Expertises psy dans les affaires de pédocriminalité : pourquoi un tel mépris de la parole des enfants ?
J'ai récemment entendu parler d'une expertise douteuse comme nous en connaissons beaucoup dans les affaires de pédocriminalité: non seulement le psychologue qui se dit expert n’est pas sur la liste des experts de la cour d’appel au Pau, mais le document qui a été remis est aussi manifestement de parti pris. Cela interroge sur l’objectif réel poursuivi par ces expertises: faire taire les enfants et les parents protecteurs ou apporter aux juges des éléments neutres de compréhension des dossiers?
Cette affaire aurait pu se dérouler à peu près partout en France où on constate les mêmes dérives, mais il faut relever qu’à Bayonne et dans la région, les expertises “à charge” contre les parents protecteurs ne sont pas rares. Dans l’affaire “Vincent” qui remonte au milieu des années 2000, l’expert G. est déjà apparu à deux reprises, d’abord pour confirmer que l’enfant éloigné de son père allait mieux, puis trois ans plus tard en 2007 pour dire que sa mère disait n’importe quoi et l’enfant avec, et qu’il allait très bien. Le site Politique de Vie relate cet épisode pièces à l’appui.
D'étranges expertises du côté de Bayonne
Pourtant lors de la première expertise, l’expert G. avait conclu que l’enfant de 5 ans et demi avait probablement subi des traumatismes sexuels. Mais quand il a revu son père 3 ans plus tard, qu’un médecin a constaté des traces et qu’un psychologue a fait signalement, là tout a changé: l’enfant allait très bien, plus rien à signaler, comme le raconte le site de Jean-Claude Ponson. La suite de l’affaire a consisté à imposer à l’enfant de revoir son père malgré les viols qui continuaient selon lui.
A cette époque, dans le même secteur, un autre expert, Claude A. bien connu dans nos dossiers, est intervenu dans une autre affaire de pédocriminalité en réseau pour nier la parole de l’enfant. Cet expert est même capable de réaliser une expertise psychologique post-mortem, “expertise” d’un homme de 33 ans mort dans un commissariat avec la rate éclatée probablement suite à des violences. Cette "expertise" a été fort critiquée par la justice qui l’a qualfiée d’atteinte à la vie privée.
Claude A. avait aussi rendu une expertise particluièrement à charge contre Dany Leprince, condamné pour avoir tué son frère, ses nièces et sa belle-soeur. Aujourd'hui libre, il espère un procès en révision car la plupart des éléments à charge ne tiennent pas la route. Claude A. l’avait décrit comme le parfait meurtrier, doté d’“une personnalité structurée sur un mode prépsychotique, avec des mécanismes de défense rigides, de type psychotique, tels que le déni, le déplacement et la projection”. Leprince avait avoué avant de se retracter mais pour Claude A. “Le fait qu'il ne reconnaisse plus être l'auteur des actes en question, pourrait bien fonctionner comme un déni de la réalité, celle-ci apparaissant alors trop insupportable à sa conscience”.
Ce faux expert G revient régulièrement dans d'autres affaires de violences sexuelles incestueuses pour nier la parole de l'enfant. Dans les années 2000 il était peut-être inscrit sur la liste des experts, mais ce n'est plus le cas. Le comportement de ce psychologue est surprenant et allait à l’encontre des recommandations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) dont les avis n’ont hélas rien d’obligatoire:
“Assurer la réalisation des expertises psychologiques et pédopsychiatriques par des praticiens formés et spécialisés”.
La Ciivise créée par la micronie en 2021 après la suppression du Conseil de protection de l’enfance dont les avis ne plaisaient pas à ce gouvernement qui penche tellement du côté du lobby pédocriminel, et après que Guigou ait dû jeter l’éponge de sa commission inceste en raison de sa proximité avec Olivier Duhamel, explique que “Ces expertises ont une très grande influence sur les décisions judiciaires (établissement des faits, mesures de protection, droits de visite et d’hébergement dans les cas d’inceste)”. Elle relève aussi un manque d’experts, que ces expertises sont trop souvent confiées à des gens qui ne sont pas spécialisés “dans la clinique des enfants et des violences, notamment sexuelles”, et que l’obscur concept d’”aliénation parentale” est encore utilisé.
Le problème des expertises à l’emporte-pièce
Pour examiner les enfants d’Outreau, les experts tant décriés par les avocats des accusés ont vu plusieurs fois les enfants. Quand Paul benussan, expert notamment à la cour de la cassation et à la cour européenne de justice, est venu à la demande des avocats des accusés défendre ces adultes accusés par les enfants de viols en réunion, d’actes de torture et d’exploitation sexuelle, dire que les enfants mentaient, il n’en a pas vu un seul. Car il faut savoir que, comme Richard Gardner l’inventeur du concept d’aliénation parentale, Paul Bensussan gagne aussi sa vie en intervenant à la demande des accusés et de leurs avocats lors des procès, comme il l’a fait à Outreau : mais pour la justice cela n’est pas une preuve de partialité, puisqu’il est toujours appelé pour des “expertises”.
Il a d’ailleurs essuyé récemment des plaintes de quatre associations1 ainsi que d’une maman qui ne voit plus ses enfants après avoir déposé plainte, pour avoir rendu des “expertises”, cette fois à la demande de juges, en voyant les enfants une seule fois quelques minutes, ou même sans les voir, et pour manquements à la déontologie.
Pas besoin: Bensussan calque ses théories, principalement celles des faux souvenirs et de l’aliénation parentale dont nous avons déjà vu qu’elles ont été inventées par des défenseurs patentés des pédocriminels banalisant la pédocriminalitré, et qu’elles n’ont aucun fondement scientifique.
Pour avoir une idée du type d’expertise rendu par Paul Bensussan, il y a cette page Facebook sur laquelle une maman présente son parcours judiciaire depuis une dizaine d’années: elle a été séparée de sa fille après porté plainte pour des violences sexuelles et maltraitances. Dans cette affaire aussi, les expertises ont servi à nier la parole de l’enfant et à décrédibiliser sa mère.
Bensussan est encore intervenu dans l’affaire de cette adolescente violée par plusieurs pompiers pendant plusieurs mois alors qu’elle n’avait que 13 et 14 ans et se trouvait dans une situation de grand evulnérabilité physique et psychologique, et encore une fois il a décrédibilisé la victime. Une affaire dans laquelle le mépris de la justice a été impressionnant puisque personne ne sera jugé, ni pour viol ni pour corruption de mineur ou même “atteinte sexuelle” comme si l’adolescente avait été consentante! Cette affaire dont nous avions parlé en 2018 est encore une honte mais tellement digne de la réputation de Pédoland qui colle à ce pays.
Les associations soulignaient dans leur plainte contre Paul Bensussan “l’absence de neutralité et d’indépendance attendues d’un expert judiciaire et d’un médecin” et dénonçaient le fait que ses expertises concluent “invariablement que les dénonciations de l’enfant sont peu fiables et voit dans tous les dossiers qui lui sont soumis des manifestations du syndrome d’aliénation parentale (SAP) ou des influences ou manipulations maternelles”.
Et d'ajouter : “De même, les actions militantes du Dr Bensussan afin que le syndrome d’aliénation parentale soit intégré au DSM V [manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ndlr] remettent en cause son indépendance et son impartialité dans les expertises dont il a la charge “.
Trop souvent nous avons l’impression, en lisant ces documents qualifiés d’ “expertises”, qu’elles ont comme seul objectif de dédouaner l’accusé, de le présenter sous son meilleur jour. Est-ce par idéologie? Parce que la culture judiciaire est encore patriarcale? Par ignorance de l’ampleur de la pédocriminalité dans ce pays où d’après les derniers chiffres disponibles, ceux de 2020, seuls 353 individus ont été condamnés pour viol sur mineur – des chiffres à peine plus bas que d’habitude ? Est-ce par copinage fraternel ?
Le phénomène est en tout cas trop systématique pour ne pas révéler un processus sous-jacent.
Dans un autre genre, à Saint-Jean-de-Luz (3 km de Bayonne), tout récemment, un “expert” mandaté par la justice a considéré que l’adolescent, premier de classe qui ne débordait jamais, mais qui venait de poignarder sa professeure d’espagnol en plein cours, était apte à une sanction pénale. Cela bien qu’il était sous antidépresseurs suite à une tentative de suicide et avait déclaré entendre une voix qui lui disait de tuer.
Ce jeune de 17 ans a failli atterrir en détention provisoire (une seconde expertise l'a envoyé en soins psychiatriques). “L’avocat de l’accusé, Me Sagardoytho, ne comprend pas cette décision. Cette expertise “fait totalement l’impasse sur la tentative de suicide”de l’adolescent en octobre 2022, évoquée par le procureur, “et les prescriptions médicales dont il était l’objet” indique t’il. “Ce n’est pas une expertise digne de ce nom, c’est un avis”, a ajouté l’avocat” relatait le média Actu Pays Basque.
Dénoncer une expertise psychologique ou psychiatrique au pénal Il est possible de refuser une expertise psychologique si on soupçonne que l’expert, de par ses positions antérieures, sera partial. Il est aussi possible de dénoncer une expertise pour manque d’impartialité (par exemple s’il y a absence de contradictoire, ce qui est courant dans ces affaires où la parole de l’accusé est souvent prise pour argent comptant par l’ “expert” qui ne présente même pas cette version au parent protecteur) ou de porter plainte pour faux en écriture publique (art 441-4 code de procédure pénale). Il est aussi possible de saisir le conseil de l’ordre pour manquement à la déontologie. Il est possible de demander une contre-expertise dans les 15 jours après avoir reçu les conclusions, mais pour les expertises psychiatriques seul l’avocat a la totalité du document (art 167 code de procédure pénale) bien qu’en vertu du principe de contradictoire ce soit illégal. Si vous n'obtenez pas satisfaction de la part du juge d'instruction suite à votre demande de contre-expertise, vous pouvez saisir la chambre de l'instruction via un avocat. Cependant, ces procédures ont rarement du succès. En cas de mauvaise expertise, il est possible d’en faire réaliser une autre à ses frais et de la verser au dossier, mais en général les juges refusent d’en tenir compte. Elle existe cependant et en cassation peut avoir un poids.
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Sur la région Bayonne – Pau
On m’a déjà parlé il y a quelques années d’un réseau pédocriminel actif à Pau et dans les alentours dans les années 90 – 2000, et il n’y a aucune raison que ce réseau ait cessé même si certains protagonistes sont morts.
Ce réseau comprenait apparemment des établissements de santé, des professionnels de santé, des politiques, des francs-maçons, qui s’organisaient pour s’arranger, par exemple en “plaçant” des enfants dans des foyers, des établissements de soins où travaillent des pédocriminels amis. J'espère y revenir plus en détails.
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Ce qu'il se passe à Bayonne et Pau n'est pas une exception mais il y a là une sorte de microcosme étrange qui ne sert pas du tout la parole des enfants. Ces expertises servent-elles à enterrer les affaires de pédocriminalité ? Doit-on soupçonner des copinages en loges?
En 2023, pourquoi donc la justice continue-elle à demander des expertises psychiatriques ou psychologiques faites n'importe comment, par des individus qui n'ont pas les qualifications? Imaginerait-on cela dans le cadre d'expertises en matière d'aviation par exemple? Et surtout, pourquoi ces documents, même totalement partiaux et de partis pris manifeste sont-ils pris en compte par les juges?
Nous reviendrons probablement sur le tribunal de Bayonne prochainement.
1 En 2022, quatre associations (CDP-Enfance, Innocence en danger, CFCV et Reppea) ont saisi le Conseil national de l’ordre des médecins et le parquet général de Versailles pour des expertises rendues aussi bien à la demande de la justice qu’à la demande des accusés.