) et à attribuer des subventions aux Etats qui augmentent leur nombre ou aux centres privés qui sont sur ce créneau : ce sont les « primes d'encouragement à l'adoption ». La loi de 1997 prévoit notamment qu’on cesse les tentatives des réunification familiale 15 mois après que les enfants soient placés en foyer[1]. Au bout de 15 mois, l’enfant est adoptable! Entre 1996 et 1998, le nombre d’adoptions dans l’Illinois, par exemple, est passé de 2.000 à 4.000 par an. Et entre 1999 et 2003, l’Etat fédéral a versé 20 millions de dollars par an aux Etats qui augmentaient le nombre d’adoptions. Des primes étaient également prévues pour les parents adoptifs (au moins 350$ par mois), pour les inciter à adopter.
Cela a marché, évidemment. On nous explique ainsi que dans l’Illinois, 8.180 enfants ont été adoptés entre 1985 et 1994, et ils ont été 4 fois et demi plus nombreux après la loi de 1997.
Mais étrangement, d’après une étude intitulée « overview of adoption in the United States », on apprend que depuis 1992, « le nombre total d’adoptions chaque année n’a pas été compilé de manière compréhensible ». On estime que cette année-là environ 127.000 adoptions ont eu lieu, que les enfants soient nés aux Etats Unis ou à l’étranger.
Quant aux enfants américains adoptés, ils étaient d’après certaines statistiques 25.600 en 1995, puis 31.000 en 1997 (année du Adoption and Safe Familiy Act), 50.000 en 2000 (soit 57% d’augmentation en deux ans), 51.419 en 2002, et 6.000 de plu.s en 2009 dans tout le pays. Aujourd’hui, on constate d’ailleurs que beaucoup de responsables politiques ou des services sociaux en question s’inquiètent du ‘ralentissement de l’augmentation’ des adoptions d’enfants venus des foyers.
On a aussi instauré des primes pour l’adoption d’enfants de plus de 16 ans, et les sites des foyers publics ou privés comportent une bonne partie d’enfants de 16 à 20 ans parfois. Les candidats à l’adoption peuvent même négocier les subventions qu’ils toucheront pour l’adoption de tel ou tel enfant. Et les sites pour expliquer comment « négocier » sont en effet nombreux dans ce pays qui va décidément très mal.
Bref, les lois portent leurs fruits, semble-t-il : les autorités se félicitent que si 14% des enfants destinés à l’adoption y échappaient en 1990, ils n’étaient plus que 0,6% en 1999. Autrement dit : les enfants ont de plus en plus de « chances » d’être adoptés. On constate aussi qu’entre 1990 et 1999, les courbes se croisent : le nombre d’adoptions devient de plus en plus élevé par rapport au nombre de « réunifications » familiales, jusqu’à les dépasser de 25% environ. Et dans le même temps, moins d’enfants sortent des griffes des services sociaux. En 2006, les deux parents de 79.000 des 510.000 enfants placés dans les foyers publics avaient perdu leurs droits sur leurs enfants, soit 15% tout de même.
Schaefer dénonce ce système qui incite les centres à placer toujours plus d’enfants, à « avoir toujours plus de marchandise à vendre », puisqu’en l’occurrence les enfants deviennent une marchandise. On place donc les enfants dans des foyers, des familles d’accueil, des centres médicalisés, quelle que soit leur volonté ou celle de leurs parents.
Evidemment, suivant ce principe, plus les enfants sont placés longtemps, plus ils rapportent.
Et les parents, pour peu qu’ils n’aient pas de quoi se payer un bon avocat, peuvent toujours attendre pour revoir leurs enfants. S’ils n’ont pas d’argent, voir pas de maison, l’Etat leur prend les enfants quitte à ce que cette solution coûte plus cher que de financer des logements sociaux ou de donner quelques bons alimentaires.
Schaefer va encore plus loin. Elle explique que l’intérêt majeur de ces politiques, c’est de définir qui est « pauvre », c’est-à-dire qui est capable de garder ses enfants, et qui ne l’est pas. Finalement, la définition des pauvres correspond surtout à
une définition de ceux que l’on peut spolier jusqu’au bout, jusqu’à leur prendre leurs enfants. D’après une étude universitaire de la Cornell University, 68% des enfants placés en foyer étaient là non pas pour des raisons de maltraitance, mais pour « privation du nécessaire en raison de la pauvreté ». Alors qu’évidemment, les autorités dénoncent systématiquement de mauvais traitement pour justifier la politique d’adoption.
La sénatrice explique que de nombreux employés de ces services sociaux ont été pris à falsifier des dossiers, mais que l’impunité règne avec l’aide de la Justice.
Dans son mémoire, « Child protective Services predators and corruption », Schaefer analyse le fonctionnement du Georgia Department of Family and Children Services (DFCS). D’après l’élue locale, le DFCS est « devenu un empire protégé, construit pour prendre les enfants et séparer les familles ». Elle parle de « kidnapping légal » après avoir réuni 37 familles concernées dans un même comté pour parler de ce problème.
Leurs enfants avaient parfois été emmenés en pleine nuit, pris du bus scolaire, ou même de l’hôpital. Et bien qu’ils subissent parfois les pires abus là où ils sont placés, les enfants de ces familles ne reviennent jamais à la maison.
Selon Schaefer, le business du placement est fort utile aux Etats pour équilibrer leurs budgets désastreux. Ce qui pourrait d’ailleurs être de même chez nous, tant les départements et régions sont sous-financés, et parce que ce sont les départements qui touchent des dizaines de milliers d’euros par enfant placé.
La sénatrice explique que tout un tas de personnes vivent de cet argent : avocats, éducateurs, thérapeutes, fonctionnaires, parents adoptifs… Depuis la loi de 1997, les Etats ont des bonus en cash pour chaque enfant adopté (4.000$ à 6.000$, parfois avec 2.000$ de plus en cas de besoins spécifiques de l’enfant[4]) en plus de l’argent des foyers[5]. Et ces sommes sont versées tant que l’enfant est hors de chez lui. S’il est adopté, l’Etat touche les bonus en cash de même que la famille adoptive qui est aussi rémunérée, et les sommes sont encore plus importantes si l’enfant est placé dans un centre médical où on le gave de médicaments. Souvent inutiles, là aussi.
Enfin, Schaefer précise qu’une étude réalisée en 1996 par le National center on Child Abuse and Neglected a calculé qu’il y a six fois plus d’enfants à mourir dans les foyers que dans la population générale. Et selon le California Little Hoover Commission Report en 2003, 30% à 70% des enfants vivant dans des foyers de Californie n’auraient jamais du quitter leurs familles.
Trois exemples d’abus des services d’adoption (privés ou publics)
Ce qui a amené cette politicienne à regarder de plus près les abus des placements, c’est le témoignage d’une grand mère, qui voulait revoir ses petits enfants placés. Ses deux petites filles ont été prises à sa fille, et emmenées dans un autre comté, dans une famille d’accueil. On a dit à sa fille que si elle voulait revoir les petites, elle devait signer un papier par lequel elle abandonnait ses enfants, ce qu’elle a fait, effrayée de ne jamais les revoir.
La famille d’accueil a ensuite voulu adopter les enfants, ce qui a fait réagir la grand mère. Celle-ci est allée jusqu’au tribunal, où il est apparu que la famille d’accueil a gardé à un moment pas moins de 18 enfants adoptifs, et que la mère
avait une relation adultère avec un travailleur social. Suite à cela, la juge a permis que la grand mère revoie ses petites filles. Au bout de trois jours, les gamines ont été envoyées par la juge chez leur père, qui ne s’en est jamais occupé, dont la copine se prostitue et qui vit de l’autre côté du pays.
Le père récupère donc les filles de force, et se rapproche de la famille d’accueil, avant de venir vivre plus près de la Géorgie. Là, la famille d’accueil a repris les petites, et les amenait chez leur père de temps en temps. Une des enfants a alors parlé de violences de la part du père adoptif.
Cinq ans plus tard, la grand-mère n’a toujours pas pu revoir ses petites filles, qui sont officiellement à la garde de leur père.
Une mère, du Missouri cette fois, raconte qu’en 1999 on lui a enlevé ses droits parentaux sur sa fille Alexandra. La petite ne pouvait donc plus voir sa mère, ni ses frère et sœur. En fait, Alexandra a été enlevée à son père, l’ex mari de sa mère, qui a admis avoir commis des attouchements sur la petite. Dans la foulée, les services sociaux ont accusé la mère de ne pas avoir protégé sa fille, qui est donc envoyée dans un foyer.
La mère a donc tout tenté pour récupérer sa fille, mais les procédures ont traîné en longueur, annulations après annulations, par les avocats des deux côtés. D’après la mère, tout le monde se positionnait pour l’adoption. Et puis au bout de 15 mois de placement, voilà qu’Alexandra était devenue adoptable !
En outre, les procédures ont ruiné la mère, qui n’avait plus de travail à cause des multiples réunions, audiences etc., et on a mis sa maison sous préemption (sans le lui dire) bien qu’elle continuait à payer les traites. Elle a finalement voulu vendre la maison dont elle était propriétaire, mais comme d’autres avaient une préemption dessus, impossible de vendre. La mère a finalement réussi à prouver qu’elle avait payé ses traites pour faire sauter la préemption.
Elle apprend ensuite que 4.000$ ont été versés au trésor du gouverneur quand sa fille a été adoptée.
Une autre affaire d’adoption interpelle, vue cette fois du côté de la famille adoptive : un couple, après avoir été famille d’accueil, adopte en 2008 un enfant abandonné, dit-on, par ses deux parents. Le nouveau né n’est pas en bonne santé, puisque sa mère a consommé de nombreuses substances durant sa grossesse, si bien que l’enfant est né dépendant à la drogue. Mais, pendant 15 mois, le couple s’occupe comme il peut de cet enfant, qui semble aller mieux.
Puis, le père comprend que son ex l’a trompé et demande un test ADN qui confirme qu’il n’est pas le père. Pendant 10 mois, les autorités cherchent donc le père biologique, alors que ces recherches n’auraient pas du durer plus de trois mois. Le dit père s’avère être un criminel notoire au casier fort chargé. Il était au courant de la naissance de l’enfant et savait qu’il était de lui, mais n’a jamais lancé de recherches pour le trouver.
La mère adoptive explique ensuite que « Le DCF américain ( équivalent de la DASS française) voyant l'occasion que cet homme pouvait représenter plus tard en matière de bénéfices dans la mesure ou il y aurait de fortes chances que ce petit soit mal traite et retombe dans le système , leur permettant de re toucher de nouveaux subsides de l'Etat pour son cas , sauta donc sur l'occasion et décida de confier l'enfant au père biologique ».
Elle poursuit, expliquant par quel tour de passe passe les autorités ont pu imposer le père biologique : le retour de l’enfant chez son père était devenu impossible « en termes légaux car il y avait eu abandon et les délais étaient largement dépassés, ils trouvèrent donc le moyen de présenter le père biologique non plus comme père, mais désormais comme gardien légal au titre de lien de famille par le sang. Cet homme sauta sur l'occasion sachant que au titre de gardien légal il peut prétendre a une sécurité sociale gratuite ( ça vaut de l'or dans un pays comme les Etats Unis), un logement gratuit, la crèche gratuite, des bons de nourriture gratuite, et surtout un cheque mensuel conséquent et ceci jusqu'a 18
ans de l'enfant ». Ledit père a donc commencé par demander un droit de visite trois fois par semaine. Finalement, on a retiré l’enfant à ses parents adoptifs pour le confier à cet individu, « pour des motifs obscurs d’appât d’argent ».
En France
Chez nous, 136.000 enfants étaient placés en 2006. Les enfants victimes de violences physiques ou sexuelles ne représentaient que 20% de tous ces enfants. Et l’inspecteur général des affaires sociales, Pierre Naves, estime que la moitié de ces placements (68.000) que ce soit en foyer ou en famille d’accueil, n’est pas indispensable, et pourrait être évitée.
Pour les chiffres, passage obligé même si ce n’est pas le plus drôle, nous allons regarder un rapport de la cour des Comptes, qui date de 2009. Cependant, il a l’avantage d’être assez précis, ce qui est loin d’être une réalité en ce qui concerne les trop rares analyses des services destinés à la protection de l’enfance.
Le constat est alarmant : pas de suivi, chaque département élabore ses propres critères pour les signalements, les alertes, la prise en charge, l’organisation des services. Il y a une véritable opacité quant au suivi des enfants passés par les foyers. Et chez nous, les départements touchent plusieurs dizaines de milliers d’euros de subventions par enfant placé, un véritable jackpot qui n’incite pas à la modération en ces temps de défaussement de l’Etat sur les régions et départements. Mais, revenons à nos chiffres, ne serait-ce que pour comprendre où nous en sommes.
On apprend en lisant ce rapport que plus de 80 % des maisons d’enfants à caractère social, par exemple, sont gérées par des associations, qui s’occupent donc des rencontres parents enfants, de leur suivi, et émettent même des avis, comme les juges, sur lesdits rapports parents-enfants. Le problème, c’est que ces associations prennent des décisions aberrantes dans certains cas, et on se demande pourquoi car l’intérêt de l’enfant semble loin. Il semble clairement que chez nous, chacun applique ses critères, gère son établissement comme il le veut, prend les décisions qu’il veut concernant les familles, sans que le personnel ne soit formé à cela, ce qui entraine moult couacs. Mais, passons.
En 2007, 292.000 enfants étaient concernés par l’aide à l’enfance, dont 21.000 étaient placés dans des familles, et 126.000 vivaient dans des foyers.
Au chapitre des dépenses, on note que les départements ont dépensé pour l’aide sociale 5 ,85 milliards d’euros en 2007, dont plus de 4,5 milliards pour les placements (1,5 milliards pour les familles d’accueil, presque 3 milliards pour les foyers), ce qui représente 78% des dépenses destinées à ce qu’on appelle « l’aide sociale à l’enfance » (ASE).
89% des placements (114.000 enfants) sont décidés par la Justice, les 11% restants étant le fait de mesures administratives. De fait, c’est d’abord la Justice qui est sollicitée par les professionnels de l’enfance ou les médecins. Quant à leur nombre, il semble augmenter rapidement : un peu plus de 61.000 enfants étaient placés par l’ASE en 2002, et ils étaient 4.000 de plus de 2007, soit 13 % en plus. Quant aux enfants placés dans des foyers, ils étaient 40.514 en 2002, et 48.025 en 2007, soit 18% de plus.
Si les placements etc. coûtent cher, c’est loin d’être le cas de l’aide aux familles ou de la prévention. Cette dernière ne coûte qu’un peu plus de 900 millions (en 2007)[6]. Et ce qu’on ose encore appeler la « protection de l’enfance » ne coutait que 23 millions d’euros. Précision importante : l’association Enfance en Danger, qui tient le numéro d’urgence pour les enfants géré par la « fondation pour l’enfance » et qui ne sert à rien (admirez le rapport de la même cour des comptes sur ladite association[7]) a coûté 2,7 millions d’euros, pour un résultat absolument nul, si on ne tient pas compte des galas de bienfaisance auxquels le repas revient à plus de 10.000 €.
Enfin, le rapport précise : « l’objectif fixé par le législateur : le maintien du mineur dans son milieu familial « chaque fois qu’il est possible ». La faible part des aides à domicile dans l’ensemble des mesures de protection est donc paradoxale ». Et au passage, la cour des comptes précise que « le coût d’une mesure de placement est plus élevé que celui d’une mesure de placement ». Et de détailler les chiffres, qui en effet sont assez consternants quand on connaît les conséquences de ces séparations familiales brutales : « Ainsi, les aides financières et les actions éducatives (AED et AEMO) représentent en
2007 une dépense de 673 M€70, soit moins de 12 % des dépenses brutes totales d’aide sociale à l’enfance », des aides qui en plus n’évoluent généralement pas depuis cinq ans, en tout cas dans la plupart des départements.
Quand il s’agit d’aider les parents, l’aide est de 160€ par mois dans l’Yonne, mais seulement de 295€ par an dans le Cantal, en moyenne, de 200€ par an dans les Bouches du Rhône… A Paris seulement, ces aides peuvent servir à payer le logement, histoire de ne pas mettre des familles à la rue pour une question de loyers impayés. En Ille et Vilaine, 64% du montant de ces aides sert aux familles pour acheter de l’alimentation et l’entretien des enfants. Très souvent, ces aides sont attribuées à la tête du client, puisqu’il n’y a pas de barème.
La cour des comptes, évidemment, pointe l’augmentation des dépenses, de 9% depuis 2002 et de 24% depuis 1996. Pourtant, l’ASE (aide sociale à l’enfance) est passée de la première à la troisième place dans les dépenses d’aide sociale
réalisées par les départements entre 2002 et 2006[8].
L’institution évoque aussi le problème des signalements, appelés « informations préoccupantes » quand elles sont diffusées par des membres des services sociaux. La plupart de ces « informations préoccupantes » ne viennent même pas des services sociaux, censés suivre les enfants à risques, mais des voisins, de la famille, etc. Il s’agit donc de dénonciations, avec tous les risques que cela encourt. En outre, il est « impossible de connaître le nombre d’informations préoccupantes adressées chaque année aux départements », car elles ne sont pas centralisées.
On apprend aussi qu’un certain « Observatoire national de l’action sociale décentralisée » (ODAS), une association qui publiait jusqu’en 2007 une enquête annuelle sur « les signalements d’enfants en danger », a cessé de publier ses rapports l’année de l’élection de sarkoléon, de même que l’observatoire de la délinquance, et tant d’autres. Bien sûr, aucun « observatoire public » n’existe, et sans subventions ces associations ne peuvent pas survivre.
Quant aux structures d’accueil, là aussi rien n’est centralisé, chacun faisant sa cuisine dans son département, et les statistiques disponibles ont beaucoup de retard : « Il reste difficile de disposer d’une vision précise des structures qui prennent en charge des mesures de protection de l’enfance et de l’évolution de leurs capacités. La DREES[9] conduit, depuis 1982, une enquête sur l’activité, le personnel et le public des établissements et services sociaux et médico-sociaux (…) Toutefois, cette enquête est partielle car elle est centrée sur les établissements qui accueillent des enfants faisant l’objet d’un placement et ne porte pas sur les structures qui prennent en charge les autres types de mesures. En outre, la DREES ne publie les données qu’avec retard. (…) Entre deux enquêtes de la DREES, la possibilité d’appréhender les caractéristiques des structures est limitée. En effet, les associations, qui gèrent la majorité de ces structures, échappent au dispositif statistique national. La PJJ assurait jusqu’en 2005 un suivi manuel exhaustif de leurs activités mais ce suivi a été abandonné en 2005, à l’occasion de la mise en place d’un outil de gestion informatisé centré sur la seule activité financée par la PJJ, quantitativement minoritaire.».
On apprend encore que les services publics sont de moins en présents dans la protection de l’enfance, les « parts de marché » étant grignotées par des initiatives privées. Il existait par exemple encore 131 « lieux de vie » en 2004, disposant de 1.600 places. La Protection Judiciaire de la Jeunesse[10], donc la Justice se retire progressivement de « la prise en charge des mineurs en danger ». Et cet engagement est appelé à disparaitre rapidement, comme le préconise la loi 200-809 du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités fondamentales (sic.).
Enfin, la question de la protection des « jeunes majeurs », ayant entre 18 et 21 ans, est révélatrice. La Justice ou les départements peuvent décider d’aider des jeunes qui se retrouveraient seuls à 18 ans. 22.838 jeunes étaient concernés fin 2005, mais la même année il a été décidé de réduire les dépenses de protection de ces « jeunes majeurs », « et les directeurs de services ont été invités à vérifier la pertinence des motifs invoqués pour demander la prise en charge de jeunes majeurs ». On a constaté avec les fils aînés de Myriam Badaoui qu’à 18 ans pile, on mettait des enfants victimes des pires violences à la rue, et advienne que pourra.
La cour des comptes se félicite d’ailleurs de ces économies : « En dépit de la difficulté de l’exercice, la démarche a abouti. Les crédits alloués par la PJJ[11] au secteur associatif pour la prise en charge des jeunes majeurs sont passés de 114 M€ en 2005 à 58 M€ en 2007 et devraient être ramenés à moins de 16 M€ en 2009. De leur côté, les départements ont continué de prendre en charge des jeunes majeurs sans qu’un véritable effet de transfert puisse être enregistré ».
Et chez nous, avons-nous aussi des placements abusifs ? Bien sûr que non, répondront les autorités. Pourtant, selon l’Inspecteur Général des Affaires Sociales, Pierre Naves, estime, tout comme les associations de parents, que la moitié des 136.000 placements d’enfants en cours cette année-là pouvaient être évités. Et ‘seulement’ 20% des enfants placés seraient là pour des faits de violences physiques ou sexuelles. D’innombrables témoignages de parents parlent de ces placements abusifs : vous êtes en dépression post natale ? Pas problème on place les enfants, ça vous fera du bien !, répond l’ASE. Ou bien vous demandez une thérapie familiale pour votre ado difficile ? On va le placer aussi ! Ensuite, pour récupérer les enfants, c’est une autre affaire.
68 000 placements pourraient être évités par bkant
Quant à la manière dont les enfants sont traités dans les foyers, quelqu’un qui travaille depuis 15 ans dans les services destinés aux enfants explique : « J'ai travaillé en foyer et je peux vous dire qu'on se demandait pourquoi certains enfants étaient placés. Leur souffrance était horrible, le soir ils me demandaient des câlins, me confiaient que leur maman leur manquait. Des enfants sont mélangés, sans vraie surveillance, des éducateurs se permettent les pires horreurs et les pires réflexions. Il n'y a pas assez de place, des enfants dorment par terre dans les couloirs sur des matelas. Et les services sociaux jouent aux apprentis sorciers avec les enfants avec subjectivité (…) Une fois l'enfant placé il est quasiment impossible de le récupérer ». Evidemment ce n’est pas comme ça partout, mais cela existe et c’est un problème.
La perversité du système chez nous vient probablement du fait que pour avoir des subventions, il faut atteindre des quotas d’enfants à charge, placés etc. Du coup, il est fort probable aussi que le discernement ne soit pas toujours la première préoccupation de ces associations privées (ou publiques) qui « prennent en charge » les enfants. Ce constat est d’autant plus préoccupant que, désengagement de l’Etat oblige, lesdites associations sont amenées de plus en plus souvent à prendre des décisions en matière de droits de visite, et que leurs rapports sur les familles ont de plus en plus de poids dans les procès. Pour résumer : la privatisation et par conséquent la marchandisation de ce que l’on ose encore appeler « la protection de l’enfance » dans notre beau pays ne nous met pas à l’abri des dérives, bien au contraire. Mais, pour mieux le comprendre, revenons à ce que les Etats Unis ont imaginé comme système aberrant.
USA : Pas de prévention, mais l’adoption
On pourrait s’amuser à calculer le coût de la prise en charge des enfants placés par les Etats aux USA ou par les conseils généraux chez nous, et le comparer avec le coût de la construction de logements sociaux pour éviter que des familles ne tombent à la rue et que leurs enfants ne soient placés. Je parie que la première méthode coûte bien plus cher que la seconde.
Aux Etats Unis, un rapport sur la loi de 1974 dit que beaucoup (42% nous dit-on) des enfants victimes d’abus ou de négligence ne reçoivent pas d’aide, de protection ou de traitement quelconque. A ce stade, précisons que le système est le même au Royaume Uni, et que là-bas aussi, on pousse à l’adoption, on enlève toujours plus d’enfants, toujours plus vite, à tel point que des familles fuient le pays pour que les services sociaux ne viennent pas chercher leurs enfants au cours d’un raid digne de l’armée US.
Entre 1994 et 2001, le nombre d’enfants placés en foyer ou adoptés avait augmenté de 24%, passant à 565.000 en septembre 2001. Et 131.000 enfants attendaient d’être adoptés.
Par contre, dans ce même rapport, on recommande (p.63) de mener des « programmes d’éducation et d’entrainement, de préparer, publier et disséminer à toutes les parties intéressées, les agences publiques et privées et les organisations (hôpitaux, centres de soins, services sociaux…) et les institutions gouvernementales, l’information, l’éducation et le matériel d’entrainement concernant l’adoption et les programmes d’assistance à l’adoption ». En gros, un énorme lobbying doit être mené pour faire admettre à tous que l’adoption est décidément le mieux pour les enfants, et pour la société.
En 2001, le Adoption and Safe Families Act a attribué un budget de 355 millions de dollars pour le « Promoting Safe and Stable Families Program », destiné aider à la préservation des familles. Pour comparaison, les 131.000 enfants adoptables la même année ont coûté en comptant 4.000$ par enfant, hypothèse basse et qui ne prend pas en compte les sommes versées aux parents adoptifs, au moins 524 millions de dollars, si ce n'est le double ou le triple[12]. Plus 20 millions de dollars pour les Etats qui augmentaient les adoptions, soit quasiment 200 millions de dollars investis en plus pour faire adopter les enfants plutôt que pour préserver les familles.
Enfin, il faut ajouter les sommes (6,2 millions de dollars en 2010 dans l’Illinois[13]) destinées à faire en sorte que les familles adoptives ne mettent pas les gamines à la porte. Même si toutes les familles ne sont pas ‘préservables’ bien sûr, on est loin du compte.
A ce sujet, il faut ajouter que les thérapies de choc
destinées à pousser les enfants à aimer leurs parents adoptifs et à déplacer leur haine vers leurs parents biologiques font quelques dégâts, comme le montrent plusieurs histoires tragiques d’enfants adoptés qui se sont suicidés ou tués durant des « thérapies de l’attachement ».
Et au final, toutes les mesures accumulées aux Etats Unis n’ont fait qu’augmenter le nombre d’enfants adoptés, sans que le problème des familles défaillantes ne soit réglé. Toutefois, selon les statistiques officielles des enfants présents en foyer en 2011, environ126.000 étaient retournés dans leur famille (contre 155.500 en 2002), et 50.000 avaient été adoptés (chiffre stable en 2002). 1.387 seraient « partis », on ne sait où, tout en étant mineurs. Enfin 343 sont morts. Mais on ne parle que des établissements publics.
Pour favoriser l’adoption, on met même les photos des enfants avec un petit descriptif, plus ou moins rapide. Et si vous voulez en adopter un, vous cliquez.
Alors que chez nous, les parents candidats à l’adoption doivent -du moins pour l'instant- payer pour les frais liés aux enfants, aux Etats Unis, l’Etat fédéral donne de l’argent aux Etats qui font adopter des enfants, mais aussi aux parents adoptifs, qui peuvent avoir une couverture sociale gratuite, mais aussi des subsides chaque mois s’ils adoptent un enfant venu d’un foyer, et des réductions d'impôts. Plus l’enfant a de problèmes, plus les subsides sont élevés, le montant de base se situant autour de 360$ par mois, et il peut aller jusqu’à 1000$ par mois pour un enfant avec des « besoins spécifiques ». Une somme que les parents biologiques n’ont pas, évidemment.
Du coup, d’après une étude, 81% des familles adoptives ont dit que les subsides avaient joué un rôle important dans leur décision d’adopter une enfant. Et pour 1% d’augmentation desdits subsides, on a calculé qu’il y avait une augmentation de 1 ,5% du nombre de familles prêtes à adopter ! Ainsi, une augmentation de 36$ des subsides chaque mois augmentait les adoptions à 1.785 pour 100.000 habitants. C'est un puits sans fond: la crise a mis en situation de pauvreté 31 millions d'enfants (contre 2 millions officiellement en France, soit quand même 8,8% des enfants), ce qui promet que le nombre d'enfants placés restera élevé, et les "parents" adoptifs, eux aussi frappés par la crise, sont alléchés par l'aide substantielle qu'apporte une adoption.
Mais on nous explique que ces subsides permettent de faire des économies, puisque les enfants placés ne sont plus à la charge de l’Etat, dans les ‘foster care’, les foyers (bénéfices pour une adoption estimés à 190.000 à 235.000$).
Dans certains Etats, comme le New Hampshire, 96% des enfants adoptés donnent droit à des subsides (p.5). La moyenne se situant probablement entre 60 et 75%.
Ce à quoi il faut encore ajouter les déductions fiscales, allant jusqu’à 10.000$ même si les dépenses liées à l’adoption sont minimales.
Finalement, lors des adoptions aux Etats Unis, on parle plus d’argent que de l’enfant. Ou quand la logique financière est poussée à l’extrême.
L’adoption ouverte, où le piège à enfants
Certains dénoncent tout particulièrement les « adoptions ouvertes » : typiquement, c’est quand l’Etat pousse la mère à abandonner son enfant, tout en lui promettant, ce qui est faux, qu’elle pourra le revoir. De fait : les parents adoptifs ont tous les droits parentaux, la mère n’en a aucun. Et il semble que dans 80% des cas, les parents adoptifs refusent que la mère revoie son enfant.
Une organisation privée qui appartient aux mormons et est basée dans l’Utah, LDS Family Services, s’est illustrée par ses méthodes peu conventionnelles pour se procurer des enfants adoptables. Par exemple, en ne recherchant pas le père biologique de l’enfant. LDS opère dans plusieurs pays anglo saxons et propose aussi des adoptions internationales.
Par exemple, LDS paie des mères pour qu’elles viennent dans l’Utah (l’Etat où les mormons sont le plus concentrés), puis paie leur retour chez elles après qu’elles aient accouché et renoncé à leurs droits, à ceux du père, mari etc. D’ailleurs, LDS a un programme pour les addictions, qui permet de mettre la main sur des familles précaires, et un programme &Social services ».
Une femme raconte qu’il y a 15 ans de cela, quand elle avait 21, elle vivait loin de ses proches et hésitait à rester avec le père de son enfant. Ses parents lui ont conseillé d’avoir LDS Social Services (LDSSS). Au départ, le conseiller qui la reçoit est très bien, compréhensif, et lui montre des lettres de parents désireux d’adopter. Puis il lui présente un couple avec lequel elle pourrait vivre durant les derniers mois de sa grossesse.
Tout se passe bien pendant quelques semaines, mais vers le 6e mois et demi, la jeune femme ne sait toujours pas ce qu’elle va décider. Là, on commence à être plus pressant : le conseiller demande à la voir toutes les semaines, lui raconte des histoires d’adoptions réussies, lui promet qu’elle pourra faire partie de la vie du bébé si elle voulait…
Puis, on lui présente des lettres de mères qui ont fait adopter, destinées à leurs enfants. Toutes disaient qu’elles tenaient à leurs enfants mais ne pouvaient pas élever, que les familles adoptives seraient bien mieux pour eux. La similarité de ces lettres a étonné la future mère, et lui a mis la puce à l’oreille. Elle dit au LDSSS qu’elle ne veut plus faire adopter son enfant, ce que les parents candidats ont accepté.
Mais le conseiller de LDSSS ne la lâche pas, et la jeune femme finit par partir. Les faits se produisent dans l’Utah, le QG des Mormons, où comme par hasard les pères non mariés n’ont que 20 jours pour déclarerleur paternité, après la naissance
Une autre jeune femme raconte qu’elle a rejoint l’église à 14 ans. Elle vivait alors dans un foyer, après un passé rempli d‘abus divers et variés. Une fois qu’elle était sous la coupe des mormons, on commence à la mettre à l’écart, à la critiquer, la faire passer pour une sorcière…
Elle quitte l’église à 18 ans puis y retourne par amour, dira-t-on. Elle tombe enceinte par accident, et reste trois mois dans le déni notamment parce que ne pas être chaste avant le mariage est très mal perçu par les mormons. Son curé lui fait alors rencontrer une femme de LDS Family Services, qu’elle commence à voir régulièrement. La femme lui dit qu’on ne la forcera pas à prendre une décision. Mais au fil du temps la pression se fait plus forte. La femme lui dit qu’elle devrait faire adopter car elle était seule, trop jeune et ne s’en serait pas bien occupée. Elle commence donc à chercher des parents adoptifs, dans les listes de l’église Mormone. Finalement, un couple lui semble bien. A part qu’ils voulaient absolument un enfant de race blanche, pas plus d’1/4 asiatique ou indien, ce qui a refroidi la jeune future maman.
Comme elle hésite, la femme de LDS Family Services lui fait rencontrer une mère qui dit avoir fait adopter son enfant par le passé. Mais au téléphone, les deux femmes se mettent à pleurer : l’adoption n’a pas été aussi facile que cela pour cette femme.
Puis, les parents adoptifs prévus au départ se désistent.
On ne s’est pas préoccupé des droits du père, les mormons ayant différentes méthodes pour l’obliger à accepter l’adoption. Et si cela ne suffisait pas, les mormons auraient emmené la mère en Alberta, où elle accoucherait et donnerait le bébé à des parents adoptifs. Mais on continue à la presser de plus belle pour qu’elle fasse adopter le bébé, d’aller en Alberta etc. Elle refuse, et donne naissance à son fils en juillet 2003 et compte bien l’élever.
La femme de LDS est présente et continue de lui mettre la pression, la faisant culpabiliser tout en l’aidant aussi à s’organiser. Elle finit par garder son fils.
Quand celui ci a deux ans, la copine du frère de cette jeune mère tombe enceinte à 18 ans, et ne veut pas garder l’enfant ni avec elle ni chez ses parents, trop déstructurés. Le frère propose de s’occuper de l’enfant mais la copine et sa famille (mormons) refusent. Le LDS a alors commencé sa propagande avec le jeune homme de 18 ans, mais il refuse de signer les papiers.
Finalement, la copine trouve une famille d’adoption. Elle ment sur le jour de la naissance, et le frère n’aurait jamais su que sa fille était née si un ami n’avait pas lâché le morceau. Quand il arrive à l’hôpital, la jeune mère a déjà quitté les lieux.
La sœur propose d’héberger et d’aider son frère. Mais, juste après l’accouchement, la copine est allée en Alberta et à Lethbridge City, où il y avait des juges sympathiques qui étaient ravis d’aider l’église mormone. Le frère a donc perdu la procédure. En partie parce que les mormons l’ont présenté comme un assassin, alcoolique, drogué, instable car il avait grandi dans un foyer d’accueil, et incapable d’élever un enfant. Bien sûr, aucune de ces allégations n’a été prouvée, mais cela n’a pas arrêté les juges. Le frère a également perdu en appel.
Le jeune homme tente alors de faire parler de son affaire, et envoie des mails à tous ses contacts. On lui répond vite de tous les Etats Unis et du Canada : des parents, mormons ou pas, qui ont perdu leurs enfants. Le plus souvent, l’église Mormone a juste enlevé les enfants dans une autre province, un autre Etat, ou bien l’église a lancé des procès (elle a beaucoup d’argent pour payer les avocats…), ou encore on a manipulé les mères…
Apparemment, les histoires d’adoptions abusives chez les mormons sont légion cela depuis des années, et ailleurs aussi. Par exemple, une jeune mère mormone a fait croire au père qu’elle avait perdu l’enfant pour le faire adopter (contre rémunération), toujours avec l’aide de LDS Family Services.
Qu’arrive-t-il à ces enfants placés dans des familles qui n’ont que l’argent comme moteur ? Eh bien il se trouve que beaucoup sont mis à la porte à 18 ans, quand ils ne rapportent plus rien à leurs « parents adoptifs »[14]. Pas besoin de chercher beaucoup sur le net pour trouver des histoires comme celle de Lamar, adopté à 5 ans, en 1997. Ses parents étaient des toxicomanes, si bien que toute la fratrie a été placée quand il avait 4 ans, à l’« Illinois child welfare system », pendant 15 mois avant d’être adopté. Puis, ce fut la fin des droits parentaux, et Lamar a été envoyé en famille d’accueil pendant que ses quatre frères et sœurs étaient placés ailleurs.
Lamar s’est retrouvé chez une femme qui avait huit autres enfants, dont six étaient adoptés. En 2008, Lamar, est allé vivre quelque temps chez un ami car la maison de sa mère était devenue trop petite pour tout le monde. Il revoyait régulièrement cette femme, jusqu’à ce jour de janvier 2009 où il vient à la maison et la trouve vide. Elle était partie à Atlanta, un mois avant qu’il n’ait ses 18 ans[15]. Lamar explique qu’il n’a jamais ressenti « autant de douleur auparavant ».
Lamar rentre dans la catégorie des «adoptions ratées », un groupe en augmentation constante, d’après le New York Times, et qui a tendance à remplir les abris pour les jeunes SDF après la « disparition » inopinée de leurs familles adoptives « aussi rapidement que le gouvernement les a envoyés chez eux », précise le quotidien. Apparemment, même les services chargés de ces homes pour jeunes sont « consternés par l’augmentation des cas de personnes sans abri résultant de jeunes qui ont été adoptés et ayant atteint les 18 ans, l’âge la fin des subsides à l’adoption dans l’Illinois[16] ». Il semble que ces jeunes adoptés en 1997, et qui sont aujourd’hui majeurs, se retrouvent en nombre dans les rues, un phénomène qu’on ne connaissait pas avant, du moins avec une telle ampleur.
Et maintenant voici le chiffre qui fait peur : d’après les rares études sur le sujet, 90% des adoptions s’achèveraient au 18eanniversaire des enfants, du moins dans l’Illinois. Un chiffre exceptionnel, le taux d’adoptions ratées concernant des
enfants américains étant autour de 20% même si, étrangement, il n’existe pas de statistiques à ce sujet au niveau national. Un enfant adopté sur cinq serait concerné, ce qui est énorme.
On a aussi ces sombres histoires de pédophiles célibataires qui adoptent parfois plusieurs enfants, pour les violer pendant des années. Quand ils sont découverts, comme ce fut le cas pour Gary Patrick Mccoy, qui avait adopté sept enfants et qui avait même reçu le ‘Foster Parent of the year’, le prix du parent d’accueil de l’année.
D’un autre côté, on a ces histoires de parents biologiques[17] qui enlèvent leurs enfants des foyers, ne serait-ce que pour passer une semaine avec eux. C’est ce qu’a fait un couple de New Yorkais[18], qui ont embarqué leurs huit enfants lors d’une rencontre au foyer où ils étaient placés. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient peur que leurs enfants ne soient adoptés. Pour cela, ils ont été condamnés à quelques semaines de prison ferme, pendant que les enfants retournaient dans leurs familles d’accueil. Comprenne qui pourra.
Enfin, 60% des détenus en Californie et 69% de ceux du Massachussetts sont passés par les ‘foster care’, les foyers.
------------------------
On va s’arrêter là. Ce tableau fait évidemment abstraction de toutes les familles dans lesquelles l’adoption s’est bien passée, jusqu’au bout. Mais elles sont rares, semble-t-il. La question est : voulons-nous ce système chez nous ? Parce qu’il ne faut pas se leurrer, chez nous aussi le placement des enfants est un business. L’adoption aussi, mais chez nous les parents paient encore. Les dérives ne sont donc pas les mêmes, et sont probablement moindres ici. Le risque, en tout cas, est qu’au nom des « économies » à réaliser, on ne favorise le départ des enfants de ces foyers publics dans lesquels ils sont placés. Et que toutes les compromissions deviennent monnaie courante.
[1] Ce décès est intervenu en même temps que celui de son mari. On a dit que celui-ci avait préparé le meurtre de sa femme et son suicide, le tout par arme à feu. Nancy Schaeffer aurait été tuée par derrière durant son sommeil. Bien que les autorités n’aient aucun doute sur la cause de ces décès, certains se posent encore des questions au sujet de ce meurtre
[2] Cette loi avait notamment pour but de « faciliter l’élimination des barrières, incluant les barrières géographiques, à l’adoption et procurer un environnement domestique permanent et aimant pour les enfants qui bénéficieront de l’adoption ». En 1974 déjà, il était question de trouver des chemins plus expéditifs pour « libérer les enfants pour l’adoption ».
[3] Cela, parce qu’on trouvait que les enfants restaient trop longtemps dans les foyers. Donc si un enfant a passé 15 des 22 derniers mois en foyer, il est adoptable et hop, les services sociaux n’ont plus à s’en occuper.
[4] D’ailleurs, certains Etats comme le Wisconsin, la Floride ou la Louisiane disent que 100% de leurs adoptions publiques concernaient des enfants ayant des « besoins spéciaux ».
[5] En 2003, Bush a encore augmenté le plafond, de 4.000$, pour les enfants adopté à 9 ans ou plus.
[6] Cf.p. 12 du rapport, la « prévention spécialisée » qui consiste à envoyer des éducateurs dans les rues, coûtait 250 millions d’euros en 2007 (soit 30% d’augmentation entre 2002 et 2007, toutefois la Cour des comptes précise que ces dépenses « ne représentent que 4 % de la dépense totale, ce qui infirme le caractère prioritaire souvent attribué à la prévention »), les allocations « versées au titre de la protection de l’enfance » coûtaient 291 millions, les « mesures éducatives » coûtaient 382 millions. Là aussi, cherchez l’erreur.
[7] Des dépenses somptuaires pour des bals revenaient extrêmement cher, de même que les salaires versés complaisamment par la direction. La femme de l’ex ministre de la Justice Perben en est la présidente, et ce machin a été créé par la femme de Giscard.
[8] Le RMI et les charges liées aux personnes âgées occupent désormais les deux premiers postes de dépenses, car l’Etat a transféré ces dépenses au niveau local.
[10] Cf. la cour des comptes, « la PJJ assure l’exécution d’une partie des mesures de milieu ouvert et de placement, prononcées par les juges. Ceux-ci peuvent en effet en confier l’exécution à la PJJ et le coût de la mesure reste alors à la charge de l’État ».
[11] Protection Judiciaire de la Jeunesse.
[12] On notera qu’à ce niveau, les statistiques disponibles sont particulièrement hypocrites, puisqu’elles ne tiennent pas compte des sommes versées aux familles d’adoption, qui sont pharamineuses au niveau national puisque chacune touche au moins 350$ par mois, à quoi il faut encore ajouter des exonérations fiscales à hauteur de 10.000$.
[13] Pour aider 1.318 familles. Finalement, 35 enfants sont retournés dans les services sociaux. Mais il faut aussi se demander si on n’a pas tout fait, justement, pour que les enfants n’y retournent pas.
[14] D’ailleurs, depuis 1990 les assureurs US ont intégré une « assurance d’annulation d’adoption » si les parents adoptifs ou l’un d’eux décide de renoncer à ses droits parentaux, c'est-à-dire de virer le gamin. L’assurance paie les frais administratifs et de Justice.
[15] En effet, les subsides cessent à 18 ans bien que la majorité soit souvent fixée à 21 ans, c’est le cas dans l’Illinois.
[16] Lamar vit dans l’Illinois, où 51.331 enfants étaient dans les foyers de l’Etat en 1997.
[17] D’ailleurs, aux Etats Unis on ne parle pas de parents biologiques mais de « birth mother », mère de naissance, comme pour la réduire à l’état de mère porteuse…
[18] Accessoirement, les deux travaillent : lui dans la construction, elle comme esthéticienne. Ils ont été arrêtés sept jours après avoir pris leurs enfants, âgés de 11 mois à 11 ans. Ils ont été accusés de kidnapping, ce pour quoi ils ont plaidé coupables. Le couple a été condamné à 60 jours de prison et trois ans de probation. Les services sociaux ont dit qu’ils étaient de mauvais parents, alors qu’ils ramenaient des cadeaux à leurs enfants lors de chaque visite, et ils étaient dépités de savoir que plusieurs de leurs fils étaient traités pour des problèmes d’hyperactivité ou déficit d’attention. Ils ont également eu très peur quand certains de leurs enfants leur ont dit avoir faim tout le temps, et qu’ils en ont vu avec la lèvre fendue ou des contusions. Et puis, le couple a appris que les services sociaux avaient pour but de faire adopter leurs enfants. Quand ils ont fait monter les enfants dans la voiture, e père a dit que « C'était comme un soulagement, nous n’avons juste plus eu aucune douleur ». Ils sont partis pour la Caroline du sud, où le père était prêt à cultiver des terres familiales. Pour les enfants, ce furent sept jours de « rêve ». Pour eux, ce qu’ils ont fait était bien, tout simplement parce que leurs enfants le leur ont dit. Quand la police les a arrêtés, pointant des armes sur les parents, ceux-ci s’apprêtaient à organiser les trajets scolaires de leurs enfants.